Des enseignants de l'Ontario s'opposent au projet de loi 166 qui cible le soutien à la Palestine

De nombreuses personnes et organisations se sont élevées contre le projet de loi 166 du gouvernement de l'Ontario qui, au nom de la lutte contre le racisme et la « haine », vise les étudiants et les professeurs qui soutiennent la Palestine et qui dénoncent le génocide américano-israélien. La ministre des Collèges et Universités de l'Ontario, Jill Dunlop, a présenté le projet de loi 166, Loi de 2024 pour renforcer la responsabilisation et les mesures de soutien aux étudiants, à l'Assemblée législative le 26 février et il est actuellement en troisième lecture. Le projet de loi permet à la ministre de l'Éducation d'émettre des directives aux universités sur comment traiter des questions telles que le racisme, y compris la définition de l'antisémitisme. Il s'agit d'un moyen de faire taire les étudiants et les professeurs qui s'expriment en leur nom propre pour défendre leurs droits, et en particulier ceux qui participent aux nombreuses actions actuelles de soutien à la résistance en Palestine.

L'Union des associations des professeurs des universités de l'Ontario (OCUFA), dans une déclaration du 15 avril, note que « sans protection du droit de parole, nous craignons que les directives politiques empiètent sur l'autonomie des universités, les empêchent de s'acquitter de leur mission et conduisent à un environnement plus polarisé et litigieux qui risque d'étouffer la parole. Ces questions sont d'autant plus importantes que le gouvernement a émis des directives visant à justifier l'ingérence dans la gouvernance et l'autonomie des universités de l'Ontario. Plus récemment, nous avons fait part à la ministre Dunlop, dans une lettre, de nos préoccupations concernant le fait qu'elle avait nommé dans l'assemblée législative de l'Ontario des professeurs et des étudiants qui avaient exprimé leurs opinions sur la guerre en Israël et à Gaza. Nous sommes fermement convaincus qu'il est inapproprié de nommer des professeurs ou des étudiants de cette manière au sein du corps législatif, car cela entrave à la fois la liberté académique et l'autonomie de l'université. »

La déclaration souligne que « les politiques introduites dans le cadre de ce projet de loi doivent soutenir les droits d'expression des étudiants, du personnel et du corps enseignant, sans menace de réduction de financement ou de refus de soutien financier, et sans mesures disciplinaires. La liberté académique, la recherche intellectuelle et la démocratie elle-même dépendent de la capacité à s'engager dans un débat respectueux sans risquer d'être sanctionné pour un enseignement ou une recherche qui ne s'aligne pas sur les priorités du gouvernement. »

Dans une lettre publique datée du 16 avril, le réseau des professeurs juifs Jewish Faculty Network affirme notamment : « Notre opposition à toutes les formes de racisme fait de l'article 20 du projet de loi 166 – relatif aux politiques et règles concernant le racisme et la haine – une source de préoccupation particulière. Le libellé de cet article indique que le ministre peut émettre des directives et des échéances concernant les sujets ou les éléments à inclure dans les politiques ou les règles d'un collège ou d'une université. Ces directives pourraient violer la liberté d'expression, par exemple en obligeant les universités à adopter la définition opérationnelles de l'antisémitisme de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA) et ses exemples illustratifs, une définition qui a été largement discréditée, y compris par son propre rédacteur. Le problème de la définition de l'IHRA est qu'elle a été utilisée par ses partisans pour porter de fausses accusations d'antisémitisme contre des critiques légitimes de l'État d'Israël. Dans une lettre signée par plus de 210 professeurs juifs d'universités et de collèges canadiens, nous avons résumé les critiques formulées à l'encontre de la définition de l'IHRA par de nombreux groupes d'experts, y compris des experts de l'histoire de l'Holocauste, d'Israël et de l'antisémitisme. »

Les enseignants juifs avertissent que « la suppression possible des protestations légitimes contre les actions d'Israël par le biais d'une directive ministérielle aurait un impact sur de nombreux étudiants qui subissent déjà beaucoup de racisme, y compris le racisme anti-palestinien, le racisme anti-autochtone, le racisme anti-noir, l'antisémitisme et l'islamophobie. Si la ministre devait utiliser une directive pour imposer la définition discréditée de l'IHRA à ces étudiants, cela ne ferait qu'exacerber leur anxiété et leur aliénation. Un tel climat conduira inévitablement à des conditions préjudiciables à la santé mentale des étudiants – une santé que le projet de loi 166 est censé protéger. »

Faculty4Palestine, un réseau de solidarité pancanadien composé d'universitaires engagés à faire progresser la lutte pour la libération, la justice et l'égalité des Palestiniens par le biais du secteur universitaire, a également publié une déclaration d'opposition au projet de loi 166. Ils déclarent notamment : « Il s'agit d'une attaque radicale contre la liberté académique. Et elle est menée dans une période où les étudiants et les professeurs qui s'expriment sur les droits des Palestiniens et qui s'opposent à la guerre génocidaire actuelle contre Gaza sont harcelés, sanctionnés et réduits au silence. Étant donné que le gouvernement actuel a adopté la définition de l'antisémitisme de l'IHRA et que son ministre de la Formation, des Collèges et des Universités a récemment nommé des professeurs et des étudiants pro-palestiniens à l'Assemblée législative de l'Ontario – une démarche qui a donné lieu à la divulgation de données personnelles et au harcèlement – Faculty4Palestine considère que le projet de loi 166 n'est pas seulement un renversement du principe centenaire de l'autogestion des universités, c'est également une campagne pour réduire au silence qui se poursuit depuis des décennies et qui vise à étouffer les voix de la résistance et de la solidarité palestiniennes. » Ils appellent les universitaires à se joindre à la campagne d'envoi de lettres pour arrêter le projet de loi 166.

La Coalition contre l'ingérence politique dans la recherche et l'éducation publiques en Ontario a lancé une campagne sur Actionnetwork.org pour inviter les Ontariens à écrire à leurs députés provinciaux au sujet du projet de loi 166 qui, selon elle, « démontre l'incapacité persistante du gouvernement Ford à comprendre la santé mentale et la lutte contre le racisme, et son insistance à essayer de contrôler les institutions postsecondaires plutôt que de les financer ». Dans son appel à stopper le projet de loi 166, la coalition déclare que le projet de loi 166 « représente également un degré d'ingérence politique sans précédent dans les établissements d'enseignement postsecondaire de l'Ontario. La protection des universités contre l'ingérence politique est non seulement inscrite dans les lois sur les universités, elle est aussi reconnue internationalement comme une pierre angulaire de la démocratie. L'autonomie des universités protège la liberté académique et le développement d'une recherche et d'une éducation rigoureuses, critiques et innovantes que la liberté académique permet – y compris dans les domaines de la santé mentale et de la lutte contre le racisme. » Pour envoyer une lettre, rendez-vous sur le site.


Cet article est paru dans
Logo
Volume 54 Numéro 32 - 10 mai 2024

Lien de l'article:
https://cpcml.ca/francais/Lml2024/Articles/LS54328.HTM


    

Site web :  www.pccml.ca   Courriel :  redaction@pccml.ca