Contrôle inacceptable des prix et de la distribution des médicaments par des accords de cartel
Le 5 février, Manuvie a annoncé qu'elle revenait sur sa décision du 22 janvier d'exiger que la vente de médicaments spécialisés couverts par Manuvie soient exclusivement réservée à Shoppers Drug Mart et d'autres pharmacies contrôlées par Loblaw. Manuvie a annoncé que les patients ayant besoin de médicaments spécialisés pourront faire exécuter leur ordonnance dans n'importe quelle pharmacie et bénéficier de la livraison à domicile. Les monopoles que sont le fournisseur d'assurance Manuvie et la société de vente au détail Loblaw ainsi que des producteurs pharmaceutiques anonymes avaient formé un cartel pour contrôler à leur avantage le prix de certains médicaments et attirer plus de clients aux magasins Loblaw. L'accord de cartel entre Manuvie et Loblaw concerne environ 260 médicaments destinés à traiter des affections complexes, chroniques ou potentiellement mortelles, comme la polyarthrite rhumatoïde, la maladie de Crohn, la sclérose en plaques, l'hypertension artérielle pulmonaire, le cancer, l'ostéoporose et l'hépatite C.
Ce genre d'accord de cartel de médicaments est connu sous le nom de « accords de réseau de pharmacies privilégiées » (ARPP). En vertu de cet accord, les Canadiens ayant une assurance-santé avec Manuvie devait aller chercher leurs médicaments spécialisés à une pharmacie Loblaw, sauf au Québec, où de telles ententes d'exclusivité entre assureurs et chaînes de pharmacies sont interdites par la loi. Aux États-Unis, les ARPP, peu importe le médicament en question, sont communément établis par des cartels formés de compagnies d'assurance privées, de grandes pharmacies de vente au détail et de fabricants de médicaments.
Le cartel ARPP Manuvie/Loblaw n'était pas le seul au Canada. La compagnie d'assurance GreenShield a aussi un ARPP pour des médicaments spécialisés par le biais de HealthForward, qui est la propriété du fabricant et distributeur mondial Cencora. Des entités législatives partout aux États-Unis ont accusé Cencora d'avoir contribué à la crise des opioïdes et, dans au moins un cas, ont obtenu une décision du tribunal leur accordant 25 milliards de dollars. Censora a un revenu annuel mondial faramineux de plus d'un quart de billion de dollars.
Les compagnies d'assurance privées et les monopoles pharmaceutiques sont les plus ardents opposants au contrôle public dans l'industrie pharmaceutique et de la santé. Les petites pharmacies de vente au détail bénéficieraient non seulement de l'interdiction des ARPP, mais encore davantage si la production et la distribution dans l'industrie des médicaments étaient contrôlées publiquement. Des médicaments gratuits produits et distribués publiquement augmenteraient considérablement leur clientèle. Une industrie pharmaceutique contrôlée publiquement préparerait le terrain pour un plus grand investissement public dans la fabrication et la distribution de médicaments.
Kyro Maseh, le propriétaire de Lawlor Pharmasave à Toronto, a dénoncé le cartel Manuvie/Loblaw parce qu'il détruirait les soins personnalisés que lui et d'autres accordent à leurs patients qui ont une relation de longue date avec leur pharmacien local. « Pour le patient, cela veut dire, en somme, qu'il va aller chercher ses médicaments dans une pharmacie à volume élevé, ou même par vente par correspondance, éliminant ainsi toute notion de soin personnalisé », Maseh a dit à CBC News. « Nous allons discrètement vers un modèle américain d'usines à pilules à volume élevé. »
« Les très grandes et puissantes compagnies d'assurance exercent, essentiellement grâce à leur emprise sur le marché, une emprise sur le monde pharmaceutique », a dit à CBC Stephen Morgan, un professeur à l'Université de la Colombie-Britannique. Il a dit que les Canadiens dépensent, bon an mal an, près de 10 milliards de dollars en médicaments spécialisés, dont les frais par patient annuellement montent à 10 000 dollars. L'augmentation des prix de ces médicaments est d'entre 600 et 800 millions de dollars par année. Morgan laisse entendre que le cartel Manulife/Loblaw a voulu échanger sa capacité d'envoyer ces clients exclusivement dans certaines pharmacies contre des « pots-de-vin ».
Marc-André Gagnon, professeur à l'Université Carleton, a dit à CBC que l'augmentation des prix des médicaments spécialisés, qui sont déjà très élevés, peut jouer un rôle clé dans les accords « louches » avec les compagnies d'assurance. « Il y a beaucoup d'argent à faire avec ces médicaments spécifiques, ce qui veut dire qu'il y a beaucoup de latitude pour organiser un système de ristournes entre le fabricant de médicament, les programmes d'aide aux patients, l'assureur et les pharmacies. En bout de ligne, on se trouve avec des ententes extrêmement douteuses qui sont conclues en catimini dans un système où, somme toute, il n'y a pas de transparence et où nous ne savons pas du tout ce qui se passe », a-t-il.
Le pouvoir et le contrôle de ces oligopoles de médicaments, d'assurances et de vente au détail soulève la question de la nécessité d'y mettre fin. Ce qu'ils produisent, essentiellement, sont des gens très riches, une aristocratie mondiale qui a maintenant une emprise sur tous les aspects de la vie des Canadiens.
La situation révèle une économie moderne qui est entièrement socialisée mais, à l'encontre de cette condition socialisée, est contrôlée par un petit nombre de gens très riches, une autorité privée gouvernant la vie économique et politique. Le peuple doit s'organiser pour résoudre cette contradiction antagoniste entre la condition socialisée et l'autorité privée. Il est temps de donner au Canada une nouvelle direction économique et politique.
Cet article est paru dans
Volume 54 Numéro 1-2 - Janvier-Février 2024
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