Le désespoir de l'OTAN toujours plus évident

La guerre par procuration des États-Unis/OTAN en Ukraine s'étend sans limites

Le 5 juin, pour la première fois dans la guerre par procuration des États-Unis/OTAN, l'Ukraine a utilisé des missiles de croisière à longue portée fournis par les États-Unis pour attaquer directement la Russie, après avoir reçu le feu vert des États-Unis à la mi-mai.

Ce changement prononcé dans l'approche de l'alliance de guerre vis-à-vis de la guerre par procuration des États-Unis/OTAN en Ukraine a été officialisé lors de la réunion de l'Assemblée parlementaire de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) qui s'est tenue les 30 et 31 mai à Prague, en République tchèque. Le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, y a appelé les alliés à lever les restrictions sur l'utilisation d'armes fournies par l'Occident contre des cibles en Russie.

Avant la réunion, des responsables américains ont informé l'Associated Press que la décision de lever ces restrictions avait été prise le 15 mai, sans que l'administration Biden ne fasse de déclaration publique sur ce changement de politique. Entre-temps, les responsables ont même continué de nier publiquement la décision d'étendre les attaques militaires de leur intermédiaire ukrainien à la Russie. Dans une déclaration officielle le 31 mai, l'administration Biden affirmait que « notre position d'interdire l'utilisation d'ATACMS ou les frappes en profondeur à l'intérieur de la Russie n'a pas changé » et que le changement d'autorisation se limite à la défense de Kharkiv.

Plusieurs autres pays de l'OTAN ont également fourni à l'Ukraine des missiles de croisière à longue portée et selon le New York Times « la Grande-Bretagne a autorisé il y a quelques semaines l'Ukraine à utiliser ses systèmes de missiles à longue portée Storm Shadow pour des attaques n'importe où en Russie, et la France et l'Allemagne ont récemment adopté la même position ». France 24 a rapporté le 24 mai que le président français Emmanuel Macron a déclaré que l'Ukraine devrait être autorisée à « neutraliser » les bases militaires situées sur le territoire russe d'où sont lancés des missiles en Ukraine. Bien que le Canada ne dispose pas de telles armes, le 29 mai il a autorisé l'utilisation du matériel qu'il fournit à l'Ukraine contre la Russie.

Jusqu'à présent, les pays de l'OTAN s'étaient efforcés de nier toute implication directe dans le conflit, pour pouvoir dire qu'ils ne cherchent pas à aggraver une situation déjà dangereuse et pour donner de la crédibilité à de prétendues initiatives de paix qui ne s'attaquaient pas au coeur du problème.

Outre l'appel à utiliser toutes les armes fournies par l'OTAN pour attaquer la Russie, la réunion de Prague avait également pour but de planifier l'ordre du jour du sommet de l'OTAN qui se tiendra à Washington en juillet. L'intensification de la fourniture d'armes et le financement de la guerre par procuration contre la Russie constituaient les principaux points à l'ordre du jour. Le secrétaire général Stoltenberg a souligné que « la quasi-totalité de l'aide militaire fournie à l'Ukraine (99 %) provient des pays de l'Alliance » et qu'il était par conséquent logique « que l'OTAN joue un rôle plus important » à cet égard.

Les Alliés ont fourni « environ 40 milliards d'euros d'aide militaire à l'Ukraine chaque année », a déclaré Jens Stoltenberg, ajoutant que, pour faire en sorte que la guerre prenne rapidement fin, les Alliés devraient continuer de fournir à l'Ukraine un soutien « au moins équivalent », « aussi longtemps qu'il le faudra ». « La Russie doit comprendre qu'elle ne peut pas nous avoir à l'usure. »

Cela confirme que c'est une guerre des États-Unis et de l'OTAN contre la Russie et qu'ils n'ont pas réussi à mobiliser le reste du monde derrière leurs ambitions. En outre, on sait déjà que l'armée ukrainienne manque cruellement d'armes, de troupes et d'entraînement au vu des niveaux de soutien actuels, ce qui fait de sa défaite éventuelle une fatalité. La décision de l'OTAN d'étendre sa guerre sans limites confirme son désespoir et que la situation désastreuse que l'alliance impose au peuple ukrainien ne lui donne pas d'autre alternative que davantage de mort et de destruction.

Concernant le déploiement imminent de chasseurs F-16 en Ukraine par plusieurs membres de l'OTAN, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré le 30 mai : « La fourniture d'armes de plus en plus destructrices au régime de Kiev indique que l'Occident n'est pas intéressé à mettre fin au conflit. La livraison de chasseurs américains F-16 ne changera pas la situation sur les lignes de front. Ces avions seront détruits, tout comme d'autres types d'armes fournies par les pays de l'OTAN à l'Ukraine. Il est important de noter que les chasseurs F-16 sont depuis longtemps l'un des principaux vecteurs des missions nucléaires conjointes de l'OTAN. Par conséquent, nous ne pouvons nous empêcher de considérer la fourniture de ces systèmes au régime de Kiev comme une signalisation délibérée de la part de l'OTAN dans le domaine nucléaire. Ils essaient de faire comprendre que les États-Unis et l'OTAN sont prêts à aller jusqu'au bout en Ukraine. »

Pour sa part, le ministre russe de la Défense de l'époque, Sergueï Shoigu, s'adressant au conseil du ministère de la Défense le 21 avril, avait souligné que l'Ukraine avait perdu près d'un demi-million de soldats depuis le début de l'opération militaire spéciale en 2022. Selon lui, le régime de Zelensky n'a pas atteint ses objectifs dans la contre-offensive préparée par les instructeurs de l'OTAN. L'armée russe a ciblé plus intensivement les centres logistiques ukrainiens et les installations de stockage d'armes occidentales, a-t-il dit. « Nous allons augmenter l'intensité des frappes contre les centres logistiques et les bases de stockage d'armes occidentales. »

Le ministre russe avait souligné qu'entre-temps, la majeure partie du programme d'aide de 61 milliards de dollars que les États-Unis ont alloué à l'Ukraine financera l'industrie militaire américaine. L'industrie militaire russe continuera d'augmenter la production d'armes et d'équipements militaires proportionnellement aux menaces posées par les États-Unis et leurs alliés, a-t-il ajouté.

L'armée russe recevra les premières unités de systèmes antiaériens de nouvelle génération, a déclaré Sergueï Shoigu : « Cette année, les troupes recevront les premières unités du système de missiles antiaériens de nouvelle génération S-500 en deux modifications - systèmes de missiles antiaériens à longue portée et systèmes de défense antimissile ; systèmes de missiles antiaériens S-400, S-300V4, Buk-M3, Tor-M2U ; et stations radar de nouvelle génération. »

Il a souligné que l'OTAN a déployé jusqu'à 33 000 militaires, environ 300 chars et plus de 800 autres types de véhicules blindés près des frontières de la Russie. Il a également déclaré que des exercices de l'OTAN impliquant jusqu'à 90 000 militaires se déroulaient à ce moment-là, et que ces exercices imitaient une supposée agression imminente de la part de la Russie. Le ministre de la Défense a poursuivi en disant que l'OTAN essayait de renforcer son activité dans l'Arctique, alors que l'adhésion de la Suède à l'OTAN a accru les tensions. « L'entrée de la Suède dans l'Alliance de l'Atlantique Nord au début du mois de mars a accru les tensions militaires et politiques dans les directions stratégiques de l'Ouest et du Nord-Ouest », avait déclaré l'ex-ministre de la Défense.

La réponse de la Russie

Le 5 juin, le président russe Vladimir Poutine a répété aux médias que la Russie ne se faisait aucune illusion sur ce qui se passait en Ukraine. Si ce sont les troupes ukrainiennes qui appuient sur la gâchette, ce sont les États-Unis et leurs alliés qui leur fournissent des renseignements et des informations sur le ciblage. En réponse, la Russie renforcera ses défenses aériennes et détruira ces missiles, a déclaré le président russe, tout en se réservant le droit de répondre dans la même mesure.

« Si quelqu'un considère possible de fournir de telles armes dans la zone de combats pour frapper notre territoire [...], pourquoi n'aurions-nous pas le droit de fournir nos armes du même type dans des régions du monde où seront frappées les installations sensibles des pays qui agissent ainsi contre la Russie ? », a-t-il demandé. La réponse de la Russie serait « asymétrique », a-t-il précisé, « Nous sommes en train d'y réfléchir plus précisément. » Si les États-Unis et les pays de l'OTAN continuent d'intensifier leurs actions, cela « détruira complètement les relations internationales et sapera la sécurité internationale ».

« En fin de compte, si nous constatons que ces pays s'impliquent dans une guerre contre nous, ce qu'ils font, les rend directement impliqués dans une guerre contre la Fédération de Russie, nous nous réservons le droit d'agir de la même manière », a averti le président russe.

Vladimir Poutine avait déjà prévenu, le 28 mai, lors d'une visite en Ouzbékistan, que des frappes à longue portée sur le territoire russe avec des armes fournies par les États-Unis et d'autres pays de l'OTAN représentaient une escalade du conflit et entraîneraient de « graves conséquences ».

Il a expliqué que les frappes de précision à longue portée nécessitent des moyens de reconnaissance spatiale – que l'Ukraine ne possède pas, mais que les États-Unis possèdent – et que ce ciblage était déjà effectué par des « spécialistes hautement qualifiés » des pays de l'OTAN, sans la participation de l'Ukraine.

Le vice-président du Conseil de sécurité de la Russie, Dmitri Medvedev, a lancé une mise en garde sur sa chaîne Telegram, notant que la participation des spécialistes de l'OTAN pourrait être considérée comme un casus belli : « Tous les équipements militaires et les spécialistes qui s'opposent à la Russie dans le conflit en Ukraine seront détruits à la fois sur le territoire de l'Ukraine et sur le territoire d'autres pays si des frappes sont lancées à partir de là. » Il a ajouté que la Russie se fonde sur le fait que toutes les armes à longue portée fournies à l'Ukraine sont « directement utilisées par des militaires des pays de l'OTAN », ce qui équivaut à une participation à la guerre contre la Russie et à une raison de lancer des opérations de combat.

Le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré dans une entrevue que « ce problème ne concerne pas seulement notre pays ». « Dans la déclaration commune à l'issue de la récente visite du président russe Vladimir Poutine en Chine, il est noté que de telles actions déstabilisatrices des États-Unis représentent une menace directe non seulement pour notre pays, mais aussi pour la Chine. Par conséquent, nous sommes convenus avec nos partenaires chinois d'intensifier notre coopération pour faire face au comportement irresponsable de Washington qui sape la stabilité internationale.

« La mise en oeuvre par les Américains de leurs plans de déploiement de missiles de portée intermédiaire terrestres ne restera pas sans réaction de notre part. En particulier, dans ce cas, il est inévitable que nous renoncions aux autolimitations unilatérales que la Russie a imposées après la sortie des États-Unis du Traité FNI [forces nucléaires à portée intermédiaire]. Nous n'excluons pas des mesures supplémentaires dans le domaine de la dissuasion nucléaire : en effet, les missiles américains avancés pourraient couvrir les postes de commandement et les emplacements de nos forces nucléaires. Les décisions sur ces questions relèvent de la compétence du Président de la Fédération de Russie. »

« Nous espérons qu'un jour ou l'autre, des forces politiques soucieuses des intérêts du peuple apparaîtront en Ukraine, a ajouté le ministre Lavrov. Pour l'instant, il n'y a pas d'autre option que de poursuivre l'opération militaire spéciale jusqu'à ce que ses objectifs soient atteints. »

En ce qui concerne la participation de la Russie à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), un organe chargé de veiller à l'utilisation de ces armes, Sergueï Lavrov a dit qu'« il est indéniable que l'OSCE traverse une crise profonde. Cela résulte du fait que l'Occident a piétiné tous les principes sur lesquels cette organisation était fondée. L'ukrainisation totale de son ordre du jour réduit pratiquement à néant les activités dans les domaines traditionnels : politico-militaire, économico-environnemental et social. Le seul intérêt pour la Russie de continuer à participer à l'OSCE réside probablement dans la possibilité de faire connaître directement notre position sur les questions d'actualité aux 56 autres participants, y compris les pays occidentaux qui ont gelé le dialogue avec nous dans d'autres formats. De plus, la règle du consensus en vigueur dans l'organisation nous permet de bloquer les propositions des pays inamicaux qui ne conviennent pas à la Russie. »

Des inquiétudes exprimées par d'autres pays

Le 30 mai, le président turc Recep Tayyip Erdogan a exprimé ses inquiétudes quant aux perspectives d'une guerre de l'OTAN plus étendue contre la Russie. « À côté de nous, la guerre entre nos voisins de la mer Noire, la Russie et l'Ukraine, en est à sa troisième année, a-t-il dit. Malheureusement, le processus d'Istanbul, pour lequel nous avons travaillé et qui visait à parvenir à des accords de paix équitables, a été saboté et bloqué par des lobbyistes de guerre qui y ont fait obstacle. » Il a également souligné que « personne ne sait quand et comment la guerre prendra fin », ce qui « augmente constamment les coûts financiers pour la région et le monde ».

Le gouvernement du premier ministre hongrois Viktor Orban, pour sa part, exprime depuis un certain temps des inquiétudes quant à l'expansion constante de la guerre de l'OTAN contre la Russie. En avril, il a dit qu'il serait prêt à déclarer la Hongrie neutre si l'OTAN envoyait des troupes en Ukraine et s'engageait ainsi dans une guerre directe avec la Russie. L'Union européenne parle ouvertement de mesures de rétorsion contre la Hongrie pour son opposition à l'escalade de l'agression militaire et financière contre la Russie. Politico.eu a par exemple rapporté que la Hongrie allait recevoir une dose de « punition » de la part des autres dirigeants de l'UE pour son opposition farouche à l'armement de l'Ukraine. La Hongrie a résisté aux pressions exercées de toutes parts pour qu'elle s'aligne sur les autres bailleurs de fonds de l'UE et de l'OTAN en faveur de l'Ukraine.


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Volume 54 Numéro 37 - 18 juin 2024

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