Au Parlement
La session d'automne concentrera plus de pouvoir dans moins de mains
La session d'automne de la 44e législature a commencé le 16 septembre. En moins de deux semaines, la Chambre des communes est devenue une sorte d'arène politique scénarisée par des firmes conseils où se livre une rivalité entre les partis cartellisés pour les positions de pouvoir. Avec en toile de fond les prédictions d'une « élection imminente » et des sondages incessants qui disent aux Canadiens comment voter « si une élection était déclenchée aujourd'hui », la session montre la dégradation continue des affaires politiques. Les institutions démocratiques libérales du Canada ont été détruites par les intérêts privés supranationaux étroits qui ont pris le contrôle de l'État canadien au service du Pentagone et de l'alliance militaire agressive de l'OTAN qu'il contrôle.
Le gouvernement libéral se livre à un spectacle désolant d'exercice de ses prérogatives au mépris de toute apparence de responsabilité, alors qu'à la Chambre des communes, on tourne en dérision le processus de censure qui est censé être la garantie de la responsabilité du gouvernement. C'est surtout le Parti conservateur qui fait de l'électoralisme, et cela aussi est contraire à l'obligation de rendre des comptes.
Dans les semaines précédant la session d'automne, les libéraux ont clairement fait savoir qu'ils iraient de l'avant avec des mesures au service de l'intégration économique américano-canadienne liée à la machine de guerre des États-Unis, sans être embêtés par la Chambre des communes. La retraite annuelle du cabinet, qui s'est tenue en Nouvelle-Écosse du 25 au 27 août, a commencé par un discours du conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan. L'ancien gouverneur de la Banque du Canada et de la Banque d'Angleterre, Mark Carney, qui est actuellement président de Brookfield Asset Management et responsable des investissements de transition, a également pris la parole. Il a ensuite été nommé à un poste qui se situe quelque part entre conseiller du Parti libéral sur son programme pour les prochaines élections fédérales et conseiller du cabinet libéral sur ses politiques actuelles.
Le 25 août, Politico a annoncé que Jake Sullivan avait déclaré qu'il discuterait « d'un éventail de priorités en matière de sécurité nationale dans le cadre des relations bilatérales entre les États-Unis et le Canada ». Le conseiller à la sécurité nationale des États-Unis a déclaré qu'il parlerait des « immenses changements qui se produisent sous nos yeux, sur les plans de la technologie, de la transition vers l'énergie propre, de la géopolitique et de tout ce qui compte pour les citoyens ordinaires, tant aux États-Unis qu'au Canada ». Parlant de la politique commerciale du Canada avec la Chine, qui est en phase avec la politique américaine, il a eu le culot de dire que « le Canada déterminera en fin de compte sa propre politique commerciale ». Il a dit : « Ce n'est pas aux États-Unis d'essayer de dicter la conduite du Canada », ajoutant que « les États-Unis croient qu'un front uni, une approche coordonnée sur ces questions profite à tous ».
Depuis, à l'extérieur de la Chambre des communes, la vice-première ministre et ministre des Finances, Chrystia Freeland, a confirmé que le gouvernement était sur la même longueur d'onde que les États-Unis en ce qui concerne les importations chinoises de véhicules électriques, d'acier et d'aluminium, et qu'il prévoyait imposer des droits sur « les batteries, les pièces de batteries, les semi-conducteurs, les minéraux et métaux critiques et les produits solaires » afin de s'aligner sur les politiques commerciales antichinoises des États-Unis, qui sont contestées par la Chine auprès de l'Organisation mondiale du commerce.
Il est devenu courant pour le gouvernement d'outrepasser le Parlement pour faire ses annonces lors de points de presse. Alors que le projet de loi C-63, Loi sur les préjudices en ligne, était débattu le 23 septembre, il y avait tellement peu de députés à la chambre que le quorum de 20 députés a été remis en question deux fois. Ce projet de loi a été largement critiqué pour ses atteintes à la liberté d'expression au nom de la « lutte contre la haine ». Le 24 septembre, encore une fois, les libéraux ont choisi d'annoncer le Plan d'action de lutte contre la haine du Canada lors d'un gala de photos à l'extérieur de la Chambre.
Par ailleurs, d'autres membres du cartel des partis
contribuent
à saper les institutions dites démocratiques. Douze jours
avant
la reprise des travaux, le chef du NPD, Jagmeet Singh, a
annoncé
qu'il se retirait de l'accord de fourniture et de
confiance
conclu avec le gouvernement libéral minoritaire en disant
que
Justin Trudeau avait « prouvé encore et encore qu'il
céderait
toujours à la cupidité des entreprises ».
Comme si l'objectif d'un gouvernement de parti cartellisé n'était pas de servir la « cupidité des entreprises » et que les libéraux ne le faisaient pas avant cette collaboration qui les a maintenus au pouvoir tout ce temps. Et comme si les mesures proposées par le NPD n'étaient pas elles aussi au service de la «cupidité des entreprises». Jagmeet Singh a déclaré qu'il ne soutiendrait plus le gouvernement minoritaire libéral. Il a déchiré devant les caméras l'accord de mars 2022 qui devait expirer à la fin de la session parlementaire de l'été 2025. Même son propre groupe parlementaire a été pris par surprise, sans parler de l'ensemble des membres du NPD.
Ce qui se passe au Parlement souligne l'urgence d'un renouveau démocratique. La dirigeante nationale du Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste), Anna Di Carlo, a fait une présentation importante sur ce sujet le 1er septembre lors des célébrations organisées à l'occasion du 54e anniversaire de la presse de masse du Parti. Elle a souligné, entre autres, que l'avilissement de la politique par les partis cartellisés, tant au Canada qu'aux États-Unis, met à l'ordre du jour la nécessité d'élever le niveau du discours politique en appelant les travailleurs, les femmes et les jeunes de donner eux-mêmes l'exemple.
« Le PCC(M-L) appelle les travailleurs à ne pas
permettre
l'avilissement de la politique et à ne pas l'abandonner
par
dégoût, a dit Anna. La classe dirigeante ne doit pas
avoir le
champ libre pour se livrer à son activité criminelle.
Elle a le
champ libre quand elle parvient à désorienter les
Canadiens sur
les questions liées à l'économie, à la souveraineté, à la
guerre
et à la paix, ou qu'elle les divise sur une base raciste,
par
exemple en blâmant les immigrants pour tous les maux de
la
société capitaliste et en les soumettant à des attaques
de
toutes sortes. » Elle a souligné l'importance de se
réunir avec
ses pairs pour discuter des défis auxquels le pays est
confronté
et de s'exprimer en son nom propre sur tous les sujets de
préoccupation.
Après l'annonce du NPD, le leader conservateur Pierre Poilievre a annoncé qu'il tenterait de forcer la tenue d'élections à la première occasion, ce qu'il a fait le 24 septembre, en déposant une motion disant « que la Chambre n'a aucune confiance dans le premier ministre et le gouvernement ». Le NPD et le Bloc québécois ayant annoncé quelques jours plus tôt qu'ils n'appuieraient pas la motion, celle-ci a été rejetée à 211 voix contre 120. Une autre motion de censure des conservateurs sera présentée au cours des prochaines semaines.
À peine la motion de censure des conservateurs rejetée, le chef du Bloc, Yves-François Blanchet, a tenu un point presse au cours duquel il a déclaré que si le gouvernement libéral ne prévoyait pas l'adoption de deux projets de loi d'initiative parlementaire du Bloc québécois d'ici le 29 octobre, il s'adresserait aux autres partis « dans le but de faire tomber le gouvernement ». Le choix du 29 octobre n'a pas été expliqué.
Le projet de loi C-319 prévoit une augmentation de
10 % de
la sécurité de la vieillesse pour les personnes âgées de
65 à 74
ans. Il est présentement en troisième lecture à la
Chambre des
communes. Il prévoit d'augmenter de 10 % les pensions des
personnes âgées de moins de 75 ans.
Le projet de loi C-282 modifie la Loi sur le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement de 2013 en interdisant les changements au système de gestion de l'offre des produits laitiers, de la volaille et des oeufs. Il en est à l'étape du comité au Sénat.
À l'étape de la deuxième lecture, le sénateur Donald Plett, chef de l'opposition au Sénat, a déclaré que l'adoption du projet de loi C-282 « mettrait en péril nos échanges commerciaux avec notre plus important marché d'exportation, les États-Unis » et que l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire a dit que le projet de loi « nuirait au secteur agricole, au lieu de l'aider ». Selon lui, le projet de loi « contredit l'engagement du Canada dans les déclarations sur la sécurité alimentaire récemment signées au G7, au G20, à l'Organisation mondiale du commerce et à la Coopération économique Asie-Pacifique ».
Les préoccupations soulevées par Donald Plett montrent
quels
intérêts le Canada sert. Étant donné que les traités
relèvent de
la prérogative de l'exécutif, si le projet de loi est
adopté par
le sénat, son impact sera très semblable à celui de la
loi sur
les « élections à date fixe », qui a préservé
l'exercice de
la prérogative royale, ainsi que la « confiance de la
Chambre » pour déterminer quand une élection aura
lieu.
Tous ces développements montrent à quel point la
situation au
Parlement est devenue intenable et à quel point il y a
urgence
d'un renouveau démocratique – que les travailleurs se
donnent
les lieux et les moyens de s'exprimer en leur nom propre,
de
faire connaître leurs points de vue, de s'organiser pour
que
leurs demandes soient satisfaites et, en se donnant les
moyens
d'agir, de fournir une alternative prosociale à ce
qu'offrent
les partis cartellisés et les intérêts privés et
supranationaux
qu'ils représentent.
Cet article est paru dans
Volume 54 Numéro 9 - Septembre 2024
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