Le déploiement de la police kenyane en Haïti est loin d'être chose faite

Le 1er mars à Nairobi au Kenya, le premier ministre désigné d'Haïti Ariel Henry et le président du Kenya William Ruto ont signé une « entente réciproque » visant à donner un semblant de crédibilité juridique à l'envoi orchestré par les États-Unis de 1 000 membres de la Force constabulaire du Kenya pour occuper Haïti dans le cadre d'une mission multinationale d'appui à la sécurité d'Haïti contre la « violence de gangs ».

Les forces derrière cette ingérence étrangère en Haïti pensaient que dès que cette entente serait conclue, tout irait comme prévu. L'entente était nécessaire suite aux exigences de la Haute Cour kenyane du 26 janvier qui a décidé que le déploiement de troupes kenyanes était contraire à la constitution et ne pouvait être autorisée sans une entente signée avec Haïti. Lors de la signature le 1er mars, William Ruto a dit que le déploiement visait à « réitérer l'engagement du Kenya à contribuer au succès de la mission multinationale. Nous croyons qu'il est de notre devoir historique puisque, lorsque la paix règne en Haïti, c'est bon pour le monde entier ». Henry, pour sa part, a dit que le déploiement n'était pas que pour Haïti, mais « pour l'avenir de l'humanité ».

Or, loin d'avoir le vent dans les voiles, Ariel Henry est coincé à Porto Rico depuis son retour le 5 mars alors que son avion n'a pas pu atterrir en Haïti. Sous l'influence des États-Unis, il a annoncé qu'il allait démissionner en tant que premier ministre et président désignés dès qu'il y aura un « conseil de transition ».

En outre, Gazette Haïti rapportait le 13 mars que le premier secrétaire des Affaires étrangères du Kenya Korir Sing'oei a dit que l'absence d'un gouvernement reconnu en Haïti n'offre pas de base solide pour un déploiement de mission et que le Kenya attendrait la mise en place d'une autorité constitutionnelle reconnue avant d'aller de l'avant. Un représentant du ministère des Affaires étrangères s'est empressé de dire qu'en dépit de la suspension (omettant de mentionner la situation embêtante d'Ariel Henry), l'entente entre Henry et Ruto était toujours valide.

Les législateurs membres de l'opposition ont, pour leur part, souligné que cette « entente réciproque » est illégale et, par conséquent, illégitime, puisque le gouvernement d'Haïti n'a pas été élu. Ils ont accusé William Ruto de s'ingérer dans l'indépendance du système judiciaire et parlementaire kenyan et exhorté les Kenyans à résister à toute attaque contre la constitution du pays.

« Le gouvernement n'a pas respecté la Constitution qu'il est tenu de défendre », a dit un politicien de l'opposition kenyane, Ekuru Aukot, qui a ajouté qu'il allait déposer « une plainte d'outrage au tribunal » pour contester « l'entente réciproque ». Il a aussi souligné qu'Ariel Henry n'a aucun pouvoir constitutionnel ou juridique l'autorisant à signer des ententes avec le Kenya au nom d'Haïti.

De plus, alors que toutes les machinations américaines sont en cours, les fonds américains destinés à l'intervention policière/militaire dirigée par le Kenya n'ont pas encore été autorisés par le Congrès ou le Sénat. Le président républicain de la commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, Michael McCaul, et le sénateur Jim Risch, chef de file républicain de la commission des affaires étrangères du Sénat, ont déclaré dans un communiqué commun : « Compte tenu de la longue histoire de l'engagement des États-Unis en Haïti, avec peu de résultats positifs, l'administration doit au Congrès beaucoup plus de détails de manière plus opportune avant d'obtenir davantage de fonds », ajoutant que l'administration de Joe Biden ne lui avait envoyé qu'un « plan approximatif » pour faire face à la crise. Ils se sont également demandé si les tribunaux kenyans autoriseraient le déploiement et si la force pourrait se rendre à Port-au-Prince.

D'une fois à l'autre, les machinations du Core Group sont contrecarrées. Malgré cela, il continue de manipuler les résultats, comme le démontre la réunion de la communauté caribéenne (CARICOM) où les États-Unis, sans oublier le Canada, ont dicté ce que doit être une bonne démocratie « prise en main par les Haïtiens ».


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Volume 54 Numéro 20 - 21 mars 2024

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