La porte tournante entre le gouvernement, les entreprises et les postes diplomatiques

Un grave problème auquel font face les partis cartellisés qui forment le gouvernement est la porte tournante par laquelle les particuliers peuvent passer de la Chambre des communes aux entreprises et maintenant, de plus en plus, aux postes diplomatiques. Plus ils tentent de surmonter le manque de confiance des Canadiens dans le système électoral et de présenter celui-ci et les institutions comme démocratiques, crédibles et légitimes, plus leurs efforts sont détruits par le phénomène de la porte tournante.

Jusqu'à sa démission en janvier, la députée de Toronto–St. Paul's était la libérale Carolyn Bennett. Que ce soit vrai ou non, il semble que le moment de sa démission et de sa nomination subséquente à titre d'ambassadrice au Danemark a été calculé de façon à créer un siège vacant pour un autre libéral que le Parti libéral voulait voir siéger à la Chambre avant les prochaines élections.

Carolyn Bennett avait annoncé en juillet 2023 qu'elle ne se présenterait pas aux élections fédérales de 2025, mais qu'elle terminerait son mandat jusqu'à cette date. Elle a finalement démissionné le 16 janvier 2024 et, le 17 janvier, elle a obtenu un poste diplomatique. (En 2020, le Conseil du Trésor a noté qu'une pension moyenne pour un député était de 69 842 $). En tant qu'ambassadrice, en plus de sa pension de députée, Carolyn Bennett recevra un salaire de 244 300 $ à 287 400 $.

En ce qui concerne les nominations diplomatiques, selon l'Association des anciens ambassadeurs canadiens, un ambassadeur est « le plus haut diplomate accrédité [...] pour représenter toute la gamme des intérêts canadiens dans le(s) pays d'accréditation ». Elle explique sur son site Web que, même si la majorité des chefs de mission à l'étranger sont des diplomates de carrière nommés par décret, « il arrive que le gouvernement du Canada nomme des personnes avec un parcours exceptionnel venant d'autres horizons pour représenter les intérêts du Canada à l'étranger ».

L'ancien ambassadeur du Canada en Chine (2012-2016), Guy Saint-Jacques, a déclaré au Hill Times que la nomination de Mme Bennett représente « une tendance malheureuse ». Il a dit : « Il est clair que c'est un processus utilisé par le premier ministre pour libérer des circonscriptions pour les personnes qu'il aime bien. »

Auparavant, Justin Trudeau avait nommé son ministre de l'Immigration John McCallum au poste d'ambassadeur en Chine, et son siège vacant dans Markham–Thornhill avait été occupé par l'ancienne attachée politique Mary Ng, qui avait été directrice des nominations de Justin Trudeau. En 2019, Justin Trudeau a nommé Dominic Barton, ancien directeur général mondial de McKinsey and Company jusqu'en 2018 et président de Teck Resources Ltd. de 2018 à 2019, ambassadeur du Canada en République populaire de Chine. Il s'agit de la quatrième nomination de ce genre par Justin Trudeau et elle établit un nouveau record pour le recours au service diplomatique par un gouvernement à des fins de favoritisme.

Dans le cas des conservateurs de Stephen Harper, un des cas de népotisme les plus douteux a été la nomination de Bruno Saccomani, chef des services de sécurité de Harper, à titre d'ambassadeur en Jordanie (également responsable de l'Irak) en 2013.

La candidate libérale à l'élection partielle actuelle dans Toronto–St. Paul's, Leslie Church, fait également partie de ce phénomène de la porte tournante que les Canadiens n'aiment pas.

Leslie Church a étudié à la London School of Economics, se spécialisant dans « l'économie politique internationale et la gouvernance économique mondiale », et a obtenu son diplôme en droit à l'Université de Toronto. Elle a exercé le droit au sein du cabinet Torys LLP de Toronto.

En 2006, Leslie Church a travaillé comme directrice des communications pour la campagne à la direction du Parti libéral de Michael Ignatieff. De 2008 à 2011, elle a travaillé pour lui en tant que membre du personnel du cabinet du chef de l'opposition. (Ignatieff lui-même a été parachuté dans la circonscription d'Etobicoke-Lakeshore en forçant la destitution de la très respectée députée libérale Jean Augustine.) En juin 2012, après les élections fédérales de mai 2011 et la démission d'Ignatieff, Leslie Church a décroché un emploi de trois ans chez Google Canada comme cheffe des communications et des affaires publiques.

Lorsque les libéraux ont remporté les élections de 2015, Leslie Church a réintégré le gouvernement et a été cheffe de cabinet de la ministre du Patrimoine canadien, puis de la ministre des Femmes et de l'Égalité des genres et enfin du ministre des Services publics et de l'Approvisionnement. Son nom a été cité à plusieurs reprises lors d'audiences de comités parlementaires pour se moquer des lois sur la « responsabilité » et les « conflits d'intérêts » qui sont censées empêcher les individus de faire des allers-retours entre le gouvernement et les entreprises, surtout lorsqu'elle est passée de Google à un poste de cheffe de cabinet au ministère du Patrimoine canadien à un moment où le ministère travaillait à l'élaboration de règlements et de lois qui auraient une incidence sur Google.

Depuis 2021, Leslie Church travaille au bureau de la vice-première ministre, Chrystia Freeland, d'abord comme directrice des politiques, puis comme cheffe de cabinet.

La biographie aseptisée de la campagne omet ces détails et dit seulement qu'elle a « occupé des postes de direction dans l'une des plus grandes entreprises de technologie au monde, a pratiqué le droit dans un cabinet d'avocats de premier plan à Toronto et a exercé des fonctions aux plus hauts échelons gouvernementaux ».


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Volume 54 Numéro 38 - Juin 2024

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