Les propositions de modifications de la Loi électorale
par le directeur général des élections du Québec

Les partis non représentés à l'Assemblée nationale préconisent une démocratie où le peuple a son mot à dire

– Christine Dandenault –

Le 7 mai dernier, cinq des six partis signataires de la lettre ouverte au directeur générale des élections du Québec (DGEQ) dans le cadre de sa consultation sur la Loi électorale, soit le Bloc Pot, Équipe autonomiste, le Parti libertarien, le Parti marxiste-léniniste du Québec (PMLQ) et le Parti nul, ainsi que l'organisation Démocratie directe, ont présenté leurs points de vue et préoccupations sur le projet de réforme de la Loi électorale du DGEQ lors d'une rencontre avec deux conseillères de leur service de recherche.

Du 30 novembre 2023 au 30 mars, le DGEQ a tenu des consultations sur son document Pour une nouvelle vision de la Loi électorale. Trente-cinq mémoires ont été soumis, dont ceux de cinq partis politiques non représentés à l'Assemblée nationale et une lettre ouverte signée par six partis politiques. C'est en réponse à la lettre ouverte, dans laquelle les signataires demandaient entre autres d'être entendus, que le DGEQ a convoqué cette rencontre du 7 juin. Même s'il appert clairement que celle-ci n'a eu lieu que pour la forme, les représentants sont intervenus avec tout le sérieux requis, pour traiter des problèmes que pose la Loi électorale actuelle et les changements proposés par le DGEQ, qui constituent des obstacles à la participation du corps politique lors des élections qui se veulent justes et équitables.

Les représentants ont présenté leurs préoccupations et pistes de solution, au meilleur de leurs expériences pour renouveler la démocratie. Ce sont des gens qui se sont organisés pour mettre sur pied un parti, certains depuis plus de 20 ans et d'autres plus récemment, pour participer à la vie politique et proposer des alternatives au processus politique actuel afin qu'il incite à une plus grande participation de l'électorat. Ils connaissent bien ce processus qui les marginalise eux et le corps politique.

Voici un résumé des principales interventions faites par les partis présents. À la rencontre, le PMLQ a présenté une intervention en bloc sur la question de la représentation et de la représentativité que nous publions ci-dessous.

Sur la Loi électorale et le processus

- Aujourd'hui, l'histoire nous appelle à achever le renouveau démocratique en veillant à ce que les dispositions constitutionnelles confèrent le pouvoir suprême au peuple, et non aux intérêts privés étroits qui gouvernent la société à des fins privées. Il faut un système électoral qui garantisse que le pouvoir appartient au peuple. Les modifications de la Loi électorale doivent minimalement faire un pas dans cette direction, au lieu de renforcer l'autocratie.

- Avec la forme actuelle du régime et ces institutions, les Québécoises et Québécois n'ont pas leur mot à dire dans le processus de prise de décision, y compris le processus électoral, qui est censé être une forme de représentation. Le peuple ne choisit pas les candidats, ce n'est pas lui qui veut assister à des campagnes de dénigrement, ce n'est pas lui qui décide de l'ordre du jour, qui renonce à un vote éclairé, qui encourage les divisions, qui approuve les énormes dépenses, et ce n'est certainement pas lui qui décide du résultat. Si c'est représentatif, c'est n'importe qui sauf le peuple qui est représenté.

- Notre Parti est sensible aux pratiques qui sont paternalistes. La Loi électorale est censée être là pour aider les gens à faire de la politique, les aider à participer au processus démocratique, et non pour faire de la loi un mélange de coercition.

Activités et vie politiques

- Déjà, il y a une action politique quand un groupe de citoyens se rassemblent pour constituer un parti et ont une opinion à exprimer. En imposant des contraintes tels que l'obligation de présenter des candidats, il y a le risque que le DGEQ adopte une définition trop stricte et impose cette définition de ce que devrait être l'activité politique aux partis.

- Je pense que ça devrait être une mission du DGEQ de tracer la piste sur c'est quoi la politique ? Comment on fait la politique ? Est-ce que la politique, c'est seulement un vote ? Est-ce qu'on peut se présenter aux élections ? Comment ça se fait ? Parce que réduire la politique à un vote, c'est simplement un vote, on aura beau valoriser cette action-là, ce n'est pas suffisant.

- Le DGEQ demande que les partis fassent de la politique et propose d'établir un mécanisme pour les obliger à rendre des comptes à ce sujet. Cela est incohérent. Plus souvent qu'autrement, le financement que les partis non élus recueillent sert à financer la production d'un rapport financier annuel. Ils ne recueillent même pas de l'argent pour faire de la politique. Ils la recueillent pour rentrer dans les mesures administratives.

- Je pense qu'il revient aux partis politiques eux-mêmes de faire de la politique de la manière qu'il le juge le plus pertinent et que ça ne devrait pas se limiter au fait de participer à des élections.

Sur la parité homme-femme

- Aujourd'hui, la boucle est bouclée et le DGEQ s'inquiète, à juste titre selon nous, de voir que les Québécoises et Québécois sont de plus en plus mécontents du système de représentation. Mais au lieu d'aller au coeur du problème et de différencier ce qui est pertinent de ce qui ne l'est pas, il part à la chasse des politiques identitaires qui divisent et détournent l'attention du fait que lorsqu'on parle d'appartenance à un corps politique, l'unité de base est le citoyen, sans aucune autre considération. Parler de parité hommes-femmes dans ce contexte et ouvrir la porte à des pénalités pour les partis qui ne la respectent pas, c'est rendre un bien mauvais service à ceux qui veulent moderniser le processus électoral.

Criminaliser les discours dit haineux

- Pour tout ce qui est de la haine, du harcèlement, de l'intimidation, il y a déjà des codes pénaux à ce sujet-là, il y a déjà des instances qui existent, des gens qui sont spécialisés là-dedans. Je ne crois pas que le DGEQ devra aller dans cette voie-là.

- Il ne faut pas faire des amalgames. Je lancerais une piste qui peut être complémentaire à toutes les avenues, mais la frustration à l'égard des élus pourrait être déjà grandement atténuée en augmentant le sentiment chez le peuple que les élus sont au service du peuple et qu'ils sont à l'écoute. Donc plus le système démocratique fonctionne bien, plus on a de chance de cultiver une sorte d'harmonie à ce niveau-là. Je ne rentre pas plus dans les détails.

Participation du corps politique à la vie politique

- Aujourd'hui, l'histoire nous appelle à achever le renouveau démocratique en veillant à ce que les dispositions constitutionnelles confèrent le pouvoir suprême au peuple, et non aux intérêts privés étroits qui gouvernent la société à des fins privées. Il faut un système électoral qui garantisse que le pouvoir appartient au peuple. Les modifications de la Loi électorale, au lieu de renforcer l'autocratie, doivent minimalement faire un pas dans cette direction.

- Toute modification de la Loi électorale qui ne tient pas compte de qui sert la démocratie, de qui décide et du système électoral qui le sert ne fera qu'aggraver la crise de légitimité et de crédibilité dans laquelle elle est présentement embourbée. Il est malavisé de procéder à des modifications de la Loi électorale sans tenir compte de cette réalité fondamentale et le DGEQ devrait s'en écarter.

- Si on tient à ce qu'il y ait une vraie représentativité, il faut se donner les moyens pour inclure tout le monde. Je vous inviterai à poursuivre la réflexion pour penser à toutes les personnes, les autres personnes, qui se trouvent exclues du processus.

- Nous proposons vraiment qu'une société soit plus juste et transparente, que chaque voix compte, que le peuple soit réellement au coeur des décisions. Les citoyens devraient disposer de l'information viable et non partisane pour participer pleinement au processus de démocratie.

- Nous pensons réellement que le système devrait être encore revu, pour qu'il soit encore plus inclusif, pour que toutes les voix soient réellement entendues, particulièrement les communautés marginalisées.

- Je pense que le processus électoral dans sa forme actuelle avec le mode représentatif court le risque de reproduire des inégalités qui existent déjà à l'échelle de la société.

Sur le financement public des partis politiques

- Dans notre proposition, Élections Québec financerait le processus électoral, et non les partis politiques, ce qui éliminerait tout besoin de contrôle administratif de l'État sur le financement des partis politiques. Les électeurs sauraient parfaitement quels intérêts financent les partis politiques et qui ils servent, quelle que soit la propagande, tandis qu'Élections Québec aurait pour rôle de garantir le droit des citoyens à un vote éclairé en fournissant à chaque foyer l'information dont il a besoin sur les personnes qui se présentent aux élections.

- La récupération des votes au profit de tous les partis, mêmes ceux pour qui l'électeur ne vote pas, pose problème. Les partis reçoivent du financement en fonction du vote reçu. C'est carrément une des raisons d'être de notre parti politique, de dénoncer le fait qu'il n'y a carrément pas de façon d'annuler un vote. Quand on dit que notre vote vaut 1,82 $, il y a violation de la liberté et du droit de vote. Le citoyen n'a pas le choix véritablement de faire en sorte que le financement associé à son vote n'aille pas dans les caisses d'un parti. Si je ne vote pas, c'est quand même pris en compte dans le total de la cagnotte qui sera distribuée, ce qui va à l'encontre de l'intention de l'électeur. Déjà, la signification du vote d'abstention, ou du vote d'annuler est annihilé par cette réalité légale. Si on fait la promotion que le vote a une valeur, il faudrait qu'il y ait toutes les options en conséquence. Donc, les partis politiques ne devraient pas pouvoir compter sur l'appui financier de tous ceux qui ne sont pas allés voter et le financement devrait tenir compte du vote réel que les gros partis politiques ont obtenu.

- Au niveau de la politique en général, les partis sont financés à 75 % par le public, par les fonds publics. C'est un problème, parce que les partis sont des véhicules d'intérêts privés.

Sur le silence des grands médias

- Présentement les médias ne sont pas vraiment nos alliés pour distribuer l'information aux électeurs. C'est quand même cynique d'entendre toujours parler des mêmes partis, les mêmes nouvelles, sans permettre aux électeurs de réfléchir ou même de trouver l'information.

- Ce que je veux dénoncer ou rendre visible au DGEQ et à toutes les personnes ici présentes, c'est que les médias façonnent aussi l'opinion publique. Je ne pense pas que c'est conspirationniste ou exagéré de dire ça, c'est que l'horizon des idées politiquement recevables, puis au sein desquelles on peut débattre, est déjà un pouvoir qui relève entièrement d'intérêts privés et principalement des grandes entreprises médiatiques au Québec.

- Sur l'accès à l'information électorale, c'est sûr que c'est crucial que chaque citoyen ait accès à l'information fiable et non partisane. Ce qui se passe, c'est qu'on est rendu qu'il faut interpeller des médias indépendants, les grands médias nous ignorant, pour qu'on puisse s'exprimer. On a juste les moyens de rencontrer des médias indépendants, qui sont eux-mêmes limités dans leur champ respectif de se faire connaître.

- Concernant la représentation au niveau des médias, on se rend compte comme partis, que si on n'a pas de député à l'Assemblée nationale, à ce moment-là les médias ne nous couvrent jamais. Aussitôt qu'on a un député, alors ils vont nous couvrir. Cela veut dire qu'il faut un député à l'Assemblée nationale pour qu'ils finissent par parler de nous. Il faudrait à ce moment-là que la Loi électorale, le DGEQ, voit davantage à ce que les médias couvrent tous les partis pour donner une chance à tous.

Dépenses pré-électorales

- Concernant les activités préélectorales des tiers, il faut faire attention à ne pas brimer la liberté d'exprimer des opinions lors des élections ou dans les périodes pré-électorales, que ce soit des organisations ou des tiers. Je trouve que c'est une discussion pertinente mais qui mérite de plus amples élaborations.


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Volume 54 Numéro 38 - Juin 2024

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