Constitutionnalité de la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis
La Cour suprême statue que la loi est valide
Conférence de presse de l'Assemblée des Premières Nations
du
Québec et du Labrador annonçant la décision de la Cour
suprême,
le 9 février 2024
Le 9 février, la Cour suprême du Canada a annoncé sa décision unanime validant la constitutionnalité de la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis. La loi a été adoptée le 1er janvier 2020 et sa constitutionnalité avait été contestée par le gouvernement du Québec.
Le Réseau de télévision des peuples autochtones (APTN) rapporte que « la loi affirmait le droit des peuples autochtones de gérer leurs propres services à l'enfance et certains de ses articles affirmaient que la législation autochtone avait force de loi fédérale et que celle-ci avait prépondérance sur la législation provinciale. Elle a été élaborée suite à une décision du Tribunal canadien des droits de la personne stipulant que le Canada avait été discriminatoire envers les enfants des Premières Nations vivant dans des réserves en raison de son sous-financement des services qui devaient leur venir en aide.
« En octobre 2023, le gouvernement fédéral a accepté une entente de 43 milliards de dollars suite à deux poursuites intentées contre lui pour discrimination. Vingt-trois milliards de dollars ont alors été versés en guise de compensation suivi d'un autre 20 milliards devant réparer le système. »
Soulignant que l'intention de la loi « concerne les impacts négatifs du système des services à l'enfance sur les familles autochtones », les chefs de l'Union des chefs indiens ont dit dans un communiqué de presse le 9 février : « Cette décision valide la constitutionnalité de la loi dans son intégrité, y compris : les normes nationales minimales, l'affirmation par le parlement que le droit inhérent à l'autodétermination comprend la compétence sur les enfants et les familles autochtones, et les mesures que le parlement avait déterminées pour faciliter la capacité des communauté autochtones d'exercer ce droit. »
Le Conseil de leadership des Premières Nations et la Our Children Our Way Society ont accueilli cette décision avec enthousiasme, affirmant qu'elle « représente un pas de géant dans la mise en oeuvre de la compétence autochtone sur les enfants et les familles ».
« Cette décision met fin à l'ère coloniale du Canada et des provinces et de leur contrôle sur le bien-être des enfants autochtones. Notre droit inhérent de protéger nos enfants et de les garder dans leurs familles et communautés a été réaffirmé », a dit le grand chef Stewart Phillip de l'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique.
Cheryl Casimer, la directrice politique du Sommet des Premières Nations, a dit : « Il s'agit d'une des lois les plus importantes pour les peuples autochtones : elle appelle au renforcement des familles et à leur intégrité plutôt qu'elles soient déchirées lorsque nos enfants sont arrachés de leurs familles et de leurs cultures. »
La Carrier Sekani Family Services Society, ainsi que quatre Nations Carrier Sekani, soutiennent que l'approche cas par cas a engendré des obstacles déraisonnables à l'autodétermination. Dans sa décision, la Cour suprême a repris cet argument, notant que : « En éliminant d'interminables contestations judiciaires, les groupes autochtones et la Couronne peuvent consacrer tout leur temps et leurs ressources à se pencher sur l'essentiel : s'occuper des enfants. »
Mary Teegee-Gray, présidente de Our Children Our Way, a dit : « Nous avons toujours eu nos propres lois et nous avons toujours eu le droit de nous occuper de nos propres familles comme il nous convenait. Nous n'avons jamais abandonné ce droit et les lois canadiennes ne peuvent jamais rien y changer. Ce que la loi a permis de faire, c'est de créer un espace où nous pouvons insuffler la vie dans ces lois. La décision de la Cour suprême aujourd'hui ouvre tout grand cet espace et nous allons poursuivre notre travail. »
Intervenant sur la question, le Conseil de leadership des Premières Nations de la Colombie-Britannique fait valoir que la Déclaration des droits autochtones affirme le droit autochtone à l'autodétermination, et représente une loi internationale contraignante. Par conséquent, l'article 35 de la Constitution doit être fondamentalement interprétée comme comprenant le droit à l'autodétermination.
Terry Teegee, le chef régional de l'Assemblée des Premières Nations de la Colombie-Britannique, a dit : « Cette décision réaffirme que le Canada a l'obligation de respecter le droit international et de ne pas déshonorer la Couronne. En vertu de ces obligations, le Canada doit reconnaître pleinement notre droit autochtone inhérent à l'autodétermination. »
Le premier chef adjoint David Pratt de la Fédération des Nations autochtones souveraines (FSIN) au Saskatchewan a appelé le Canada à « financer adéquatement la réforme des services à la petite enfance autochtone ».
« Nous accueillons nos enfants à la maison. Nous ne pouvons les accueillir s'il n'y a pas de logements, s'il n'y a pas d'infrastructures permettant de les soutenir, puisque nos communautés sont en crise en ce moment, aux prises avec des problèmes de services de police, de toxicomanie et de gangs », a dit David Pratt. « Nous ne pouvons pas les accueillir dans un tel environnement. Il reste beaucoup de travail à faire. »
La FSIN a dit que 58 des 74 Premières Nations de la Saskatchewan sont déjà en train de mettre en oeuvre leur propre système d'aide à l'enfance.
David Chartrand, le président de la Fédération des Métis du Manitoba (FMM), a dit dans un communiqué publié sur leur site web : « Je suis très heureux de savoir que nos enfants seront en sécurité entre nos mains et dans nos bras. Nos familles se réjouissent que jamais plus nous allons perdre nos enfants à des forces extérieures. Jamais plus nous allons devoir être aux prises avec des lois et des politiques qui nous sont étrangères, racistes et discriminatoires et qui ont engendré une dévastation indescriptible. »
Alvin Fiddler, le grand chef de la nation Nishnawbe Aski (NAN), qui représente 49 Premières Nations dans le Nord de l'Ontario, a dit : « Cette décision confirme ce que les Premières Nations NAN savent depuis toujours : nos enfants relèvent de notre compétence, où qu'ils résident. »
« Cette décision signifie que les gouvernements fédéral et provinciaux devront accepter et respecter nos lois lorsqu'il s'agit de nos enfants, nos jeunes et nos familles. Aujourd'hui est une journée heureuse pour la souveraineté autochtone et pour toutes les Premières Nations qui écrivent et affirment leurs propres lois d'aide à l'enfance. »
Aluki Kotierk, présidente de Nunavut Tunngavik Inc. (NTI), dans un communiqué du 9 février, a salué la décision. « La décision de la cour est encourageante, considérant notre désir d'autodétermination pour les Inuits du Nunavut. Les gouvernements ont depuis toujours laissé tomber les enfants, les jeunes et les familles inuits. L'aide à l'enfance au Canada est beaucoup axée sur répondre aux urgences, avec peu, voire aucun appui aux efforts visant à éviter que de telles urgences se produisent en premier lieu. NTI s'engage à améliorer la vie des enfants inuits et à les guérir des conséquences des pensionnats autochtones, des politiques coloniales et des traumatismes intergénérationnels, et la décision de la Cour confirme notre droit de contribuer au succès de ces efforts au Nunavut », a-t-elle dit.
L'Inuit Tapiriit Kanatami (ITK), qui représente les Inuits au Canada, a dit que la décision « touche aux lois d'aide à l'enfance ainsi qu'à toutes les facettes de la compétence inuite et du droit à l'autodétermination.
« Aujourd'hui, le plus haut tribunal du Canada a réaffirmé de façon unanime le droit à l'autodétermination, y compris le pouvoir de s'occuper de nos enfants et de notre jeunesse. En raison de systèmes coloniaux, plusieurs de nos familles ont été déchirées et ont souffert de traumatismes intergénérationnels dévastateurs », a dit Natan Obed, le président de l'ITK.
« Cette décision charnière, basée sur la Déclaration de l'ONU sur le Droit des peuples autochtones, offre une merveilleuse occasion de transformer l'avenir socio-économique des Inuits et soutient notre droit à l'autodétermination, un droit que nous n'avons jamais cédé. »
Natan Obed a parlé de la réalité tragique actuelle d'une surreprésentation d'enfants inuits dans des services partout au pays. « Le projet de loi C-92 s'oppose à ces réalités, s'oppose aux attitudes coloniales qui acceptent que les enfants soient arrachés à leur famille, et incite l'État canadien à reconnaître les représentants des peuples autochtones, des institutions et organisations qui affirment le droit des Inuits et celui des Premières Nations et des Métis d'élever nos enfants et d'être autosuffisants dans ce domaine », a-t-il dit, s'adressant à des journalistes à l'extérieur de la Chambre des communes le 9 février.
La cheffe nationale de l'Assemblée des Premières Nations Cindy Woodhouse Nepinak a dit : « Les Premières Nations n'ont jamais cédé leur compétence sur leurs enfants et leurs familles, qui existe depuis les temps immémoriaux. Les Premières Nations continuent de jouir du droit inhérent et constitutionnel de prendre soin de nos enfants et de nos familles, ainsi que de notre droit sacré légué par le Créateur d'élever nos enfants dans leurs cultures, langages et traditions. »
Cindy Blackstock, défenseur respecté des enfants et directrice générale de la Société de soutien à l'enfance et à la famille des Premières Nations, a dit dans un communiqué : « Aujourd'hui, nos ancêtres, les enfants et les jeunes qui ont fréquenté des pensionnats et ceux qui ne sont jamais retournés à la maison, les survivants des raids des années soixante, les enfants et les jeunes pris dans les rouages de ces services aujourd'hui, et les adultes autochtones qui les aiment, ont incité la Cour suprême à se dépasser, et c'est ce qu'elle a fait, » a-t-elle dit.
« Maintenant c'est au tour des gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral de garantir les ressources et l'appui dont les enfants et la jeunesse des Premières Nations, Métis et Inuits ont besoin pour grandir en sécurité chez eux, accéder à une bonne éducation et être en santé et fiers de qui ils sont. »
Kirsten Barnes, une avocate du Conseil de justice des Premières Nations de la Colombie-Britannique, a dit que, quoique imparfaite, la loi offre une voie aux communautés autochtones pour affirmer leur droit à l'autodétermination en ce qui concerne le bien-être de leurs enfants et de leurs familles.
« Ce que nous avons devant nous est un paysage tout nouveau où nous voyons renaître de nombreuses lois mais aussi où les lois, besoins et solutions varient d'une nation à l'autre », a-t-elle dit.
« La décision unanime de la Cour suprême du Canada de valider la loi confirme que le travail déjà entamé par de nombreuses Premières Nations pour affirmer leur juridiction peut se poursuivre », a-t-elle ajouté.
(APTN, indiginews.com)
Cet article est paru dans
Volume 54 Numéro 1-2 - Janvier-Février 2024
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