L'influence étrangère du Canada dans les élections britanniques est considérée comme une bonne chose

– Hilary LeBlanc –

Les informations selon lesquelles l'économiste et banquier canadien Mark Carney a joué un rôle dans la préparation de l'élection du Parti travailliste en Grande-Bretagne donnent un autre exemple du type d'ingérence étrangère que les cercles dirigeants apprécient beaucoup. M. Carney a été gouverneur de la Banque du Canada de 2008 à 2013 et gouverneur de la Banque d'Angleterre de 2013 à 2020. Il est aujourd'hui président et responsable des investissements à impact chez Brookfield Asset Management depuis 2020, et a été nommé président de Bloomberg Inc, société mère de Bloomberg L.P., en 2023.

Le journaliste politique et auteur canadien Paul Wells indique que M. Carney a soutenu la candidature de Rachel Reeves, qui a également travaillé pour la Banque d'Angleterre, dans un message vidéo adressé à la conférence annuelle du Parti travailliste à l'automne dernier et qu'il a oeuvré pour qu'elle présente le parti comme « un gouvernement qui respecte les entreprises, qui veut s'associer aux entreprises et qui est ouvert aux entreprises ». « Dans un monde incertain, la Grande-Bretagne est un pays où il fait bon faire des affaires », a-t-il dit. Depuis l'élection générale qui a porté le Parti travailliste au pouvoir, Mme Reeves a été nommée ministre des Finances.

Rachel Reeves a annoncé la création d'« un nouveau Fonds national de richesse, chargé d'investir – et donc de catalyser les investissements du secteur privé – dans des secteurs nouveaux et en pleine croissance », écrit Paul Wells. Il ajoute que M. Carney dirige un groupe de travail sur la création du « Fonds national de richesse ».

Il s'agit d'une nouvelle édition du projet libertaire lancé au Canada pour détourner l'attention des Canadiens de l'état lamentable de l'économie parce que les gouvernements empruntent auprès de banques privées avec toujours plus d'empressement et détournent tous les fonds qui devraient être consacrés aux programmes sociaux pour payer les intérêts de la dette. Ils font de nouveaux emprunts et des paiements d'intérêts toujours plus élevés tout en volant les caisses de retraite et d'autres fonds publics pour payer les riches au nom de l'écologisation de l'économie et du financement d'intérêts privés pour construire des projets d'infrastructure, entre autres. Le plan promu par Mark Carney parle d'investissements publics-privés et d'une offensive plus ouverte contre les syndicats, accusés de nuire à l'économie en raison du « coût élevé de la main-d'oeuvre et des règles sur le lieu de travail ». Ce n'est pas une coïncidence si le Globe and Mail a rapporté le 11 juillet qu'il existe des tensions entre le premier ministre Justin Trudeau et la vice-première ministre Chrystia Freeland, que les hauts fonctionnaires du bureau du premier ministre ne pensent pas que Freeland ait été « efficace pour délivrer un message économique optimiste » et qu'une « source gouvernementale » ait déclaré qu'il y avait eu des discussions internes sur le recrutement de Mark Carney en tant que ministre des Finances. Selon le Globe, le bureau de M. Trudeau a répondu qu'il avait pleinement confiance en Mme Freeland et le bureau de cette dernière n'a pas fait de commentaire. Le Globe ajoute que M. Carney a critiqué le récent budget Freeland, estimant qu'il ne mettait pas suffisamment l'accent sur la stimulation de la croissance économique.

En d'autres termes, la cabale Trudeau s'efforce de se rétablir de sa déchéance dans les sondages en se distançant du budget de Mme Freeland. Le nouveau mantra n'est pas sans rappeler celui du leader de l'opposition conservatrice, Pierre Poilievre, selon qui les impôts élevés et les réglementations bureaucratiques (paperasserie) du gouvernement nuisent aux entreprises établies et empêchent les nouvelles entreprises et les nouveaux investissements de se développer. Ils affirment qu'ils nuisent même aux pauvres et à ceux qui dépendent des programmes sociaux en raison du manque de fonds publics disponibles qui s'envolent par la fenêtre pour payer la dette causée par les dépenses excessives et l'ingérence du gouvernement, ainsi que par la stagnation de l'économie.

Pour renforcer leur argument de désespoir, ils font étalage du fait que la totalité des recettes annuelles de la TPS sert à payer les intérêts annuels de la dette. « C'est ridicule ! », s'écrient-ils !

Mais que faire ? Ils ne peuvent pas demander un moratoire sur le service de la dette, car cela irait à l'encontre du service qu'ils rendent aux riches et surtout que la propriété privée est considérée comme sacrée par les impérialistes mondiaux. Mais pour montrer qu'ils réfléchissent au problème de la dette et qu'ils se creusent les méninges pour savoir quoi faire, ils suggèrent de ne plus emprunter, même si la façon d'y parvenir reste vague : « La croissance de l'économie signifie plus d'impôts, donc plus de recettes pour l'État. »

Ils décrivent les problèmes de manière à embellir leurs plans, qui sont essentiellement une répétition de la même ligne pour payer les riches qui vise à atténuer les risques de l'investissement, en particulier dans l'économie verte, et à attaquer la classe ouvrière afin de faire croître l'économie. En fin de compte, l'économie plus grande et plus productive qui est censée se matérialiser parce qu'ils le souhaitent fournira suffisamment d'argent provenant des impôts pour financer les programmes sociaux.

Ils dénoncent un nivellement de la productivité. Pour eux, l'augmentation de la productivité ne signifie pas que les travailleurs disposent de plus de temps pour humaniser l'enivronnement naturel et social, qui comprend s'engager dans tous les aspects de la vie, y compris la politique, et pour élever le niveau social et culturel de la société. Non, pour l'élite dirigeante, l'augmentation de la productivité est un moyen de se débarrasser des travailleurs et du très redoutable « coût du travail », ainsi que des perturbations constantes de leurs activités par une lutte des classes organisée.

Le problème qu'ils cherchent à occulter est celui de savoir qui contrôle l'économie, le produit social et, en fin de compte, la politique. Ils ne peuvent se résoudre à dire la vérité (et encore moins à agir), à savoir que les intérêts impérialistes néolibéraux mondiaux dominent et que leur mission dans la vie consiste à écorcher le proverbial boeuf économique encore et encore et à assurer leur mainmise sur le corps politique et ses institutions de gouvernance de manière à renforcer leurs intérêts privés étroits et à ne pas leur nuire.

Néanmoins, leurs plans ne font qu'exacerber la crise. La concentration de la richesse sociale entre les mains d'une minorité toujours plus petite pose un problème aux dirigeants. En effet, ceux-ci se retrouvent avec moins d'alliés qui ont un intérêt à maintenir le système, en particulier les propriétaires de petites et moyennes entreprises. Il s'agit d'une couche qui a tendance à ne plus croire que ses intérêts ne seront pas sacrifiés par les dirigeants actuels mais qui, dans des conditions du repli de la révolution, n'a pas encore exprimé sa confiance dans la classe ouvrière. Les champions du néolibéralisme ont besoin de cette couche, sinon ils deviendront encore plus isolés, car de plus en plus de travailleurs revendiquent et s'organisent autour d'un nouvel objectif et d'une nouvelle direction pour l'économie et le pays, au service du peuple et non des riches.

Avec la réduction des programmes sociaux, les personnes vulnérables et dépossédées, ainsi que de plus larges sections de la classe ouvrière confrontées à l'insécurité, deviennent de plus en plus inquiètes et instables en ce qui concerne leurs conditions et recherchent le changement. Il est évident que les intérêts privés étroits qui enrichissent des personnes comme Mark Carney ne feront rien d'autre que de plonger l'économie du Canada, qui est de plus en plus une économie de guerre, dans une nouvelle crise. Il en va de même au Royaume-Uni.


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Volume 54 Numéro 41 - Juillet 2024

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