Les dispositions relatives à l'ingérence étrangère dans la proposition de modification de la Loi électorale

Le projet de loi C-65 établira de nouvelles interdictions et modifiera les interdictions existantes qui sont censées contrer l'« ingérence étrangère » dans les élections au Canada. Il vise en particulier les « tiers », c'est-à-dire toute personne ou organisation autre qu'un parti politique enregistré, une association de circonscription ou un candidat, qui dépense de l'argent pour participer à une campagne électorale.

Bien qu'elles semblent rendre la participation des « tiers » moins contraignante en augmentant le montant qui peut être dépensé avant que l'enregistrement ne soit obligatoire, de 500 à 1 500 dollars, les nouvelles dispositions prévoient que des rapports plus détaillés devront être soumis sur la provenance de ces fonds. Les règles relatives à la déclaration et à la divulgation des nom et adresse des donateurs seront plus rigoureuses, ce qui constitue un obstacle de plus à la participation des organisations de masse qui envisagent d'entrer dans la mêlée des campagnes électorales. Les sociétés ou groupes étrangers basés au Canada qui ont été constitués pour agir essentiellement comme des Super PACS (comités d'action politique) de type américain pourront se conformer à la loi sans problème.

Même si une organisation souhaite mener une campagne éducative pour sensibiliser le public à des sujets préoccupants, tels que l'environnement, sans faire référence à un candidat ou à un parti en particulier, le projet de loi est formulé de telle façon que la campagne peut être considérée comme favorable ou défavorable à un parti ou à un candidat.

Chaque fois que la loi régissant les tiers est modifiée, le risque de se faire prendre pour des actes innocents augmente. La loi s'éloigne de plus en plus d'une législation qui permet aux citoyens d'exercer leur droit de participation et les transforme en criminels potentiels. Il s'agit à toutes fins utiles d'un message juridique : ne vous mêlez pas des affaires politiques. C'est ce que l'on appelle généralement un « effet paralysant ».

Ces règles et réglementations de plus en plus compliquées et restrictives sont censées empêcher l'ingérence étrangère dans les élections.

Dans sa version actuelle, la Loi électorale du Canada interdit à tout tiers d'utiliser des fonds provenant d'une « entité étrangère », définie comme toute personne qui n'est pas un citoyen canadien ou un résident permanent, un syndicat sans droit de négociation dans le pays, un parti politique étranger ou un gouvernement étranger, y compris « un agent ou un mandataire ». Les sociétés opérant au Canada ne sont pas considérées comme des entités étrangères tant qu'elles exercent leurs activités au Canada. Conformément à la suggestion selon laquelle le Canada est en proie à des activités clandestines menées par des personnages clandestins, tant nationaux qu'étrangers, l'interdiction d'utiliser des crypto-monnaies, des mandats et d'autres « monnaies non traçables » dans le cadre d'une campagne électorale s'appliquera aux tiers ainsi qu'aux partis politiques et aux candidats.

Cette interdiction s'applique même si les tiers, les partis et les candidats enregistrés doivent déclarer le nom de pratiquement tous les donateurs, ainsi que les nom et adresse de ceux qui versent plus de 200 $.

Le projet de loi C-65 a été déposé le 20 mars, avant que la Commission sur l'ingérence étrangère n'ait terminé la phase d'établissement des faits de ses audiences sur les allégations d'ingérence étrangère dans les élections fédérales de 2019 et 2021, et avant même le dépôt de son rapport.

Dans son rapport déposé le 3 mai, la Commission indique que « les États utilisent diverses techniques pour s'immiscer dans les élections des autres pays. La façon la plus simple de s'ingérer dans une élection est probablement de fournir des ressources à la campagne d'un candidat. » Elle cite les « intermédiaires locaux » comme exemple de vecteur de cette ingérence. Aucune preuve n'est présentée sur l'existence de telles activités de tiers pour les élections de 2019 ou de 2021.

En fait, la seule allégation mentionnée dans le rapport est fondée sur de simples soupçons et, après enquête du Bureau du commissaire aux élections fédérales (BCEF), aucune ingérence étrangère n'a été constatée. Toutes les parties impliquées étaient des Canadiens. Jenny Kwan, candidate dans la circonscription de Vancouver-Est, soulève que le citoyen canadien Fred Kwok, que la Commission qualifie de « membre éminent de la communauté chinoise de Vancouver », a organisé un dîner gratuit pour une vingtaine de personnes en appui au candidat libéral de la circonscription. L'invitation a été publiée sur un groupe privé WeChat et Mme Kwan a déclaré à la Commission que l'invitation encourageait les gens à voter « pour un député qui se préoccuperait des problèmes des ressortissants chinois », ce terme désignant « les personnes qui se soucient en priorité des questions qui intéressent le gouvernement chinois ».

Les avocats du NPD ont déposé une plainte au sujet de ce dîner auprès du BCEF, alléguant que l'organisateur avait violé les règles électorales relatives aux tiers. M. Kwok s'est donc inscrit en tant que tiers et a déclaré que le coût du dîner s'élevait à 1 500 dollars. L'enquête a abouti à une sanction administrative pécuniaire pour l'agent officiel du candidat libéral qui n'a pas déclaré le dîner comme une contribution non monétaire. Selon le rapport de la Commission sur l'ingérence étrangère, « le BCEF a déterminé que l'organisateur du dîner n'avait enfreint aucun règlement pris en application de la Loi électorale du Canada. Le BCEF n'a trouvé aucune trace de financement étranger et a souligné que ce sont les organisateurs libéraux qui avaient, en fait, approché M. Kwok pour qu'il organise le dîner. » Mme Kwan a également signalé le dîner à la Gendarmerie royale du Canada et au SCRS, qui ne lui ont pas répondu.

De telles histoires sont typiques des affirmations fallacieuses concernant l'ingérence étrangère, fondées sur des soupçons inspirés par la police secrète et des allégations selon lesquelles la Chine, la Russie, l'Iran ou l'Inde sont à l'affût partout.

Le prochain rapport, attendu avant le 31 décembre, est censé inclure des recommandations sur les mesures que le gouvernement devrait prendre pour renforcer ses pouvoirs et ses processus de lutte contre l'ingérence étrangère. Des témoins – dont des Canadiens d'origine russe, iranienne et chinoise – ont témoigné du 27 mars au 5 avril qu'ils ont été ciblés et menacés. C'est une répétition des prétentions déjà formulées par le biais de fuites de la police secrète au Globe and Mail et à Global News. Les témoins ont dû faire appel à une batterie d'avocats, ce qui a manifestement empêché certains d'entre eux d'assister aux audiences, mais tout cela n'enlève rien au fait qu'il existe une désinformation permanente sur l'intervention d'« acteurs étrangers mal intentionnés » dans les courses à l'investiture. Plutôt que de se limiter à réglementer les flux d'argent, on cherche à soumettre les courses à l'investiture à une réglementation plus stricte.

Au début du mois de mars, une centaine d'électeurs d'origine iranienne ont demandé au chef conservateur Pierre Poilievre de mener une enquête sur une course à l'investiture conservatrice à Richmond Hill parce que l'Iran se serait ingéré pour empêcher la sélection d'« un critique du régime ». Depuis au moins juin 2023, cette question fait l'objet de discussions au sein des commissions parlementaires, dans les déclarations de la police et parmi les experts en sécurité. Par exemple, Wesley Wark, membre du Centre pour l'innovation dans la gouvernance internationale, a déclaré au Hill Times que « les partis politiques auraient dû se rendre compte bien plus tôt qu'ils sont eux-mêmes clairement la cible d'activités d'ingérence étrangère, et qu'ils sont considérés comme des cibles opportunes et vulnérables ». Il a conclu que les partis politiques devaient travailler avec les agences de sécurité nationale « pour renforcer leurs pratiques ».

Loin du Parti marxiste-léniniste du Canada l'idée de contester le fait que les partis cartellisés soient des cibles vulnérables : nombreux sont les Canadiens qui croient entre autres que la vice-première ministre elle-même est un véritable agent étranger. Personne ne souhaite que son pays soit sous le contrôle de personnes travaillant pour des intérêts étrangers, mais il est douteux que l'objectif du projet de loi soit de véritablement se débarrasser des agents étrangers. Si le processus de nomination était confié aux citoyens, et non aux partis politiques, ils pourraient sélectionner des candidats parmi leurs pairs, des personnes qu'ils connaissent et dont les préoccupations et les programmes émanent des préoccupations communes à leurs pairs.


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Volume 54 Numéro 4 - Mai 2024

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