Les stratagèmes des gouvernements pour payer les riches
mettent à mal la Terre Mère

Deux poids, deux mesures du gouvernement Legault en matière d'environnement

– Fernand Deschamps –

En mars 2023, le ministère de l'Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs avait refusé au promoteur immobilier et ancien propriétaire du terrain sur lequel sera construit l'usine de batteries de Northvolt d'y construire un projet résidentiel de 4 000 logements sur la base que des milieux humides seraient détruits. Dans sa décision de refus, le ministère indiquait que la diversité d'étangs et de marais « fournit une variété d'habitats pour les espèces vivantes, ce qui permet le maintien de la biodiversité dans un contexte où les milieux naturels sont rares et où les pratiques agricoles et le développement urbain homogénéisent le paysage ».

En effet, selon les documents déposés par Northvolt au ministère, dont Le Devoir a pu obtenir copie, le site ne compte pas moins de 74 milieux humides dont 8 étangs, 19 marais, 28 marécages arborescents et 19 marécages arbustifs. Le rapport intitulé Inventaires floristiques et caractérisations des milieux humides et hydriques, qui accompagne ces documents, est le fruit d'un travail effectué par la firme privée CIMA embauchée par Northvolt. Il est mentionné dans ce rapport de 523 pages que 62 des 74 milieux humides ont une importance « moyenne » ou « élevée » pour la « conservation de la diversité biologique » et le rapport fait état d'une capacité de « séquestration du carbone » moyenne ou élevée pour 55 des 74 milieux humides documentés. La majorité de ces 55 milieux humides seront détruits pour la construction de l'usine.

La séquestration du carbone dans des milieux naturels est considérée comme un outil important de lutte contre les changements climatiques causés par l'augmentation des gaz à effet de serre (GES) dans l'atmosphère. Qu'ils soient des marais, des marécages, des étangs ou des tourbières, les milieux humides sont comme des reins pour la nature. Ils filtrent et font office de tampon pour prévenir autant les inondations que les sécheresses, et pour réguler les débits d'eau.

Fait intéressant à noter, c'est le même ministre, Benoit Charette, qui avait déclaré en décembre 2022, lors de la tenue à Montréal de la COP15 sur la biodiversité, que le gouvernement de François Legault a exclu l'idée de s'engager à conserver plus de milieux naturels dans le sud du Québec. À l'heure actuelle, le gouvernement du Québec se targue d'être parvenue à protéger 17 % des terres et de l'eau douce de son territoire, un but qui a été atteint en grande partie grâce à la protection d'immenses pans peu habités du nord du Québec. Or, depuis des années, les experts et les environnementalistes insistent sur l'importance de protéger tout autant le sud du Québec, où se concentrent la majorité de activités humaines sur le territoire. C'est le cas dans la région de la Montérégie où sera construite l'usine de Northvolt. Il ne reste que 5 % des terres de la région qui sont des milieux humides ou forestiers.

En 2023, le gouvernement Legault a modifié la réglementation qui exigeait auparavant que tout projet qui nécessite une production chimique industrielle supérieure à 50 000 tonnes par année soit soumis à une évaluation environnementale sous forme de consultations publiques appelées Bureau d'audiences publiques (BAPE). Le seuil est passé à 60 000 tonnes et la conséquence est que le ministère a pu accélérer l'émission des permis pour que débute la coupe de 8 730 arbres et le remblayage d'une superficie de 138 162 mètres carrés de milieux humides, qui sera « affectée de manière permanente ».

Comme le rapportait Radio-Canada en novembre dernier, l'émission de telles autorisations par le ministère de l'Environnement pour éliminer des milieux humides est généralement beaucoup plus longue. « Nous avons analysé les délais de 116 autorisations accordées par la direction régionale de la Montérégie du ministère de l'Environnement depuis 2018. En moyenne, les promoteurs attendent 15 mois avant d'être autorisés à porter atteinte à un milieu humide. Par exemple, le parc industriel Alta, à Côteau-du-Lac, a patienté 22 mois et l'agrandissement d'un centre logistique à Varennes, 13 mois. Même des constructions d'écoles ont nécessité des délais de 3 à 7 mois pour obtenir leur feu vert du ministère. Et pour détruire des milieux humides dans le cadre du projet de maison des aînés de Carignan : 8 mois d'attente. »

Les fonctionnaires du ministère de l'Environnement ont reçu comme directive d'accélérer les autorisations environnementales pour que débute la construction de projets similaires d'usines des composantes de batteries de GM et Ford dans le parc industriel de Bécancour.

(Avec des informations du Gouvernement du Québec, Radio-Canada, Le Devoir)


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Volume 54 Numéro 27 - 20 avril 2024 2024

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