Une enquête bidon utilisée pour justifier la création d'un «Registre pour la transparence en matière d'influence étrangère »
Lors de sa campagne électorale de 2015, le Parti libéral a promis de « faire participer les Canadiennes et les Canadiens à l'élaboration des politiques ». Sous la rubrique « Voix de la population », son programme électoral disait : « Les nouvelles technologies facilitent l'échange d'idées et d'informations entre les citoyennes et citoyens et leurs gouvernements. Nous étudierons de nouveaux moyens d'en tirer parti pour recueillir les suggestions de la population. »
Depuis, il est devenu courant pour les gouvernements, tant au niveau fédéral que provincial, d'utiliser de fausses enquêtes, déguisées en « consultations publiques », pour justifier la prise de décisions qui vont à l'encontre de l'intérêt public. La direction antisociale dans laquelle les élites dirigeantes ont emmené le pays se résume à l'usurpation du pouvoir par des intérêts privés étroits et à la prise de décisions qui profitent aux riches. Elles ont donné naissance à des sociétés privées de marketing, à des firmes de conseil et à des sociétés qui réalisent des « sondages » qu'elles paient grassement pour ensuite déclarer que leurs politiques intéressées ont le soutien de « l'opinion publique ». Tout cela donne une idée de la manière dont les mécanismes sont créés pour faciliter la mise en place d'un gouvernement des pouvoirs de police qui prétend que ses décisions sont fondées sur une consultation démocratique, malgré le faible niveau de participation du « public » et l'absurdité des questions qui lui sont posées. Il n'est pas surprenant que le processus lui-même soit loin d'être transparent, tout étant contrôlé par les firmes engagées pour réaliser les enquêtes.
Ces sondages sont en fait un des moyens par lesquels les mécanismes politiques autrefois utilisés par le système dominé par les partis, appelé démocratie représentative, ont été systématiquement détruits. Les vestiges de la participation des citoyens au processus politique ont été éliminés. La société civile constituée sur la base de l'état de droit n'existe plus.
L'enquête en ligne menée par Sécurité publique Canada de mars à mai de l'année dernière au sujet d'un éventuel Registre pour la transparence en matière d'influence étrangère (RTMIE) en est un bon exemple. Appelée « consultation publique », elle n'est qu'un exemple des nombreuses enquêtes et consultations de ce type qui cachent un autre objectif. Cette méthode prend toute son importance quand on considère la façon dont la police politique du Canada présente sa prise de contrôle des pouvoirs exécutifs du Canada au nom de la protection de la démocratie contre l'ingérence étrangère. Si l'enquête sur le RTMIE a été utilisée comme preuve que les Canadiens souhaitent que des pouvoirs accrus soient accordés à la police, elle précède une autre consultation, annoncée le 23 novembre, pour recueillir l'opinion de Canadiens qui disent vouloir « une collaboration approfondie avec le gouvernement du Canada sur les questions de sécurité nationale, dont l'ingérence étrangère ».
Dans le cadre de l'enquête sur le registre en matière d'influence étrangère, la Sécurité publique a posé cinq questions et laissé un espace pour les commentaires supplémentaires. Le nombre total de réponses individuelles reçues s'élève à 932. Sur 35 millions d'électeurs inscrits, cela représente 0,0026 %. Parmi les répondants, 51 %, soit environ 440 personnes, se sont identifiées comme « membres du public ». Les autres appartenaient aux catégories suivantes : entreprises (17 %), universités (8 %), gouvernement canadien (8 %), organismes non gouvernementaux (6 %), organisations représentatives des communautés (2 %) et organisations religieuses (1 %), tandis que les 7 % restants s'identifiaient dans la catégorie « autres ».
Il se peut que les intérêts privés qui ont conçu l'enquête aient des explications pour ces catégories, mais elles ne sont pas évidentes. Ça peut être n'importe quoi. Il est également un fait qu'une démocratie moderne est comprise comme une entité composée de citoyens et de résidents, chacun avec des droits et des devoirs et une reconnaissance égale sur cette base. La notion de « membre du public » est loin d'être à la hauteur de la définition et que dire des autres catégories ? On pourrait semble-t-il être membre de plusieurs catégories à la fois !
La conclusion tirée de cette « consultation » est qu'« elle a donné lieu à un grand nombre de réponses à l'échelle du Canada [qui] ont démontré qu'il y a un vaste soutien à l'introduction d'un Registre pour la transparence en matière d'influence étrangère au Canada ».
Ayant également consulté séparément différents « intervenants », sans préciser lesquels, Sécurité publique ajoute qu'« un des principaux thèmes qui en sont ressortis est qu'un registre n'est pas une solution universelle et que celui-ci devrait être accompagné d'autres changements législatifs qui traiteraient d'autres aspects de l'ingérence étrangère ».
Toute personne raisonnable voit que cette consultation est une fraude, mais il n'en demeure pas moins que Sécurité publique Canada prétend maintenant que ses consultations montrent non seulement que les Canadiens soutiennent la création d'un registre, mais qu'ils veulent également que davantage soit fait pour contrecarrer l'influence d'« agents étrangers ».
Toute considération objective du nombre de répondants, sans parler de leur identité, conclurait forcément que cette enquête est une fraude de A à Z. Elle montre l'échec lamentable de la tentative malavisée de l'élite dirigeante d'aligner les Canadiens derrière l'ordre du jour belliciste de transformer les relations internationales en crime potentiel et d'inciter à la haine, à la peur et à la suspicion à l'égard de prétendus « États hostiles ».
Ces sondages déguisés en « consultations publiques » constituent l'un des moyens par lesquels les mécanismes politiques autrefois utilisés par le système de démocratie représentative dominé par les partis ont été systématiquement détruits parce que l'orientation antisociale de l'élite dirigeante ne peut résister à la participation des membres du corps politique ni à l'examen public et à l'opinion qui en découlent. Ils donnent une indication de la façon dont les mécanismes sont présentement créés pour faciliter un gouvernement des pouvoirs de police avec un vernis de processus démocratique.
Cet article est paru dans
Volume 54 Numéro 1-2 - Janvier-Février 2024
Lien de l'article:
https://cpcml.ca/francais/Lml2024/Articles/LM54018.HTM
Site web : www.pccml.ca Courriel : redaction@pccml.ca