La construction d'usines pour les
composants et
l'assemblage des batteries pour véhicules électriques
Le plan « conçu au Canada » assure la sécurité énergétique des États-Unis et de leurs forces armées
Les Canadiens et les Québécois sont très préoccupés par
les
stratagèmes pour payer les riches auxquels se livrent les
gouvernements fédéral et provinciaux. Ils distribuent de
l'argent à tour de bras à des intérêts privés étroits
dans les
secteurs minier et manufacturier, ainsi que dans le
secteur de
la santé et les autres secteurs publics, les transports,
l'énergie et les communications. Les fonds publics sont
distribués à des intérêts privés étroits, pour la plupart
supranationaux et détenus par les États-Unis, au nom de
l'économie verte, de la prospérité et de la sécurité
nationale,
alors qu'il est évident que ces mesures sont prises à la
demande
de l'administration américaine et qu'elles servent
l'économie de
guerre des États-Unis, dont le Canada est devenu un
appendice.
Les stratagèmes pour payer les riches intègrent davantage le Canada à l'économie et la machine de guerre des États-Unis, à l'encontre des désirs les plus fondamentaux des Canadiens et des Québécois qui veulent que le Canada soit une zone de paix.
Le budget fédéral 2023 du gouvernement Trudeau annonce que le rôle du Canada est « de devenir une superpuissance en électricité propre, dotée d'un réseau électrique pancanadien plus abordable, plus durable et plus sécuritaire ». Il doit également fournir les minéraux essentiels : « Qu'il s'agisse de la main-d'oeuvre du secteur des ressources qui extrait des minéraux critiques ou fournit de l'énergie propre au monde entier, des ingénieures et ingénieurs qui conçoivent des batteries de nouvelle génération ou des travailleuses et des travailleurs de l'automobile qui assemblent les véhicules électriques que les gens veulent acheter, nous pouvons nous assurer que les Canadiens produisent les biens et les ressources dont le Canada et ses alliés auront besoin pour les générations à venir[1]. »
Un sous-ministre des Finances dans la porte tournante privée-publique
Fait intéressant, le budget fédéral 2023 présenté par la ministre Chrystia Freeland à la fin de mars de cette année avait été préparé par une équipe parmi laquelle se trouvait Michael Sabia, nommé en décembre 2020 sous-ministre des Finances du gouvernement Trudeau. Selon le Devoir, « Il a eu les mains dans la création de la taxe sur les produits et services (TPS), a été tour à tour sous-secrétaire du cabinet au Bureau du Conseil privé, numéro deux du Canadien National, grand patron de Bell Canada et président de la Caisse de dépôt et placement du Québec » et occupait jusqu'au 13 décembre 2020 « la présidence du conseil de la Banque de l'infrastructure du Canada. » « Depuis février 2020, Michael Sabia était également directeur de la Munk School of Global Affairs and Public Policy à l'Université de Toronto »[2], un groupe de réflexion dont la cofondatrice est Janice Gross qui copréside depuis juin 2022 le Comité consultatif indopacifique du Canada qui vise entre autres à cibler la Chine et à s'engager dans des exercices militaires pour provoquer la Chine.
Michael Sabia a été nommé PDG d'Hydro-Québec cet été par le gouvernement de François Legault pour succéder à Sophie Brochu, qui avait quitté son poste en avril dernier, Elle avait déclaré le 12 octobre 2022 durant une entrevue à la radio qu'elle ne veut pas que le Québec devienne « le magasin à une piastre de l'électricité dans le monde » pour ces grands intérêts privés dont les yeux sont rivés sur le Québec parce qu'Hydro-Québec peut aussi générer ce qu'on qualifie « d'énergie verte renouvelable ». Elle a dit : « Ce qu'il ne faut[pas]faire présentement, c'est d'attirer un nombre indu de kilowatts-heure industriel qui veulent payer pas cher et après ça se dire : on est un peu pris, il faut qu'on bâtisse des barrages pour approvisionner ces gens-là. » C'est justement un des mandats qui a été confié à Michael Sabia de trouver l'électricité dite « propre » pour alimenter toutes les futures usines qui s'installent au Québec pour la production des composants (anode et cathode) des batteries et de leur assemblage en un produit final qui aura plusieurs applications autant civiles que militaires.
La preuve de la mainmise des intérêts privés sur les gouvernements est illustrée concrètement par l'élément le plus important du budget fédéral : 80 milliards de dollars de subventions aux grandes entreprises et à leurs sociétés privées pour qu'elles investissent comme elles l'entendent dans « l'électricité à faible teneur en carbone, la fabrication et d'autres éléments d'une économie propre ». Les entreprises privées pourront utiliser comme elles l'entendent les fonds publics fédéraux, qui représentent jusqu'à 40 % des dépenses du gouvernement fédéral. Pour reprendre les termes du budget, « l'approche n'a pas pour objectif de substituer le gouvernement au secteur privé ni de supplanter la prise de décision fondée sur le marché ». Bref, c'est nous qui payons mais c'est « le marché » qui décide. Il ne se passe pas une semaine sans que des représentants du gouvernement n'annoncent, sous une forme ou une autre, des subventions aux entreprises privées.
Les annonces de construction d'usine de composants et d'assemblage des batteries électriques en Ontario et au Québec
Les annonces faites en 2022 et en 2023 de construction d'usines de fabrication de batteries du groupe Stellantis et LG, à Windsor et de Volkswagen à St.Thomas, en Ontario, ont été assorties de riches stratagèmes pour payer les riches à la hauteur de plusieurs milliards de dollars pour la construction des usines et la production des batteries.
Ainsi l'usine Stellantis/LG à Windsor doit fabriquer 400 000 batteries par année selon un article du Toronto Star. En prenant en compte que le montant minimal que la compagnie supranationale doit recevoir pour chaque batterie fabriquée est de 3 600 dollars, cela représenterait près de 1,44 milliards de dollars en fonds publics par année.
Volkswagen a dit que son usine à St-Thomas va produire 1 million de batteries annuellement dès que la production atteindra sa vitesse de croisière dans quatre ans. Ce serait l'équivalent de 3,6 milliards de dollars par année selon la subvention la plus basse, et près de 6 milliards de dollars selon la subvention la plus élevée. Le gouvernement fédéral s'est publiquement engagé à verser près de 13,2 milliards de dollars à Volkswagen sur dix ans.
C'est, selon le ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie du Québec, Pierre Fitzgibbon, « le prix à payer » pour se soumettre aux conditions imposées par l'Inflation Reduction Act (IRA), adopté par l'administration Biden en 2022. La IRA encadre juridiquement les multiples stratagèmes pour payer les riches à l'intention des compagnies qui fabriquent tout ce que les États-Unis considèrent comme faisant partie, de près ou de loin, de la soi-disant « industrie verte ». Des compagnies supranationales partout en Amérique du Nord et en Europe exigent maintenant de tels stratagèmes partout où ils s'installent.
C'est ainsi que de mars à septembre de 2023, les constructeurs automobiles américains GM et Ford flanqués des constructeurs des composants de batteries sud-coréens (POSCO Chemical, ECOPRO BM, SK et Solutions énergétiques Volta) et suédois (Northvolt) sont venus annoncer la construction à Bécancour, Granby et à McMasterville au Québec d'usines pour la fabrication des composants des anodes et des cathodes de batteries et l'assemblage de ces mêmes batteries à la fois pour des véhicules électriques et éventuellement pour d'autres applications civiles dont le stockage d'énergie. Tous se sont vu offrir des prêts et des subventions généreuses par les gouvernements fédéral et du Québec pour la construction des usines et la production des batteries une fois assemblées.
Lors de la conférence de presse d'août dernier annonçant la venue de Ford à Bécancour, le premier ministre Legault a déclaré, entre autres. « Mon objectif en politique, c'est de créer des emplois mieux payés. Ce que je souhaite, c'est que nos jeunes aient des défis ici et qu'ils n'aient pas besoin de s'exiler pour avoir des jobs passionnantes et bien payées. » Le gouvernement et des partenaires vont travailler pour créer une école des métiers de la transition énergétique. Les parties visent une ouverture des portes en septembre 2024. Ils vont offrir à la fois de l'enseignement secondaire (DEP), collégial (techniques) et universitaire. Les huit centres de services scolaires de la Mauricie et du Centre-du-Québec, sont impliqués, ainsi que les quatre cégeps régionaux et l'Université du Québec à Trois-Rivières.
Le syndicat national Unifor qui représente 39 000 travailleurs des usines d'assemblage de Ford, GM et Stellantis et des fabricants d'équipements comme ceux des moteurs, des transmissions et des roues en Ontario, a aussi émis un communiqué en août dernier dans lequel Laura Payne, la présidente nationale d'Unifor, déclare : « L'annonce d'un investissement de Ford à Bécancour est une étape importante vers le rétablissement d'une industrie automobile plus forte et plus durable au Québec et au Canada. Chaque emploi dans la chaîne d'approvisionnement de l'industrie automobile a la possibilité de générer des retombées économiques importantes non seulement pour les travailleuses et travailleurs et leurs familles, mais aussi pour la région environnante et notre pays. » Pour montrer qu'il veut sa part du gâteau, Unifor a annoncé le 6 octobre qu'il va mettre sur pied un bureau à Bécancour et qu'il va installer une équipe de recrutement dans ses nouveaux locaux et qui seront aussi un lieu de rassemblement. Déjà 1000 travailleurs syndiqués du parc industriel de Bécancour sont affiliés à Unifor.
Les nombreux tours de passe-passe pour contourner les normes environnementales
Au printemps, le gouvernement du Québec a modifié la réglementation existante concernant les exigences en matière d'évaluation environnementale par l'intermédiaire du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE). La réglementation exigeait que tout projet de production industrielle de produits chimiques de plus de 50 000 tonnes par an fasse l'objet d'une évaluation environnementale sous forme de consultations publiques. Le seuil est maintenant relevé à 60 000 tonnes. Plusieurs ont dit que ce changement a été fait pour accommoder Northvolt qui prévoit produire annuellement jusqu'à 56 000 tonnes de produits chimiques à son usine de McMasterville durant la première phase de construction de l'usine.
L'intérêt des impérialistes américains à garantir une chaîne d'approvisionnement pour l'armée américaine
Il est souvent question dans les médias monopolisés que la production des batteries lithium-ion n'est faite qu'aux fins des véhicules électriques et du stockage d'énergie. Les applications militaires sont rarement mentionnées. Selon le groupe de réflexion appelé American Security Project, « Si le gouvernement fédéral est le plus gros consommateur d'énergie aux États-Unis, le département de la Défense (DoD) représente environ 76 % des dépenses énergétiques du gouvernement. La plupart des dépenses énergétiques du DoD proviennent de combustibles fossiles. Les carburants à base de pétrole alimentent les équipements, les bases expéditionnaires, les véhicules tactiques, les avions, les navires et d'autres plateformes.[...] La vulnérabilité des approvisionnements à base de pétrole continue d'accroître les risques et les coûts pour le département de la Défense. Toutefois, ce dernier est en train de devenir un investisseur important dans les nouvelles sources d'énergie [notre souligné]. Les nouveaux investissements dans les carburants alternatifs et les énergies renouvelables peuvent avoir des effets bénéfiques à long terme sur la sécurité énergétique en offrant une alternative au pétrole. Ces investissements joueront également un rôle essentiel dans la lutte contre le changement climatique en réduisant l'empreinte carbone du DoD[3]. »
Pour marteler son point, l'organisation cite le général David Petraeus, ancien commandant en chef des forces d'intervention américaine en Afghanistan et ancien directeur de la CIA sous la présidence de Barack Obama : « L'énergie est l'élément vital de nos capacités de guerre ».
L'ambassadeur des États-Unis au Canada, David Cohen, a réitéré à sa manière ce point lors d'une allocution qu'il a prononcé devant le Cercle canadien d'Ottawa, le 31 octobre, portant sur « les relations canado-américaines et sur le leadership mondial dans une économie et un monde en mutation ». Il a rappelé que le Canada et les États-Unis sont « liés par leur défense du continent et bien sûr par l'OTAN ». Il a souligné comment les changements climatiques sont un défi pour assurer « la sécurité mondiale économique et énergétique ». Il a insisté sur le besoin de « développer des nouvelles technologies et sources d'énergie propre ». Il a ajouté que les « minéraux critiques » sont au coeur de la « transition énergétique » et que toutes les étapes de la chaîne d'approvisionnement sont essentielles, en partant de l'extraction, de la transformation et de la production où les États-Unis, le Canada et ce qu'ils appellent « les pays démocratiques partageant les mêmes idées[4] » doivent collaborer. Il exclut la Chine de ses pays sans expliquer plus si ce n'est que de dire que la transformation et la production chinoise des minéraux critiques est telle qu'elle menace l'hégémonie mondiale des États-Unis.
Pour illustrer son point sur la nécessité «
d'approfondir
l'intégration de nos économies », David Cohen a dit
que les
entreprises canadiennes bénéficient également
d'opportunités de
financement et d'investissement du gouvernement américain
grâce
à la Loi sur la réduction de l'inflation (IRA) de
2022
et la Loi bipartisane sur l'infrastructure de 2021. Il a
cité
l'exemple de la société minière canadienne Graphite One,
qui a
reçu 37,5 millions $US du département américain de
la
Défense dans le cadre de la Loi sur la production de
défense pour soutenir le développement de sa mine
de
graphite en Alaska. Le projet Graphite One est proposé en
tant
qu'entreprise verticalement intégrée pour l'extraction,
le
traitement et la fabrication de matériaux d'anode
destinés
principalement au marché des batteries lithium-ion pour
véhicules électriques.
La question de garantir pour les États-Unis et leur armée une sécurité énergétique est essentielle et le rôle que le Canada et le Québec vont jouer à garantir une chaîne d'approvisionnement en minéraux critiques et les batteries comme nouvelles sources d'énergie fait partie de ces plans.
Notes
1. Budget fédéral de 2023, « Le Plan pour le Canada : une énergie abordable, de bons emplois et une économie propre en croissance, Chapitre 3 », Ottawa, 2023
2. « Ottawa recrute Michael Sabia comme sous-ministre », Le Devoir, 8 décembre 2020
3. « Defense Energy », American Security Project
4. Discours de l'ambassadeur des États-Unis au Cercle canadien d'Ottawa, Ottawa, 31 octobre 2023
Cet article est paru dans
Volume 54 Numéro 3 - 23 mars 2024
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