Les audiences publiques sur l'ingérence étrangère s'attaquent aux partis politiques

– Anna Di Carlo –

Le 16 septembre, l'Enquête publique sur l'ingérence étrangère dans les processus électoraux et les institutions démocratiques fédéraux démocratiques (l'Enquête) a repris ses audiences publiques à Ottawa. Créée en septembre 2023, l'Enquête a tenu quinze jours d'audiences publiques de « la phase initiale d'établissement des faits » de ses audiences, du 29 janvier au 12 avril. Les audiences actuelles, qui se poursuivront jusqu'au 16 octobre, sont appelées le « volet relatif aux politiques ». Elles déboucheront sur des recommandations de réforme des lois et pratiques existantes et/ou de nouvelles mesures régissant la police et les organismes gouvernementaux, ainsi que les partis politiques.

Le mandat de l'Enquête, présidée par la juge Marie-Josée Hogue de la Cour d'appel du Québec, est d'étudier les allégations selon lesquelles la République populaire de Chine, la Russie et « d'autres acteurs étatiques ou non étatiques étrangers » se seraient ingérés dans les élections fédérales de 2019 et de 2021. Elle est également responsable d'examiner et d'évaluer la circulation d'information à destination de représentants du gouvernement et la réponse du gouvernement à celle-ci, ainsi que la « capacité institutionnelle du Canada à réagir ». Enfin, il lui a été demandé de proposer « tout moyen de mieux protéger les processus démocratiques fédéraux contre l'ingérence étrangère que la commissaire pourrait juger approprié ».

La « phase d'établissement des faits », entre autres, a examiné les allégations d'ingérence étrangère dans la circonscription ontarienne de Don Valley-Nord. Dans le rapport initial de l'Enquête, publié en mai, la juge Hogue a déclaré : « La Commission n'a pas pour mandat de déterminer ce qui s'est passé à l'assemblée d'investiture de la circonscription de Don Valley-Nord en 2019 et, de toute façon, je ne serais pas en mesure de le faire à partir du dossier qui est devant moi. Cependant, cet incident montre dans quelle mesure les courses à l'investiture peuvent être des portes d'entrée pour les États étrangers qui souhaitent s'ingérer dans nos processus démocratiques. » Elle a conclu que « la question des processus d'investiture et de leur vulnérabilité potentielle à l'égard de l'ingérence étrangère devra sans contredit être examinée attentivement dans la deuxième phase des travaux de la Commission ».

Depuis la reprise de ses audiences publiques le 16 septembre dernier, des représentants du Bloc québécois, des conservateurs, des verts, des libéraux et du NPD ont témoigné, dans le but de les interroger sur leurs pratiques de lutte contre l'ingérence étrangère et sur ce qu'ils pensent des diverses mesures qui sont censées servir de boucliers contre les puissances étrangères qui les ciblent.

Les partis ont été interrogés sur leurs pratiques en matière de cybersécurité, sur la façon dont ils vérifient l'identité de leurs candidats à l'investiture et des contributeurs et sur la façon dont ils surveillent les publications sur les médias sociaux au sujet du parti ou de ses députés et candidats afin de déterminer si elles sont « d'origine étrangère ».

Les nouvelles mesures proposées aux partis par l'Enquête comprenaient l'obligation légale d'aviser Élections Canada avant la tenue d'une course à l'investiture, de permettre aux citoyens de voter à la fois à la direction et à l'investiture, d'exiger que les partis annoncent publiquement leurs règles sur l'investiture et la course à la direction, de publier les résultats complets des votes des candidats à l'investiture, d'exiger que tous les candidats produisent un « rapport financier complet » (actuellement, seuls les candidats qui dépensent plus de 1 000 $ doivent produire un rapport complet), d'interdire l'adhésion en bloc aux partis, d'exiger qu'un tiers, comme Élections Canada, administre les courses à l'investiture, d'étendre les règlements actuels qui ne s'appliquent qu'aux élections, comme l'interdiction d'intimider les électeurs et de voter frauduleusement aux courses à l'investiture et à la direction. Une autre proposition était que les partis reçoivent régulièrement des séances d'information classifiées afin qu'elles soient au courant de « l'environnement de la menace ».

De telles propositions auraient pour effet de transformer encore davantage les partis cartellisés en appendices de l'État. Elles constitueraient également une nouvelle violation du droit de tous les partis politiques enregistrés à la liberté d'association, qui comprend le droit de déterminer leurs propres politiques et affaires internes.

Cette approche centrée sur les partis pour renforcer le processus électoral et politique du Canada ne fera qu'aggraver la crise politique du pays, dont l'une des caractéristiques principales est l'incapacité des soi-disant grands partis politiques à engager les citoyens, les résidents permanents et tout autre résident intéressé du Canada dans la politique.

Pourquoi ne pas introduire des mesures permettant aux Canadiens de délibérer ouvertement et publiquement sur les questions qui les préoccupent, notamment la nomination et la sélection des candidats, en étant sûrs qu'ils ne sont pas désinformés parce qu'ils peuvent librement résoudre les problèmes par eux-mêmes ? Les Canadiens sont certainement capables de déterminer quelles politiques et propositions sont dans l'intérêt d'un projet d'édification nationale et lesquelles servent une puissance étrangère.

L'une des mesures permettant de donner plus de pouvoir aux Canadiens consisterait à priver les partis politiques du financement de l'État et à utiliser les fonds publics pour créer et gérer des associations de citoyens ouvertes à tous les citoyens et résidents permanents afin qu'ils puissent participer aux affaires politiques. L'un des buts de ces associations serait de veiller à ce que les partis politiques agissent comme des organisations primaires qui lient le peuple à la gouvernance, permettant aux électeurs d'une circonscription de définir l'ordre du jour de ce qui les préoccupe et de donner à la société une direction qui leur soit favorable. Si les fonds publics qui sont censés soutenir et améliorer le processus démocratique étaient utilisés à cette fin, les Canadiens auraient une activité positive à laquelle participer.


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Volume 54 Numéro 9 - Septembre 2024

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