Opposition à la mainmise du Pentagone sur le projet de mine de graphite à ciel ouvert au Québec
Le 16 mai, le département de la Défense des États-Unis (DoD) a annoncé le financement de la minière Lomiko Metals Inc. (Lomiko) à la hauteur de 8,35 millions de dollars américains pour développer un projet de mine à ciel ouvert de graphite dans la Petite-Nation. Le ministère fédéral canadien de l'Énergie et des Ressources naturelles a ajouté une subvention de 4,9 millions de dollars canadiens.
Le site du projet de graphite de La Loutre est situé entre Duhamel et le Lac-des-Plages, sur le territoire des Premières Nations Kitigan Zibi Anishinabeg (KZA). Les Premières Nations KZA font partie de la Nation algonquine et le territoire KZA est situé dans les régions de l'Outaouais et des Laurentides.
Cette annonce a soulevé la colère des gens de la région et une opposition très large s'est organisée. Il n'est pas question que les résidents de la Petite-Nation servent les visées militaires du Pentagone, déclarent-ils. De nombreuses organisations et municipalités ont pris la parole pour dénoncer la production de guerre et la militarisation généralisée du sous-sol de la Petite-Nation. Le projet n'a pas l'appui des communautés et organisations locales, ont-elles dit. Bien au contraire. Elles dénoncent cette appropriation du territoire québécois à des fins militaires.
Des porte-paroles ont dit :
David Pharand, Maire de Duhamel, co-porte-parole de l'Alliance Municipalités de Petite-Nation Nord (AMPNN) : « Avec cette annonce combinée du gouvernement canadien et du Département de la Défense des États-Unis, comme élus, ce qu'on perçoit, c'est que ce qui était déjà un refus social de ce projet minier est en train de se transformer en colère sociale. Plus que jamais nos citoyens ressentent qu'on ne tient absolument pas compte d'eux ».
Louis St-Hilaire, président du Regroupement de Protection des Lacs de la Petite-Nation et porte-parole de la Coalition québécoise des lacs incompatibles avec l'activité minière (QLAIM ) : « Ça fait cinq ans qu'on nous répond que cette mine sera associée à un projet de transition écologique, Et voilà qu'on découvre dans vos pages que cette mine dont personne ne veut servira à l'industrie militaire. C'est absolument inacceptable. »
Claude Bouffard, coordonnateur du Comité citoyen d'opposition au projet minier La Loutre (CCOPML) : « Ottawa et Washington, avec la complicité de Québec, sont prêts à sacrifier la Petite-Nation pour faire la guerre. Sacrifice et guerre sont des mots qui vont bien ensemble. Mais ça ne change rien, les gens d'ici vont continuer de se défendre et de tout faire pour empêcher ce projet... Jusqu'ici, la population s'était surtout mobilisée pour des raisons environnementales et le risque réel que constitue ce projet pour les lacs environnants (lac Simon, lac Doré, lac des Plages, etc. [...] Mais là, on parle de complètement autre chose. C'est rendu que nos ressources serviront aux besoins de l'armée américaine et qu'elles se retrouvent impliquées dans la guerre froide qui oppose la Chine aux États-Unis. Ce n'est plus du tout la transition énergétique et l'électrification des transports dont on nous parlait. »
Rébecca Pétrin, directrice générale, Eau Secours : « Dans le sillon de tous ces projets miniers se trouvent systématiquement des lacs, des rivières et des sources d'eau souterraines sacrifiées. Cette réalité est déjà très préoccupante, mais de constater que ces sacrifices seront faits pour le compte de la militarisation américaine, c'est tout simplement inadmissible. Nos gouvernements doivent comprendre la gravité des enjeux et agir en conséquence », a dit
Rodrigue Turgeon, avocat, coporte-parole de la Coalition Québec meilleure mine (CQMM), la contrepartie de Mining Watch Canada au Québec : « Militariser un projet minier nocif et rejeté par la population avant même de procéder à une évaluation environnementale est un acte de violence inouï du système envers les gens et la nature que nos gouvernements sont censés défendre et non attaquer ».
Jamie Kneen, coresponsable du programme national, MiningWatch Canada : « L'ingérence frontale de l'armée américaine confirme ouvertement le détournement de la propagande de 'transition énergétique' de la politique canadienne de mise en valeur des minéraux au profit d'une vocation essentiellement militaire ».
Pierre Jasmin, secrétaire général des Artistes pour la paix : « Mentir aux amis écologiques des zones récréotouristiques que le sacrifice de leurs terres servira la transition vers les énergies renouvelables pour sauver la planète, est honteux, alors qu'on fait le contraire, en soutenant le militarisme qui en accélère la destruction ».
L'opposition au projet minier ne date pas d'hier
Depuis des années, Lomiko Metals et le gouvernement du Québec entre autres, avait fait la promotion de ce projet minier comme étant essentiel à la transition énergétique et à l'électrification des transports. L'investissement massif du Pentagone est inacceptable et le fait que ce soit annoncé avant même la réalisation des évaluations environnementales constitue un double affront.
Déjà en 2022, le Regroupement de protection des Lacs de la Petite-Nation,(RPLPN) avait reçu l'appui de nombreuses municipalités pour sa position que les activités minières soient interdites dans les zones désignées par la Municipalité régionale de comté (MRC) de Papineau comme étant réservées à la villégiature, au récréo-tourisme, à l'éco-tourisme et à la foresterie. Le 15 mai 2022, la résolution avait reçu l'appui de 13 municipalités et d'au moins 13 entreprises et organismes[1].
En mai 2023, environ une centaine de mémoires avaient été produits lors des consultations publiques du gouvernement du Québec sur l'encadrement de l'activité minière au Québec, dont celui de l'Association pour la protection de l'environnement du Lac-des-Plages (APELDP), et de plus de 25 provenant des membres de la coalition QLAIM.
Le 6 août 2023, 450 personnes avaient manifesté dans les rues de Lac-des-Plages contre ce projet minier. Des dizaines de pancartes contre l'activité minière avaient alors été affichées partout dans la région.
Dans les Hautes-Laurentides en août 2022, des citoyens de Mont-Laurier et des environs étaient préoccupés de voir le développement d'une mine de graphite dans le secteur du Parc régional du réservoir Kiamika. La lettre de l'Association des propriétaires du réservoir Kiamika (APRK) à la Northern Graphite avait alors exprimé une vive opposition au projet :
« Compte tenu d'une forte probabilité que des impacts
négatifs
soient ressentis tels le bruit, la poussière, la
circulation de
camions lourds, la détérioration du milieu, la réduction
de la
biodiversité, l'acidification de la nappe phréatique et
des eaux
environnantes, les effets sur la santé physique et
psychologique; et compte tenu des conséquences négatives
de ces
impacts sur la quiétude des résidents et la valeur des
propriétés, deux éléments majeurs de notre mission,
l'APRK a
exprimé son opposition à ce projet d'exploitation d'une
mine de
graphite dans notre voisinage et se joindra à une action
concertée visant à faire obstacle à ce
développement. »
Les gens de la région s'organisent
Le 7 juillet, l'Association des propriétaires du Lac Simon (APLS) a tenu à Chénéville son assemblée générale annuelle qui a traité entre autres du projet minier La Loutre et des actions sont planifiées par l'Alliance des municipalités de la Petite-Nation Nord (AMPNN).
Le dimanche 11 août à 10 h, le Regroupement de protection des lacs de la Petite-Nation organise la projection du film Malartic sur la réalité d'un village minier, suivi d'une discussion sur cet enjeu. La projection aura lieu au 63, rue Hôtel-de-Ville, Salle Danny Legault, Chénéville.
Note
1. Le nom des municipalités qui ont endossé la résolution : Duhamel, Lac-des-Plages, Papineauville, Montebello, Saint-André Avellin, Thurso, Notre-Dame-de-Bonsecours, Plaisance, Ripon, Chénéville, Montpellier, Lac Simon, Val-des-Bois, Bowman, Mulgrave-et-Derry, Mayo, St-Sixte, Notre-Dame-de-la-Salette, Namur, Notre-Dame-de-la-Paix, Canton-de-Lochaber-Partie-Ouest, Boileau, Lochaber, Fassett, St-Émile-de-Suffolk.
Le nom des entreprises et organismes qui ont endossé la résolution : Lauzon-Foresterie (Fiducie), l'Association des Chasseurs, Pêcheurs, Trappeurs et Archers de la Petite-Nation (ACPTA-Petite-Nation), le Conseil régional de l'environnement et du développement durable de l'Outaouais (CREDDO), Kenauk Nature, le Conseil Régional de l'Environnement des Laurentides (CRE Laurentides), Conservation de la nature Canada, la Coalition pour que le Québec ait meilleur MINE, le Regroupement des associations pour la protection des lacs et cours d'eau des Hautes-Laurentides ( RAP-HL), la Fondation Biodiversi-Terre, les Associations de Québec Solidaire Papineau et Pontiac, l'Association de Protection de l'environnement des Hautes-Laurentides (APEHL) et Eau Secours.
(Avec des informations de : Journal de Montréal, Info de la Lièvre, Association des propriétaires du Lac Simon, Eau Secours, Coalition québécoise des lacs incompatibles avec l'activité minière, Association pour la Protection de l'Environnement du Lac des Plages et département de la Défense des États-Unis)
Cet article est paru dans
Volume 54 Numéro 7 - Juillet 2024
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