Les organismes de défense des droits réclament un plan national pour les demandeurs d'asile
Le 4 avril, le Conseil canadien pour les réfugiés (CCR) et certains de ses organismes membres ont tenu une conférence de presse à Ottawa pour demander au gouvernement fédéral de créer un plan national pour répondre au nombre croissant de demandeurs d'asile. Ont participé à la conférence Gauri Sreenivasan, co-directrice exécutive du CCR, et Jenny Jeanes, vice-présidente du CCR, Allan Reesor McDowell, directeur exécutif de Matthew House Ottawa, et Loly Rico, fondatrice du FCJ Refugee Centre de Toronto. Ils ont demandé au gouvernement Trudeau de « créer un plan national pour répondre au nombre croissant de demandeurs d'asile et garantir le droit d'asile ».
« Les demandeurs du statut de réfugié ont souvent survécu à des voyages périlleux pour chercher refuge ici, et la grande majorité, près de trois sur quatre l'année dernière, se révèlent être des réfugiés ayant besoin de protection », a souligné Gauri Sreenivasan. « Cependant, il n'existe aucun système pour traiter les demandeurs qui arrivent [...]. Au lieu de cela, nous assistons à un faux récit véhiculé par les dirigeants politiques qui qualifient injustement les demandeurs d'asile de crise, et à une approche qui se concentre soit sur des tentatives futiles et dangereuses pour empêcher les réfugiés de chercher refuge ici, soit sur des réponses d'urgence coûteuses à court terme qui ne peuvent servir ni le public ni les réfugiés. Beaucoup trop de demandeurs se retrouvent sans abri ou transportés en bus vers des hôtels isolés, perdus dans un système confus, sans soutien ni conseiller juridique », a déclaré la représentante du CCR.
Gauri Sreenivasan a déclaré qu'elle et ses collègues « savent de première main » qu'avec certains ajustements clés de l'infrastructure déjà en place, nous pouvons réorienter les dépenses inutiles » et nous pouvons « reproduire ce que nous savons fonctionner, afin que ceux qui fuient la persécution soient traités équitablement et puissent vivre et contribuer à notre pays en toute sécurité. » Elle a ajouté : « Cela nécessite la contribution des gouvernements fédéral, provinciaux, municipaux et de la société civile. »
Les intervenants ont ensuite délimité les cinq domaines clés suivants qui nécessitent une action :
1. Établir des centres d'accueil dans les villes comptant un grand nombre de demandeurs d'asile pour orienter les arrivées et coordonner les services en collaboration avec les gouvernements provinciaux et municipaux et la société civile.
Allan Reesor McDowell a recommandé que le gouvernement fédéral établisse des centres d'accueil pour fournir un hébergement d'urgence, un service de triage, des services d'orientation et d'aiguillage pour les demandeurs d'asile nouvellement arrivés dans les grandes villes du pays » afin de les aider « à suivre et à rester sur la bonne voie dans leur processus de demande et d'établissement ». Un tel centre de coordination, a-t-il déclaré, « peut également jouer un rôle essentiel en garantissant que les services sont appropriés et complémentaires, entraînant de meilleurs résultats [...] avec des économies importantes pour les gouvernements ».
2. Fournir un financement fédéral soutenu pour les logements de transition et de courte durée pour les demandeurs d'asile, en élargissant les expériences réussies de la société civile, de la diaspora et des groupes communautaires, afin de compléter les efforts provinciaux et municipaux.
Le professeur McDowell a recommandé « l'expansion des modèles efficace existants qui viendront compléter les centres d'accueil ».
« Au cours des trois dernières décennies », a expliqué Alan Reeser McDowell, « la société civile a, de sa propre initiative, développé un réseau d'au moins 35 organismes à travers le pays qui offrent des logements de transition et à court terme aux demandeurs du statut de réfugié. Les premières conclusions indiquent que ces programmes fonctionnent à une fraction du coût des hôtels ou des refuges pour sans-abri. » Ces programmes, a-t-il ajouté, « fournissent généralement de la nourriture, des contacts avec un avocat, de l'aide pour obtenir un permis de travail et trouver un emploi » ainsi qu'un « un soutien communautaire essentiel au bien-être et à la santé mentale. Les résidents reçoivent également de l'aide pour obtenir un logement à plus long terme, ce qui entraîne des séjours plus courts dans des logements de transition et allège les pressions sur les refuges d'urgence et les services connexes. »
3. Rendre les demandeurs d'asile admissibles aux services de soutien déjà offerts à tous les autres nouveaux arrivants dans le cadre du Programme d'établissement géré par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC).
Loly Rico a fait remarquer que des services de soutien étaient offerts aux Ukrainiens au Canada pour les aider à « commencer à s'intégrer dans la société canadienne ». Comme la grande majorité des demandeurs du statut de réfugié deviennent de futurs Canadiens, elle a demandé que les mêmes services soient offerts aux demandeurs du statut de réfugié « afin qu'ils puissent avoir une vie digne au début, lorsqu'ils arrivent au Canada ».
4. Veiller à ce que les demandeurs d'asile aient accès à l'aide juridique adéquate partout au pays avec un financement pluriannuel.
Jenny Jeanes a souligné qu'« une représentation juridique efficace est essentielle pour une détermination juste et efficace du statut de réfugié et pour la coordination de tous ces systèmes ».
« À l'heure actuelle, a-t-elle expliqué, il y a une grave pénurie d'aide juridique partout au pays, et dans les provinces où elle existe, elle est sous-financée et de nombreuses personnes n'ont pas accès à une représentation juridique efficace. Afin de garantir que les gens puissent présenter rapidement et correctement leur demande d'asile et avoir accès à une audience équitable et à une détermination équitable du statut de réfugié, il est essentiel qu'ils soient représentés par un avocat. »
« Nous demandons au gouvernement fédéral de veiller à ce que le financement de l'aide juridique soit pluriannuel, stable, prévisible et lié au nombre de demandes et qu'il reflète le coût actuel de la détermination du statut de réfugié. Dans les provinces où il n'y a pas de système provincial d'aide juridique, il y a des modèles sur lesquels on peut s'appuyer. »
5. Rationaliser l'étape initiale du processus de demande et éliminer l'arriéré dans le processus de détermination subséquent au moyen de rajustements mineurs mais importants.
Jenny Jeanes a déclaré que le traitement initial des demandes d'asile était « trop complexe » et que, s'il était simplifié, « cela permettrait aux gens d'accéder plus facilement au système de demande et à la paperasse dont ils ont besoin pour répondre à leurs besoins fondamentaux ».
En réponse à une question sur le coût d'un tel plan national, le révérend McDowell a fait remarquer que l'estimation de son organisation d'environ 35 $ par jour pour fournir un lit, de la nourriture et tous les soutiens et/ou références nécessaires, y compris les avocats et les soutiens à l'emploi, « est une fraction du coût par rapport à ce qui est dépensé dans les refuges d'urgence, les refuges à débordement, les hôtels et les résultats sont meilleurs ». « Et comme je l'ai mentionné, il y a 35 organisations comme la nôtre qui font cela, alors je pense que se concentrer sur l'expansion, reproduire ces programmes efficaces et s'appuyer sur cette expertise est une excellente étape suivante. »
Gauri Sreenivasan a ajouté : « L'autre point concerne la prévisibilité à long terme. Donc, lorsque les mesures d'urgence ne sont pas seulement coûteuses par défaut, parce qu'elles sont planifiées soudainement dans un contexte où vous pouvez avoir cet argent et qu'il sera épuisé, [...] elles empêchent les municipalités et les partenaires de la société civile de planifier à plus long terme. [...] Donc, l'autre façon dont nous savons que ce sera rentable, c'est en créant un financement prévisible. Nous pouvons simplement créer l'infrastructure qui permettra d'offrir des services adéquats et d'absorber ces demandeurs et leurs besoins, ce qui allégera la pression sur les refuges pour sans-abri. »
Selon Jenny Jeanes, même si les nouveaux programmes « semblent entraîner de nouveaux coûts », « bon nombre de nos membres voient des demandeurs à l'échelle du pays qui languissent pendant des mois dans des hôtels en raison d'un manque de service, alors que nous, nos membres, sur le terrain, avons l'habitude de faire face, jour après jour, à des problèmes comme un permis de travail égaré, un problème avec un examen médical, des choses qui peuvent aider les gens à se remettre sur pied rapidement, à quitter les hôtels, à trouver un emploi et à commencer leur vie dans la communauté. »
« D'autre part, a-t-elle poursuivi, nous refusons l'accès aux services de base aux demandeurs pendant un an ou deux, parfois plus, qu'ils attendent la décision finale », ce qui « signifie qu'ils n'ont pas un bon départ dans la vie au Canada, alors que la plupart d'entre eux deviendront des résidents permanents et des citoyens canadiens. Nous ne donnons pas non plus un bon départ à leurs enfants en les privant de services. »
Selon Loly Rico, les trois niveaux de gouvernement devraient « s'asseoir avec la société civile [...] parce que c'est nous qui, au bout du compte, les accueillons et leur fournissons les services. Si nous avons un bon plan, ils ne gaspilleront pas l'argent. »
En réponse à une question sur l'augmentation spectaculaire du nombre de demandeurs d'asile (50 %) entre 2022 et 2023, Gauri Sreenivasan a répondu que ce sont des chiffres que le pays est en mesure d'absorber et de traiter équitablement. Même à leur apogée l'an dernier, a-t-elle noté, cela représentait « un sixième du nombre de travailleurs temporaires que nous avons dans le pays et nous savons que la principale raison pour laquelle cela peut sembler écrasant est qu'il n'y a pas de plan ». Cela « donne l'impression que le volume est trop élevé », mais nous savons très bien que « nous possédons toutes les compétences et le savoir-faire nécessaires pour accueillir les demandeurs, les héberger, les aider à obtenir leur permis de travail et les aider à se préparer pour une vie réussie au Canada ».
Jenny Jeanes a de nouveau donné l'exemple des « Ukrainiens qui ont été accueillis en très grand nombre par le Canada, où un système a été mis en place très rapidement, des kiosques à l'aéroport, un financement d'urgence à l'arrivée, des organismes mandatés pour aider à trouver un logement et des permis de travail, avec un très grand nombre de personnes arrivant dans un très court laps de temps. Ainsi, avec une bonne coordination, cela peut fonctionner, même avec un grand nombre de personnes. »
Cet article est paru dans
Volume 54 Numéro 4 - Avril 2024
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