Des pouvoirs réglementaires non précisés permettent au gouvernement d'agir sans autorisation légale

Divers mécanismes censés assurer la responsabilité et garantir l'état de droit font défaut, apprend-on dans un article paru le 17 janvier dans le Hill Times. L'article est de Penny Becklumb, conseillère juridique au Bureau du légiste et conseiller parlementaire de la Chambre des communes.

L'auteure examine le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation et son devoir de veiller à ce que les pouvoirs réglementaires soient conformes aux lois d'autorisation adoptées par le Parlement. Elle utilise les sanctions imposées au Venezuela en 2017 par le cabinet libéral comme exemple de règlement promulgué sans autorité légale.

Elle écrit : « En vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales, le Canada peut imposer des sanctions économiques à un État étranger dans des circonstances précises, notamment lorsqu'il y est invité à le faire par une 'organisation internationale ou une association d'États' dont le Canada est membre. Cependant, plus tôt en [2017], les pays membres de l'Association des États américains, dont le Canada, n'avaient pas réussi à s'entendre sur les mesures à prendre contre le Venezuela. »

Pour contourner l'absence d'autorité légale, écrit-elle, « le gouvernement a créé les circonstances pour justifier l'imposition de sanctions. Il s'est associé aux États-Unis pour créer une nouvelle association internationale composée de seulement deux membres – le Canada et les États-Unis – dans le but exprès de 'demander' à ses membres d'imposer des sanctions économiques contre le Venezuela. » Puisque les États-Unis avaient déjà imposé de telles sanctions, poursuit-elle, « l'association ne faisait en réalité qu'appeler le Canada à faire de même, ce qu'il s'est empressé de faire ».

« Ironiquement, écrit Penny Becklumb, la déclaration accompagnant les sanctions canadiennes indiquait que 'ces mesures démontrent aux Canadiens que le gouvernement est prêt à agir lorsque les normes internationales de bonne gouvernance démocratique sont bafouées'. » Ces sanctions sont toujours en vigueur aujourd'hui.

L'auteure note que le Comité mixte s'est réuni 14 fois depuis 2020. « L'arriéré de règlements qui attendent d'être examinés par le Comité [...] est énorme. » En outre, elle note que « les rares fois où le comité se réunit pour discuter d'une réglementation problématique, il n'exerce presque jamais ses pouvoirs légaux [...]. Une seule fois au cours des vingt dernières années, le Comité a-t-il tenté d'utiliser l'autorité que lui confère le Parlement pour demander la révocation d'une réglementation. Cette tentative a échoué. » Dans le cas des sanctions contre le Venezuela, les sénateurs ont reconnu et remis en question l'« organisation » américano-canadienne, mais n'ont pas agi.

Un deuxième exemple concerne les élections des dirigeants des Premières Nations qui ont été reportées par le biais de pouvoirs réglementaires en 2020, peu après la déclaration de la pandémie de COVID-19. La légalité du règlement a été contestée par une personne qui avait prévu de se présenter aux élections. Le président du tribunal lui a donné raison : « En bref, le gouvernement me demande de tolérer un exercice invalide du pouvoir parce qu'il a été fait pour une bonne raison. C'est tout simplement incompatible avec l'état de droit, qui exige que tout exercice du pouvoir de l'État trouve sa source dans une règle juridique. » Par conséquent, les règlements ont été « validés » rétroactivement par une loi d'exécution du budget en juin 2021.

Le site web du gouvernement définit les pouvoirs réglementaires et le cadre juridique de leur utilisation. On y lit : « Les règlements sont des textes législatifs qu'on désigne souvent par le terme 'législation déléguée'. Ils ont le même effet juridique que les lois [...] Ils n'émanent pas du Parlement, mais bien de l'autorité – le plus souvent, le gouverneur en conseil, un ministre ou un organisme public – que celui-ci a habilitée à cette fin. Leur prise doit donc être expressément prévue par une loi dite habilitante. » Puis : « Le pouvoir de prendre des règlements ne peut être exercé librement. Il existe des limites à l'exercice de ce pouvoir, notamment celles fixées par la Constitution et les lois supplétives. »

La Loi sur les textes réglementaires et le Règlement sur les textes réglementaires prévoient trois conditions essentielles à la prise d'un règlement : l'examen du projet de règlement, son enregistrement; sa publication dans la Gazette du Canada. Ils sont ensuite examinés par le Comité mixte permanent d'examen des règlements.

Penny Becklumb écrit : « Le dysfonctionnement du comité a également conduit le gouvernement à passer outre à la suprématie du Parlement, telle que représentée par le comité. Le ministère de la Justice, qui rédige les règlements au nom des autres ministères, ne tient pas compte des décisions antérieures du Comité mixte permanent lorsqu'il évalue le risque juridique que les règlements qu'il rédige soient illégaux. En effet, la probabilité que le Comité puisse à la fois détecter un abus de pouvoir de la part du gouvernement et lui demander des comptes est très faible. »


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Volume 54 Numéro 1-2 - Janvier-Février 2024

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