Les exportations canadiennes de matériel et technologies militaires en 2023

- Nick Lin -


Edmonton, 8 juin 2024

L'adhésion du Canada à l'OTAN est utilisée pour promouvoir des dépenses militaires de plus en plus importantes et une intégration accrue du Canada dans la machine de guerre et l'économie de guerre des États-Unis, au nom de la paix, de la sécurité et d'autres prétentions non fondées. Néanmoins, le rôle du Canada dans la fabrication et l'exportation d'armes dans le monde entier est un sujet de grave préoccupation pour les travailleurs du Canada et du Québec, qui ne veulent pas que leur capacité de production soit utilisée dans des guerres de destruction et pour tuer les travailleurs et les peuples qui luttent pour leur droit à l'existence, pour détruire l'environnement social et naturel ou pour profiter à ceux qui cherchent à s'enrichir en tuant et en détruisant sans raison.

Selon les dernières informations disponibles du gouvernement canadien, en 2023 le Canada a exporté pour plus de 4 milliards de dollars de matériel et de technologies militaires, dont au moins la moitié vers les États-Unis. Outre les États-Unis, le Canada a délivré un total de 2 353 licences d'exportation vers 97 pays. Sur ce total, 1 987 licences ont été utilisées par 78 pays. De loin, le plus grand nombre de licences a été utilisé par Israël, soit 348. Les quatre pays suivants sont le Royaume-Uni (305), l'Allemagne (210), la France (110) et l'Australie (94). En valeur, les cinq principaux bénéficiaires des exportations militaires canadiennes, outre les États-Unis, sont l'Arabie saoudite (904 557 860,32 $), l'Ukraine (416 742 800,09 $), l'Allemagne (111 190 177,50 $), le Royaume-Uni (106 943 589,16 $) et le Qatar (73 075 125,33 $).

Ces informations proviennent d'Affaires mondiales Canada qui a récemment publié son Rapport sur les exportations de matériel militaire du Canada pour 2023. Le rapport « est déposé chaque année devant le Parlement du Canada afin de favoriser la transparence au sujet des exportations canadiennes d'articles militaires ». Il fournit des données sur les exportations de marchandises et de technologies militaires (y compris les pièces et les composants) en provenance du Canada au cours d'une année civile donnée.

Une fois de plus, le gouvernement du Canada fait cette utilisation frauduleuse du mot transparence. Il est couramment utilisé par les milieux officiels pour détourner l'attention de l'essentiel. Dans le cas des exportations d'armes, la définition de la transparence du gouvernement ne s'applique qu'aux biens nécessitant une licence d'exportation, alors que les exportations d'armes vers les États-Unis, par exemple, se font dans un cadre différent et que ces chiffres ne sont pas fournis dans le rapport.

La Corporation commerciale canadienne (CCC), autrefois connue sous le nom de War Supplies Ltd, a notamment pour objectif d'aider les fabricants d'armes canadiens à vendre leurs produits aux États-Unis. Elle indique sur son site web que le département américain de la Défense « compte sur les exportations canadiennes pour un vaste éventail de biens et de services militaires – allant des technologies et du transport à la fabrication et à la recherche et développement – pour un montant de plus de 2 milliards de dollars par année. Parmi les solutions les plus recherchées figurent les technologies de recherche, de détection, de navigation et de guidage (506 millions de dollars), les pièces d'aéronefs et la fabrication de produits auxiliaires (263 millions de dollars), la fabrication d'aéronefs (61 millions de dollars) et les munitions et la fabrication d'armes légères (60 millions de dollars). »

La CCC explique le rôle du Canada dans l'approvisionnement de la machine de guerre américaine : « En tant que plus grand dépensier militaire du monde, le département de la défense des États-Unis (U.S. DoD) est sur le radar des entreprises de défense du monde entier. Grâce à l'Accord sur le partage de la production de défense (APPD) et au Defence Federal Acquisition Regulation Supplement (DFARS), les entreprises canadiennes jouissent d'une relation unique avec le marché du DoD américain qui leur permet de rivaliser sur un pied d'égalité avec les entreprises américaines. [...]

« L'APPD considère les entreprises canadiennes comme essentielles à la base industrielle de l'Amérique du Nord et met leurs offres sur un pied d'égalité avec celles des entreprises américaines. Bien qu'elle permette au département de la défense des États-Unis d'acheter auprès d'entreprises canadiennes, les lois et règlements qui régissent les achats sont détaillés dans un autre document appelé Defense Federal Acquisition Regulation Supplement (DFARS).

« Les règlements d'approvisionnement du DoD des États-Unis contribuent également à l'avantage du Canada en ce qui concerne l'accès au plus grand marché de la défense au monde. Le Defense Federal Acquisition Regulation Supplement (DFARS) aide les spécialistes des achats du DoD américain à comprendre comment ils doivent traiter les soumissions canadiennes et comment ils doivent passer des contrats avec les fournisseurs canadiens. »

Ce système distinct pour l'exportation de biens et de technologies militaires vers les États-Unis – le plus grand fournisseur d'armes et bailleur de fonds militaire d'Israël – réfute encore la prétention du Canada d'avoir mis un terme aux livraisons d'armes à Israël. Les avions de combat Lockheed Martin F-35, qui bombardent Gaza sans relâche, en sont un bon exemple : ils comportent de nombreux composants fabriqués au Canada.

Cela montre que le système de contrôle des exportations mis en oeuvre par Affaires mondiales Canada est façonné sur la notion de pays considérés comme hostiles et ceux considérés comme alliés selon les objectifs hégémoniques des États-Unis et de l'OTAN et sur la promotion du Canada en tant que soi-disant défenseur des droits humains. C'est évident quand on regarde quels pays sont soumis à des contrôles d'exportation ou sont carrément interdits pour l'exportation de matériel ou de technologies militaires canadiens. Par exemple, le niveau élevé des exportations vers l'Arabie saoudite en 2023 implique directement le Canada dans la guerre saoudienne contre le Yémen, soutenue par les États-Unis. De même, l'ampleur du soutien militaire du Canada à l'Israël sioniste est présentée comme une affaire purement commerciale, tandis que l'importante quantité de fonds publics envoyés à l'Ukraine est le plus souvent présentée comme une aide humanitaire. Depuis février 2022, en plus des 4 milliards de dollars d'aide militaire, le Canada a fait don à l'Ukraine de chars de combat Leopard 2, d'armes antichars, d'obusiers M777, de munitions d'artillerie, de vêtements d'hiver, etc.

Le ministère de la Défense nationale a publié un communiqué de presse le 12 juin annonçant que « des 50 nouveaux véhicules blindés de soutien au combat (VBSC) construits par des travailleurs canadiens que l'on donnera à l'Ukraine, les quatre premiers seront acheminés en Europe, où des membres des Forces armées ukrainiennes (FAU) recevront un entraînement sur leur utilisation cet été. De ces véhicules, les dix premiers seront des VBSC de type ambulance ».

Le ministre de la Défense, Bill Blair, et Peter Fragiskatos, député de London North Centre, se sont rendus chez General Dynamics Land Systems-Canada « pour voir le premier lot de véhicules sur le point d'être envoyés, ainsi que pour remercier les travailleurs qui les ont construits ». Les véhicules « seront transportés depuis London, en Ontario, en vue de leur envoi en Europe ». Le sous-entendu que les travailleurs de London soutiennent les guerres de destruction et les massacres gratuits parce qu'ils construisent ces véhicules est un coup bas, car les Canadiens n'ont pas leur mot à dire sur ces questions.

Le Canada investit 650 millions de dollars sur trois ans pour fournir à l'Ukraine ces véhicules blindés d'appui au combat. « Ces véhicules blindés de pointe rempliront diverses fonctions sur le champ de bataille, entre autres, assurer le transport de troupes, offrir des lieux sûrs aux fins du commandement et du contrôle, ainsi que permettre des évacuations sanitaires. Ces VBSC, aussi exploités par l'Armée canadienne, offrent une grande maniabilité et une protection élevée à leurs équipages et à leurs charges utiles », précise le ministère de la Défense. « Les VBSC de type ambulance sont équipés de fournitures médicales et leur aménagement intérieur permettra le traitement d'une vaste gamme de blessures. »

Après avoir indiqué que « des membres des Forces armées ukrainiennes (FAU) recevront un entraînement sur leur exploitation cet été », le ministère de la Défense précise que ces 10 premiers véhicules « seront livrés à l'Ukraine d'ici l'automne, et permettront aux FAU de procéder à l'évacuation sécuritaire du personnel blessé des zones de combat ».

En l'absence d'honnêteté sur ce que fait le Canada en Ukraine ou sur son soutien à Israël et son adhésion à l'OTAN, il est absurde de prétendre que le rapport d'Affaires mondiales Canada sur l'exportation d'armes est transparent. Cela ne lui apporte aucune crédibilité.

Le rapport trahit la vision des cercles dirigeants, à savoir que l'intégration de l'économie et de la politique étrangère du Canada dans la machine de guerre américaine est une réalité sur laquelle les Canadiens et les Québécois n'ont pas leur mot à dire, et c'est pourquoi les gens épris de paix partout au Canada saisissent toutes les occasions pour s'opposer aux expositions et aux ventes d'armes qui ont lieu dans le cadre de la militarisation de la vie dans ce pays.


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Volume 54 Numéro 37 - 18 juin 2024

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