Dénonçons le ciblage d'étudiants et d'établissements d'enseignement libéral sous prétexte d'antisémitisme

– Kathleen Chandler –


Campement pour Gaza des étudiants du Fashion Institute of Technology de New York, 7 mai 2024

Les étudiants, les professeurs, le personnel et les citoyens de tous les États-Unis rejettent les tentatives du gouvernement américain de criminaliser les plus de 100 campements étudiants pour la Palestine en les accusant d'antisémitisme et de violence. Les étudiants et les professeurs font valoir que s'opposer à un génocide, c'est défendre l'humanité et contribuer au bien-être de tous. Leurs campements s'inscrivent dans cet esprit et sont des centres d'accueil et d'organisation pour les droits de toutes et tous.

Le président Biden et plusieurs membres de la Chambre des représentants répètent constamment que la défense de la Palestine est de l'antisémitisme. La Chambre adopte des lois et interroge les présidents d'université, leur disent qu'ils doivent faire davantage pour « protéger les étudiants juifs » et taire le soutien à la résistance palestinienne, qui, selon les représentants, est un « appel au génocide ». Ils s'insurgent en particulier contre les slogans « Vive l'Intifada » et « Du fleuve à la mer, la Palestine sera libre ». Ces deux slogans sont bien connus et font clairement référence au droit à l'autodétermination de la Palestine, contre le génocide. Ces tentatives de détourner l'attention du génocide quotidien perpétré par les États-Unis et Israël mettent également les administrateurs d'université sur la défensive en les obligeant à « faire plus » sous peine d'être taxés d'antisémitisme. Les étudiants et les professeurs qui persistent dans leurs justes luttes en soutien à la Palestine rejettent l'accusation.

Le 1er mai, la Chambre des représentants a adopté à une large majorité (320 contre 91) un projet de loi « sur la sensibilisation à l'antisémitisme », qui doit maintenant être soumis au Sénat. Ce projet de loi s'inscrit dans la campagne que mène Joe Biden contre l'opposition large et croissante du public au génocide et au massacre de dizaines de milliers de Palestiniens, la plupart des femmes et des enfants, ainsi qu'à la destruction délibérée et sans précédent d'habitations et d'infrastructures civiles. Ce projet de loi vise à légaliser la violence des sionistes aux États-Unis et en Palestine et à inscrire dans la loi que l'opposition au sionisme et à l'État sioniste d'Israël est antisémite. Cela va à l'encontre non seulement de la volonté des peuples du monde entier qui soutiennent la Palestine, mais aussi des résolutions et des prises de position de l'ONU qui ont établi il y a longtemps que le sionisme est une idéologie raciste. Le projet de loi renforce la mainmise des sionistes racistes et réactionnaires sur le pouvoir politique aux États-Unis, y compris Joe Biden qui a déclaré à plusieurs reprises qu'il était sioniste, et institue leur impunité.

Le 30 avril, le président de la Chambre des représentants, Mike Johnson, a déclaré que l'enquête de la commission de l'éducation et de la main-d'oeuvre de la Chambre sur l'antisémitisme dans les campus des collèges et des universités deviendrait désormais une enquête de la Chambre comme telle. Entouré des responsables de plusieurs commissions importantes de la Chambre, Mike Johnson a promis de demander des comptes aux dirigeants des universités pour « leur incapacité à protéger les étudiants juifs ». Les administrateurs de Yale, de l'UCLA et de l'Université du Michigan seront contraints de témoigner lors d'une audience le 23 mai. Il s'agit de la même commission de type maccarthiste qui a interrogé les présidentes de Harvard et de l'Université de Pennsylvanie en décembre, qu'elle a accusées de « laxisme » en matière de lutte à l'antisémitisme. Toutes deux ont été contraintes de démissionner peu de temps après. La présidente de Columbia a été interrogée le 17 avril, jour où le campement de Columbia a été établi. Elle a demandé une première intervention policière sur le campus le lendemain et une autre encore plus brutale le 30 avril. La police occupe maintenant le campus.

Ces actions de la Chambre abondent dans le même sens que Joe Biden qui dit que les campements étudiants mettent en danger la sécurité des étudiants juifs. Dans sa dernière déclaration, le président américain affirme que les étudiants ont « le droit de traverser le campus en toute sécurité sans craindre d'être attaqués », alors que les seules attaques menées contre les étudiants jusqu'à présent ont été le fait de provocateurs sionistes et de la police. Partout, les campements sont devenus des lieux de rassemblement, de discussion et d'apprentissage collectifs pour les étudiants de toutes les religions et de toutes les origines. C'est cette unité et cette position ferme des étudiants et des professeurs contre le génocide et en faveur de la Palestine, ainsi que leur rejet du système électoral qui empêche la majorité d'avoir son mot à dire, que Joe Biden et le Congrès redoutent.

Malgré toutes les preuves du contraire, le président américain déclare : « Nous ne sommes pas une nation autoritaire où l'on fait taire les gens et où l'on écrase la dissidence. » Les faits révèlent une absence totale de sécurité pour ceux qui se trouvent dans les campements et qui sont soumis aux interventions policières lancées pour taire la dissidence. Avec le feu vert de Biden, la police, ville après ville, investit violemment les campements étudiants, terrorisent les jeunes avec des gaz lacrymogènes, des grenades aveuglantes, des balles en caoutchouc et des arrestations massives. Le président n'en continue pas moins de dire que le problème est la violence des étudiants, pas la police, pas le génocide américano-israélien et pas les massacres et les destructions à Gaza.

Les déclarations de Joe Biden et les agissements des membres du Congrès montrent clairement que la cible est à la fois ceux qui se lèvent pour soutenir la Palestine et s'opposer au génocide et à l'impunité américano-israéliens, et les institutions chargées de dispenser une éducation libérale conformément aux exigences d'une société civile censée servir le bien public.

Les États-Unis ont depuis longtemps cessé d'être une telle société. Néanmoins, nous assistons actuellement au désespoir des intérêts privés étroits qui se sont emparés du pouvoir de décision de l'État à tous les niveaux de gouvernement pour détruire toutes les institutions de la société civile, ses infrastructures et ses garanties légales et constitutionnelles. Que ce soit par le biais des méthodes insidieuses et criminelles dites basées sur les règles, utilisées par l'administration Biden et épousées par le Parti démocrate, ou par les méthodes de destruction de tout ce qui existe, utilisées par Trump et ses partisans, l'objectif est le même : faire sauter toutes les entraves qui se trouvent sur le chemin des intérêts privés étroits qui cherchent à tout contrôler à l'échelle mondiale.

Après avoir détruit le rôle des médias dans la transmission d'informations qui créent l'opinion publique, après avoir sapé le travail des écoles publiques dans la transmission de connaissances générales aux étudiants, qui retranmettent la vision mondiale commune des États-Unis et de ce qu'ils représentent – également une composante de la création de l'opinion publique – et après l'échec du corps législatif à débattre de politique d'une manière qui contribue à créer l'opinion publique, l'administration Biden est déterminée à saper les institutions d'enseignement supérieur. Celles-ci ont été créées pour dispenser une éducation libérale basée sur le maintien de la conception libérale des institutions démocratiques, de la société civile et du bien public. Il s'agit de la dernière tentative désespérée d'imposer une offensive néolibérale antisociale en appui à la quête d'hégémonie mondiale des États-Unis à une époque où les pays du monde ne peuvent plus accepter que les États-Unis soient la « nation indispensable » à laquelle ils doivent se soumettre sans poser de questions.

Ce n'est pas un hasard si le génocide américano-israélien a détruit les universités et les institutions culturelles de Gaza et tué des universitaires, des médecins, des écrivains, des poètes, des journalistes, des secouristes et des patriotes, ainsi que des civiles sur une grande échelle. De même, ce n'est pas un hasard si l'État de droit international, la convention sur les réfugiés et le droit humanitaire sont attaqués à partir de positions de force et de pouvoir et de privilège, car tous ces éléments font partie intégrante de la garantie de sociétés civiles basées sur ce qu'on appelait la paix, l'ordre et le bon gouvernement. C'est ce qui ressort de la dernière annonce américano-israélienne selon laquelle, après avoir réduit en miettes l'actuel point de passage de Rafah avec l'Égypte dans le but d'éliminer le Hamas, une société privée composée d'anciens soldats mercenaires d'élite américains sera chargée de gérer ce point de passage[1].

La société civile est attaquée et la bataille pour la démocratie est à l'ordre du jour. Il s'agit de la bataille pour le maintien de toutes les normes et institutions démocratiques, comme le font les campements d'étudiants, les enseignants, le personnel et les sympathisants de la communauté. Elle ouvre également la voie à la bataille de la démocratie. C'est la bataille du renouveau démocratique, du remplacement par de nouvelles formes démocratiques de masse tous les arrangements qui bloquent la voie au progrès de la société, ce que les oligarques qui se sont emparés du pouvoir sont bien décidés à ne pas permettre. La résistance des étudiants sur tous les campus n'en est que plus significative et digne de soutien.

Les gouvernements des pouvoirs policiers tels que ceux qui ont pris le pouvoir aux États-Unis, en Israël, au Canada, en Grande-Bretagne et dans d'autres pays exigent une impunité sans entrave. Cela les rend dangereux et rend la résistance nécessaire. Les crimes qu'ils commettent sonnent également leur glas, car la violence, l'impunité et la criminalité ouverte et flagrante sans précédent mettent en évidence la nécessité d'une bataille pour la démocratie et d'une bataille de la démocratie. Ces deux luttes représentent l'avancement de l'humanité vers la paix, la liberté et une démocratie qu'elle aura elle-même créée - et elles vaincrons.

La preuve en est la position militante adoptée par l'Association américaine des professeurs d'université qui disent que les attaques de l'État encouragées par l'administration Biden sont une « attaque politique destinée à démanteler l'enseignement supérieur au service de l'intérêt public, et à rendre nos institutions redevables uniquement envers des intérêts corporatifs, politiques et privés ».

L'éducation, comme les médias, joue un rôle dans la formation de l'opinion publique et les gouvernements des pouvoirs de police exigent que l'opinion publique destinée à maintenir l'ordre public et la société civile soit éliminée et que toute idée de gouvernement pour le bien public soit détruite. L'objectif de leur désinformation est de détruire la forme publique du corps politique afin que leur pouvoir ne puisse être contesté de quelque manière que ce soit. À cela s'opposent les campements étudiants de plus en plus nombreux et le soutien des professeurs et du personnel aux États-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne, en Australie et ailleurs. Le soutien résolu à la Palestine dans le monde entier ne peut pas être supprimé par la loi et nulle part les peuples n'acceptent la criminalisation de ceux qui défendent la Palestine. Il s'agit d'une lutte historique qui mérite un soutien de tous les secteurs.


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Volume 54 Numéro 32 - 10 mai 2024

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