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Des exercices militaires dans l'Arctique canadien

Le 1er mars, le ministère de la Défense nationale (MDN) a annoncé que l'opération (Op) NANOOK-NUNALIVUT, un exercice militaire mené chaque année depuis 2007, se déroulerait à Resolute, au Nunavut et à Yellowknife, dans les Territoires du Nord-Ouest, du 1er au 17 mars. L'exercice implique plus de 300 membres des Forces armées canadiennes (FAC) et environ 50 militaires des États-Unis, de Belgique, d'Allemagne et de France. Il comprend des patrouilles interarmées à long rayon d'action, de la logistique dans des conditions austères et des plongées sous la glace. Selon le MDN, l'objectif est de renforcer la présence des FAC dans l'Arctique et d'aider à améliorer l'état de préparation militaire des partenaires, ce qui « la prestation d'instruction ainsi que la pratique de techniques pour veiller à maintenir la coordination entre les FAC et nos alliés et partenaires ».

« L'Op NANOOK-NUNALIVUT est une des quatre activités annuelles exhaustives conçues pour mettre à l'épreuve la défense du Canada et pour protéger nos régions septentrionales, le tout sous le nom d'Op NANOOK. Ces exercices se déroulent du début du printemps à la fin de l'été pour démontrer la présence des FAC dans l'Arctique et y exercer la souveraineté du Canada », explique le ministère de la Défense nationale.

Personne ne sait comment la présence de forces étrangères, en particulier de personnel militaire des États-Unis, défend la souveraineté du Canada dans l'Arctique. Le MDN précise que l'Op NANOOK-NUNALIVUT est une « opération de défense et de sécurité dans tous les domaines conçue pour favoriser une plus grande interopérabilité multinationale et interarmées avec nos partenaires régionaux et internationaux ». Le personnel des FAC comprend des membres de la Force régulière et de la Réserve provenant de plusieurs unités du Québec, de l'Ontario, du Nouveau-Brunswick et des Territoires du Nord-Ouest. Les quelque 50 militaires étrangers comprennent « 30 membres de la 86th Infantry Brigade Combat Team (86th IBCT) américaine. Avec la force opérationnelle de plongée, environ cinq plongeurs-démineurs de la composante navale belge; environ cinq plongeurs de combat de l'Armée française [et] un médecin de plongée allemand à titre d'observateur. »

Les peuples autochtones de l'Arctique et les résidents non autochtones ont une longue et fière tradition de lutte pour la paix dans la région arctique. Il s'agit notamment de l'opposition massive aux essais de bombes atomiques des États-Unis sur l'île d'Amchitka en Alaska dans les années 1960 et 1970, des campagnes pour la paix dans les pays nordiques et de la longue lutte menée par les Innus et les Inuits contre les vols militaires supersoniques à basse altitude effectués par le gouvernement canadien et divers pays de l'OTAN au Labrador et dans le nord du Québec dans les années 1980 et 1990. Depuis que le Canada a ratifié pour la première fois le traité de l'Atlantique Nord en 1949, qu'il a notamment utilisé pour justifier l'établissement de bases militaires américaines au Canada, la nation innue s'est battue sans relâche contre l'appropriation de ses terres traditionnelles pour y installer des bases américaines et de l'OTAN et contre les dommages causés à son mode de vie. Au cours des années 1980 et 1990, les autorités fédérales canadiennes ont procédé à plus de 400 arrestations d'Innus qui ont lutté héroïquement contre le développement d'une base d'entraînement de l'OTAN au Labrador.

À gauche : des femmes innues manifestent au milieu des années 1980 contre les survols de l'OTAN et pour l'autodétermination de leur patrie, qu'elles appellent Nitassinan.

En 2009, lors d'une conférence à Reykjavik, en Islande, l'OTAN a déclaré que l'Arctique était une « région d'importance stratégique ». Les États-Unis, le Canada et l'OTAN ne cachent pas pourquoi ils ont besoin d'un groupe militaire déployé dans la région arctique. Les brise-glaces américains et certains brise-glaces canadiens ont été déployés pour défendre ce que l'on appelle les intérêts nationaux des membres de l'alliance qui revendiquent leur droit aux richesses naturelles de cette partie de la planète, malgré ce que démontrent les études en ce qui a trait à la propriété de ces fonds marins. L'Arctique contient environ 90 milliards de barils de brut non explorés et d'énormes réserves de gaz naturel, qui pourraient être comparables à celles de la Russie, soit environ 30 % des réserves mondiales de gaz. Les États-Unis tiennent à établir leur hégémonie sur l'Arctique afin de s'assurer que la Russie ne puisse pas utiliser les ressources des eaux arctiques et des fonds marins à l'intérieur de ses limites territoriales souveraines. Les experts estiment que d'ici 2030, la Russie utilisera un grand nombre de ses gisements de gaz arctiques pour extraire environ 50 % de son gaz naturel, comme le gisement de Shtokman dans la mer de Barents qui, selon les experts, contient 4 000 milliards de mètres cubes de gaz.

Appel à faire de l'Arctique une zone de paix

En 1989, Mary Simon, alors présidente de la Conférence circumpolaire inuit (CCI), a fait une déclaration puissante qui résonne encore aujourd'hui, dans laquelle elle évoque avec éloquence la nécessité de créer une zone de paix dans l'Arctique. Elle souligne dans son article qu'un point de départ essentiel est de « reconnaître que de vastes régions du nord du Canada, de l'Alaska, du Groenland et de la Sibérie orientale constituent avant tout la patrie des Inuits » et que le peuple inuit ne veut pas que ses territoires traditionnels soient traités comme « une zone stratégique militaire et de combat entre les alliances de l'Est et de l'Ouest »[1].

Bien entendu, cette même Mary Simon est aujourd'hui gouverneure générale du Canada, ce qui fait d'elle la commandante en chef des forces armées canadiennes. En tant que telle, elle joue un rôle majeur dans la reconnaissance de l'importance de l'armée canadienne sur le territoire national et à l'étranger et ne pourrait plus exprimer de telles opinions. Néanmoins, ce qui est écrit en 1989 résonne encore aujourd'hui. Elle notait à l'époque que les Inuits, qui vivent dans les régions circumpolaires depuis des siècles, avaient besoin d'être protégés.

Mary Simon a rappelé que les Inuits, qui vivent dans les régions circumpolaires depuis des milliers d'années, sont les porte-parole légitimes de l'Arctique. Parce que leurs terres et leurs communautés « transcendent les frontières de quatre pays » (les États-Unis, le Canada, le Groenland (Danemark) et la Russie), les Inuits sont dans « une position unique pour promouvoir la paix, la sécurité et les objectifs de contrôle des armements entre les États de l'Arctique ».

« Tout renforcement militaire excessif dans le Nord, que ce soit de la part de l'Union soviétique (qui existait encore à l'époque) ou des États-Unis, ne sert qu'à diviser l'Arctique, à perpétuer les tensions Est-Ouest et la course aux armements, et à placer nos peuples dans des camps opposés », a-t-elle déclaré.


Des jeunes d'Iqaluit, au Nunavut, défendent leur avenir et leur droit à avoir leur mot à dire sur ce qui se passe sur leurs territoires lors d'une marche pour le climat, le 5 juin 2019.

Du point de vue des Inuits, une zone arctique de paix n'autoriserait pas les armes nucléaires ou les essais d'armes de destruction massive, ni les activités militaires qui « perturbent ou compromettent les communautés, les territoires, les droits et la sécurité des peuples autochtones et des autres peuples du Nord ». À cet égard, la protection de l'environnement arctique « doit primer sur les exercices et les activités militaires ».

Malheureusement, aujourd'hui, en tant que gouverneure générale du Canada, Mary Simon est le commandant en chef des forces armées que le Canada déploie dans l'Arctique pour établir l'hégémonie des États-Unis et mener des exercices militaires de l'OTAN afin de faire de la Russie un ennemi et de mettre en péril la cause de la paix mondiale. Un autre objectif de la prise de contrôle de l'Arctique par les États-Unis est de s'assurer que le passage du Nord-Ouest ne puisse pas être utilisé comme route maritime par tout pays cherchant à raccourcir le passage entre l'Europe et l'Asie de 7 000 kilomètres par rapport à l'itinéraire passant par le canal de Panama. Néanmoins, la position adoptée par la CCI en 1989, alors que Mary Simon en était la présidente, reste valable aujourd'hui.

Dans un premier temps, la CCI a proposé que les pays arctiques déclarent qu'une zone arctique de paix devrait être un objectif central pour eux, éventuellement réalisé par étapes. En outre, ces pays doivent « s'engager expressément à ce que leurs futures politiques militaires et de contrôle des armements soient compatibles avec l'objectif d'une zone de paix » et que le territoire du Canada et des pays nordiques « ne soit utilisé par aucun pays à des fins militaires offensives et déstabilisatrices ».

En outre, les armes nucléaires et tous les missiles de croisière lancés par air et par mer doivent être interdits et les utilisations navales de l'Arctique doivent être réexaminées en gardant à l'esprit que « le principe de la 'liberté de navigation' sans restriction en haute mer est dépassé et ouvert aux abus des puissances militaires ».

Une étape importante pour inverser la tendance à la militarisation serait de développer un « cadre juridique international qui codifie les infractions contre la paix et la sécurité de l'humanité » et que ces normes incluent les droits humains « tels que le droit à la paix, le droit au développement et le droit à un environnement sûr et sain ».

En conclusion, au nom de la CCI, Mary Simon a exhorté « tous les gouvernements de l'Arctique, indépendamment de leur affiliation militaire ou de leur statut nucléaire, à adhérer à l'idée d'une zone de paix arctique » et a rappelé que pour ceux dont la terre ancestrale a toujours été l'Arctique, l'avenir du Nord ne mérite rien de moins !

Note

1. Simon, Mary. « Toward and Arctic Zone of Peace : An Inuit Perspective ». Peace Research, Vol. 21, No. 4 (novembre 1989). Canadian Mennonite University.


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Volume 54 Numéro 2 - 23 mars 2024

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