L'absence de représentation et de représentativité citoyenne dans la Loi électorale

– Parti marxiste-léniniste du Québec, 7 mai 2024 –

Dans notre présentation au Directeur général des élections du Québec (DGEQ), nous avons mentionné que nous nous objections aux propositions concernant ce que le DGEQ appelle la représentativité, qu'il doit y avoir parité hommes-femmes, que si les partis ne se prononcent pas à ce sujet ou ne font pas preuve de bonne foi, alors la porte est ouverte à des pénalités. Nous nous y opposons par principe, car c'est le signe d'une nouvelle intention d'intervention de l'État dans les affaires des partis politiques. L'État n'a pas d'affaire à s'ingérer dans la vie des partis politiques. La commission électorale est chargée d'organiser ce qu'on appelle des élections libres et équitables et non de décider qui peut être membre, qui peut verser des fonds, combien il peut verser, qui les partis peuvent sélectionner comme candidats, etc. L'ingérence de l'État dans les affaires des partis politiques dans un système qui se prétend libéral démocratique sent l'autocratie et doit cesser immédiatement. Dans notre proposition, Élections Québec financerait le processus électoral, et non les partis politiques, ce qui éliminerait tout besoin de contrôle administratif de l'État sur le financement des partis politiques. Les électeurs sauraient parfaitement quels intérêts financent les partis politiques et qui ils servent, quelle que soit la propagande, tandis qu'Élections Québec garantirait le droit des citoyens à un vote éclairé en fournissant à chaque foyer l'information dont il a besoin sur les personnes qui se présentent aux élections.

Tout cela soulève bien sûr la question de la représentation et de la représentativité que le DGEQ ne prend même pas la peine d'aborder, l'ayant réduite à une question de parité hommes-femmes et l'ayant assimilée à la représentativité. Aucun argument n'est présenté pour expliquer le système de la démocratie représentative. Qu'est-ce que c'est ? La division de la carte électorale en un nombre plus ou moins égal de citoyens signifie-t-elle que chaque citoyen est ainsi représenté par celui qui est élu ? Comment cela fonctionne-t-il ? En quoi le fait d'obliger les partis politiques à garantir la parité hommes-femmes améliorera-t-il la représentation des citoyens au gouvernement – c'est-à-dire leur programme, leurs besoins, la redevabilité, etc. Aucun argument n'est donné à cet effet. Faut-il aller faire le décompte de tous les électeurs d'une circonscription pour établir s'il y a parité hommes-femmes ? Faut-il avoir un débat pour savoir si les partis présentent des candidats dans la bonne proportion du genre de l'électorat de chaque circonscription ? Peut-être y a-t-il une majorité de femmes dans toutes les circonscriptions du pays. Devrions-nous alors avoir des candidates dans la majorité des circonscriptions uniquement parce qu'elles sont majoritaires ?

C'est ridicule et ça détourne de l'essentiel, à savoir que nous parlons des membres du corps politique et que cela n'a rien à voir avec les croyances, l'origine, la langue, le sexe, l'âge, etc. Il s'agit du rapport des citoyens avec l'État, pas toutes ces choses qui dissimulent ce que l'on entend par représentation.

La forme de représentation au Québec, comme d'ailleurs au Canada, représente en fait la volonté du souverain qui exerce le pouvoir suprême, et non ce que défend le peuple. Et au Québec, comme au Canada, ce souverain est le roi Charles III d'Angleterre, et non l'Assemblée législative comme on voudrait le faire croire. Il s'agit d'une forme de gouvernement qui a non seulement perpétré un vaste génocide des peuples autochtones dans le passé pour voler leurs terres et en faire des peuples assujettis, mais qui continue de le faire dans le présent. Et, ne l'oublions pas, nous parlons d'une forme de gouvernement imposée au Québec par la répression de son mouvement d'affirmation de forme républicaine. La résistance héroïque et continue à cette tentative d'éliminer les membres du corps politique en tant que peuples voulant s'investir du pouvoir de décider de leurs affaires est la seule chose qui les protège de l'extinction. Cela ne changera pas si nous avons la parité hommes-femmes dans la liste des candidats. Le système de gouvernement n'inclut pas les citoyens dans les prises de décision à moins qu'ils ne coopèrent avec la forme de gouvernance conçue pour les priver de leur pouvoir.

La monarchie britannique s'est enrichie et continue de s'enrichir par l'asservissement brutal et la soumission des peuples. Pourtant, les Québécois et les Canadiens sont appelés à être loyaux envers le roi et le système de gouvernance qui porte son nom parce que l'interprétation officielle de l'histoire dit que tous les crimes commis sont dans le passé et qu'il est absurde de ne pas vouloir laisser le passé dans le passé. Le fait que les crimes soient commis dans le présent sous la forme de la perpétuation de l'ordre constitutionnel qui a permis qu'ils soient commis et qui les glorifie n'est pas à débattre. On laisse entendre que le renouveau démocratique ne doit pas se préoccuper de cela. Ainsi, la conception du monde qui perpétue le pouvoir constitutionnel convertit tout le monde en « sujets loyaux » d'un monarque étranger et toute discussion sur le siège du pouvoir de décision suprême est à proscrire.

Celui qui ne voit pas que cela concerne le système électoral ne peut pas être pris au sérieux. Il n'en reste pas moins que le système électoral est conçu pour que les citoyens votent pour autoriser d'autres personnes à les représenter. Ils donnent leur nom à quelqu'un d'autre sans exercer aucun contrôle sur l'ordre du jour qui oriente cette personne dans ses paroles et ses actes. Cette personne réserve sa fidélité au système de gouvernement et aux décisions prises pour le perpétuer. C'est la raison d'être de l'État. Une fois que le peuple n'a plus son mot à dire sur la façon de faire de ceux qui prennent les décisions et sur le système de partis cartellisés qui a pour fonction de la maintenir, la présentation des faits eux-mêmes n'est ni sérieuse ni utile. C'est le fruit d'un processus de pensée né il y a plus de 400 ans à la suite de la guerre civile en Angleterre. Il incorpore absurdités sur absurdités au fil des générations.

Les dispositions constitutionnelles nous condamnent à rester dans cette pensée. Les présomptions sont assimilées et conservées, depuis que la Confédération a imposé une constitution adoptée par le Parlement impérial en 1867 jusqu'à son rapatriement en bloc en 1982, avec l'ajout d'une Charte des droits et libertés et d'une formule d'amendement. Aucune des dispositions constitutionnelles fondamentales n'est jamais discutée, pas plus que le raisonnement qui sous-tend le système de représentation appelé démocratie représentative. Les cours d'histoire les décrivent mais n'en débattent jamais. Elles n'ont jamais été adoptées par le peuple. Le Québec, que l'on dit être une nation fondatrice du Canada, n'est même pas signataire de la Constitution de 1982.

La pensée victorienne persiste et efface la mémoire du peuple, son expérience réelle est oubliée. Nous sommes censés accepter le tabou qui est imposé sur le sujet, les limites imposées par la conception des droits et des libertés engendrée par une société civile fondée sur les idéaux victoriens du devoir, de l'ordre et de la civilisation.

Le statut actuel du Canada en tant que monarchie constitutionnelle, avec un monarque étranger à la tête de l'État, est une humiliation nationale, une source de honte, mais cela est ignoré par l'acceptation du processus électoral dit représentatif en dépit du fait que le système de représentation n'est pas celui du peuple mais celui du monarque. Si c'est une humiliation nationale pour les Canadiens, c'est encore moins tolérable pour les Québécois, pour qui c'est une humiliation nationale au carré.

Tout cela est apparu au grand jour après la mort d'Élisabeth II et l'accession au pouvoir de Charles III. Certains députés à l'Assemblée nationale ont le mérite d'avoir soulevé que le système de représentation tel qu'il est peut avoir un sens pour le peuple seulement si la loyauté est envers le peuple, envers ceux qui élisent les députés, et non envers un monarque étranger. Cela pose en soi des problèmes qui méritent d'être discutés. Par exemple, si on dit « ceux qui les élisent », on oublie tous ceux qui, dans la même circonscription, n'ont pas voté pour ces députés. Certains n'ont pas voté du tout. Mais par la magie du scrutin uninominal majoritaire à un tour, l'élu est proclamé représentant de tous les électeurs. Si de nombreux députés ont honteusement insisté pour dire que cela n'est que symbolique et sans importance, il s'agit en fait d'un aspect très important. Les règles décrétaient que ceux qui refusaient de prêter serment d'allégeance au monarque étranger, britannique de surcroît, ne pouvaient pas siéger à l'Assemblée nationale. Il y avait là les prémices d'une crise politique jugée indésirable puisque tous ceux qui avaient élu ces députés se retrouvaient ainsi sans représentation, sans parler de la perception qu'un gouvernement se disant nationaliste était prêt à se réconcilier avec la prestation de serment d'allégeance à un monarque étranger. Alors que certains, se présentant comme les représentants populaires des Québécois, étaient disposés, à leur honte éternelle, à négocier un accord à condition de ne pas perdre leur siège à l'Assemblée nationale, le consensus a finalement été de rendre facultatif le serment d'allégeance au roi étranger en échange du serment de loyauté au peuple. Toute la question de savoir qui la démocratie représentative représente et le rôle des élections dans le maintien de ce statu quo est balayée sous le tapis.

Aujourd'hui, la boucle est bouclée et le DGEQ s'inquiète, à juste titre selon nous, de voir que les Québécoises et Québécois sont de plus en plus mécontents du système de représentation. Mais au lieu d'aller au coeur du problème et de différencier ce qui est pertinent de ce qui ne l'est pas, il part à la chasse des politiques identitaires qui divisent et détournent l'attention du fait que lorsqu'on parle d'appartenance à un corps politique, l'unité de base est le citoyen, sans aucune autre considération. Le PMLQ estime que parler de parité hommes-femmes dans ce contexte et ouvrir la porte à des pénalités pour les partis qui ne la respectent pas, c'est rendre un bien mauvais service à ceux qui veulent moderniser le processus électoral.

Il faut à tout le moins une discussion sur la représentation et la représentativité et sur le fait que le système électoral actuel est perçu comme n'ayant ni l'une ni l'autre.

Une personne fictive de l'État nous est donnée qui est censée incarner les valeurs qui unifient la nation. La personne fictive est représentée par le chef d'État du Canada, Charles III. Comment des valeurs auxquelles nous n'adhérons pas peuvent-elles unifier la nation ? C'est une présomption ridicule que nous sommes censés accepter parce que nous sommes censés accepter qu'il n'y a rien que nous puissions faire à ce sujet. L'objectif de la création de cette personne fictive de l'État est de cacher les rapports réels entre les humains et entre les humains et la nature et ce qu'elles révèlent, à savoir l'absence du pouvoir du peuple. Aujourd'hui, l'histoire nous appelle à achever le renouveau démocratique en veillant à ce que les dispositions constitutionnelles confèrent le pouvoir suprême au peuple, et non aux intérêts privés étroits qui gouvernent la société à des fins privées. Il faut un système électoral qui garantisse que le pouvoir appartient au peuple. Les modifications de la Loi électorale, au lieu de renforcer l'autocratie, doivent minimalement faire un pas dans cette direction.

Toute modification de la Loi électorale qui ne tient pas compte de qui sert la démocratie, de qui décide et du système électoral qui le sert ne fera qu'aggraver la crise de légitimité et de crédibilité dans laquelle elle est présentement embourbée. Le PMLQ estime qu'il est malavisé de procéder à des modifications de la Loi électorale sans tenir compte de cette réalité fondamentale et que le DGEQ ne doit pas s'engager dans cette voie.


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Volume 54 Numéro 38 - Juin 2024

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