À propos de l'utilisation de la «haine»
et de
l'«extrémisme»
pour contrôler l'espace public
Les Canadiens et les Québécois doivent compter sur eux-mêmes pour vaincre les définitions fallacieuses de la « haine » et des « préjudices en ligne »
Manifestation sur la Colline du Parlement le 14 mars 2015
contre
les atteintes à la liberté d'expression et le droit de
conscience contenues dans le projet de loi C-51, la
Loi
antiterroriste de 2015, entrée en vigueur le 18
juin
2015.
Les autorités fédérales éprouvent des difficultés à faire adopter des mesures législatives pour lutter contre les « préjudices en ligne ». C'est également le cas en ce qui concerne les projets de loi de « lutte contre la haine ». Le problème fondamental est dans la manière dont l'« extrémisme violent » et la « haine » sont définis et par qui, et dans le fait que les définitions données ont tendance à être intéressées, adaptées aux besoins immédiats des intérêts privés étroits qui veulent réduire au silence une partie de la population.
Les dirigeants sont eux-mêmes motivés par l'idéologie du maintien et de la défense du système en place et de ses institutions de la gouvernance. Cela, et l'expérience acquise au fil des années, les rend peu crédibles lorsqu'ils affirment qu'ils n'ont pas de critères idéologiques ou que leurs critères ne condamnent pas les personnes en raison de leurs opinions idéologiques ou que cela ne les prive pas de leurs libertés civiles.
Un exemple actuel est que les massacres délibérés perpétrés par les Forces de défense israéliennes à Gaza ne sont pas considérés par l'État canadien comme constituant de l'extrémisme violent ou des crimes haineux. Le Canada refuse de voir à que les auteurs de ces actes soient traduits en justice en tant que criminels de guerre, mais il persécute les Canadiens qui s'opposent au sionisme, à l'État d'apartheid d'Israël et aux crimes qu'il commet. Les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada et d'autres pays donnent le feu vert à Israël et lui fournissent des armes, de l'argent et font de la propagande de désinformation à son sujet, alors que ses actes sont déjà considérés comme des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, tels qu'ils ont été définis depuis la Deuxième Guerre mondiale. La tentative de réduire au silence ceux qui s'opposent à ces crimes de guerre est aussi clairement perçue comme une violation des libertés civiles reconnues par les constitutions des États-nations européens.
D'où la difficulté pour la classe dirigeante de justifier la suppression d'opinions avec lesquelles elle n'est pas d'accord et de faire en sorte que cette suppression soit considérée comme nécessaire pour défendre le bien public, la sécurité nationale, etc.
Alors que les États-Unis sont aux prises avec des batailles juridiques constantes, tant au niveau fédéral qu'au niveau des États, pour déterminer ce qui est démocratique et ce qui ne l'est pas, la Grande-Bretagne a également élaboré ce qu'elle appelle une nouvelle définition de l'extrémisme. Il n'y a rien de nouveau dans cette « nouvelle définition » qui ne fait que mettre à jour la définition énoncée dans la Stratégie de prévention de 2011. Elle qualifie plus précisément de crime le fait de « saper, renverser ou remplacer le système britannique de démocratie parlementaire libérale » et précise que le crime peut simplement consister à « menacer, inciter, justifier, glorifier ou excuser la violence à l'égard d'un groupe ». C'est ce que les gouvernements affirment régulièrement à propos des actions de soutien à la Palestine, des actions antiguerre, des grèves, etc. Les lois concernant l'« extrémisme » et la « haine » en Grande-Bretagne, au Canada et aux États-Unis présentent l'« extrémisme » et la « haine » comme étant le problème, dans une nouvelle tentative de justifier l'injustifiable. La Grande-Bretagne déclare également que de « nouvelles » définitions sont nécessaires pour « refléter l'évolution des idéologies extrémistes et des préjudices sociaux qu'elles créent ». C'est plus ou moins mot pour mot ce que dit aussi le Canada, transmis par la police politique qui comprend ce qu'on appelle le « Groupe des cinq », les services de renseignement de cinq pays dits anglophones – les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
Les défenseurs des libertés civiles soulignent que les lois canadiennes actuelles, notamment les dispositions du Code criminel, permettent déjà de poursuivre les auteurs de crimes et qu'aucune autre loi n'est nécessaire. Ils rappellent également que le Canada a pardonné certaines personnes qu'il considère comme ses amis, comme les nazis et les collaborateurs qu'il a autorisés à entrer au Canada après la Deuxième Guerre mondiale. Il leur a accordé la citoyenneté sous prétexte que le fait d'être membre de la Waffen-SS ne prouve pas qu'ils ont commis les atrocités nazies associées à la Waffen-SS. Mais ceux qui sont accusés d'« extrémisme violent » et de véhiculer la « haine » peuvent être diffamés, attaqués de la manière la plus odieuse par toutes sortes de moyens arbitraires, comme le licenciement ou l'expulsion, la criminalisation sous diverses formes et même l'emprisonnement à vie. Autrement dit, il suffit qu'un ministre déclare qu'une opinion ou une action relève de la sécurité nationale, en se fondant sur des renseignements secrets, pour que des gens soient réduits au silence, criminalisés et pénalisés.
Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les crimes commis par les États-Unis et la Grande-Bretagne au nom de l'élimination des extrémistes, notamment la torture, le traitement inhumain des prisonniers, les assassinats ciblés brutaux et les meurtres par vengeance, sont bien connus. Tout est fait pour associer la « haine » et les « crimes de haine » à l'extrémisme, lequel il faut craindre et punir. Aujourd'hui, la classe dirigeante du Canada se livre encore à la duplicité au nom de l'évolution des réalités, de « l'équilibre entre la sécurité et les droits », du bien public et de la sécurité nationale. Alors que tout ce qu'elle fait montre qu'elle n'est pas digne de confiance ni apte à exercer une fonction publique, la conscience que son but est d'induire en erreur et de masquer une apparence de double jeu est de plus en plus répandue.
Piquetage à Ottawa le 25 juin 2018 contre les certificats de sécurité et les procès secrets au Canada
Le Canada a été fondé en tant que dominion de l'Empire
britannique et promeut les institutions libérales qui ont
vu le
jour à l'époque victorienne et qui prétendaient défendre
la
paix, l'ordre et le bon gouvernement. La perspective
juridique
qui a remplacé la perspective théologique médiévale
voudrait
nous faire croire que si les choses sont faites
conformément à
une loi, alors elles sont correctes. Mais bien sûr, ce
n'est pas
le cas. Aujourd'hui, les majorités parlementaires sont
utilisées
pour adopter toutes sortes de lois qui ne sont pas «
acceptables ». Le Canada ne manque pas d'avocats, de
défenseurs des libertés civiles et de défenseurs des
droits qui
s'élèvent contre les violations des libertés civiles pour
s'assurer que ce qui est légal est raisonnable, et non
pas
intéressé ou arbitraire ou contraire à ce qu'ils estiment
être
dans l'intérêt public. Et c'est important. C'est
nécessaire.
Cela permet de s'assurer que la classe dirigeante ne
puisse pas
s'en tirer avec certaines des choses les plus flagrantes
qu'elle
fait. Mais cela ne suffit pas. La force décisive est
celle du
peuple qui s'exprime en son nom propre. La classe
ouvrière ne se
fait pas d'illusions sur les objectifs de la classe
dirigeante,
mais elle s'exprime parce qu'elle le doit. Elle ne peut
pas
permettre à la classe dirigeante de faire toutes sortes
de
choses terribles au nom du peuple, comme elle le fait
aujourd'hui à l'égard d'Israël, entre autres.
En fin de compte, aujourd'hui, la classe dirigeante est prompte à accuser d'autres pays d'autoritarisme et d'autocratie et à pardonner tout ce que font les États-Unis, la Grande-Bretagne, le Canada et ceux qui partagent leur « ordre fondé sur des règles » arbitraire. Dans cet « ordre fondé sur des règles », les règles sont inventées au fur et à mesure et quiconque refuse de s'y plier est jugé hors d'ordre. Tout ce qu'elle réussit à faire c'est montrer que c'est elle qui est autocratique et autoritaire, antidémocratique jusqu'à la moelle. Les événements en cours montrent que c'est la lutte des peuples, menée par la classe ouvrière qui est cruciale pour ouvrir une voie au progrès.
Alors que dans le cas des États-Unis, de la Grande-Bretagne, du Canada, de la France et d'autres pays, les défenseurs des libertés civiles font preuve d'une grande perspicacité en avançant des arguments convaincants qui démentent les arguments intéressés et grossiers des porte-parole du gouvernement, il est quand même limitatif de croire que les institutions démocratiques libérales sont la forme finale de gouvernance. Comment éliminer l'usurpation du pouvoir par des intérêts privés supranationaux étroits en créant des formes de transition de démocratie de masse de discussion, de délibération et de prise de décision, voilà le problème que la classe ouvrière et le peuple doivent entreprendre de résoudre.
Cet article est paru dans
Volume 54 Numéro 21 - 28 mars 2024
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