Réponse méritée des travailleurs sur le terrain aux attaques du gouvernement contre les demandeurs d'asile

Le 19 janvier, deux jours après la lettre du premier ministre du Québec, François Legault, à son homologue fédéral dans laquelle il blâme les réfugiés pour le manque de logement et de services sociaux, la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI), qui regroupe 151 organismes oeuvrant auprès des personnes réfugiées, immigrantes et sans statut, a publié un communiqué rappelant aux gouvernements du Québec et fédéral leurs « responsabilités et devoirs » en matière de protection et d'accueil des réfugiés. Elle a aussi voulu mettre la lumière « sur la réalité du terrain en relation avec les services d'installation et d'intégration pour les demandeurs d'asile ».

« Le Canada », lit-on dans le communiqué, « a des obligations internationales envers les personnes en quête de protection. Les personnes déplacées de force fuient des situations de persécution, conflit, violence, violation des droits humains ainsi que des événements perturbant l'ordre public (UNHCR 2023). Ces personnes ont le droit de chercher l'asile et de recommencer leur vie dans des conditions dignes, sans subir une stigmatisation à cause de leur parcours de vie.

« Ce droit est reconnu par la Déclaration universelle des droits de l'homme. Également, la Convention relative au statut des réfugiés établit pour les États l'obligation de non-refoulement. En tant que signataire de la Convention relative au statut des réfugiés de l'ONU, le Canada a l'obligation d'offrir une protection aux demandeur es ses d'asile qui en font la demande. En juin 2023, le Haut-Commissariat pour les Réfugiés (HCR) comptait déjà 110 millions de personnes déplacées de force dans le monde. Ce chiffre alarmant ne tient pas compte de phénomènes récents comme la crise humanitaire en Palestine et il continuera à prendre de l'ampleur dans un contexte de crise humanitaire sans précédent là-bas et au Soudan, au Congo, au Mozambique et en Ukraine notamment. »

Le communiqué de presse de la TCRI souligne l'importance que « le gouvernement fédéral élargi[sse] le programme pour l'accueil de réfugiés palestiniens touchés par la crise. » En outre, ils déplorent « le refus du Québec de participer aux programmes spéciaux annoncés par le gouvernement fédéral pour les ressortissants d'Haïti, de Colombie et du Venezuela ainsi que la politique d'intérêt public visant les ressortissants du Soudan. »

« Instrumentaliser les personnes en demande d'asile pour expliquer la crise des services publics ou annoncer un 'point de rupture', revient à faire l'impasse sur les racines multiples de cette crise qui trouve sa source dans des décennies de sous-investissements. Les discours présentés parlent de l'arrivée des demandeurs d'asile comme un phénomène à l'origine de plusieurs problèmes structurels au Québec et dans le reste du Canada, problèmes largement exprimés par les personnes employées du secteur public l'automne dernier. »

La situation actuelle, suggère la TCRI, « est plus que jamais l'occasion de mettre en place des solutions qui profiteront à l'ensemble de la population, y compris aux personnes nouvellement arrivées au Québec. Les organismes communautaires exhortent la classe politique à faire preuve de la plus grande prudence sur les liens qui sont faits entre la présence de personnes en demande d'asile et l'état des services publics. »

« Des solutions existent », déclare-t-elle. « Les autorités au niveau fédéral et provincial répètent à plusieurs reprises que le Canada et le Québec font déjà leur part en ce qui concerne l'accueil et l'installation de personnes en quête de refuge. Les organismes communautaires rejettent cette affirmation. Malgré les programmes de réinstallation des personnes réfugiées, il est possible et nécessaire de faire plus pour répondre aux demandes d'asile. Le Canada, mais aussi le Québec, doivent prendre acte de la situation mondiale inédite et mettre en place des solutions pérennes pour y répondre et respecter leurs responsabilités et obligations internationales. Si ces solutions passent entre autres par un soutien adapté aux besoins des organismes communautaires de la part des gouvernements du Canada et du Québec, ces derniers doivent faire preuve d'une meilleure concertation, notamment en matière d'hébergement. »

La TCRI affirme aussi que « le Québec fait fausse route en proposant de transporter des personnes en demande d'asile vers d'autres provinces. Des infrastructures d'hébergement temporaire ne suffisent pas. Le milieu communautaire joue un rôle clé dans l'accueil et l'intégration de ces personnes et le Québec dispose d'une expertise que l'on ne retrouve pas dans toutes les autres provinces. De plus, il existe encore plusieurs barrières à l'intégration des personnes demandeuses d'asile, qui sont en majorité reconnues comme réfugiées par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, et qui s'établissent donc de façon permanente au Québec.

« Le gouvernement du Québec pourrait soutenir davantage leur intégration en leur donnant accès aux services en employabilité, aux services de garde subventionnés ou aux allocations pour les cours de francisation, par exemple. Il importe de cesser de voir les personnes réfugiées et en demande d'asile comme un fardeau pour la société québécoise, alors qu'elles y contribuent de multiples façons.

« Alors que les crises se multiplient sur le plan international, crises auxquelles les actions des États du Nord global et d'entreprises multinationales ne sont d'ailleurs pas étrangères, l'heure n'est pas à la fermeture des frontières pour les personnes qui fuient la persécution et la violence sous toutes ses formes. »

La TCRI, forte de 40 ans d'expérience, a pour mission la défense des droits et la protection des réfugiés et des immigrants au Québec et leur acheminement vers l'immigration, l'établissement et intégration sur territoire québécois en termes d'aide, d'appui, de pensée critique et de solidarité. Sa vision en est une d' « action communautaire favorisant l'accueil des immigrants ».


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Volume 54 Numéro 14 - 28 février 2024

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