Préface de l'auteur à l'édition de 1998 de Nécessité de changement

– Hardial Bains –

Nous reproduisons la préface de l'auteur à l'édition de 1998 de Nécessité de changement ! de Hardial Bains. Originalement publiée en 1967, la brochure Nécessité de changement ! part d'une offensive totale contre la subversion idéologique et le blocage par les formes sociales. Elle le fait en lançant l'appel le plus révolutionnaire qui soit : « La compréhension nécessite un acte de participation consciente de l'individu, l'acte de découvrir », plaçant l'action au premier plan et la compréhension à son service.

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Mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept marque le trentième anniversaire de la publication de la brochure Nécessité de changement ! par les Internationalistes. Elle présente l'analyse qui fait de la refonte idéologique la clé du développement ininterrompu et de la victoire de la révolution. Prenant pour point de départ la situation concrète contemporaine et les problèmes du mouvement ouvrier, les Internationalistes abordèrent les questions de l'organisation et du rôle de l'individu dans la transformation révolutionnaire dans le contexte du travail du collectif. Ils lancèrent une offensive résolue contre les formes idéologiques et sociales de la culture dominante, préparant les forces subjectives de la révolution dans le cours de batailles de classe révolutionnaires.

La création d'une nouvelle classe, la classe ouvrière, a conduit à la création d'une nouvelle idéologie et d'une nouvelle forme sociale, une nouvelle cohérence propre à cette nouvelle classe. La nouvelle classe ascendante laisse sa marque dans la mesure où elle lutte pour ses intérêts et pour réaliser sa cohérence nouvelle. Le trait le plus caractéristique de la classe ouvrière, qui la distingue si radicalement des autres classes, est qu'elle ne peut s'émanciper sans du même coup émanciper l'humanité tout entière. La nouvelle cohérence à laquelle elle donne naissance doit donc refléter ce but : l'émancipation de l'humanité tout entière.

Dans son déclin, la vieille classe, la classe capitaliste, introduit ses propres notions d'émancipation, sa propre corruption dans le mouvement ouvrier. Elle appelle les travailleurs à lutter pour « une plus grande part du gâteau », à réclamer une redistribution de la richesse sans remettre en cause la vieille société. Elle a créé une situation intenable où la classe ouvrière finance elle-même ses dirigeants qui luttent contre ses intérêts.

En 1967, un vaste mouvement d'opposition surgit contre ces tendances bourgeoises qui s'étaient également retranchées dans le mouvement communiste, le menant au bord de la liquidation. Plusieurs tendances apparurent, allant du pur intellectualisme sur « la position juste » au simple alignement sur un centre quelconque — Moscou, Belgrade, Beijing, l'Europe et ainsi de suite.

Les Internationalistes lièrent la lutte idéologique et la lutte contre la culture bourgeoise au travail concret pour bâtir une organisation et la renforcer. L'analyse Nécessité de changement se voulait une contribution à la création d'une conscience collective de cette approche. Elle offrit par sa grande portée une vision inspirant tous et chacun à mener le travail idéologique et à épouser les formes sociales correspondant aux tâches qu'ils devaient accomplir. Ce fut un appel de clairon pour les activistes, les communistes et ceux et celles qui voulaient devenir communistes, un appel à rompre avec la vieille conscience, l'anticonscience, les « préjugés particuliers de la société, transmis par les parents et les institutions sociales ». Cela se faisait en rapport avec l'appel à « chercher la vérité pour servir le peuple ». L'analyse Nécessité de changement présentait avec force une conception du monde qui prenait le matérialisme dialectique et historique de Marx comme guide à l'action et proposait une façon de s'attaquer aux problèmes de la lutte idéologique et des formes sociales.

Les différentes écoles contemporaines de l'irrationalisme, désespérément promues dans les cercles officiels, ont une chose en commun avec ce qui était propagé dans les années soixante : les affirmations dogmatiques et l'action aveugle. On affirme qu'il n'y a pas de monde réel et que, par conséquent, le point de départ pour acquérir une conception du monde est soit de nier l'existence du monde, soit d'admettre l'existence d'un « monde réel » tout en déclarant qu'il est impossible à transcender, ce qui conduit au « désespoir existentiel ». Dans les deux cas la réalité est présentée comme une question d'interprétation et de définition et il n'y a pas d'action avec analyse. En éclairant le rapport entre les êtres humains, la société et la nature, l'analyse Nécessité de changement a percé au travers toutes les tendances irrationnelles de l'époque. Cette analyse et cette idéologie sont encore nécessaires aujourd'hui.

L'analyse Nécessité de changement part de ce qui est donné. Elle analyse ce qui est donné pour le surmonter et établir ce qu'il renferme vraiment. Elle établit une méthode valable et propose une façon concrète d'aborder la réalité. Elle commence en s'attaquant à la question de l'histoire. Au chapitre L'histoire-en-tant-que-telle, elle fait découvrir le rôle profondément vivant de l'histoire, par opposition à ce qui ne fait qu'exister dans le présent.

Selon notre historicisme à nous, l'histoire part du présent. Elle révèle précisément le problème posé et à résoudre. C'est la résolution de ce problème spécifique qui crée l'histoire. Si le problème, en tant que problème historique, ou si les contradictions qui sont historiques, ne sont pas résolus, il n'y a pas de marche vers l'avant, donc pas d'histoire. L'analyse Nécessité de changement soutient que la simple chronique des événements historiques qui part du passé et qui se fait suivant les intérêts des « diverses classes de gens qui ont usurpé le pouvoir par la force » est en réalité un procédé pour empêcher de voir comment le problème s'est créé et comment il doit être résolu. Elle explique qu'« il est impossible de comprendre la condition humaine à partir de leur définition de l'histoire (celles des universités et des autres institutions du ‘savoir') parce qu'elle n'est qu'une chronique de l'activité des classes dominantes ».

L'analyse Nécessité de changement a fait l'histoire. Elle a révélé comment les forces révolutionnaires pouvaient partir d'un point A et arriver au point B en faisant de chaque étape une pierre angulaire du développement de l'histoire. Aujourd'hui, comme dans les années soixante, la lutte idéologique et la culture dans la forme sociale assument la première position dans la construction d'une organisation révolutionnaire et dans la création des conditions subjectives de la révolution. Par exemple, un parti communiste peut-il se renforcer s'il se retire de la lutte idéologique contre l'ennemi de classe ou s'il la mène de manière non professionnelle, versant dans l'amateurisme et la spontanéité ? La réponse est non. Peut-il avoir des membres pour qui l'accumulation de la propriété privée ou la préparation d'une « carrière » vient en premier ? Un parti communiste peut-il accomplir ses tâches s'il a des membres dont la culture dans la forme idéologique et sociale est bourgeoise ? Encore une fois la réponse est non. Pour s'acquitter de ses tâches d'une manière professionnelle et soutenue, avec maturité, le parti communiste doit, d'une part, développer la culture révolutionnaire dans la forme idéologique et, d'autre part, révolutionner la culture dans la forme sociale. L'analyse Nécessité de changement établit précisément le cadre de référence nécessaire. Elle a résolu le problème de « politique révolutionnaire, culture bourgeoise ». C'est pourquoi on dit que ce travail est historique. Elle a fait l'histoire et elle la fait encore. Aujourd'hui le peuple fera l'histoire en adoptant l'analyse Nécessité de changement pour résoudre les contradictions existantes. Cette façon révolutionnaire de résoudre les contradictions existantes fera l'histoire.

Répudiant l'idéalisme de Feuerbach, Karl Marx a fait remarquer que « les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde de différentes manières, mais il s'agit de le transformer ». Il signifiait au monde que dans tout travail, c'est la nécessité de changement qui vient en premier. Guidés par cette conception du monde, les Internationalistes ont su, en tant qu'organisation, se renforcer de façon systématique. Pour eux, chaque période apportait un problème crucial à résoudre. Ils se sont attaqués au problème posé et à résoudre, l'ont résolu et se sont renforcés en le faisant. Depuis 1970, le PCC(M-L) s'est renforcé sur la même base.

Pendant plus de trente ans, la tâche principale de ces deux organisations révolutionnaires fut de créer les conditions subjectives de la révolution. La Nécessité de changement a fait ressortir le problème spécifique à chaque étape. À moins de bien comprendre la Nécessité de changement à chaque étape et à moins de prendre les mesures théoriques et pratiques nécessaires pour réaliser le changement, il est impossible de créer les conditions subjectives de la révolution.

Dans les années soixante, les Internationalistes ont mené la lutte contre les anti-révisionnistes « idéalistes » dont la caractéristique était de prendre des allures anti-révisionnistes sans rien faire en pratique pour transformer la situation. L'analyse Nécessité de changement était aussi un avertissement à tous ceux et celles qui se donnent ces allures aujourd'hui ou qui pourraient le faire à l'avenir et qui affirment être ou avoir été membres des Internationalistes ou du PCC(M-L) mais qui en pratique ne font rien pour transformer la situation.

Le parti bourgeois, par contre, peut et doit avoir des membres qui ne font que se donner des airs. C'est le parti du statu quo capitaliste ; il ne peut se permettre d'avoir des membres qui s'occupent à transformer la situation, à transformer la société capitaliste en société socialiste par la révolution. Le PCC(M-L), lui, ne peut se permettre d'avoir des membres qui ne voient pas la Nécessité de changement et qui ne font rien pour la réaliser. L'analyse Nécessité de changement donnait pour la première fois aux Internationalistes une position idéologique et une méthode pour bâtir en pratique le Parti marxiste-léniniste révolutionnaire du prolétariat.

En commençant par l'histoire comme telle, l'analyse Nécessité de changement place l'attitude, la conscience et le travail de l'individu au centre, dans le contexte du travail du collectif. L'individu n'est pas pour soi, il est un individu de classe sociale, un individu pour la classe ouvrière. L'analyse Nécessité de changement appelle le travailleur conscient de son appartenance de classe et l'activiste révolutionnaire à devenir cet individu, un individu muni de la conscience et de l'organisation de la Nécessité de changement, un individu qui est indispensable à la création des conditions subjectives de la révolution. L'analyse Nécessité de changement a établi le type d'individu qu'il fallait, de quelle étoffe il devait être fait, et lui a donné naissance.

L'analyse Nécessité de changement donne également une image précise du type d'individu auquel donne spontanément naissance la société actuelle. Cet individu possède l'anticonscience, mais cette anticonscience n'est pas permanente. Le cerveau reflète l'intensification des contradictions de classe et les autres développements dans la société. Ou bien l'individu transforme ce reflet en conscience sociale pour faire partie du facteur humain-conscience sociale, ou bien il continue de faire partie du facteur antihumain-anticonscience. L'analyse Nécessité de changement appelle tous et chacun à se confronter à cette réalité et à ne pas tomber dans le piège de « sortir ».

La classe capitaliste prétend que le capitalisme est la forme suprême de la société humaine. Si c'est l'étape suprême, il n'y a donc pas de tâche historique à accomplir, pas de transformation nécessaire. L'histoire est arrivée à sa fin. Les êtres humains peuvent chercher satisfaction dans les possibilités offertes par une société divisée en classes avec une tendance à l'enrichissement des riches et à l'appauvrissement des pauvres. Or, il existe une forme supérieure de la société humaine, le socialisme, qui est la phase transitoire entre le capitalisme et le communisme. L'analyse Nécessité de changement fait appel aux êtres humains de se donner comme tâche principale de transformer la société de société capitaliste en société socialiste.

Or, les révisionnistes et les opportunistes de toute tendance présentent les formes sociales bourgeoises comme étant l'idéal qui fait se mouvoir l'humanité. Ces formes sont basées sur la subordination des êtres humains à la propriété privée. Servir la propriété privée devient alors le plus grand idéal et le seul but que chacun peut avoir dans la vie. En plus de lutter pour « une plus grande part du gâteau » et pour une sécurité d'emploi que ce système ne peut jamais offrir, ces révisionnistes et opportunistes, en véritables dogmatiques et fanatiques, s'opposent à tous ceux qui luttent pour la révolution sociale.

L'analyse Nécessité de changement a établi de claires lignes de démarcation entre celui qui est révolutionnaire dans le vrai sens du terme et celui qui est un libéral et un conciliateur, un défenseur du statu quo capitaliste. Elle appelait à « un mouvement pour le développement d'une personnalité nouvelle », une personnalité qui est créée par l'« élimination complète de la base de cette exploitation ». L'analyse Nécessité de changement donnait pour la première fois à l'individu la place qui lui revient et l'appelait à participer à la création d'une société nouvelle comme condition nécessaire à la création d'une nouvelle personnalité humaine. Tous celles et ceux qui épousaient cette analyse assumaient les caractéristiques d'une personnalité nouvelle et la création d'une société nouvelle était la condition nécessaire pour que tous les êtres humains acquièrent et surpassent cette personnalité humaine à laquelle a donné naissance la Nécessité de changement.

L'analyse Nécessité de changement présente le travail idéologique, la lutte politique et les tâches organisationnelles comme un tout qui comprend aussi la refonte idéologique des membres, pour en faire des communistes révolutionnaires militants. Mais elle fait aussi ressortir la spécificité de chacune de ces luttes, son rôle spécifique dans la création des conditions subjectives de la révolution. La lutte ainsi comprise donne naissance à la conscience qui est indispensable au développement ultérieur du mouvement.

L'offensive pour établir l'organisation est la clé, l'élément le plus important dans la préparation des conditions subjectives de la révolution. Cette organisation est l'instrument le plus avancé et le plus révolutionnaire de la révolution prolétarienne dans une société où la révolution n'a pas encore eu lieu, et un instrument de l'élargissement du pouvoir de la révolution là où elle a eu lieu. L'hésitation, l'indécision, l'amateurisme, la spontanéité et l'attitude détachée face au besoin de créer cette avant-garde la plus avancée et la mieux organisée de la classe ouvrière mettraient fin à la révolution avant même qu'elle ne commence.

En fait, dans une société où l'individualisme bourgeois est présenté comme le produit suprême de l'humanité, l'individu n'a pas de place. Cette société étouffe toute initiative individuelle entreprise dans le cadre du mouvement émancipateur de la classe ouvrière. Avec sa subversion idéologique de l'initiative individuelle et le blocage par les formes sociales, la culture dominante est la première ligne de défense du système capitaliste-impérialiste contre ceux qui le combattent.

La brochure Nécessité de changement ! part d'une offensive totale contre cette subversion idéologique et ce blocage par les formes sociales. Elle le fait en lançant l'appel le plus révolutionnaire qui soit : « La compréhension nécessite un acte de participation consciente de l'individu, l'acte de découvrir », plaçant l'action au premier plan et la compréhension à son service. C'est ainsi que les Internationalistes ont réglé les comptes avec la notion dominante qui fait de la compréhension une condition préalable à l'action. L'action est la condition préalable à la compréhension par l'individu, par le collectif ou par les deux. Cette action se présente non pas comme une chose en soi, détachée de tout le reste, mais comme « un acte de participation consciente », « l'acte de découvrir ». En plus de donner préséance à l'action, cette brochure révolutionnaire met l'accent sur la qualité de la participation, sur la nécessité de l'action suivant un plan, ce que nous avons appelé l'« action avec analyse ».

Au Canada et dans les autres sociétés capitalistes modernes, la socialisation de la production a mis à l'ordre du jour la socialisation du mode de production. Celle-ci est faite par l'ensemble du collectif à ses propres fins, pour l'émancipation de la classe ouvrière et de l'humanité tout entière. C'est le problème stratégique le plus urgent à résoudre pour éliminer les contradictions qui sont à l'origine de l'anarchie, de la violence et du vol. Cette tâche du collectif, avec son but explicite, doit être entreprise consciemment et suivant un plan. Cette conscience et ce plan ne tomberont pas du ciel. Ils ne sont pas innés et ne se développent pas spontanément. La solution se trouve dans l'appel de clairon : « La compréhension nécessite un acte de participation consciente de l'individu, l'acte de découvrir. » Les forces révolutionnaires doivent commencer avec leur plan, leurs actions doivent être menées consciemment en vue de la réalisation du plan. L'analyse Nécessité de changement ne nie pas le rôle de la « compréhension » mais ne l'exagère pas, comme le fait la culture dominante par ses formes idéologiques et sociales. Les Internationalistes l'ont reconnu et lui ont donné la place qui lui revient.

Beaucoup se lançaient dans l'action dans les années soixante, comme aujourd'hui. C'est littéralement par millions que les gens participent à la lutte contre l'offensive antisociale et pour un programme prosocial, lutte qui se mène d'un bout à l'autre du pays et à l'échelle internationale. Beaucoup d'activistes qui prennent la responsabilité d'organiser différentes actions se rendent compte que leurs actions en soi ne leur permettent pas d'obtenir les résultats escomptés. Bien que ces actions soient indispensables, ils doivent créer une organisation, la force subjective cruciale, pour diriger leur lutte et la conduire à la victoire. Le fait d'entreprendre l'établissement d'une telle organisation place les activistes face à face avec la réalité de la subversion idéologique de l'ennemi de classe qui se sert de la culture dans la forme sociale pour bloquer la réalisation de tout objectif. Mais sans ce travail pour créer l'organisation, la première victime sera la nouvelle cohérence. L'analyse Nécessité de changement présentée durant le programme d'étude du même nom, et exprimée dans la brochure du même nom, apportait cette nouvelle cohérence — la Nécessité de changement. L'action des masses est une occasion de s'organiser, non pas de répéter l'action continuellement. Cet aspect organisateur, cette édification idéologique du mouvement, cette création des formes sociales nouvelles, cette création de la nouvelle cohérence à la base de la nouvelle organisation, devient la garantie du succès et de la victoire finale.

L'analyse Nécessité de changement électrisa et radicalisa la situation et le travail des Internationalistes se déploya dans toute sa majesté. Après une période de trois décennies, ce travail d'organisation continue d'être la garantie de chaque victoire. L'analyse Nécessité de changement et la brochure du même nom n'étaient donc pas un simple essai scolastique pour éclairer les esprits, c'était le souffle d'un nouvel essor du mouvement. Les activistes ont vu que le fait de participer à une action, à une grève, à une manifestation ou une marche n'était pas suffisant et qu'il fallait accorder la priorité au travail d'organisation pour garantir la victoire. La force révolutionnaire de cette analyse était telle que la situation en fut radicalement transformée. Tout le mouvement se mit à reprendre les paroles et les expressions de la brochure et s'affaira à bâtir l'organisation. Aujourd'hui, trente ans plus tard, des gens écrivent au PCC(M-L) tous les jours pour savoir comment participer à ce travail car de plus en plus d'activistes se rendent compte que sans ce travail, rien ne garantit la victoire.

L'analyse Nécessité de changement s'attaque de front aux prétentions de la classe capitaliste qui dit aussi vouloir le changement. Les Internationalistes savaient que la classe capitaliste n'est plus révolutionnaire et qu'elle prêche l'« individualisme », la « compréhension » et une lutte idéale uniquement pour semer des doutes parmi le peuple quant aux possibilités d'accomplir quoi que ce soit et pour détruire sa confiance en lui. Elle sème délibérément la confusion au sujet de la culture dans la forme sociale et tente d'y noyer les efforts d'organisation du peuple. Elle cherche ainsi à l'amener à agir contre ses propres intérêts. La classe ouvrière ne peut pas s'émanciper et émanciper l'humanité tout entière sans le travail d'organisation, sans élaborer et établir la nouvelle cohérence, sans briser la subversion idéologique et la vieille conscience qui servent à la désorienter. Lorsque les Internationalistes ont accordé la priorité au travail d'organisation dans le cadre de la nouvelle cohérence, les expressions comme anticonscience, histoire-en-tant-que-telle et le « je » fasciste sont devenues les explosifs et les machettes qui ont servi à déblayer la voie pour le mouvement. Une nouvelle cohérence a commencé à se répandre qui a contribué au succès du travail des Internationalistes.

Une des plus grandes contributions de l'analyse Nécessité de changement fut de révéler que l'être humain doté d'un cerveau, avec tous les attributs d'une personne vivante, occupe une place objective dans la société. Ces êtres vivants, ces homo sapiens, sont des êtres sociaux humanisés. Ils font partie d'un monde objectif. Les idées, la théorie, les formes sociales et l'incohérence dominantes reflètent le blocage de la société. Les Internationalistes ont reconnu ce blocage et ont identifié ce qu'il fallait faire pour le briser. La nouvelle cohérence des Internationalistes, produit de la lutte contre le blocage, a assumé la forme d'une activité objective, sensuelle, matérielle, bien qu'elle concerne la conscience, le côté de la « compréhension », le côté de « la participation consciente », de l'« acte de découvrir ».

Les activistes des Internationalistes, les cadres et sympathisants, sortirent soudainement de leur anticonscience, prirent leur place dans la société en tant que révolutionnaires et créèrent les conditions subjectives nécessaires au développement du mouvement ouvrier et communiste. Ils virent que les conditions subjectives faisaient partie du monde et que c'est précisément à ce monde qu'il fallait s'attaquer. N'est-il pas irrationnel de dire, comme le fait la classe capitaliste, que ceux qui font partie du monde ne savent pas de quoi ils font partie ? Certains ont tellement dégénéré durant ces trois décennies depuis l'analyse Nécessité de changement qu'ils ont commencé à attaquer ouvertement l'épistémologie, les théories de la connaissance, qui est le produit des circonstances humaines. Ils insistent pour dire que les êtres humains doivent rejeter ces théories de la connaissance puisque, selon eux, avoir une théorie de la connaissance suppose l'existence de la connaissance et sa transposition sur la réalité.

En fait, les théories de la connaissance proviennent de la réalité elle-même, c'est-à-dire de l'environnement humain et naturel, et leur validité dépend entièrement et uniquement de cette réalité. Les ennemis de la théorie de la connaissance ne contestent pas la validité de ces théories ; ce qu'ils attaquent c'est la plus humaine des qualités humaines : la capacité de connaître. Leur commandement est : « Tu ne connaîtras point. » Ce même commandement veut l'action pour l'action et s'oppose au travail d'organisation tel que formulé par les Internationalistes.

Utilisant le langage de l'époque, les Internationalistes se sont attaqués au problème complexe et difficile du « je ». Il était très clair qu'à moins de s'attaquer à ce problème, il ne serait pas possible de débloquer le travail d'organisation. Selon l'analyse Nécessité de changement, « 'Je' est un élément de relation ou une relation. Il n'est pas une abstraction, un simple produit de la pensée, mais un phénomène ou quelque chose qui voit le phénomène ; non seulement qui le voit, mais qui admet son existence ; non seulement qui admet son existence, mais qui l'analyse ; non seulement qui l'analyse, mais qui le reflète en retour. 'Je' sort et reconnaît la situation, il la reflète, il reçoit la réaction au reflet et continue. Ce 'je' n'est pas une qualité qui sera la même pour toujours. En ce sens, on ne peut pas dire que c'est une qualité définie. »

Ainsi, si nous laissons de côté tout le reste pour l'instant, l'analyse Nécessité de changement déclare que « 'je' est un élément de relation ou une relation ». Pour que cette relation se complète, il doit y avoir quelque chose qui existe indépendamment de lui et dont il est « un élément de relation ». « Je » est « un élément de relation ou une relation » du monde social et naturel, un élément de relation ou une relation de ce qui est indépendant de lui. Et en retour, « je » dépend du monde social et naturel. Partant de ce raisonnement, l'analyse Nécessité de changement place l'être humain, en l'occurrence la classe ouvrière, au centre de tous les développements. La classe capitaliste place le « je » au premier plan et déclare que ce « je » peut avoir toutes les idées qu'il veut. Mais c'est faux. « Je » peut être transcendé, mais le monde, lui, ne le peut pas. En fait, ce « je » n'a cessé de changer parce que le monde change, se développe et se meut. Non !, objecte la classe capitaliste, le « je » décide ce que le monde peut être parce que le « je » est la seule chose qui existe réellement ; tout le reste n'étant qu'une interprétation donnée par lui. L'analyse Nécessité de changement a réfuté cette prétention et fait appel aux activistes de surmonter le blocage par leur « acte de participation consciente », leur « acte de découvrir ».

« Je » joue-t-il un rôle dans le développement ? L'analyse Nécessité de changement répond par l'affirmative tandis que la classe capitaliste, qui se dit championne de l'individu, répond férocement par la négative. Comment est-ce possible que la « conscience de soi », le « je » ou l'« élément de relation » d'une période historique n'ait pas d'impact sur cette époque donnée ? Qu'est-ce donc que ce « je » ? L'analyse Nécessité de changement déclare qu'un « je » qui n'influence pas le monde n'existe pas, tandis que la classe capitaliste présente le « je » et le « monde » comme deux entités séparées. L'analyse Nécessité de changement établit un rapport dialectique entre le « je » et le monde, un rapport à la fois d'unité et de dualité, et fait de la « volonté d'être » l'expression objective de ce mode d'existence. Un « je » avec sa « volonté d'être » influence le monde d'une manière spécifique. Une révolution victorieuse peut transformer le monde dans un sens bien précis, mais en dernière analyse la victoire de cette révolution dépend toujours de ce monde. C'est cette dépendance du « je-relation » sur le monde qui permet aux êtres humains de jouer leur rôle crucial dans le développement.

« Fais ton affaire » était le cri de bataille de la classe capitaliste qui prétendait que c'était le plus grand idéal qu'on puisse atteindre. Aujourd'hui il a été remplacé par l'exigence que chacun dans la société pourvoit à ses propres besoins, rejetant ainsi la notion même d'une société responsable envers ses membres. Mais l'analyse Nécessité de changement a réfuté cet idéal capitaliste en démontrant qu'il place les êtres humains en opposition à leurs propres intérêts. Elle a expliqué qu'il existe aussi le « je » égocentrique qui n'est pas un élément de relation. Il ne dépend pas du monde social et naturel. Au contraire, il existe uniquement en vertu de la classe capitaliste. Il est si temporaire et partiel qu'il disparaîtra avec la classe capitaliste.

« Fais ton affaire » est un appel extrêmement trompeur et dangereux, une aberration qui laisse entendre que la classe capitaliste favorise l'initiative individuelle. Tant qu'il signifie nier le monde, la classe capitaliste le soutient avec joie. L'analyse Nécessité de changement a reconnu que beaucoup de gens participaient à différentes luttes et que beaucoup souffraient de l'illusion qu'une simple manifestation ou une simple grève changerait la situation. Le « je » égocentrique les incitait à rester indifférents face à la nécessité de bâtir l'organisation, la force subjective la plus cruciale dans l'accomplissement de toute tâche. Cette indifférence s'accompagnait d'une répugnance extrême à développer le contenu idéologique de l'opposition au statu quo et à établir la forme sociale, la culture dans la forme sociale, qui facilite l'organisation. Autrement dit, c'était une opposition à la révolutionnarisation en profondeur dans le cadre du mouvement émancipateur de la classe ouvrière, à la condition de sa victoire. Il est tragique que des millions de ceux qui ont participé à la lutte soient demeurés indifférents face au besoin de bâtir l'organisation qui facilite la victoire. C'est dû à l'influence de la classe capitaliste.

L'analyse Nécessité de changement révèle par ailleurs l'existence de l'« anticonscience-extérieure-en-elle-même ». C'est l'illusion que la situation peut être changée sans que la classe ouvrière n'entreprenne de la changer. Après un examen approfondi de ce problème, l'analyse Nécessité de changement établit que les facteurs les plus importants de la victoire sont clairement l'organisation et l'idéologie, de pair avec la culture dans la forme sociale, qui les facilite toutes deux. En l'absence de ces facteurs, il est absolument impossible pour le mouvement révolutionnaire de s'imprégner de la théorie révolutionnaire. En fait, aucune organisation ne peut mener à la victoire sans développer la culture dans ses formes idéologiques et sociales pour faciliter le développement ininterrompu du mouvement.

L'élément crucial de la victoire est le facteur humain-conscience sociale, mais celui-ci n'existe pas en vase clos. Il trouve son expression suprême dans l'organisation, laquelle se renforce continuellement sur la base d'une nouvelle culture moderne et révolutionnaire dans les formes idéologiques et sociales. Les conditions concrètes des années soixante ont posé les problèmes de l'organisation, de l'idéologie et des formes sociales. L'analyse Nécessité de changement faisait appel aux activistes de s'attaquer à ces questions. C'était un appel à s'engager dans la révolution sociale plutôt que de « faire son affaire » ou de « sortir » dans l'espoir que le problème disparaisse en « se changeant soi-même », ce qui revient au même.

L'analyse Nécessité de changement a démontré avec force qu'il y a quelque chose qui ne va pas avec le monde, alors que la classe capitaliste disait qu'il y a quelque chose qui ne va pas avec le peuple, en particulier les travailleurs, les femmes et les jeunes. Le cri de bataille des Internationalistes était « Changer le monde », tandis que le cri de bataille de la classe capitaliste était « Changer l'individu ». L'analyse du « je », de l'existence de cet « élément de relation », a assis la tâche de changer le monde sur un fondement social solide.

L'« élément de relation » ou la « relation », pour être fidèle à lui-même, doit être objectif, indépendant de tous et dépendant du monde. Il doit être continuellement découvert et redécouvert dans le cours de la lutte. Il est le centre autour duquel évoluent toutes les autres consciences. Dans les années soixante, cet élément de relation ou relation était exprimé par ceux qui disaient vouloir le changement mais qui manifestaient l'indifférence devant le besoin de faire quelque chose pour réaliser ce changement. C'est la même chose aujourd'hui. C'est le même élément de relation ou relation qui reflète l'effort de la classe capitaliste pour regrouper toutes ses forces contre la révolution sociale. Cette classe déploie ses forces contre ceux qui entreprennent de résoudre les problèmes de l'organisation et de la culture dans ses formes idéologiques et sociales. Elle détourne beaucoup de jeunes gens de ces problèmes en les entraînant dans des activités qui ne représentent aucune menace pour elle mais qui sont autodestructrices pour ceux qui s'y laissent entraîner. L'analyse Nécessité de changement a repoussé toutes les diversions bourgeoises. Elle a accordé la priorité à la solution des problèmes et leur a trouvé des solutions en pratique. Si les Internationalistes n'avaient pas adopté cette analyse, l'organisation n'aurait pas survécu. Le même problème se pose aujourd'hui.

Le facteur dominant, c'est-à-dire tout ce qui contribue à préserver la classe capitaliste, peut se résumer dans le facteur antihumain-anticonscience. La bourgeoisie a développé ce facteur en renforçant toutes ses institutions et en imposant l'opinion que c'est en renforçant et en préservant ces institutions et les arrangements qu'elles défendent que tous les problèmes peuvent être « résolus ». Selon la classe capitaliste, ni les êtres humains ni leur conscience sociale ne jouent de rôle dans la résolution des problèmes. C'est la propriété privée et les institutions établies pour la préserver qui occupent le premier plan, de pair avec l'idéologie de l'irrationalisme. Elle leur subordonne les êtres humains et le facteur humain-conscience sociale. Elle se sert du facteur antihumain-anticonscience comme d'une arme contre toutes les forces sociales qui favorisent le changement, le développement et le mouvement. L'analyse Nécessité de changement est un solide coup porté à la classe capitaliste ; elle réfute ses prétentions à favoriser l'individu et à vouloir la « liberté » individuelle.

Dans toute activité, le PCC(M-L) accorde l'attention première au facteur humain-conscience sociale. Aucun travail ne peut être mené à bien sans lui. Le PCC(M-L) doit être perçu comme le parti politique dont l'intérêt premier est d'élever le niveau idéologique, théorique et politique de la classe ouvrière et du peuple pour qu'ils puissent concevoir et bâtir le système qui leur permettra d'avoir un contrôle sur leur vie. Qu'il s'agisse de la consolidation d'un aspect du travail du PCC(M-L), de la lutte contre l'offensive antisociale ou de la lutte pour un programme prosocial, le premier problème qui se pose est celui du facteur humain-conscience sociale. Où en est le facteur humain-conscience sociale ? Que faut-il faire pour qu'il s'élève à la hauteur de la tâche ? Le fait de poser ces questions et de trouver les moyens de faire ce qu'il faut est le début du développement du facteur humain-conscience sociale. L'analyse Nécessité de changement apporte une solution à ce problème.

Hardial Bains, 2 mai 1997


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Volume 54 Numéro 8 - août 2024

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