Les campements étudiants

Résistance militante sur les campus universitaires américains


Rassemblement d'étudiants à l'Université d'État de San Diego, Californie, 7 mai 2024

Les campements des étudiants américains en appui à Gaza sont désormais plus d'une centaine et de nouveaux sont établis à tous les jours, notamment à l'Université DePaul de Chicago et à l'Université d'État de New York à New Paltz. De plus en plus d'étudiants, d'enseignants et de sympathisants se joignent quotidiennement aux campements pour s'opposer à la répression de l'État, aux attaques de la police et aux tentatives de criminaliser les étudiants qui expriment leurs opinions. Le militantisme et la détermination des étudiants sont applaudis de la Palestine au Yémen, à Tokyo et dans nombreuses villes du monde. Les étudiants, rejoints par le corps enseignant et le personnel des universités, défient les violentes interventions policières et parviennent à maintenir de nombreux campements et à en établir d'autres malgré l'arrestation de plus de 2 000 participants et sympathisants à travers le pays. Les étudiants affirment quotidiennement leur droit de s'exprimer et de s'organiser, soutenus par le corps enseignant et le personnel. Partout, les campements ont créé des lieux de rassemblement collectif pour discuter, apprendre, partager les expériences et les étudiants s'organisent, y compris pour l'alimentation et les services de santé, unissant tout le monde dans l'action, indépendamment de l'origine, de la religion ou des croyances.

Au campement de Princeton, le 4 mai, un groupe d'étudiants a entamé une grève de la faim en soutien aux habitants de Gaza et pour dénoncer la famine imposée par les États-Unis et Israël. Ils exigent qu'on mette fin au génocide et à la complicité des universités.

La persévérance des étudiants est remarquable : les campements que les administrateurs universitaires et la police ont fait fermer sont presque immédiatement rétablis. C'est ce qu'on a vu notamment à l'Université de l'Indiana à Bloomington, à Virginia Tech et à l'Université de Californie du Sud. À l'Université de l'Indiana, le campement a été fermé à deux reprises par le service de sécurité de l'université et la police d'État, puis rétabli à chaque fois malgré plus de 50 arrestations. En outre, plus de 500 membres du corps enseignant, étudiants diplômés et membres du personnel se sont rassemblés le 29 avril pour exiger la démission de la présidente Pamela Whitten et du doyen Rahul Shrivastav.

Les étudiants de l'Université de la ville de New York (CUNY), dans le campement de Harlem du collège de la ville de New York (CCNY), ont été violemment pris d'assaut par des centaines de policiers en tenue anti-émeute le 30 avril, et plus de 170 d'entre eux ont été arrêtés. Les étudiants de la CUNY continuent de s'organiser, de tenir des teach-ins et d'exiger l'abandon de toutes les accusations. Ils soutiennent que l'université agit de la sorte pour détruire le travail collectif, l'unité et les positions anticoloniales, antiracistes et anti-impérialistes communes qui unissent les participants. Il y avait sur le campement des assemblées populaires quotidiennes, des prestations musicales, des montages artistiques, des lectures de poèmes, des ateliers d'artisanat pour enfants et une éducation politique sur des sujets allant de l'histoire des luttes de libération des Portoricains et des Noirs au mouvement de libération du peuple philippin, en passant par l'histoire du mouvement de libération palestinien, le COINTELPRO et bien d'autres matières. Un garde-manger ouvert à tous les membres de la communauté de Harlem, une tente médicale et une bibliothèque populaire portant le nom de Refaat Alareer, éminent professeur et écrivain palestinien martyrisé par les forces sionistes à Gaza en décembre dernier, comptent parmi les innovations sur le campus. Des petites entreprises locales contribuent aux efforts des étudiants en leur offrant des repas chauds plusieurs fois par jour.

Le même type d'organisation a lieu dans de nombreux campements à travers le pays et les descentes policières visent entre autres à briser l'organisation des étudiants.

Les étudiants de l'Université Northwestern à Evanston, en banlieue de Chicago, atteignent également les objectifs qu'ils s'étaient fixés, à savoir parler en leur nom propre pour faire connaître leurs revendications. Dans une déclaration du 29 avril, ils ont réitéré leur appel à la libération de la Palestine et à la fin du génocide américano-israélien et du nettoyage ethnique à Gaza. Ils soulignent que leur principale réussite est l'expansion de leur campement et la création de l'« espace communautaire transformateur », où des personnes de toutes origines et de tous horizons viennent « partager des connaissances, célébrer la culture et se joindre aux services religieux des communautés juive, musulmane et chrétienne ». Les accords conclus avec l'université prévoient que Northwestern divulgue les investissements soutenant Israël et tous les fournisseurs présents sur le campus qui soutiennent l'armée israélienne et l'apartheid. L'université investira dans les communautés palestiniennes, arabes et musulmanes du campus et soutiendra les étudiants et les universitaires de Gaza. Les revendications obtenues jusqu'à présent représentent « le plancher des négociations, et non le plafond », ont déclaré les étudiants. Ils ont également pris l'initiative de déposer une demande au titre de la loi sur la liberté de l'information pour obtenir des informations complètes sur la complicité de l'université dans le génocide. Le campement continue mais sans les tentes. « Nos yeux sont rivés sur Gaza, déclarent-ils. Aux enfants qui verront de leur vivant une Palestine libre : nous ne cesserons pas de nous battre pour vous. »

Les étudiants de l'Evergreen College, dans l'État de Washington, ont conclu des ententes avec l'administration pour obtenir le désinvestissement de l'université, le refus des subventions qui « facilitent les occupations illégales à l'étranger, limitent la liberté d'expression ou soutiennent l'oppression des minorités », ainsi qu'un « modèle alternatif de non-application de la loi pour une réponse à la crise 24 heures sur 24 ». Le protocole prévoit la mise en place de groupes de travail dirigés par des étudiants et des professeurs pour la mise en oeuvre de l'entente. Il exige du président qu'il fasse une déclaration publique défendant les droits et la liberté d'expression des étudiants, qu'il demande un cessez-le-feu et une aide humanitaire accrue pour Gaza, ainsi que la libération de tout prisonnier détenu sans procédure régulière, en référence aux milliers de personnes détenues par Israël sans aucune accusation. Les étudiants de l'Université Brown à Providence, Rhode Island, ont également obtenu des engagements de désinvestissement de l'université.

Interventions policières violentes et brutales


La police fait une descente dans un campement d'étudiants à l'Université de
Californie à Los Angeles, 2 mai 2024.

Les interventions policières contre les étudiants sur des dizaines de campus ont été violentes et brutales. Elles l'ont été davantage depuis que le président Biden a déclaré que « l'ordre doit régner sur les campus » et que « l'état de droit » doit être respecté, lequel son administration s'affaire à détruire systématiquement.

Le 2 mai, la police a violemment attaqué le campement pacifique de l'Université de Californie à Los Angeles (UCLA), lançant des gaz lacrymogènes et tirant des balles en caoutchouc sur la foule. L'intervention policière succédait à une attaque violente de plusieurs heures menée par des sionistes contre le campement, pendant que la police et les responsables de l'université observaient. Les sionistes avaient tenté d'empêcher l'organisation de manifestations en faveur de la Palestine et d'un cessez-le-feu dans la bande de Gaza.

Le journal étudiant de l'UCLA, le Daily Bruin, rapporte que le 30 avril « des feux d'artifice, des gaz lacrymogènes et des bagarres ont éclaté juste après 22 h 50 mardi soir et se sont poursuivis jusque dans la matinée de mercredi, alors qu'une centaine de contre-manifestants pro-israéliens tentaient de s'emparer de la barricade et de prendre d'assaut le campement de solidarité avec la Palestine sur la place Dickson ». La police a alors fait une descente dans le campement et arrêté plus de 200 personnes. Elle a utilisé des quantités massives de gaz lacrymogène et de grenades aveuglantes et assourdissantes conçues pour étourdir et désorienter les manifestants. Des bulldozers ont été amenés pour démanteler le campement. Les étudiants qui quittaient la prison n'étaient pas découragés pour autant. « Nous n'avons pas terminé », ont-ils déclaré. Les campements de l'Université de Californie à Irvine et à Riverside se poursuivent.

Le 6 mai, à l'Institut de technologie du Massachusetts (MIT) de Cambridge, en banlieue de Boston, des manifestants propalestiniens que la police avait empêchés d'accéder au campement ont franchi les clôtures, se sont liés les bras et ont encerclé les tentes qui restaient sur place. Des étudiants de Boston ont débrayé pour aller rejoindre le campement des étudiants du MIT en réponse à la répression policière. Ils ont notamment participé à un sit-in avec les étudiants du MIT qui a temporairement bloqué Massachusetts Avenue, une artère principale, à l'heure de pointe, les manifestants scandant : « Free Free Palestine ».


Les étudiants de l'Institut de technologie du Massachusetts rétablissent le campement de Gaza précédemment démantelé par la police, 6 mai 2024

La police avait auparavant fait une descente dans les campements des universités Northeastern et Emerson, à Boston, arrêtant plus de 200 personnes. À Emerson, elle a eu recours à une nouvelle ordonnance municipale interdisant aux sans-abris d'installer des tentes. Les sans-abris et leurs défenseurs ont souvent rejoint les nombreux campements pour soutenir la Palestine et réclamer le droit au logement.

Le campement d'Emory à Atlanta, qui s'oppose également à la construction du gigantesque terrain d'entraînement de la police pour la guerre urbaine, Cop City, et aux liens de la police d'Atlanta avec l'armée israélienne, a également fait l'objet d'un raid policier. L'Université du Texas à Austin a été le théâtre de descentes policières et d'arrestations brutales, comme de nombreux autres campus américains.

Les campements d'étudiants et la résistance aux interventions policières bénéficient d'un large soutien dans l'opinion publique. Lorsque le campement de l'Université de Columbia, à New York, a été violemment investi par des centaines de policiers en tenue anti-émeute le 30 avril, comme à la CUNY, des gens sont venus de toute la ville pour défendre les étudiants. Des centaines d'étudiants et de sympathisants ayant été arrêtés à Columbia, les manifestants sont allés manifester devant la prison en signe de solidarité. Columbia a annulé sa cérémonie de remise des diplômes, initialement prévue le 15 mai. L'université reste occupée par des centaines de policiers en tenue anti-émeute qui vont rester sur place jusqu'au 17 mai, après la remise des diplômes.


La police new-yorkaise en ordre de marche pour un raid sur CUNY, 30 avril 2024

À New York, le maire Eric Adams a justifié les violences policières et encouragé les liens entre le département de la police de New York (NYPD) et la police israélienne. « Nous ne nous laisserons pas intimider par ces tactiques brutales et lâches, ont souligné les étudiants du campement de solidarité avec Gaza à la CUNY. Nous nous inspirons de la résistance implacable du peuple palestinien. » Le campement de l'Université de New York tient toujours.

Les représentants du gouvernement et les médias tentent de faire croire que les campements sont le fait d'« agitateurs extérieurs », mais les étudiants répondent que c'est une tentative de détourner l'attention du succès de l'organisation des étudiants et du large soutien public qu'ils obtiennent, non seulement dans la ville de New York, mais dans bien d'autres villes du pays. Les gens se joignent aux activités et aux manifestations, apportent de la nourriture, des tentes, des couvertures, des livres, des fournitures médicales, écrivent des lettres condamnant les responsables de l'université et apportent mille et une autres contributions.

Partout, les étudiants, les enseignants, le personnel et les amis dans la communauté se montrent fermes dans leur demande que fin soit mise au génocide américano-israélien, que fin soit mise à la complicité des universités dans ce domaine et pour un cessez-le-feu immédiat ainsi que la liberté et l'autodétermination de la Palestine.


Université de Chicago, rassemblement d'étudiants suite à l'attaque de la police
contre un campement, 7 mai 2024

Pour une carte interactive montrant les emplacements des campements d'étudiants, cliquez ici.


Cet article est paru dans
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Volume 54 Numéro 32 - 10 mai 2024

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