Pour une définition moderne de l'intérêt national
La note au Cabinet demandant que la Loi sur les mesures d'urgence soit invoquée le 14 février 2022 et le témoignage de Chrystia Freeland et d'autres personnes à la Commission sur l'état d'urgence révèlent une élite dirigeante pour qui l'intérêt national ou la sécurité nationale signifie suivre les ordres d'intérêts privés supranationaux et servir la machine de guerre des États-Unis. Il n'y a rien de national là-dedans. C'est la destruction de la nation, non seulement pour le Canada, mais aussi pour les peuples du monde qui luttent pour leur droit à l'autodétermination, l'indépendance et leurs propres projets d'édification nationale.
Que l'élite dirigeante parle d'« intérêt national », de « sécurité économique » ou de « sécurité nationale », il s'agit toujours de stratagèmes qui profitent à des intérêts supranationaux étroits. Cela vise surtout à désinformer l'opinion publique en détruisant les normes et les critères que le corps politique a utilisés comme mesure pour exercer son jugement dans le passé. Cela a un effet dévastateur sur la cohérence du corps politique, qui se retrouve à la dérive, sans orientation ni direction.
Un corps politique exige des normes et des mesures publiquement reconnues sur lesquelles les gens peuvent compter pour porter des jugements sur les questions qui se posent. Lorsque les définitions et les règlements sont donnés sur un coup de tête ou secrètement à la demande des forces policières politiques étrangères et de leurs porte-parole canadiens, l'ensemble du corps politique est exclu du discours. En limitant les consultations à des experts choisis provenant du milieu universitaire, du milieu des affaires, des médias et de ce qu'on appelle les parties prenantes, c'est le peuple et ses préoccupations qui sont exclus. Les opinions des Canadiens ne sont pas entendues si leur participation se résume à répondre à des sondages qui leur demandent seulement d'indiquer leurs préférences parmi des choix présélectionnés. Cela détruit la cohésion du corps politique qui tend à « décrocher » faute d'une alternative qui vienne de lui. Le fait que les règlements, les règles et les arrangements alimentent la machine de guerre des États-Unis et de l'OTAN rend les conséquences du soi-disant système fondé sur des règles très dangereuses.
Les témoignages recueillis lors des auditions de la Commission sur l'état d'urgences sur les raisons pour lesquelles la Loi sur les mesures d'urgence a été invoquée révèlent une image embarrassante et humiliante de ministres et d'hommes politiques qui, lorsque l'administration américaine, les PDG des grandes banques et institutions financières ou les propriétaires des plus grands oligopoles leur ordonnent de sauter, répondent : « À quelle hauteur ? ». Le plus embarrassant, c'est que ces ministres et politiciens affirment que c'est ainsi qu'on défend la sécurité et l'intérêt national du Canada.
Les échanges qui, selon les rapports, ont eu lieu au sein du cabinet fédéral sur l'invocation de la Loi sur les mesures d'urgence ont été en majeure partie expurgés (caviardés). Invoquant le « secret professionnel », le gouvernement Trudeau a même refusé de dire à la Commission Rouleau si son propre ministère de la Justice considérait qu'il agissait conformément aux exigences de la loi. Mais ce qui a été mis au jour révèle un misérable gouvernement de vendus qui a trahi le droit des Canadiens à l'autodétermination, ainsi que l'état de droit et les droits du peuple.
L'avis adressé au Cabinet indique :
« Plus précisément, bien que les autorités municipales et provinciales aient pris dans des zones touchées des mesures déterminantes, comme l'application de la loi au pont Ambassador à Windsor, le BCP [Bureau du Conseil privé] est d'avis qu'il a fallu déployer des efforts considérables pour rétablir l'accès au site et qu'il faudra faire de même pour y maintenir l'accès. La situation dans tout le pays demeure préoccupante et imprévisible. Bien qu'il n'y ait aucune preuve à l'heure actuelle que des groupes extrémistes ou des donateurs étrangers sont impliqués de manière significative, le BCP constate que les perturbations et le désordre public se font sentir partout au pays et au-delà des frontières du Canada, ce qui pourrait donner un nouvel élan au mouvement et entraîner des préjudices irréparables, notamment en ce qui concerne la cohésion sociale, l'unité nationale et la réputation du Canada sur la scène internationale. De l'avis du BCP, cela correspond aux paramètres législatifs qui définissent les menaces pour la sécurité du Canada, bien que cette conclusion soit susceptible d'être contestée. »
Les Canadiens et les Québécois sont bien conscients que les partis cartellisés jouent un rôle de premier plan dans les actes visant à diviser le corps politique et à détruire le discours politique dans la poursuite de leurs propres objectifs sectaires et pour satisfaire leur soif de pouvoir. Mais la réalité objective est que le Canada n'est pas composé d'individus aléatoires avec des valeurs aléatoires dont les valeurs sont fondées sur le racisme et le chauvinisme social et imprégnées de l'esprit des élites dirigeantes. Le Canada est un pays composé de gens venus de partout dans le monde ainsi que de la nation du Québec les nations autochtones, les nations inuite et métisse, celle-ci privée de son territoire depuis que son chef a été pendu et que nombre de ses autres chefs et membres ont été massacrés. Les réclamations que la classe ouvrière est en droit de faire à la société, fondées sur son rôle de producteur de toutes les richesses, et celles du peuple sans qui le Canada n'existerait pas, sont niées par les cercles dirigeants et les personnes privilégiées qui les servent dans le système des partis cartellisés. Prétendre que c'est par les pouvoirs de police qu'on peut renforcer la cohésion sociale et l'unité nationale est une véritable escroquerie. C'est fait pour détourner l'attention des responsables de la destruction de l'opinion publique.
La vice-première ministre et ministre des Finances, Chrystia Freeland, a fourni de plus amples informations sur la « menace pour la réputation internationale du Canada » lors de son témoignage devant la Commission sur l'état d'urgence. Elle a déclaré que le 10 février, lorsque le conseiller économique principal du président américain Joe Biden a demandé à être appelé, elle a senti que c'était un « moment dangereux pour le Canada ». Elle a dit : « Cette conversation a été déterminante pour moi. C'est à ce moment-là que j'ai réalisé qu'en tant que pays, nous devions trouver un moyen de mettre un terme à cette situation. » « Je crois vraiment que notre sécurité en tant que pays repose sur notre sécurité économique. Et si notre sécurité économique est menacée, toute notre sécurité est menacée. Et je pense que c'est vrai pour nous en tant que pays. Et c'est aussi vrai pour les individus », a-t-elle déclaré à la commission d'enquête. Sans oublier que c'est la sécurité économique des États-Unis qu'elle a à l'esprit, et non celle du Canada.
Chrystia Freeland a ajouté qu'après son entretien téléphonique avec Brian Deese, directeur du Conseil économique national du président américain, elle savait que les blocages avaient déclenché un « feu orange » aux États-Unis concernant les vulnérabilités de la chaîne d'approvisionnement avec le Canada, et que le ministère des Finances craignait que les blocages ne torpillent les négociations avec les États-Unis sur les crédits d'impôt pour les véhicules électriques. Elle a déclaré : « Le danger était que nous étions en train, en tant que pays, de causer des dommages à long terme et peut-être irréparables à nos relations commerciales avec les États-Unis. »
En passant, il convient de noter qu'après la pandémie, des « crédits d'impôt » ont été gratuitement distribués aux sociétés participant à la production de véhicules électriques.
Chrystia Freeland a également déclaré que les PDG des banques canadiennes lui avaient dit que la réputation internationale du Canada était menacée et que les investisseurs américains considéraient le Canada comme « risible ».
Enfin, Chrystia Freeland a établi un lien entre l'invocation de la Loi sur les mesures d'urgence et la nécessité de « paraître forte », car elle disposait d'informations selon lesquelles « la Russie avait l'intention d'envahir l'Ukraine » et qu'elle craignait que les convois n'affectent la réponse du Canada à la guerre.
Le résumé du témoignage de Chrystia Freeland indique : « Mme Freeland a également souligné que si la capitale du Canada avait encore été occupée lorsque la Russie a envahi l'Ukraine, une telle situation aurait, à son avis, complètement discrédité le Canada en tant qu'allié soutenant l'Ukraine. »
« Les médias russes se seraient concentrés 24 heures par jour et 7 jours par semaine sur ce qui se passait au Canada, ce qui aurait fait paraître le Canada très faible à un moment où il avait besoin d'être fort. De plus, il aurait été très difficile d'agir après l'invasion. »
Pour les Canadiens, une réputation internationale dont ils pourraient être fiers serait de faire du Canada une zone de paix, de faire respecter le droit international, de se ranger aux côtés des forces populaires du monde entier qui s'opposent à l'impunité, aux régimes néocoloniaux, à l'occupation, à l'apartheid et aux génocides. Une réputation internationale fondée sur le type de flagornerie, de servilité et de comportement obséquieux affiché par Chrystia Freeland n'est admirée que par ceux qui lui ressemble.
La cohésion sociale est forgée par toutes celles et ceux qui luttent pour la reconnaissance des réclamations qu'ils sont en droit de faire et d'obtenir. Elle ne s'obtient pas en imposant les diktats d'intérêts privés supranationaux étroits et de la machine de guerre des États-Unis. Faire les réclamations que le peuple est en droit de faire à la société et travailler ensemble à la garantie de ces droits, voilà comment un peuple trouve sa dignité, sa fierté et une voie d'avenir.
Cet article est paru dans
Volume 54 Numéro 20 - 27 mars 2024
Lien de l'article:
https://cpcml.ca/francais/Lml2024/Articles/LS54203.HTM
Site web : www.pccml.ca Courriel : redaction@pccml.ca