À titre d'information

Modifications des lois sur l'exploitation minière en Ontario

Le 18 mai 2023, le projet de loi 71 du gouvernement de l'Ontario, Loi de 2023 visant l'aménagement de davantage de mines, a reçu la sanction royale[1]. Le projet de loi a été déposé le 2 mars 2023, une semaine avant la conférence annuelle de l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs (ACPE) qui s'est tenue à Toronto du 7 au 11 mars 2023.

Dans son analyse du projet de loi qui avait été déposé, Mining Watch Canada a indiqué que la nouvelle loi « réduirait les exigences déjà inadéquates imposées aux sociétés minières en matière de dépôt de cautions ou d'autres garanties financières pour couvrir les coûts de nettoyage de leurs opérations lorsqu'elles ferment leurs portes. Elle assouplirait également les normes de réhabilitation, permettrait aux exploitants d'approuver leurs propres plans techniques et autoriserait les entreprises à ne pas mettre en place de plans de fermeture complets avant de commencer leurs activités »[2].

L'organisation fournit les grandes lignes suivantes sur les sujets de préoccupation liés à cette loi.

Pas d'examen technique des plans de fermeture

Le gouvernement prévoit éliminer l'examen technique des plans de fermeture des mines par les fonctionnaires et permettre au personnel des entreprises minières de les approuver en tant que « personnes compétentes » certifiées. Cela créera un conflit d'intérêt évident. Bien qu'il existe déjà un risque de « capture » du ministère des Mines par les intérêts de l'industrie, au moins les fonctionnaires du ministère ne sont pas réellement employés par l'entreprise qui dépose les plans qu'ils examinent. Quelles que soient les qualifications des personnes concernées, il est difficile d'imaginer qu'elles ne se sentent pas poussées à soutenir les plans de leur propre employeur.

« La Colombie-Britannique en est une malheureuse illustration. La dépendance excessive de la Colombie-Britannique à l'égard des professionnels qualifiés (sa politique de 'confiance professionnelle') a été un facteur important dans la catastrophe de Mount Polley, selon l'audit 2016 sur la conformité et de l'application de la loi dans le secteur minier réalisé par Carol Bellringer, vérificatrice générale de la Colombie-Britannique. Ce problème a également été identifié par le Centre du droit de l'environnement (Université de Victoria) dans sa soumission de 2014 au Groupe d'experts indépendants d'enquête et d'examen en matière d'ingénierie du Mount Polley, et par l'inspecteur-chef des mines de la Colombie-Britannique dans son rapport d'enquête de 2014 sur le déversement du Mount Polley. Ce faut la plus grande catastrophe environnementale de l'histoire du Canada, qui a vu 25 millions de mètres cubes de matériaux contaminés se déverser dans le lac Quesnel (où les métaux lourds sont remobilisés à partir des sédiments chaque année) et dans le bassin hydrographique du fleuve Fraser.

Plans de fermeture incomplets

« L'Ontario prévoit également d'autoriser le report d'une partie du plan de fermeture d'une mine, ce qui permettrait aux projets d'aller de l'avant avec des plans de fermeture incomplets. Le premier ministre Ford et le ministre des Mines George Pirie semblent avoir oublié – ou peut-être veulent-ils simplement nous faire oublier – que ces exigences ont été mises en place précisément pour éviter les situations où d'importantes mesures de fermeture et de réhabilitation sont impossibles à mettre en oeuvre. Ils ont promis que cela ne se ferait que lorsque ces études/éléments peuvent raisonnablement être reportés sans compromettre l'intégrité du plan de fermeture. Mais il n'existe aucun moyen de le faire de manière fiable, précisément parce que ces éléments sont interdépendants. Des activités spécifiques de nettoyage et de surveillance peuvent être rendues possibles ou impossibles par la façon dont la mine est construite et exploitée. Par exemple, la manière dont les déchets sont placés et l'endroit où ils le sont changent les options d'assainissement viables. Il existe un risque important que des éléments soient exclus, pour découvrir plus tard qu'ils sont importants et qu'ils ne peuvent pas être mis en oeuvre en raison d'autres facteurs ou d'actions déjà entreprises.

Garanties financières par étapes

« Les modifications proposées permettraient aux promoteurs de présenter une garantie financière par tranche (phase) selon un calendrier lié à la construction de nouvelles caractéristiques de la mine. Cela aurait du sens si les garanties financières actuelles de l'Ontario n'étaient pas déjà terriblement inadéquates. Le rapport annuel 2015 du vérificateur général de l'Ontario a identifié un passif de nettoyage de quelque 3,1 milliards de dollars pour 216 sites miniers fermés et abandonnés, avec à peine la moitié de ce montant couvert par une forme quelconque de garantie financière, y compris l'« auto-assurance » et les actifs de l'entreprise qui peuvent facilement et presque instantanément s'évaporer dans de mauvaises conditions.

« Sur la base de l'expérience acquise en Ontario et dans d'autres juridictions, nous avons estimé que le passif réel est probablement plus proche de 7,6 milliards de dollars, soit plus de deux fois les estimations officielles et plus de quatre fois les garanties financières réelles. (À titre d'exemple, sur le site minier de Kam Kotia, près de Timmins, les coûts ont augmenté de plus de 225 % par rapport aux estimations initiales – 41 millions de dollars contre 96 millions de dollars 15 ans plus tard, lorsque les travaux ont réellement été effectués). La province de l'Ontario – c'est-à-dire les contribuables – doit donc assumer le manque à gagner et payer la facture du nettoyage, du traitement perpétuel de l'eau, etc. Les changements proposés dans le cadre de la loi « visant l'aménagement de davantage de mines » ne font rien pour combler ce fossé, ni pour mettre fin aux pratiques absurdes d'auto-assurance et d'acceptation d'actifs en tant que garantie. Aucun rapport public n'a été publié à ce sujet depuis le rapport de suivi de 2017 du vérificateur général de l'Ontario. Il est également important de noter que les redevances minières de l'Ontario sont les plus faibles du Canada, ce n'est donc pas comme si la province générait suffisamment de revenus pour justifier ces passifs.

« Cette proposition aurait du sens pour une juridiction minière mature qui mettrait en oeuvre le principe du pollueur-payeur, en veillant à ce que les responsabilités environnementales et sanitaires soient entièrement couvertes par des obligations ou d'autres garanties financières encaissables – et si elle était assortie de critères permettant des déterminations sur la base de ce qu'il faudrait réellement pour nettoyer et réhabiliter le site tel qu'il est à un moment donné.

Des normes de réhabilitation plus souples

« L'Ontario propose d'autoriser d'autres mesures de réhabilitation et d'autres utilisations des terres après la fermeture, par exemple pour permettre la réhabilitation de terres selon des normes d'utilisation industrielle plutôt que d'habitat naturel. Bien qu'une plus grande flexibilité soit une bonne idée, elle ne devrait pas être utilisée pour permettre simplement des conditions plus dégradées après la fermeture, et le gouvernement n'a pas identifié de conditions ou de critères pour empêcher cela.

Ré-exploitation des déchets et résidus miniers existants

« En 2021, la Loi sur les mines a été modifiée pour permettre la ré-exploitation d'anciens déchets miniers, mais les promoteurs devaient s'assurer que l'état du terrain serait amélioré à l'issue de l'exploitation. Le gouvernement veut désormais s'assurer que l'état du terrain sera 'comparable ou supérieur' à ce qu'il était auparavant. En d'autres termes, si l'endroit est une véritable horreur, il suffit de le laisser un peu moins sale (ou dangereux), mais pas vraiment propre ou sécuritaire. C'est absurde. Les opérations de ré-exploitation ou de récupération sont l'occasion de servir à la fois le profit privé et l'intérêt public. Elles ne devraient être autorisées que si elles peuvent laisser la terre (et les eaux) dans un état nettement meilleur.

Une prise de décision politisée

« Les amendements proposés transféreraient le pouvoir de décision du directeur de la réhabilitation minière au ministre, et permettraient au ministre de prendre des décisions pour le directeur de l'exploration à sa guise. Cela politise carrément ces décisions. Il est déjà assez grave que ces processus ne soient pas soumis à l'obligation de rendre des comptes et qu'il y ait déjà une forte emprise réglementaire, sans qu'il soit nécessaire de confier les décisions à des ministres qui ne sont généralement pas des experts en la matière.

Rassurez-vous

« L'entrée du registre environnemental indique que les changements proposés 's'harmonisent avec l'objet de la Loi sur les mines, qui comprend l'encouragement de la prospection, de l'enregistrement des concessions minières et d'exploration pour la mise en valeur des ressources minérales, d'une manière compatible avec la reconnaissance et l'affirmation des droits ancestraux et issus de traités existants (y compris l'obligation de consulter) et de réduire au minimum l'incidence de ces activités sur la santé et la sécurité publiques et sur l'environnement'. Toujours selon le registre, 'les modifications proposées à la Loi sur les mines ne devraient pas avoir d'incidence sur l'environnement'. En l'absence d'engagements spécifiques en ce sens, et de la part d'un gouvernement qui a démontré à maintes reprises son mépris pour les droits des populations autochtones et pour l'environnement, il s'agit là d'assurances bien vides de sens.

Un rappel à la réalité

« Dans les raisons qui justifient les changements proposés, le ministre George Pirie déplore qu'il faille parfois plus de 15 ans entre la prospection et l'exploitation d'une mine. Mais ce délai n'est nécessaire que si les conditions du marché et les finances ne sont pas favorables à ce projet particulier (c'est-à-dire si le projet est économiquement marginal) ou s'il présente de graves problèmes techniques ou environnementaux. Il faut encore plusieurs années pour passer les différentes procédures d'autorisation (sans compter l'évaluation environnementale, puisque les projets miniers ne sont pas soumis à la procédure d'évaluation provinciale), mais une grande partie de ce temps est nécessaire pour réaliser et examiner l'ingénierie requise – ce qui n'est pas non plus quelque chose que l'on peut rationaliser sans risque.

« Le boom actuel de l'exploration prendra un certain temps avant de déboucher sur de véritables projets miniers, de sorte qu'ils ne répondront pas à la demande des marchés actuels et émergents, et personne ne sait à quoi ressembleront les marchés mondiaux dans cinq ou dix ans. Si le gouvernement ne s'engage pas à soutenir de tels projets, par exemple en garantissant l'achat et le traitement, tout ce qu'il fait, c'est stimuler l'activité d'exploration (une stratégie standard d'achat de votes), récompenser les entreprises d'exploration et de services (et les investisseurs), sans bénéfice durable pour les habitants du Nord ou pour la province dans son ensemble, mais avec un impact durable sur les communautés et les écosystèmes sensibles du Nord. »

Mining Watch souligne que « l'Ontario n'exige pas que les projets miniers fassent l'objet d'une évaluation environnementale. Cela signifie qu'il n'existe aucun mécanisme permettant de s'assurer que les plans de fermeture, par exemple, sont soumis à l'examen des peuples autochtones – dont le consentement est requis par la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones – ou des communautés affectées, des groupes d'intérêt public ou d'experts indépendants ».

En ce qui concerne la façon dont la loi va aggraver la situation dans le nord de l'Ontario, Mining Watch cite l'exemple de l'évolution de la situation dans le Cercle de feu :

« Les Premières Nations de Webequie et de Marten Falls, situées dans le nord de l'Ontario, ont toutes deux approuvé la liaison routière du Nord afin de permettre aux entreprises minières d'accéder au Cercle de feu – un ensemble de gisements de minéraux situés dans l'extrême nord de l'Ontario – en plus des routes d'accès à leurs propres communautés. Cependant, la Première Nation Neskantaga s'est opposée à l'ouverture de la région à l'exploitation minière sans avoir eu la possibilité d'exercer son consentement libre, préalable et éclairé, et tant les Premières Nations que les groupes environnementaux ont exprimé de sérieuses inquiétudes quant aux effets d'un tel développement sur les vastes et sensibles tourbières de la région. Le chef de la Première Nation Neskantaga, Wayne Moonias, s'est exprimé avec passion lors d'une assemblée de l'Association canadienne des prospecteurs et entrepreneurs [2023] contre les dernières approbations, tandis que la spécialiste du droit autochtone Kate Kempton, qui représente les Premières Nations d'Attawapiskat, de Ginoogaming, de Constance Lake et d'Aroland, dans le nord de l'Ontario, a déclaré à la CBC que les actions du gouvernement ne feraient qu'entraîner d'autres confrontations : Doug Ford est en train de se préparer, lui et son gouvernement, à une série d'injonctions et d'actions pour bloquer des routes. Il a ouvert la voie à des actions en justice et peut-être aussi à des actions directes. »

Notes

1. Loi de 2023 visant l'aménagement de davantage de mines, Assemblée législative de l'Ontario

2. « Editor Message :  Plus de mines et des mines pires : Le projet de loi de l'Ontario visant l'aménagement de davantage de mines », Mining Watch Canada, 7 mars 2023


Cet article est paru dans
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Volume 54 Numéro 20 - 21 mars 2024

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