Occupation militaire étrangère d'Haïti pour une « transition démocratique »
Échec des États-Unis à obtenir la bénédiction de l'ONU pour une opération de maintien de la paix
Le 30 septembre dernier, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté à l'unanimité la résolution 2751 (2024) pour proroger le déploiement de la mission multinationale d'appui à la sécurité (MMAS) en Haïti, dirigée par le Kenya, pour une nouvelle période de 12 mois, soit jusqu'au 2 octobre 2025. Les États-Unis cherchent à transformer la mission en une opération de maintien de la paix de l'ONU, soit une force d'occupation complète sous les auspices de l'ONU, pour renforcer ses capacités et obtenir un financement plus stable, et aussi pour écraser la lutte du peuple haïtien pour sa souveraineté. Ils n'ont pas encore réussi.
Pour ce faire, le 5 septembre dernier, le secrétaire d'État américain Anthony Blinken s'est rendu en Haïti pour demander la formation d'un conseil électoral, l'organisation d'un référendum sur une nouvelle constitution et l'organisation d'élections nationales. Il est arrivé à Port-au-Prince deux mois après l'envoi des policiers kenyans en Haïti. Il a annoncé que son administration sortante donnerait 45 millions de dollars d'aide d'asservissement dite humanitaire à Haïti et a passé ses ordres au Conseil présidentiel de transition (CPT) et au premier ministre intérimaire Garry Conille.
C'est une caravane de véhicules blindés qui a transporté Blinken aux réunions, qui se sont tenues à l'ambassade américaine fortifiée et à la résidence de l'ambassadeur des États-Unis.
Au nom de la sécurité, de la stabilité et du respect des droits humains, sous domination étrangère, Blinken a vanté les efforts de l'administration Biden pour que soit renouvelée la Loi HOPE/HELP –HOPE (Haitian Hemispheric Opportunity through Partnership Encouragement) / HELP (Haitian Economic Lift Program). Cette loi qui expire en 2025 accorde un traitement préférentiel aux importations de vêtements, produits textiles et certains autres articles provenant d'Haïti exempts des droits de douane. Elle permet l'accès au marché américain, hors taxes, à environ 1500 produits (totalisant 5000 articles exempts de taxes admissibles aux termes du Système généralisé de préférences (SGP). Elle représente une mesure pour l'exploitation accrue à bon marché de ce secteur et des ateliers de misère haïtiens, les compagnies étant invitées à profiter de cette loi pour se lancer dans les affaires en Haïti.
Le porte-parole du département d'État Matthew Miller a dit : « En Haïti, le secrétaire d'État va rencontrer le coordinateur du Conseil de transition présidentielle, Edgar Leblanc fils, et le premier ministre, Garry Conille, pour discuter des étapes à venir dans la transition démocratique d'Haïti et du soutien américain à travers l'aide humanitaire et les efforts de stabilisation dirigés par les Haïtiens. Il rencontrera aussi la direction de la mission multinationale de soutien, en mettant de l'avant le soutien américain pour rétablir la sécurité en Haïti et en soulignant aussi l'importance de promouvoir le respect des droits humains. » Le laïus habituel qui ne trompe personne.
Le gouvernement des États-Unis affirme qu'il ne fournit pas de troupes à cette force, mais il en est le principal contributeur financier et en équipements. Des forces du Kenya sont sur place et le 12 septembre, policiers et militaires de la Jamaïque et du Bélize sont arrivés. La Mission multinationale d'appui à la sécurité (MMAS) est « désormais une mission entièrement multinationale », a déclaré le commandant kényan Godfrey Otunge, le 12 septembre à leur arrivée, lors de la cérémonie de bienvenue à l'aéroport de Port-au-Prince. Quelques semaines plus tôt, des fonctionnaires taïwanais remettaient à Garry Conille et Rameau Normil, directeur de la Police nationale d'Haïti, 400 gilets pare-balles, frappés du drapeau taïwanais. Il semble que d'autres troupes de pays africains et des Caraïbes afrodescendantes sont sur la ligne de départ. Tout cela est utilisé comme tentative de justification pour que la MMAS soit transformée en mission de paix de l'ONU. Le fait demeure que c'est une occupation militaire par procuration des États-Unis/Core Group pour maintenir leur domination en Haïti et dans la région, et ce, depuis plus de 20 ans, depuis le coup d'État contre Jean-Bertrand Aristide.
Pendant ce temps, le gouvernement Trudeau a poursuivi son rôle de conciliateur en appui aux visées des États-Unis. C'est lui qui a oeuvré à la mise sur pied du dysfonctionnel Conseil présidentiel de transition (CPT) par ses interventions auprès du CARICOM. Un accord politique a été signé le 7 avril pour permettre l'entrée en fonction du CPT comme mécanisme de transition de 22 mois jusqu'au 7 février 2026. Le CPT est constitué de sept présidents en transition qui jouent à la chaise musicale aux 3 à 5 mois. Le 7 octobre, Leslie Voltaire, du Parti Lavalas, est devenu le nouveau président du CPT lors d'une cérémonie de « passation de pouvoir » du président sortant, Edgar Leblanc Fils.
Plus encore, le 24 septembre dernier, Justin Trudeau a réuni des dirigeants mondiaux, lors d'un panel, dans le but d'appeler la communauté internationale à agir en faveur d'Haïti. Ce panel a eu lieu dans le cadre de l'Assemblée générale des Nations unies. Étaient présents le Groupe consultatif ad hoc sur Haïti du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC), les chefs d'État et de gouvernement de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) et la secrétaire générale adjointe des Nations unies, Amina J Mohammed. « Nous devons veiller à ce que tout le monde, en particulier la prochaine génération d'Haïtiens, se voie offrir un avenir meilleur et plus brillant », a dit le premier ministre du Canada. L'ambassadeur du Canada auprès des Nations unies, Bob Rae, préside ce groupe consultatif ad hoc.
Manifestation sur la colline du Parlement à Ottawa le 29
février
2024
Ces récentes activités et manoeuvres sont condamnées et dénoncées fermement par le peuple haïtien qui lutte pour mettre fin à toute ingérence, domination, corruption et diktat des États-Unis avec la participation active de la France et du Canada. Le peuple haïtien exprime clairement son opposition à toute intervention et ingérence étrangère, qu'il refuse tout ce qui est ONG, MINUSTA, BINUH et ONU qui n'ont apporté que chaos, misère, tueries, choléra et tant d'autres crimes au peuple haïtien. Il sait très bien que l'instabilité et l'insécurité totale auxquelles il est confronté à tous les jours a comme source l'occupation, l'ingérence et le diktat étrangers, dont les « gangs » les plus puissantes du pays sont des filiales des États-Unis eux-mêmes : le Bureau intégré des Nations unies (BINUH) et le Core Group, les deux entités coloniales qui mènent le pays depuis le coup d'État de 2004.
Du fait de sa riche histoire, le peuple haïtien n'acceptera jamais la soumission et la servitude à une quelconque puissance étrangère. Les traditions révolutionnaires du peuple haïtien remontent à 1791, lorsque le peuple asservi de la colonie française de Saint-Domingue s'est soulevé dans une résistance organisée pour renverser l'esclavage et le pouvoir colonial.
Soutenons le peuple haïtien dans l'affirmation de ses droits et de sa souveraineté et exigeons du Canada qu'il cesse son ingérence en Haïti et qu'il verse des réparations pour son rôle criminel dans le coup d'État de 2004 et tous ses autres méfaits contre le peuple.
États-Unis, Canada, France, Core Group, hors d'Haïti !
Cet article est paru dans
Volume 54 Numéro 43 - 15 octobre 2024
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