Les fermiers et les travailleurs de l'Inde trouvent les moyens de s'investir du pouvoir de décider de leurs affaires

– J. Singh –


Un mahapanchayat à Kheda Chobisi, 16 avril 2024

Les fermiers indiens organisent des mahapanchayats (grandes assemblées de masse) et des rencontres dans différentes régions du pays pour discuter de la participation aux prochaines élections générales et faire valoir leurs revendications. Dans de nombreuses régions, ils ont lancé des campagnes basées sur le slogan Donnez-nous des réponses, nous exigeons des comptes. Lorsqu'un politicien vient dans un village, peu importe à quel parti il appartient, on lui pose des questions sur ce qu'il a fait pour répondre aux demandes des fermiers et des autres travailleurs. Dans la plupart des cas, ils ne sont pas en mesure de répondre et s'enfuient.

Un autre slogan a été repris : Chhaltantra Nahin Chalega (Plus de déceptocratie). On peut l'entendre lorsque les politiciens des partis qui se disputent le pouvoir au nom d'intérêts privés viennent dans les villages. Les fermiers soulignent que même s'ils défont le gouvernement actuel, ils devront continuer de se battre car, quel que soit le parti au pouvoir, ces partis appliqueront les accords signés par le gouvernement de Manmohan Singh avec l'Organisation mondiale du commerce, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, qui ont ouvert la voie à la cession des terres de l'Inde à Adani, Ambani et d'autres. De nombreux fermiers ont déclaré que ce n'est pas parce que nous sommes en train de récolter nos produits que nous ne continuerons pas à nous battre. Nous poursuivrons nos actions et nous préparerons les batailles à venir.

Le 17 avril était la Journée internationale des luttes paysannes. Dans toute l'Inde, les fermiers ont organisé des réunions et des mahapanchayats sous l'appel : « Construisons la solidarité ! Assez de génocide, d'expulsions et de violence ! » Ils ont déclaré : « À la suite de notre huitième conférence internationale en décembre 2023, nous, paysans, jeunes, femmes, hommes et minorités, migrants, travailleurs ruraux et sans terre, pêcheurs et peuples autochtones, sommes animés d'un espoir et d'une force renouvelés, d'une prise de conscience, d'un engagement inébranlable, d'une unité organisée et d'une détermination à affronter les crises aux multiples facettes. Unis, nous sauvegardons notre Terre Mère contre l'emprise des multinationales de l'agroalimentaire, des néocolonialistes, des fascistes et des forces militaires répressives. Nous occuperons les rues et tous les espaces pour réaffirmer notre voie paysanne et renforcer la souveraineté alimentaire. »

La désinformation, la duperie et la fraude qui prennent la forme de promesses électorales, de manifestes et de garanties des différents partis de l'élite dirigeante remplissent les rues, les ondes et les médias sociaux. Le parti au pouvoir dépense de l'argent comme s'il n'y avait pas de lendemain. Le premier ministre Modi a proclamé que l'Inde deviendra une plaque tournante mondiale pour toutes sortes de choses. Rien de concret. L'Alliance indienne promet 10 millions d'emplois. Dans un pays où 83 % des jeunes sont au chômage, c'est une plaisanterie cruelle. Les partis d'opposition se plaignent des méthodes musclées du gouvernement Modi, qui utilise les agences de l'État pour arrêter et intimider les candidats et les partis de l'opposition. De nombreux candidats des partis d'opposition ont rejoint le BJP, le parti au pouvoir, par crainte de subir des descentes de police. Ils réclament des élections libres et équitables et des conditions égales pour tous.

En Inde, selon le rapport sur les inégalités dans le monde, 22 familles possèdent plus de richesses que 700 millions de personnes. Le règne des milliardaires se poursuit depuis 1947, quel que soit le parti au pouvoir ou ses slogans, qu'il s'agisse du socialisme, du sécularisme, de la libéralisation, de la privatisation, de la troisième voie, de l'Hindu Rashtra ou d'autres encore. Les riches se sont enrichis et les pauvres sont devenus plus nombreux et plus pauvres. Dans ces conditions, comment peut-on espérer des élections équitables ?

Dans une démocratie libérale, les élections n'ont jamais été et ne peuvent pas être « libres et équitables » au sens où les gens entendent ces mots, et il ne peut pas y avoir de règles du jeu équitables parce que l'argent parle – ainsi que les muscles, la tromperie et la désinformation. Aucune loi ne permet aux citoyens d'exercer leur droit d'élire et d'être élus de manière libre et équitable. L'argent et les muscles les empêchent d'exercer leur droit de vote.

Lors des dernières élections générales en Inde, les partis politiques ont dépensé près de 8 milliards de dollars pour priver les citoyens de leurs droits, pour faire de la désinformation et pour priver le peuple du pouvoir. Diverses sections de l'élite dirigeante se plaignent de l'absence d'élections équitables et de règles du jeu équitables afin de s'emparer de l'État à leurs propres fins. Aucun de ces partis n'a intérêt à donner du pouvoir au peuple. Bien sûr, le peuple a besoin d'un système électoral qui lui donne du pouvoir, mais l'élite dirigeante et ses partis ne parlent que pour tromper le peuple en le détournant de la conclusion que le processus électoral établi par les Britanniques le prive de son pouvoir parce que son seul rôle est de déposer un bulletin de vote autorisant quelqu'un d'autre à parler et à agir en son nom. Ces personnes, ainsi autorisées, parlent et agissent en fait pour les riches.

Le processus électoral a besoin d'une sérieuse réforme pour être démocratisé. Le mode de scrutin uninominal à un tour doit disparaître. Les partis politiques ne devraient pas être autorisés à sélectionner les candidats. Les citoyens devraient choisir et élire des candidats parmi leurs pairs au travail, dans leur quartier, au bureau, à l'école, etc. Les élections doivent être financées par des fonds publics et personne ne doit être autorisé à dépenser de l'argent pour les élections. Des mécanismes doivent être mis en place pour que les citoyens puissent exercer leur souveraineté sans la médiation de représentants et de partis sur lesquels ils n'exercent aucun contrôle et desquels ils n'ont pas les moyens d'exiger des comptes.


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Volume 54 Numéro 4 - Avril 2024

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