De nouveaux programmes pilotes au fédéral pour
les aides familiaux étrangers

Le Canada doit approuver dès maintenant un programme de régularisation adéquat

– Diane Johnson –

Le ministre fédéral de l'Immigration, Marc Miller, a annoncé lors d'une conférence de presse le 2 juin que les aides familiaux venant au Canada pour s'occuper des enfants, des aînés ou des personnes handicapées se verraient offrir la résidence permanente dès leur arrivée en vertu de deux nouveaux programmes pilotes dont le lancement est prévu cet automne ou au début de 2025. Ces programmes en remplacent deux autres qui arrivent à échéance le 17 juin : le Programme pilote des gardiens d'enfants en milieu familial et le Programme pilote des aides familiaux à domicile.

Le Réseau des droits des migrants accueille d'un bon oeil ces améliorations importantes mais souligne qu'elles ne suffisent pas. Dans un communiqué de presse du 3 juin intitulé « Les travailleurs en aide familiale accueillent positivement le statut de résidence permanente dès l'arrivée », on souligne que le programme d'aides familiaux tel qu'annoncé « répond aux principales revendications des aides familiaux migrants, prévoyant entre autres que les 'aides familiaux obtiendront la résidence permanente (RP) dès leur arrivée', devront 'être titulaires de l'équivalent d'un diplôme d'études secondaires canadien' et 'atteindre au minimum le niveau 4 selon les Niveaux de compétence linguistique canadiens, comparativement au niveau 5 pour les programmes actuels' ».

La réduction des exigences en scolarisation et en apprentissages linguistiques, note le communiqué, devrait aussi être en vigueur pour les aides familiaux qui travaillent actuellement au Canada. « C'est essentiel, puisque des milliers d'aides familiaux vivent l'incertitude en raison de ces obstacles qui se trouvent dans l'ancien programme. »

Depuis le 30 avril, près de 5 700 aides familiaux et les membres de leur famille ont obtenu la résidence permanente en vertu des programmes actuels lancés en 2019, mais des milliers d'entre eux sont devenus sans papiers en raison de délais dans le traitement de leurs demandes ou en raison du processus d'exploitation qui fait qu'ils sont forcés de travailler dans des conditions d'oppression puis renvoyés chez eux sans aucune reconnaissance pour leur sacrifice.


Manifestation à Toronto contre l'arriéré dans le traitement des demandes
de résidence permanente des aides familiaux

Le Réseau des droits des migrants fait valoir que l'annonce ne prend pas en compte les aides familiaux migrants sans papiers au Canada et dit que « tous les aides familiaux migrants au Canada qui se retrouvent sans papiers à cause des lacunes dans les programmes doivent être régularisés ».

Lorsqu'il a fait l'annonce des deux nouveaux programmes pilotes, répondant à une question sur la rapidité avec laquelle les demandes aux nouveaux programmes seront traitées, le ministre Miller a dit qu'« en raison de l'arriéré, nous allons vouloir examiner ces chiffres et les traiter au cours des prochaines années, y compris la première cohorte de gens qui aura droit à la RP ».

https://cpcml.ca/images2020/WorkersEconomy/MigrantWorkers/200606-MontrealStatusforMigrantWorkers-Deboutpourladignite-09cr.jpgCeci occasionne une grande anxiété chez les gens dont les permis au Canada arrivent présentement à échéance. En vertu du Plan des niveaux d'immigration 2024-2026, le gouvernement fédéral compte accueillir plus de 15 000 aides familiaux en tant que résidents permanents. La revendication des défenseurs des droits de aides familiaux est : Un statut pour toutes et tous, MAINTENANT !

Le ministre de l'Immigration a dit que les deux programmes à venir ressemblaient à un « processus d'immigration à une étape ». « Avant, les aides familiaux devaient d'abord obtenir des permis de travail pour ensuite acquérir de l'expérience au travail avant de demander la résidence permanente. En vertu des nouveaux règlements, nous simplifions le processus et leur offrons une voie d'accès claire et sans équivoque leur permettant de rester et de s'occuper de nos êtres chers », a-t-il dit.

À part les exigences linguistiques, les aides familiaux étrangers devront avoir en mains un emploi d'aide familial à temps plein, avoir l'équivalent d'un diplôme canadien d'école secondaire ainsi qu'une expérience de travail récente et pertinente.

Miller a aussi déclaré que c'est « par souci de justice » que les exigences linguistiques seront réduites du niveau 5 au niveau 4 des Niveaux de compétence linguistique canadiens [le niveau requis pour obtenir la citoyenneté]. « Notre objectif est d'établir un équilibre entre faire tomber les obstacles à l'obtention de la RP par les aides familiaux et sélectionner les nouveaux arrivants qui feront preuve de résilience face aux changements dans le marché du travail », a-t-il dit.

Le gouvernement fédéral élargira aussi les programmes pilotes qui ne seront pas exclusifs aux familles privées en tant qu'employeurs mais comprendront aussi les organisations qui embauchent directement des aides familiaux « pour permettre aux organisations à but non lucratif de pouvoir faire des offres d'emploi et répondre aux besoins en aides familiaux là où existent des pénuries de main-d'oeuvre », a-t-il dit.

Selon le ministère, les aides familiaux travaillant pour des organisations qui dispensent des soins temporaires ou à temps partiel pour les gens qui sont semi-autonome ou en convalescence d'une blessure ou d'une maladie pourront aussi avoir recours aux nouveaux programmes. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a dit qu'éventuellement ces programmes deviendront permanents.

Le Réseau des droits des migrants souligne qu'il faut prendre en compte la situation difficile des travailleurs migrants qui sont exclus. « Des questions sont en suspens au sujet du nouveau programme, comme quels seront les critères d'offres d'emploi et l'expansion du travail d'aide familiale aux organisations », fait-il valoir. « Les aides familiaux doivent être partie intégrante de la planification sur comment le nouveau programme pilote sera finalisé et lancé », dit-il. Il souligne que :

« Les changements annoncés aujourd'hui ont pris du temps à se matérialiser. En 2019, le gouvernement fédéral a créé un programme pilote de cinq ans qui conservait la plupart des lacunes politiques du programme hérité du gouvernement conservateur précédent en 2014, dont des exigences accrues en matière linguistique et de scolarisation. En conséquent, des milliers d'aides familiaux n'ont pas pu obtenir leur résidence permanente, soit parce qu'ils ont été maltraités, déplacés d'un employeur à l'autre et liés par des permis contraignants ou parce qu'ils sont devenus sans papiers. »

Comme l'ensemble du système de santé, les soins à domicile sont en crise. Le ministre laisse entendre qu'en excluant les agences de placement (trafiquants de travailleurs), tout ce qui reste est à but non lucratif. Ce n'est pas du tout le cas. Les agences de soins à domicile sont dans une très grande mesure privatisées, et une énorme quantité de fonds publics passe aux mains d'intérêts privés. Les travailleurs sont les moins bien payés et, dans de nombreux cas, ils travaillent selon un système de travail à la pièce, avec peu ou pas d'heures garanties. Leur journée peut s'étendre sur 12 heures ou plus sans même qu'ils reçoivent huit heures de salaire.

Les heures de soins totalement inadéquates fournies aux personnes recevant des soins à domicile ont contraint de nombreuses familles à prendre leurs propres dispositions pour combler les énormes lacunes en matière de soins. La réalité des établissements de soins de longue durée étant devenue évidente pour tous au cours de la pandémie, de nombreuses familles font tout ce qu'elles peuvent pour éviter que leurs proches ne soient placés dans ces établissements, ce qui accroît le besoin de travailleurs à domicile. Mais les conditions des travailleurs ne sont en aucun cas abordées, ce qui montre que l'action du gouvernement n'a rien d'humanitaire. La lutte des travailleurs migrants pour leurs droits et leur dignité rejoint la lutte de tous les travailleurs canadiens, non seulement pour un statut pour toutes et tous, mais aussi pour tous les droits qui leur appartiennent en tant que travailleurs et en tant que personnes humaines.

Le Réseau rapporte que lors d'une table ronde organisée peu avant l'annonce du ministre, une aide familiale, à qui on avait refusé la résidence permanente en raison d'exigences de scolarisation injustes, a dit au ministre Miller que même s'il avait bonifié le programme, « il est trop tard en ce qui me concerne. Bientôt je serai sans papiers. Au printemps, vous avez promis la régularisation. Nous sommes en juin, et le temps passe. J'ai travaillé ici au Canada pendant près de six ans à m'occuper des enfants. J'ai laissé dans mon pays mes propres enfants, pour qu'ils aient un avenir meilleur. [...] Nous sommes des centaines de milliers à se retrouver dans cette situation. Et vous avez le pouvoir d'y remédier. Nous demandons la régularisation qui permettra que nous soyons réunis avec nos familles, que nous ayons un meilleur emploi et les mêmes droits que tout le monde. Des milliers de personnes partout au pays vous observent et attendent de voir ce que vous allez faire. Allez-vous respecter votre engagement ? Allez-vous vous battre pour la régularisation et la défendre ? »

Le Réseau des droits des migrants mentionne aussi Jhoey Dulaca de l'Alliance des travailleurs migrants pour le changement, qui a dit : « Plusieurs milliers d'aides familiaux ont subi de l'abus et de l'exploitation. Ils sont dans l'incertitude totale ou sont devenus sans papiers au cours des cinq dernières années – le Canada doit maintenant agir rapidement pour mettre en oeuvre le programme de régularisation pour les aides familiaux sans papiers et veiller à ce que personne ne soit laissé pour compte.

Cenen Bagon, du Comité de Vancouver à la défense des droits des travailleurs domestiques et des aides familiaux, souligne : « Des travailleurs domestiques étrangers, des aides familiaux et leurs défenseurs de longue date se sont battus bec et ongle pour une reconnaissance au Canada : s'ils sont assez bons pour travailler, ils sont assez bons pour y rester avec un statut de résidence permanente dès leur arrivée. Quoique le travail ne soit pas terminé, le premier ministre Justin Trudeau et le ministre d'IRCC Marc Miller ont franchi un pas de plus et semblent, avec ces nouveaux programmes pilotes, sur le point d'entendre ces appels lancés depuis des décennies pour la justice. Il nous faut la régularisation tout de suite pour veiller à ce que tout le monde soit protégé. »

Pour lire le communiqué de presse dans son intégralité, cliquer ici.

(Avec de l'information du Réseau des droits des migrants, The Globe and Mail, CPAC, gouvernement du Canada)


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Volume 54 Numéro 5 - Juin 2024

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