20e anniversaire du coup d'État contre le
président légitimement élu d'Haïti
Debout avec Haïti! Justice! Dignité! Réparations!
Rassemblement à Ottawa lors du 20e anniversaire du coup d'État
en Haïti, 29 février 2024
Le 29 février est le 20e anniversaire du coup d'État infâme orchestré par les États-Unis, la France et le Canada en Haïti qui a renversé le président élu Jean-Bertrand Aristide et l'a forcé à l'exil. La conspiration a été tramée treize mois avant le coup, dans le secret le plus total, dans les collines de la Gatineau au Québec par l'« Initiative d'Ottawa sur Haïti », sans la présence d'un seul Haïtien. Plusieurs événements ont eu lieu pour commémorer ce crime contre l'humanité et discuter comment consolider le travail de solidarité avec le peuple haïtien.
À midi, des gens se sont rassemblés à la flamme du centenaire sur la Colline du Parlement, là même où, il y a 20 ans, la communauté haïtienne est venue dénoncer la complicité du gouvernement canadien dans le coup d'État mené contre Haïti. En soirée, une réunion a eu lieu au centre Bronson où près de quarante personnes ont participé. La discussion a été animée par Jean Saint-Vil, tandis que l'avocat en droits humains Mario Joseph a joint la réunion en ligne de Port-au-Prince. Les autres orateurs étaient Jennie-Laure Sully et Frantz André de Solidarité Québec-Haïti, Kevin Skerrett, qui à l'époque était chercheur syndical, et l'auteur et activiste Yves Engler. Jean Saint-Vil a aussi réalisé une vidéo pour souligner l'occasion.
Réunion à Ottawa, 29 février 2024
Un des points qui a été souligné au cours de ces actions est que l'intention coloniale criminelle du coup contre Haïti n'est pas matière à interprétation. Elle est présente et mise en évidence dans les déclarations des principaux organisateurs et instigateurs du coup. Exprimant ouvertement le point de vue du « fardeau de l'homme blanc », selon lequel les peuples noirs ne peuvent se gouverner, Denis Paradis, qui était alors secrétaire d'État libéral pour l'Amérique latine, l'Afrique et la Francophonie, et un des principaux acteurs de l'Initiative d'Ottawa sur Haïti, avait déclaré à la Chambre des communes : « Le temps presse. On évalue que d'ici 2019 la population de Haïti pourrait atteindre 20 millions. Il faut désamorcer cette bombe à retardement immédiatement. » Plus tard, suite au coup d'État prémédité contre Haïti, en réponse à un journaliste qui lui demandait s'il pensait avoir perpétré un coup d'État contre Haïti, Denis Paradis a dit : « Pas du tout. » Et lorsqu'on lui a demandé ce qu'il pensait de la suspension de la souveraineté d'Haïti, il a lui-même lancé : « Est-ce que le principe de la souveraineté des États est immuable ? »
Le 31 décembre 2003, moins de deux mois avant que les marines américains s'introduisent dans la résidence du président d'Haïti, pendant que les soldats canadiens veillaient à la sécurité de l'aéroport pour faciliter le coup et l'occupation d'Haïti, le secrétaire général adjoint de l'Organisation des États américains Luigi Einaudi déclarait : « Le vrai problème en Haïti est que la 'communauté internationale' est tellement mal foutue et divisée qu'elle laisse les Haïtiens gouverner Haïti. » D'autres déclarations du même acabit comprennent celle du Major Michael T. Ward qui, dans un article intitulé « Sur la tutelle internationale en Haïti » publié en 2006 sur le site Web du gouvernement du Canada, dit : « La longue histoire et l'unique culture de ce pays a imprégné le peuple haïtien d'un profond sens d'indépendance et de la nation. Ceci est un problème considérable pour la communauté internationale, puisqu'elle doit par conséquent développer et adopter une approche qui fera en sorte qu'elle sera perçue comme légitime par la nation haïtienne, et non simplement comme imposée par des forces extérieures. »
Les événements du 20e anniversaire ont aussi mis en relief que le coup n'avait pas pour unique objectif d'enlever Aristide, mais qu'il visait aussi à renverser un régime populaire et à démanteler systématiquement l'État-Nation haïtien, alors que furent éliminés pas moins de 7 000 postes d'élus à divers niveaux. C'est ce qui se cache derrière les prétentions du Canada lorsqu'il parle de « rétablir la démocratie » et d'assurer « des élection libres et équitables ».
Les orateurs ont aussi confirmé que des chefs de gangs en Haïti sont sur une liste de sanctions du gouvernement canadien, sans qu'aucune suite n'ait été donnée ni aucune information partagée avec Haïti. Les gangs sont armés, selon des rapports de l'ONU, par les États-Unis. En outre, le quartier-général du plus notoire de ces gangs est situé directement devant l'ambassade américaine, l'une des quatrièmes plus grandes dans tout l'hémisphère. Certains de ces gangs armés se donnent des allures révolutionnaires, mais les orateurs ont fait valoir qu'ils ne mordront pas la main qui les nourrit, celle des États-Unis et des 15 oligarques qui contrôlent Haïti.
Le Canada continue d'appuyer l'ingérence et l'occupation d'Haïti et la répression du peuple haïtien. Le 22 février, confirmant le vieil adage « Avec de tels amis, qui a besoin d'ennemis ? » , la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly, ayant affirmé que le Canada et Haïti sont « des partenaires et des amis de longue date », a annoncé que le Canada allait affecter 123 millions de dollars, y compris 80,5 millions pour promouvoir le déploiement d'une mission multinationale de soutien à la sécurité (MSS) dirigée par le Kenya. La MSS, incitée par les États-Unis et le Canada, a pour but de bloquer la résistance haïtienne et à renforcer la police nationale haïtienne (PNH) au nom de l'amélioration « des conditions de sécurité de la population civile haïtienne. L'annonce a été faite par Mélanie Joly à Rio de Janeiro, au Brésil, alors qu'elle participait à un événement international destiné à galvaniser le soutien financier à Haïti, dans le cadre de la réunion des ministres des Affaires étrangères du G20. Un autre 4,5 millions de dollars sera aussi attribué à l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour « renforcer les capacités d'Haïti en matière de gestion des frontières en vue d'améliorer la sécurité ». Mario Joseph a fait valoir que ce montant ira vraisemblablement aux États-Unis pour les aider dans leur répression des migrants haïtiens fuyant le pays à cause des conditions difficiles imposées par l'occupation étrangère. Il a aussi dit que la démarche entreprise au Kenya pour contester la décision du gouvernement, jugée inconstitutionnelle, d'envoyer des troupes en Haïti a été possible grâce aux efforts de solidarité entre les membres des communauté haïtienne et kenyane.
Les deux événements de la journée ont été organisés dans l'esprit d'une seule lutte par les peuples du monde à la défense de leurs droits humains et de leur droit d'être en tant que peuples. Dans sa vidéo enregistrée pour souligner l'occasion, Jean Saint-Vil explique que l'hymne national haïtien contient les paroles suivantes : « Notre nation Haïti n'est pas un cadeau de l'homme blanc, c'est le sang de nos ancêtres » et il appelle les Canadiens et les Québécois à être solidaires du « beau, combatif et impénitent peuple noir d'Haïti, qui n'a jamais cessé d'affirmer cette simple vérité : Nous sommes tous des humains. »
La vidéo « Why must a Canadian care about bloodshed in Haïti
today ? » (« Pourquoi un Canadien devrait-il se
préoccuper du sang versé en Haïti aujourd'hui ? ») est
disponible ici.
La réunion du 26 février 2024 à Toronto pour souligner le 20e
anniversaire du coup d'État
Cet article est paru dans
Volume 54
Numéro 16 - 6 mars 2024
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