Le gouvernement du Québec adopte une « Loi visant principalement à améliorer l'encadrement relatif aux étudiants étrangers »

L'Assemblée nationale du Québec a adopté le 5 décembre le projet de loi 74, Loi visant principalement à améliorer l'encadrement relatif aux étudiants étrangers.

Le projet de loi a été présenté à l'Assemblée nationale le 10 octobre par Jean-François Roberge, le tout nouveau ministre de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration, nommé à ce poste le 5 septembre. Jean-François Roberge est également ministre de la Langue française, ministre responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, ministre responsable des Institutions démocratiques, ministre responsable de l'Accès à l'information et de la Protection des renseignements personnels et ministre responsable de la Laïcité.

Le projet de loi a surtout mis l'accent sur les étudiants internationaux et sur la correction d'une situation où de soi-disant mauvais acteurs (y compris certains établissements) les arnaquent, tout en leur offrant de faux espoirs d'étudier au Québec et de s'y installer de façon permanente Cependant, cette pièce législative va bien au-delà. Elle touche l'ensemble de l'immigration temporaire et permanente, ce qui inclut non seulement les étudiants internationaux, mais aussi les demandeurs d'asile, les travailleurs étrangers temporaires et d'autres catégories.

Les mots clés dans le titre de la loi sont « principalement » et « régime de réglementation ». Par cette loi, le gouvernement Legault cherche à renforcer le pouvoir exécutif en contournant l'Assemblée nationale en ce qui a trait à l'immigration temporaire et à la résidence permanente. Dans certains cas, il ne publiera même pas certaines de ses décisions par voie réglementaire à la Gazette officielle du Québec[1].

Lors de la conférence de presse au cours de laquelle Jean-François Roberge a présenté le projet de loi, il a rappelé qu'il y a plus de 600 000 immigrants non permanents ou temporaires officiellement enregistrés au Québec (sans parler de toutes les personnes sans papiers pour lesquelles il n'existe pas de registre officiel).

Le ministre a indiqué qu'entre 2014 et 2024, le nombre d'étudiants étrangers au Québec avait bondi de 50 000 à plus de 120 000, soit une augmentation de 140 %. Il n'a pas mentionné que son propre gouvernement les a tous laissés entrer. Environ 80 % de tous ces étudiants au Québec fréquentent des établissements d'enseignement postsecondaire, comme les cégeps et les universités, 10 % sont en formation professionnelle et le reste (les fils et filles d'immigrants temporaires) sont dans des écoles primaires et secondaires.

Le ministre de l'Immigration a ensuite donné des exemples. En l'espace d'un an et demi, deux petits établissements privés ont chacun augmenté leur nombre d'étudiants internationaux de plus de 245 %. Il a expliqué comment le projet de loi aiderait à éliminer certains mauvais acteurs qui s'attaquent aux étudiants internationaux en leur faisant miroiter la résidence permanente [comme si son gouvernement ou le gouvernement fédéral n'étaient pas passés maîtres dans ces pratiques – note de la rédaction].

Jean-François Roberge a également soulevé la nécessité de préserver la vitalité de la langue française. Il a révélé qu'en 2023, 58,7 % de tous les étudiants internationaux au Québec résidaient dans la région du Grand Montréal, le reste étant largement réparti dans diverses régions du Québec. Toujours protecteur de la langue française en paroles, Jean-François Roberge continue de supprimer les cours de français pour les immigrants temporaires, tout en niant que c'est le cas.

Le ministre n'a aucun scrupule à ce que son gouvernement n'ait aucun plan en place pour fournir les services et le logement nécessaires pour faire face aux répercussions de l'ouverture des portes aux étudiants internationaux et aux travailleurs étrangers temporaires sur la société québécoise. Son gouvernement ne considère pas non plus que la manne tombée du ciel pour les riches soit un problème, même s'il est forcé par la vie réelle de faire face à l'énorme pression qu'elle exerce sur les soins de santé, l'éducation, la demande de logement, etc. Il ne peut même pas imaginer que les grandes entreprises, qui finissent par embaucher des étudiants étrangers, devraient faire partie de l'équation pour payer leurs frais, car ce sont elles qui sont les premiers bénéficiaires de leurs connaissances acquises. Au lieu de cela, il blâme les migrants temporaires, principalement des demandeurs d'asile, pour les compressions qui ont été faites dans le cadre de leur propre offensive antisociale au fil des ans, orientée sur la privatisation.

Le ministre a décrit le projet de loi comme donnant à son gouvernement une plus grande marge de manoeuvre dans ses choix, avec de nouveaux leviers lui permettant d'obtenir plus d'information sur les étudiants et de fixer le nombre de demandes et d'acceptations avec plus d'agilité, en fonction des régions, des niveaux d'apprentissage, des établissements, des programmes, de la « vitalité des établissements », et de la préservation des programmes d'études pour les régions. Il n'a fourni aucune information sur le nombre d'étudiants étrangers qui serait coupé, se contentant de dire qu'il serait « adéquat » et que le gouvernement devait agir rapidement, avec une première réduction en septembre 2025.

Au lieu de reconnaître que son propre gouvernement porte également la responsabilité de l'augmentation spectaculaire du nombre d'étudiants internationaux, le ministre a affirmé que son gouvernement manquait « d'outils législatifs » pour traiter la question correctement et avec précision.

Bien que les remarques introductives de Jean-François Roberge se soient concentrées sur les étudiants internationaux, un journaliste a attiré l'attention sur une proposition d'amendement à Loi sur l'immigration du Québec. Elle se lit en partie comme suit : « Une décision est prise en tenant compte, notamment, des orientations et des objectifs fixés au plan annuel d'immigration, des besoins économiques et de main-d'oeuvre, du besoin de favoriser une diversité de provenance des demandes de sélection, de considérations humanitaires, de toute situation susceptible de compromettre la santé, la sécurité ou le bien-être de personnes immigrantes, de la capacité d'accueil et d'intégration du Québec ou de l'intérêt public. » Le journaliste a ensuite donné l'exemple de personnes qui viennent ici pour étudier et qui font ensuite une demande de statut de réfugié.

Jean-François Roberge a déclaré qu'une fois les « outils législatifs » mis en place, le gouvernement veut s'assurer que les personnes qui viennent au Québec ne le font pas sous un faux prétexte. En ce qui concerne plus particulièrement les étudiants, il a ajouté : « On veut admettre des étudiants étrangers qui vont venir nous aider à répondre à nos enjeux de services publics puis qui vont nous permettre de maintenir des programmes en région. » Il a ajouté qu'ils devaient « nous permettre de maintenir des créneaux d'excellence, qui vont nous permettre d'aller dans des secteurs où on a de grandes pénuries » et « qui vont nous permettre de renforcer la qualité de la langue française ».

« Donc, on veut des étudiants qui sont des étudiants étrangers », s'est exclamé le ministre, « pas des demandeurs d'asile qui utilisent des visas étudiants pour faire des demandes d'asile. »

Lorsque le journaliste lui a demandé si de telles pratiques pouvaient être interdites, le ministre a répondu que les choses seraient analysées et qu'une partie de cette analyse relève de la responsabilité du gouvernement fédéral. Il a dit qu'il avait eu des conversations à ce sujet avec les ministres fédéraux de l'Immigration, de la Sécurité publique, des Institutions démocratiques et des Affaires intergouvernementales.

Note

1. En vertu de l'article 104 de la Loi sur l'immigration au Québec, un règlement pris en vertu de certains articles de la loi « n'est pas soumis à l'obligation de publication prévue à l'article 8 de la Loi sur les règlements », selon laquelle « Tout projet de règlement est publié à la Gazette officielle du Québec ». De même, les règlements pris en vertu de ces articles ne sont pas soumis à l'article 17 de la Loi sur les règlements, selon lequel « Un règlement entre en vigueur le quinzième jour qui suit la date de sa publication à la Gazette officielle du Québec ou à une date ultérieure qu'indique le règlement ou la loi en vertu de laquelle le règlement est édicté ou approuvé ». Au contraire, en vertu de l'article 104, un tel article « entre en vigueur à la date de sa publication à la Gazette officielle du Québec ou à toute date ultérieure qui y est fixée ».

En vertu de la loi 74, les articles 9 et 10 de la Loi sur l'immigration du Québec sont maintenant inclus dans les dispositions de l'article 104.
L'article 9 stipule que « Pour chaque catégorie, le gouvernement peut déterminer, par règlement, des programmes d'immigration et, pour chacun de ceux-ci, des conditions ainsi que, le cas échéant, des critères de sélection applicables aux ressortissants étrangers. » L'article 10 stipule que « Un ressortissant étranger appartenant à l'une des catégories prévues aux articles 6 et 7 doit, pour séjourner ou s'établir au Québec, présenter une demande au ministre dans le cadre d'un programme d'immigration, à moins qu'il ne soit visé par une exemption établie par règlement du gouvernement. » L'article 6 inclut les travailleurs étrangers temporaires et les étudiants étrangers comme catégories d'étrangers souhaitant séjourner temporairement au Québec. L'article 7 énumère les catégories de ressortissants étrangers qui souhaitent s'établir à titre permanent au Québec : la catégorie de l'immigration économique, la catégorie du regroupement familial et la catégorie de l'immigration humanitaire.

(Source : Assemblée nationale du Québec, LégisQuébec)



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Volume 54 Numéro 12 - Décembre 2024

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