L'interdiction du keffieh à l'Assemblée législative de l'Ontario ne fera pas taire la voix de la résistance palestinienne au Canada

– Philip Fernandez –


Piquetage devant le bureau de circonscription du premier ministre Ford contre l'interdiction du keffieh, 26 avril 2024

Au début du mois d'avril, le personnel de sécurité de l'assemblée législative de l'Ontario a commencé à approcher le personnel et les visiteurs pour leur demander d'enlever le keffieh qu'ils portaient s'ils avaient l'intention d'entrer dans le bâtiment législatif. Le 12 avril, Marit Stiles, cheffe du parti d'opposition néodémocrate, a envoyé une lettre au président de la Chambre pour lui demander pourquoi le personnel de sécurité empêchait les employés, y compris ceux de son parti, et les visiteurs de porter le keffieh. Il s'agit selon elle d'un symbole qui a une signification culturelle importante pour les Palestiniens, les Arabes et d'autres, pas différent du kilt porté par les Écossais, qui est pourtant autorisé parlement ontarien.

Le président de l'assemblée Ted Arnott a répondu par écrit le 16 avril. « Après des recherches approfondies », écrit-il, « j'ai conclu que le port du keffieh à l'assemblée législative à l'heure actuelle est clairement une déclaration politique » et que, bien qu'il soit « de tout coeur » d'accord pour dire que l'assemblée législative doit être un lieu accueillant pour tous les résidents de l'Ontario, c'est par souci de créer un « environnement accueillant » qu'il a voulu interdire le keffieh. Il écrit également que si l'assemblée législative votait à l'unanimité contre l'interdiction du keffieh, il se rallierait à cette décision. Le 18 avril, Marit Stiles a présenté une motion demandant le retrait de l'interdiction, mais n'a pas obtenu le vote unanime nécessaire.

Le président de l'assemblée a également déclaré par la suite que sa décision d'interdire le keffieh n'était pas « gravée dans le marbre » et que si d'autres députés souhaitaient présenter des motions pour s'opposer à l'interdiction, ils étaient libres de le faire.

Pour sa part, le premier ministre prosioniste Doug Ford a déclaré qu'il s'opposait à l'interdiction parce qu'elle « divise inutilement ». La cheffe du Parti libéral, l'ancienne mairesse de Mississauga Bonnie Crombie, s'est également rangée du côté de Marit Stiles et s'est prononcée contre l'interdiction. Mais le vote n'a pas été unanime et n'a donc pas amené le président à changer sa décision.

Tout ceci n'est que de la démagogie spontanée où chacun, encouragé par les médias monopolisés, se présente comme le champion de la liberté d'expression. N'oublions pas que ce sont les chefs des partis politiques de l'Assemblée législative de l'Ontario qui se sont unis pour criminaliser et attaquer la députée néodémocrate de Hamilton, Sara Jama, lorsqu'elle a exprimé publiquement son soutien à la cause du peuple palestinien et s'est opposée au génocide qu'Israël commet contre la population de Gaza. La cheffe du NPD a même écarté Sara Jama du caucus.

Le premier ministre Ford, qui semblait si préoccupé par les « divisions inutiles » que l'interdiction du keffieh provoquerait au sein de la population de l'Ontario, a fièrement proclamé en octobre 2020 que son gouvernement adoptait la définition opérationnelle de l'antisémitisme de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA), un groupe de quelque 35 pays, dont le Canada, qui considère toute critique d'Israël comme de l'antisémitisme. À l'époque, le gouvernement Ford avait déclaré : « Nous sommes aux côtés de la communauté juive de l'Ontario pour défendre ses droits et ses libertés fondamentales, comme nous l'avons toujours fait et comme nous le ferons toujours. »

La position officielle de l'État canadien, depuis la création de l'État d'Israël jusqu'à aujourd'hui, est d'appuyer les sionistes qui ont assassiné et déplacé les Palestiniens et de saper leur résistance par tous les moyens. Depuis le 7 octobre, date à laquelle les sionistes ont commencé leur génocide contre les Palestiniens à Gaza et dans les territoires occupés, l'État canadien soutient le régime sioniste en Israël en lui envoyant de l'argent et des armes.

En même temps, alors que de plus en plus de personnes au Canada et dans le monde se rallient aux Palestiniens assiégés et soutiennent la résistance palestinienne, l'État canadien a de plus en plus recours à la violence et à la terreur pour les réduire au silence. La décision unilatérale du président du parlement de l'Ontario, Ted Arnott, dont le rôle est de maintenir l'ordre et de faciliter les travaux de la Chambre, d'interdire le keffieh, fait partie de la campagne visant à faire taire le soutien croissant aux Palestiniens et s'inscrit dans le soutien total de l'État canadien au génocide américano-israélien. Non seulement le Canada a-t-il financé et envoyé des armes à Israël, mais il a également suspendu son financement à l'UNRWA.

Ici au Canada, la violence et l'intimidation d'État prennent de l'ampleur. Des travailleurs, des universitaires, des étudiants et d'autres personnes ont été suspendus et sanctionnés pour avoir dénoncé le génocide américano-sioniste. Par exemple, l'automne dernier, Wanda Nanibush, l'une des deux seules conservatrices autochtones du Musée des beaux-arts de l'Ontario, a été licenciée pour avoir publié sur sa page Facebook un message de soutien aux Palestiniens. L'autre conservatrice autochtone a démissionné en signe de protestation.

En raison de l'absence de consentement unanime, la députée provinciale de Hamilton, Sara Jama, qui siège actuellement comme députée indépendante, a fait remarquer : « Le port du keffieh est désormais interdit à Queen's Park, non seulement dans cette chambre, mais aussi dans le bâtiment lui-même. Ce n'est pas surprenant, mais néanmoins préoccupant, dans un pays où le colonialisme est toujours présent. Il n'est pas nécessaire de remonter très loin dans l'histoire du Canada pour voir comment les pouvoirs publics ont utilisé la suppression des vêtements, de la langue, des cérémonies et des croyances culturelles autochtones comme outils de génocide. Alors que le génocide israélien se poursuit à Gaza et en Cisjordanie, nous assistons à des tentatives de diaboliser et de réprimer tous les aspects de l'identité palestinienne ici en Ontario. Les étudiants sont réprimandés pour avoir porté le keffieh à l'école, les groupes sionistes racistes continuent d'assimiler l'identité palestinienne au terrorisme avec peu ou pas de recul de la part des personnes au pouvoir, ceux qui s'expriment en solidarité sont calomniés et réduits au silence, tandis que la violence policière s'intensifie pour réprimer les personnes qui utilisent leur voix pour exiger la paix. »

Le 23 avril, la cheffe du NPD a de nouveau présenté une motion visant à annuler l'interdiction. Plusieurs députés conservateurs s'y sont opposés, ce qui signifie que la motion n'a pas obtenu le consentement unanime. Le 25 avril, Sara Jama, qui portait le keffieh à l'Assemblée législative pour défier l'interdiction, a reçu l'ordre du président de quitter la chambre. Il lui a dit : « Sarah Jama, vous êtes nommée. Vous devez quitter la chambre. [...] En raison de cette nomination, le membre, pour le reste de la journée, n'a pas le droit de voter sur les questions dont l'assemblée est saisie... » Sarah Jama a refusé de quitter et le greffier n'a pas tenté de l'expulser de force.

La cause du peuple palestinien est juste et aucun acte d'intimidation ou de terreur de la part de l'État ne détournera le mouvement qui grandit au Canada en soutien au peuple palestinien jusqu'à ce que la Palestine soit libre, du fleuve à la mer.


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Volume 54 Numéro 3 - Avril 2024

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