La Politique étrangère du Canada pour l'Arctique

Faisons de l'Arctique une zone de paix! Opposons-nous activement à la braderie et aux discours bellicistes sur la «patrie nord-américaine»!

– Nick Lin –

Contrairement au Panama et au Groenland (qui fait partie du Danemark), le gouvernement canadien n'a pas eu la dignité de dire au président américain Donald Trump que le Canada ne lui appartient pas. Le Canada a succombé complètement aux exigences des États-Unis et de l'OTAN de leur céder l'Arctique canadien pour leurs plans de militarisation de l'Arctique, comme base à partir de laquelle attaquer la Russie et la Chine et contrôler le passage du Nord-Ouest en tant que voie de navigation convoitée.

Plusieurs peuples autochtones vivent dans l'Arctique. Lesy vivent Inuits depuis des temps immémoriaux. Ils forment un seul et même peuple, même si, à l'époque moderne, ils sont répartis entre quatre pays différents (Canada, États-Unis, Russie et Danemark). Cela n'enlève rien à leur droit de vivre en tant que peuple libre ayant le droit de préserver leur mode de vie, de jouir d'un niveau de vie inégalé et de contrôler les décisions qui affectent leur vie. Ils appellent à « faire de l'Arctique une zone de paix » et les Canadiens ne demandent rien de moins.

Depuis la création de l'OTAN, les terres autochtones ont été utilisées comme décharge pour les déchets nucléaires et les matières polluantes et pour effectuer des exercices militaires qui brisent le mur du son, menaçant les populations et les animaux dont elles dépendent pour vivre. Dans les années 1950, les Inuits ont été déplacés de force dans le Grand Nord par la GRC, agissant au nom du ministère des Ressources et du Développement, pour servir les objectifs de la guerre froide au nom de la « souveraineté arctique ». Les peuples autochtones vivant dans les régions subarctiques du Canada – les Dénés à l'ouest et les Innus au Labrador et dans le nord du Québec – s'opposent également à l'utilisation de leurs terres par les fauteurs de guerre de l'OTAN.


Manifestation à la base aérienne de Goose Bay en 1988 contre les entraînements à basse altitude de l'OTAN au-dessus du Nitassinan.

Bien qu'il ne soit pas apparenté aux Inuits, le peuple sami de Finlande est également un peuple autochtone de la région arctique de l'Europe, divisé de la même manière à l'époque moderne entre la Norvège, la Suède, la Finlande et la Russie. Il est confronté aux mêmes défis que les Inuits en ce qui concerne la reconnaissance de ses droits et de sa souveraineté. Ces défis seront sans aucun doute exacerbés maintenant que la Norvège, la Suède et la Finlande sont toutes membres de l'OTAN, l'alliance guerrière dirigée par les États-Unis, et qu'elles ont donné leur feu vert à la militarisation généralisée de l'Arctique européen par les États-Unis et l'OTAN en cédant des territoires pour l'installation de dizaines de bases américaines.

La Politique étrangère du Canada pour l'Arctique (PECA), annoncée par la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly le 6 décembre, ne tient pas compte de cette réalité de l'Arctique, de ses habitants, de leurs besoins et de leurs préoccupations. Elle est plutôt un simple amalgame de désinformation, d'allégations non fondées, de récits inventés et de simples inepties dont le seul objectif est de justifier l'injustifiable. Le communiqué de presse d'Affaires mondiales Canada annonçant la décision du gouvernement de renoncer à sa souveraineté sur l'Arctique donne l'impression qu'il s'agit de la chose la plus sensée[1] : « L'Arctique connaît des changements majeurs. La transformation du contexte géopolitique, l'évolution des menaces à la sécurité et l'accélération des changements climatiques ont des répercussions uniques sur l'Arctique et mettent en évidence la nécessité d'un leadership canadien fort pour répondre à la réalité en constante évolution de la région. »

Le gouvernement espère que personne ne verra que ce qu'il appelle des consultations sont un simple exercice de relations publiques dont le but est d'essayer de se donner une légitimité et une crédibilité à cette politique sur l'Arctique. Le communiqué de presse précise :

« Le lancement de la PECA est l'aboutissement de mois de consultations approfondies avec les gouvernements territoriaux et provinciaux ainsi que les Inuits, les Premières nations et les Métis. La PECA est également fondée sur des consultations avec le Royaume du Danemark, les États-Unis, la Finlande, l'Islande, la Norvège et la Suède, qui sont les partenaires aux vues similaires du Canada dans l'Arctique.

« La PECA est une stratégie diplomatique globale pour la mobilisation du Canada dans l'Arctique et sa participation aux questions qui touchent la région. Elle offre une présence et des partenariats élargis pour répondre aux besoins actuels et la souplesse nécessaire pour s'adapter aux défis futurs. Cette démarche est complémentaire au Cadre stratégique pour l'Arctique et le Nord (CSAN) de 2019 et permettra au Canada de continuer à affirmer sa souveraineté, à défendre ses intérêts nationaux et à promouvoir un Arctique stable, prospère et sécuritaire fondé sur une vision commune de l'avenir de la région.

« La PECA comprend quatre piliers en matière de politique étrangère : affirmer la souveraineté du Canada, promouvoir les intérêts du Canada par une diplomatie pragmatique, exercer un leadership en matière de gouvernance de l'Arctique et d'enjeux multilatéraux, et adopter une approche plus inclusive de la diplomatie dans l'Arctique. »

Pour tous ceux qui s'intéressent au rôle du Canada dans les affaires internationales et qui voudraient que le Canada soit une force pour la paix dans le monde, il est bien connu que les priorités de la politique étrangère du Canada sont fixées par les États-Unis. Les buts du gouvernement, dits de « sauvegarder la souveraineté du Canada et de promouvoir ses intérêts nationaux », sont une fraude. La PECA est fondée sur la soumission de la souveraineté et des intérêts nationaux du Canada à un ordre du jour dicté par les États-Unis et l'OTAN. La PECA est également basée sur le renforcement du contrôle militaire des États-Unis sur l'Amérique du Nord par le biais du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord, qui est en train d'être « modernisé » – ce qui signifie une militarisation accrue de l'Arctique – dans le cadre des plans de confrontation avec les « menaces étrangères »[2].

C'est dans cette optique que la PECA parle de « l'Arctique nord-américain », faisant référence à « l'Alaska (les États-Unis) à l'ouest, le nord du Canada au centre et le Groenland (Royaume du Danemark) à l'est ». Le Canada et le Danemark sont donc inclus dans la défense des intérêts nationaux des États-Unis dans l'Arctique.

En ce qui concerne l'Arctique canadien, les principaux violateurs des intérêts nationaux et souverains du Canada dans cette région sont le département d'État et le Pentagone américains, ainsi que l'alliance militaire agressive de l'OTAN dirigée par les États-Unis. Pendant des décennies, les sous-marins nucléaires américains rodent dans les eaux arctiques canadiennes, alors même que le Canada déclarait sa souveraineté sur l'Arctique. La ministre Mélanie Joly, le ministre de la Défense nationale Bill Blair et d'autres hauts fonctionnaires ne disent pas un mot à ce sujet quand ils font la promotion de la PECA.


Les opérations sous-marines américaines dans l'archipel arctique, 1958-1982
(Source : Waldo K Lyon Papers)


Bombardier lourd B-36 Peacemaker dans le hangar d'entretien de la base aérienne de Goose Bay, au Labrador, vers 1955. Au cours de cette période, la base aérienne Goose Bay est devenue un élément clé d'un réseau de bases et de stations radars de l'OTAN.

Mélanie Joly a déclaré : « Nous vivons dans un monde difficile et nous devons réagir avec fermeté. La concurrence s'intensifie dans le monde entier et l'Arctique n'est pas épargné. De nombreux pays, y compris des États non arctiques, aspirent à jouer un rôle plus important dans les affaires de l'Arctique. L'évolution de la sécurité et des réalités politiques dans la région signifie que nous devons adopter une nouvelle approche pour promouvoir nos intérêts nationaux et garantir un Arctique stable, prospère et sûr, en particulier pour les habitants du Nord et les peuples autochtones qui vivent dans l'Arctique. »

Pour sa part, Bill Blair, à jamais la Voix de l'Amérique, a déclaré à propos de la PECA : « Les changements climatiques augmentent l'accès aux ressources et aux routes maritimes de l'Arctique, attirent les pays dans la région et intensifient la concurrence. Cet environnement en constante évolution crée de nouveaux défis en matière de sécurité. La Politique étrangère du Canada pour l'Arctique répond à ces défis croissants en mettant l'accent sur l'affirmation de notre souveraineté dans le Nord, tout en soutenant la prospérité des personnes qui y vivent. Cette nouvelle politique est un complément à notre politique de défense, 'Notre Nord, fort et libre : Une vision renouvelée pour la défense du Canada', qui nous permettra d'accroître notre présence dans le Nord. »

Tout ce verbiage concernant la nécessité de « réagir avec fermeté » face à la « concurrence » qui « s'intensifie » et aux « nouveaux défis en matière de sécurité » est une façon détournée de promouvoir les préparatifs de guerre de l'OTAN et ses plans de confrontation militaire avec la Russie et la Chine, conformément aux diktat américain mais sans les nommer spécifiquement. Le document de 44 pages qui énonce la PECA montre que le gouvernement du Canada se préoccupe de présenter la Russie et la Chine comme des menaces pour justifier la militarisation de l'Arctique.

Dans son communiqué de presse et dans le texte de la PECA, Affaires mondiales explique que le gouvernement a consulté les peuples autochtones du Nord et qu'il reconnaît leur souveraineté et leur autonomie. Parmi les organismes et les personnes consultés figurent l'Inuit Tapiriit Kanatami (ITK), qui est en lien avec le gouvernement fédéral par l'intermédiaire du comité de partenariat entre les Inuits et la Couronne, et Natan Obed, président de l'ITK. Dans une interview accordée à l'émission The Current de la radio de CBC, M. Obed a soutenu avec enthousiasme la PECA, affirmant qu'elle corrigerait l'exclusion des Inuits des questions relatives à la défense, à la sécurité et à la souveraineté. Il a tenu ces propos tout en reconnaissant que le gouvernement a, par le passé, utilisé les Inuits comme des « pions pour affirmer la souveraineté de l'Arctique » et en dépit du fait que la PECA n'affirme même pas la souveraineté du Canada sur l'Arctique. Bien que la militarisation de l'Arctique soit la pièce maîtresse de la PECA, M. Obed l'a présentée comme une affaire de « réconciliation » et d'« édification nationale », affirmant qu'elle mettait les préoccupations inuites au premier plan. Il a expliqué que la militarisation de l'Arctique avec des infrastructures « à usage mixte » serait bénéfique pour les communautés qui manquent d'infrastructures. L'histoire du Canada et la réalité de la PECA montrent que cela n'a rien à voir avec l'affirmation des droits des Inuits, et encore moins avec la défense de la souveraineté du Canada, et tout à voir avec l'acceptation de pots-de-vin pour obtenir des fonds et des programmes qui, en fait, devraient leur revenir de droit.

Dans la pratique, le gouvernement libéral de Trudeau a clairement montré son pragmatisme et une absence de principes dans ses relations avec les peuples autochtones, où les intérêts privés passent toujours en premier. À maintes reprises, les consultations avec les peuples autochtones se sont révélées être de la poudre aux yeux, car les droits ancestraux et issus de traités des peuples autochtones ne sont pas respectés par principe. Tous ces discours sur les consultations et l'inclusion dissimulent également la réalité que les peuples autochtones du Nord s'opposent depuis très longtemps à la militarisation de leurs territoires.

L'établissement du Centre d'excellence de l'OTAN pour le changement climatique et la sécurité à Montréal, qui a ouvert ses portes en octobre 2023, constitue un développement connexe. Ce centre est censé s'attaquer aux « répercussions croissantes du changement climatique » « dans le monde entier » où c'est « la sécurité humaine et nationale [qui] est menacée directement et indirectement ». Il dit que le changement climatique peut « menacer la vie et le bien-être des personnes », « amplifie également les vulnérabilités existantes » et « a un impact disproportionné sur les groupes vulnérables et marginalisés, notamment les femmes et les filles et les peuples autochtones ». Il est évident que le changement climatique a des conséquences dramatiques sur l'Arctique et d'autres régions du monde, mais penser que l'alliance guerrière qu'est l'OTAN – et tout le carnage et le génocide que les pays membres supervisent à Gaza et ailleurs – peut apporter des solutions à ce problème, en militarisant l'Arctique et d'autres initiatives de ce type, dépasse l'entendement.

Les Canadiens et les Québécois ont lancé à maintes reprises et de multiples façons l'appel à faire du Canada une zone de paix. Ils ne veulent pas que le Canada soit attelé au char de guerre des États-Unis et veulent qu'il prenne une voie indépendante qui respecte la paix internationale. La nouvelle politique étrangère du Canada pour l'Arctique est contraire à leurs aspirations.

Notes

1. La déclaration de soumission du gouvernement Trudeau aux intérêts américains est la preuve d'une intégration plus poussée du Canada dans l'économie de guerre et les préparatifs de guerre des États-Unis. Certains gouvernements précédents se sont contentés de proclamer la souveraineté du Canada dans sa région arctique, mais dans l'ensemble, la tendance à intégrer le Canada aux préparatifs de guerre des États-Unis a défini la politique arctique du Canada. Le gouvernement du premier ministre Stephen Harper (2006-2015) était ouvertement en désaccord avec les intérêts particuliers représentés par l'administration Obama. Par exemple, à la suite de la campagne électorale fédérale de 2006, Harper s'en est pris aux commentaires de David Wilkins, ambassadeur des États-Unis au Canada à l'époque, qui a réaffirmé l'affirmation de longue date des États-Unis selon laquelle le passage du Nord-Ouest est un détroit international par lequel la navigation internationale a le droit de passer. Harper a déclaré : « Nous avons des projets importants en matière de défense nationale et de défense de notre souveraineté, y compris dans l'Arctique ; c'est du peuple canadien que nous recevons notre mandat, et non de l'ambassadeur des États-Unis ».

En juin 2000, le gouvernement de Jean Chrétien a publié son document d'orientation intitulé « Le volet nordique de la politique étrangère du Canada ». Ce document avait quatre objectifs stratégiques : accroître la sécurité et la prospérité des Canadiens ; affirmer et préserver la souveraineté du Canada ; faire de la région circumpolaire une entité géopolitique dynamique intégrée au système international fondé sur des règles ; et promouvoir la sécurité humaine des habitants du Nord et le développement durable de l'Arctique.

2. En juin 2022, le gouvernement libéral de Trudeau a annoncé qu'il contribuerait à la modernisation du NORAD à hauteur d'au moins 40 milliards de dollars sur 20 ans, qui seront consacrés à de nouveaux systèmes d'armes et à des infrastructures militaires dans l'ensemble de l'Arctique, y compris des bases d'opérations avancées à Inuvik, Yellowknife, Iqaluit et Goose Bay, avec une présence permanente de soldats canadiens et américains dans chacune de ces bases.

Le 24 mars 2023, lors de la visite du président des États-Unis Joe Biden au Canada, ce dernier et le premier ministre Justin Trudeau ont publié une déclaration commune qui disait :
« Notre plus grande priorité est de protéger nos citoyens et notre territoire souverain. Nous investirons dans la modernisation du Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD), et plus précisément :
« Dans le cadre d'un investissement de 6,96 milliards de dollars dans la modernisation du système de surveillance, acquérir et mettre en service deux systèmes de radar transhorizon (OTHR) de prochaine génération couvrant les voies d'approche arctiques et polaires. Le premier système sera déployé d'ici 2028 afin d'améliorer la capacité d'alerte rapide et la connaissance des voies d'approche nord-américaines.
« Des investissements de 7,3 milliards de dollars dans les zones d'opérations nordiques avancées afin de financer des aéronefs de 5e génération et des ressources de mobilité et de ravitaillement. Ces capacités devraient être en place avant l'arrivée des avions F-35 [en janvier 2023, le Canada a annoncé l'achat de 88 F-35 à Lockheed Martin pour 19 milliards de dollars, qui seront livrés d'ici la fin de l'année 2032 – note de la rédaction], notamment l'amélioration des aérodromes pour accueillir le personnel des aéronefs, le carburant et les munitions, afin que le NORAD puisse dissuader les menaces émergentes contre notre espace aérien et maritime, s'en défendre et concurrencer la Chine et la Russie dans les prochaines années.
« Le premier ministre a confirmé que les fonds nécessaires à ces investissements proviendraient des investissements prévus du Canada dans l'infrastructure de la défense. Ces efforts déployés par le Canada et les États-Unis permettront de renforcer la capacité du NORAD à détecter les menaces plus tôt et avec une plus grande précision ainsi qu'à intervenir de manière efficace. Face aux menaces mondiales, les dirigeants ont convenu de l'importance d'investir dans des forces modernes, opérationnelles et aptes, conformément aux engagements pris envers l'OTAN en matière de défense lors du Sommet du Pays de Galles en 2014 et à leurs promesses d'investissement dans ce domaine. Ces investissements permettent de fournir de véritables contributions à l'OTAN, aux Nations Unies et à d'autres missions internationales. »



Cet article est paru dans
Logo
Volume 54 Numéro 12 - Décembre 2024

Lien de l'article:
https://cpcml.ca/francais/Lml2024/Articles/LM54121.HTM


    

Site Web:  www.pccml.ca   Courriel:  redaction@pccml.ca