Numéro 28
Décembre 2023
10 décembre : 75e anniversaire de la
Déclaration
universelle des droits de l'homme
Tous ensemble d'une seule voix : Arrêtez le génocide des Palestiniens par Israël! Arrêtez Israël!
• Les plus grands violateurs des droits humains crient le plus fort à la violation des droits humains
• Donner aux droits une définition moderne
• La nécessité de définitions modernes
• Le communisme et les droits humains
75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme
• Les droits
inaliénables que tous possèdent
du fait qu'ils sont humains
• Perspectives divergentes sur les droits humains durant l'élaboration de la déclaration universelle
• Le rôle peu honorable du Canada
• Texte de la Déclaration universelle des droits de l'homme
10 décembre :
75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de
l'homme
Tous ensemble d'une seule voix : Arrêtez le génocide des Palestiniens par Israël! Arrêtez Israël!
Journée d'action nationale, Ottawa, 25 novembre 2023
Chaque année, le 10 décembre, les pays du monde entier commémorent le jour où, en 1948, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté la Déclaration universelle des droits de l'homme. Cette année, le 10 décembre, disons d'une seule voix : « Arrêtez le génocide des Palestiniens par Israël ! Arrêtez Israël ! » Exigeons la fin immédiate de l'occupation israélienne de la bande de Gaza et de la Cisjordanie, la fin immédiate des crimes des colons, la fin immédiate des crimes du gouvernement israélien et des Forces de défense israéliennes et la fin de l'emprisonnement des Palestiniens et exigeons qu'Israël soit tenu responsable de ses crimes de barbarie contre le peuple palestinien. Exigeons que toutes les mesures nécessaires soient prises pour y mettre fin immédiatement. Le Conseil de sécurité de l'ONU doit exiger un cessez-le-feu immédiat et permanent et prendre toutes les mesures possibles pour tenir Israël et ses complices responsables des crimes impardonnables qu'ils commettent contre l'humanité.
Le monde ne peut continuer d'assister impuissant à ce que fait Israël et au massacre et aux souffrances du peuple palestinien. Le gouvernement du Canada refuse de prendre la position élémentaire de demander un cessez-le-feu permanent à Gaza, donnant toutes sortes d'excuses et de prétextes, alors que dans les faits Israël mérite d'être expulsé des Nations unies car il est indigne du statut d'État qui lui a été conféré en 1948. L'exigence doit être de voir Israël reconstitué sur une base démocratique moderne et que les droits souverains de l'État de Palestine soient garantis.
Les droits humains ne sont pas des « valeurs » adaptables aux cultures et identités nationales. Le respect des droits humains n'est pas un choix politique, c'est une obligation juridique. Il s'agit d'engagements à portée universelle, des principes de droit garantis par des déclarations solennelles ou des traités juridiquement contraignants.
L'époque est révolue où un État, qu'il soit constitué sur une base non laïque ou laïque, peut se proclamer démocratique lorsqu'il fait de la discrimination sur la base de la religion pour décider de la citoyenneté. Israël continue d'accorder la citoyenneté immédiate à toute personne d'origine juive et ils la justifient sur la base démodée de la nécessité d'un endroit où les Juifs peuvent venir pour éviter la discrimination et la victimisation comme le génocide nazi. Le monde accepte que toute personne humaine trouve un refuge sûr où qu'elle vive, mais il n'accepte pas qu'au nom d'un refuge sûr pour les personnes d'ascendance juive, Israël puisse déposséder, criminaliser et priver les Palestiniens de tous les droits qui leur appartiennent du fait qu'ils sont Palestiniens et du fait qu'ils sont des êtres humain
Pour rester dans l'ONU, Israël doit au minimum retirer ses forces jusqu'aux frontières d'avant 1967 et cesser ses attaques contre les territoires palestiniens par la confiscation de terres pour l'implantation de colonies, la destruction des moyens de subsistance, le contrôle militaire, les détentions arbitraires et les massacres.
La Journée des droits de l'homme a été officiellement instituée en 1950, après l'adoption par l'Assemblée générale de la résolution 423 (V) invitant tous les États et les organisations intéressées à faire du 10 décembre de chaque année la Journée des droits de l'homme. Loin d'en faire une journée où les États-Unis et leurs partenaires, dont le Canada, tentent de dissimuler les crimes qu'ils commettent ou supervisent dans le monde entier, les peuples du monde tentent de toute leur force et de tout leur poids de lui donner un sens en trouvant les moyens de garantir l'application des décisions de l'Assemblée générale. Expulser Israël de l'ONU et exiger qu'il soit reconstitué sur une base démocratique moderne conformément à la résolution de fondation d'Israël et aux normes internationales, comme condition d'appartenance à l'ONU, pas comme un État d'apartheid, est un point de départ.
L'Assemblée générale a adopté la Déclaration universelle des droits de l'homme par un vote de 48 États pour et huit abstentions. À l'époque, elle a été proclamée un « idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations », que tous les individus et toutes les sociétés doivent « s'efforcer, par des mesures progressives d'ordre national et international, d'assurer la reconnaissance et l'application universelles et effectives ».
Bien que la Déclaration, avec tout son éventail de droits politiques, civils, sociaux, culturels, et économiques, ne soit pas un document contraignant, elle a néanmoins donné naissance à plus de 60 instruments relatifs aux droits humains qui constituent ensemble un corpus international de normes en matière de droits humains.
La majorité des pays membres de l'ONU doivent trouver le moyen de faire en sorte que le soi-disant ordre international fondé sur des règles, imposé par les États-Unis et leurs partenaires dans le crime, ne permette plus de briser le consentement général de tous les États membres des Nations unies sur les droits humains fondamentaux énoncés dans la Déclaration et de tourner en dérision les droits découlant de la qualité d'être humain.
À l'occasion du 75e anniversaire de l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de la Journée internationale des droits de l'homme, les peuples du monde continue de dire d'une seule voix : Arrêtez le génocide des Palestiniens par Israël ! Arrêtez Israël !
Défendons les droits humains du peuple palestinien, son droit d'être et son droit de retour !
Les plus grands violateurs des droits humains crient le plus fort à la violation des droits humains
Le 10 décembre 1948, les Nations unies ont adopté la Déclaration universelle des droits de l'homme. Le 10 décembre est célébré comme la Journée internationale des droits de l'homme en l'honneur de cet événement.
Depuis l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'homme, et même durant la rédaction et le processus d'adoption de ce document, les forces impérialistes anglo-américaines ont également déclenché la guerre froide en se basant sur l'imposture : ils ont proclamé que l'« Occident » est le « défenseur » des droits humains et que le socialisme et le communisme ne l'étaient pas. C'était un mensonge flagrant, mais cela a servi de toile de fond à de nombreux crimes contre les peuples qui luttaient pour la libération nationale et sociale après la Deuxième Guerre mondiale. Les impérialistes anglo-américains ont non seulement refusé de dénazifier les zones qu'ils contrôlaient, mais ils ont en fait protégé les nazis, leur ont donné un refuge et des positions d'influence et d'autorité, pendant qu'ils persécutaient les communistes, avec des massacres de masse comme en Indonésie, ou les ont gardés dans des camps de concentration pendant 40 ans comme en Grèce et en Corée du sud. Au nom de l'endiguement du communisme, ils ont fait la chasse aux sorcières, exécuté des coups d'État et déclenché des guerres d'agression. Ils ont créé l'OTAN comme une alliance de guerre agressive dominée par l'impérialisme américain et par son Conseil de l'Atlantique Nord pour s'assurer que le seul système autorisé en Europe soit celui de leur choix, fondé sur des définitions des droits et des systèmes de gouvernements qu'ils ont eux-mêmes approuvées et imposées.
L'anticommunisme et la défaite de l'Union soviétique et des démocraties populaires, et non la défense de la démocratie et des droits humains, étaient leur motivation. Les crimes les plus odieux ont été justifiés par la lutte au communisme.
Les peuples du monde n'acceptent pas que des conclusions soient tirées sur le respect et le non-respect des droits humains dans tel ou tel pays en prenant comme point de départ la propagande intéressée des forces bellicistes. Une étude sérieuse du système économique, politique et social d'un pays montrera clairement ce qui s'y passe. L'étude et la recherche sérieuses des systèmes sociaux ne sont pas le souhait des impérialistes américains et de leurs alliés, y compris le Canada, qui utilisent des prétextes et des organisations de « défense des droits humains » à leurs propres fins. Pour eux, la vérité se résume à créer une perspective pour mener à bien leur programme néolibéral antisocial de destruction des nations en toute impunité. Ils invoquent la défense des droits humains pour convenir à leurs intérêts, quitte à plier et à tordre la vérité jusqu'à ne plus s'y reconnaître. La défense des droits humains est utilisée par les impérialistes anglo-américains comme un outil politique, une arme pour justifier l'agression et l'intervention contre des peuples et des pays hostiles à leurs intérêts.
Leurs accusations de violation des droits humains dans d'autres pays que chez eux se sont avérées des campagnes bien orchestrées pour détourner l'attention de ce que faisaient les impérialistes américains et l'« Occident ». Au moment de l'adoption de la Déclaration de 1948, les pays socialistes s'opposaient à ce que les droits soient définis comme une abstraction. Ce qu'il fallait, ont-ils dit, c'est l'obligation de créer les conditions économiques, sociales et culturelles requises pour leur réalisation.
Selon le mantra impérialiste américain, le communisme est fondé sur la violation des droits humains et devait donc être renversé. Suivant cette logique, il fallait renverser le communisme pour prouver la supériorité de la démocratie américaine et montrer que l'impérialisme américain est le défenseur des droits humains. À ce jour, les impérialistes anglo-américains et leurs alliés, dont le Canada, continuent d'ériger des monuments pour condamner les crimes présumés des communistes, tandis qu'ils maintiennent le silence sur les crimes qu'ils ont eux-mêmes commis au nom de la liberté, de la démocratie et des droits humains.
Mais le génie de l'histoire déjoue ces conclusions. La réalité existe. Les êtres humains existent. Non seulement ils existent, mais ils sont naturellement mus par le besoin d'humaniser l'environnement social et naturel et c'est ce qui leur permet de régler les comptes avec la vieille conscience de la société.
Après l'effondrement de l'Union soviétique et des démocraties populaires, la période d'essor révolutionnaire a pris fin et la révolution a reculé. Loin de prouver la supériorité de la démocratie américaine, l'impérialisme américain a commencé à subvertir le monde entier afin de créer un monde unipolaire sous son diktat. Des crimes sans précédent ont été commis contre l'humanité par les États-Unis et les coalitions et cartels qu'ils forment. Le prétexte de défense des droits humains, des droits des femmes, des droits des autochtones, des droits des minorités, des droits des LGBTQ2S+, de la biodiversité et de la sécurité nationale rend absurdes la définition des droits et les principes impliqués dans leur défense.
Il n'y a pas de comparaison possible avec les crimes commis pendant la Deuxième Guerre mondiale, car aujourd'hui les guerres ne sont pas la politique par d'autres moyens, qui peuvent être terminées par des traités de paix négociés. Les États-Unis et l'oligopole qu'ils ont créé pendant la guerre froide, l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN), ont eu recours à la force pour régler les conflits et imposer leur diktat. Tout ce qu'ils ne peuvent contrôler, ils sont déterminés à le détruire et toute politique est guidée par cet objectif. Ces visées hégémoniques sont à l'origine des pires violations des droits humains partout dans le monde, notamment aux États-Unis et dans l'« Occident », comme nous le voyons tous les jours aux nouvelles.
L'évolution de la situation aux États-Unis, que l'on dit être le plus grand défenseur des droits humains, expose de façon très détaillée le conflit général entre l'autorité et la condition. De plus en plus, des intérêts privés étroits usurpent l'autorité pour mener à bien un programme désespérément antipopulaire.
Les pouvoirs de prérogative sont par définition au-dessus de l'état de droit. L'utilisation des branches exécutives et judiciaires du gouvernement et des ministères à tous les niveaux signifie un vaste démantèlement au nom d'actions « basées sur des règles » où ils établissent les règles au fur et à mesure et forcent les autres à se soumettre ou à faire face aux conséquences du recours à la force. Tout cela est fait au nom de la défense de la démocratie, de la liberté et des droits humains contre les régimes autoritaires ou l'ingérence étrangère de régimes autoritaires. Peu importe les crimes que commettent les oligopoles et leurs cartels et coalitions, y compris l'OTAN, tout est fait au nom des droits humains, de la lutte contre la corruption et la fraude, de la défense de l'intérêt national et d'autres prétextes.
Aujourd'hui, même au niveau national, les peuples peuvent voir à quel point les États-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne et les pays qui font partie de leurs blocs utilisent des méthodes totalitaires et des pouvoirs de police pour privatiser tous les services publics. Ils utilisent le trésor public pour payer les riches pour la réfection ou la construction des infrastructures dont ils ont besoin en cette ère numérique où l'intelligence artificielle a transformé la technologie au point de rendre obsolète une grande partie de ce qui existait jusqu'alors. Au cours de ces développements, les êtres humains sont devenus des objets jetables, mais les gouvernements des États-Unis, du Canada, de la Grande-Bretagne, de la France, l'Allemagne et des pays avec lesquels ils forment des cartels et des coalitions prétendent toujours défendre les droits humains.
Le droit humain fondamental qu'ils violent le plus est le droit de conscience. Les représentants des puissances impérialistes au Conseil des droits de l'homme de l'ONU font des déclarations creuses pour détourner l'attention de cette réalité et cherchent à saper les espoirs de toute opposition. Leur méthode préférée est de créer des hommes de paille et des fausses pistes afin de faire valoir leurs intérêts, mais si cela échoue, ils justifient les guerres de destruction, les révolutions de couleur et les coups d'État, tout en accusant les autres de violations des droits humains et d'atrocités commises par des escadrons nazis paramilitaires qu'ils réorganisent et financent eux-mêmes.
Tout cela montre que le fer de lance de la lutte pour les
droits humains aujourd'hui est l'affirmation du droit d'être de
tous les êtres humains, alors que les puissances impérialistes
et tous ceux qui ont usurpé le pouvoir par la force les menacent
d'extinction. Cela signifie en échange que l'affirmation des
droits humains passe aujourd'hui par l'affirmation du droit de
conscience. C'est pourquoi nous disons qu'il faut participer aux
prises de décisions qui affectent la vie des êtres humains et
leur environnement social et naturel. Ceux qui prennent les
décisions et assument la responsabilité de leur mise en oeuvre
rendent également compte des résultats et ont intérêt à résoudre
les problèmes en faveur du peuple. Ce n'est qu'à cette condition
que les droits découlant de la qualité d'être humain assumeront
la signification que les êtres humains souhaitent et méritent.
(LML 10 décembre 2022)
Donner aux droits une définition moderne
Dans son important ouvrage L'état des droits de l'homme dans l'après-guerre froide, écrit en 1992, Hardial Bains explique :
« Les êtres humains ne sont pas des êtres sociaux seulement du fait qu'ils pourvoient à leur existence socialement; ils se démarquent de l'animalité sur tous les autres plans. Cette démarcation de la vie animale – cette soustraction aux caprices de la nature – impose une nouvelle condition vitale à tous les humains : la condition de l'être. [...] Cette condition de l'être exige [...] que les êtres humains aient voix au chapitre quant à la production et la reproduction de la vie réelle. Cette exigence qui naît du procès de socialisation conduit à une socialisation encore plus poussée. [...] La condition de l'être exige que tout soit jugé en fonction de l'actualisation des droits de l'homme dans la mesure où le permettent les conditions. »
« Le droit est fondamentalement un fait de la civilisation
humaine [et] qu'il faut constamment rappeler aux pouvoirs en
place qu'étant êtres humains nous devons être traités comme il
sied à des êtres humains », écrit Hardial Bains. Il
explique :
« S'empoignent alors l'acte d'être, l'autorité, qui refuse de s'acquitter de son devoir, et l'acte d'être, la condition, qui exige du peuple qu'il accomplisse son devoir. [...] En ce sens, l'acte d'être de la condition prévaut sur les formalités et les abstractions dont se servent les autorités pour se justifier et faire violence au droit de conscience. [...] Ou bien l'autorité change les conditions, c'est-à-dire assume sa part de responsabilités par rapport au droit de conscience, ou bien les conditions continueront de se détériorer au point où le peuple sera appelé à mettre un terme à l'autorité. [...] [Les peuples] font leur devoir en réclamant leurs droits partant de l'acte d'être dans une condition précise; ils veulent s'élever au-dessus de cette condition. »
La violation des droits humains se fait aujourd'hui en affirmant le droit d'être d'une autorité face à l'anarchie et à la violence ainsi qu'à la menace à la sécurité de cette autorité. C'est pour dissimuler que l'autorité est devenue l'anarchie et la violence assumant la forme d'un État qui « ne cesse jamais de prétendre être exempt de tout blâme et d'affirmer agir pour le bien-être de l'humanité entière. Mais l'acte d'être, l'existence même de l'anarchie et de la violence, réfute cette prétention. [...] s'il [le gouvernement] s'acquittait de son devoir, le peuple se rangerait sûrement de son côté, et l'anarchie et la violence ne domineraient pas. Il en est ainsi parce que le peuple ne désire pas du tout l'anarchie et la violence, puisque c'est lui qui est toujours appelé à en faire les frais. [...] Lorsqu'un gouvernement prétend combattre l'anarchie et la violence en recourant à la force, en déclenchant un assaut général contre la population et en imposant l'humiliation, il n'est pas impossible que le gouvernement en question ait lui-même initié l'anarchie et la violence. »
Les peuples du monde font leur devoir « lorsqu'ils exigent leurs droits en raison de leurs conditions de vie ». Ils s'efforcent de mettre un terme aux conditions qui violent les droits fondamentaux des personnes, leur droit à la conscience, leur droit d'être. Hardial Bains écrit :
« Les peuples cherchent à abolir les conditions qui engendrent ces violations des droits de l'homme. Ils veulent défendre leur droit de conscience et s'en servir pour améliorer leur condition d'être. [...] c'est l'autorité qui devient la cible du mécontentement et ce sont les conditions qui demandent à être changées et il y a de plus en plus de gens qui répondent à l'appel des conditions [...] La forme variera tout en reflétant à chaque étape le processus contradictoire qui met en opposition les prétentions de l'autorité et les exigences des conditions. [...] C'est l'acte d'être qui domine. L'acte d'être des conditions surpasse toutes les prétentions de l'autorité. »
La lutte aujourd'hui pour les droits humains est la lutte pour l'émergence de la personnalité démocratique moderne qui défend les principes démocratiques comme un acte d'être. Ceux qui assument leurs responsabilités envers eux-mêmes et envers la société obligent l'autorité à changer les conditions. Une autorité qui refuse de faire son devoir envers le peuple et la société, une autorité qui refuse de se soumettre à la nécessité de changement, sera renversée par la force même de l'histoire, par le besoin d'éliminer tous les obstacles sur la voie du progrès.
Ceux dont l'autorité n'est pas au diapason avec les besoins de l'époque seront davantage préoccupés par les signes extérieurs et les symboles de l'autorité que par le devoir qu'ils ont envers les peuples et leurs sociétés. « En privant le peuple du droit de conscience, l'autorité se transforme en culte et les conditions sont considérées comme définitives et inaltérables, écrit Hardial Bains. De l'existence en pratique, dans la réalité, du droit de conscience, dépend la survie d'un peuple. Ce problème est la préoccupation centrale de notre époque, au même titre que les problèmes ayant trait à la nature de l'État, à la forme de son organisation et au système économique. [...] Les droits ne peuvent trouver leur application que dans la solution des problèmes auxquels fait face une société moderne, qu'ils s'agissent de problèmes reliés au bien-être économique du peuple, ou à la paix et à l'harmonie entre les peuples au sein d'une nation ou entre nations, ou aux affaires spirituelles et sociales. Les droits trouveront leur réalisation lorsque l'autorité changera les conditions en faveur du peuple et le peuple s'acquittera de son devoir en obligeant l'autorité à changer les conditions. Or, pour ce faire il faut le droit de conscience. Cette lutte est donc le pivot du progrès et du renouvellement du monde. »
(L'état des droits de l'homme dans l'après-guerre froide – Un examen théorique et politique, Hardial Bains, 1992)
La nécessité de définitions modernes
Les définitions modernes de la démocratie, l'élaboration et la définition de choses telles que le peuple, l'égalité, l'appartenance à un corps politique, les mécanismes d'affirmation des droits et de responsabilité, sont plus que jamais nécessaires aujourd'hui pour bloquer l'effort des élites dirigeantes aux États-Unis et dans des pays comme le Canada pour imposer, à d'autres et à eux-mêmes, de vieux arrangements qui ne fonctionnent plus ou ne sont plus adaptés aux conditions actuelles.
Les définitions modernes de la démocratie précisent qu'il ne s'agit pas d'idéaux, mais de structures d'égalité et de constitution de la société de manière à ce que la garantie des droits de tous soit centrale tant dans le contenu que dans la forme. Ce n'est pas un hasard si le président américain Joe Biden a commencé son « Sommet pour la démocratie » en affirmant que la démocratie est une question d'idéaux et non de réalité. Il a déclaré que la démocratie américaine est « une lutte permanente pour que nous vivions à la hauteur de nos idéaux les plus élevés et que nous surmontions nos divisions; pour que nous nous engagions de nouveau envers l'idée fondatrice de notre nation », à savoir que « toutes les femmes et les hommes naissent égaux; que leur créateur les a dotés de certains droits inaliénables, parmi lesquels la vie, la liberté et la recherche du bonheur ».
Le président américain tient ces propos dans un contexte où les droits humains et le droit de vivre et d'être sont sous le feu d'un assaut violent aux États-Unis et dans le monde, les gouvernements à tous les niveaux refusant de garantir les droits humains fondamentaux en matière de santé, de logement, d'éducation, de moyens de subsistance et de conditions de vie et de travail sécuritaires, sans parler de les affirmer sur une base moderne qui ne soit pas fondée sur des considérations favorisant la propriété privée et l'enrichissement d'intérêts privés étroits.
Cette formulation selon laquelle « tous sont créés égaux » est promue dans le monde entier. Comme pour « nous, le peuple », le principal problème avec cette formule est que la référence est aux dirigeants, à l'égalité des dirigeants. Il s'agissait de leur égalité en tant que détenteurs de propriétés privées et aujourd'hui il s'agit du droit des oligarques mondiaux de faire primer leur propriété, leurs profits, leur asservissement des autres. Pour garantir ce droit, la Constitution des États-Unis consacre une structure d'inégalité, notamment en maintenant le peuple hors du pouvoir et les riches au pouvoir, une réalité qui est évidente depuis l'époque du système d'esclavage jusqu'à aujourd'hui.
Pour avoir des définitions modernes aujourd'hui, il est nécessaire que les concepts d'égalité émanent du peuple. L'élaboration de concepts modernes de l'égalité comprend la reconnaissance et l'établissement des structures de deux types d'égalité. L'une est l'égalité d'appartenance, comme l'égalité d'appartenance à l'État, à une organisation ou à un collectif. L'égalité comprend l'appartenance à un collectif donné. Elle n'existe pas séparément de cette appartenance. De plus, être un membre égal implique d'assumer la responsabilité des droits et des devoirs. Par exemple, lorsque nous disons que le peuple doit parler en son propre nom, il s'agit d'une composante essentielle de l'affirmation en tant qu'individus et collectifs aujourd'hui. Tous les êtres humains ont le droit de s'exprimer, de participer à des discussions, de décider des questions qui les concernent, de participer à la mise en oeuvre des décisions prises et d'être responsables des résultats. C'est aussi un devoir si les membres veulent affirmer leurs droits.
Les droits ne sont pas une abstraction comme dans les documents fondateurs des États-Unis. Ils ne sont pas des aspirations. Les droits existent dans leur affirmation. Ils existent sous la forme d'une réclamation à la société de ce qui nous appartient de droit. Ce sont des réclamations à la fois individuelles et collectives, faite à la société dont nous dépendons, aux organisations et aux collectifs dont nous faisons partie et par lesquels nous convions les autres à faire de même.
Puis il y a l'égalité sur la voie, la voie étant la marche en avant de l'histoire. C'est la voie de la reconnaissance et de la poursuite de la nécessité du changement. C'est l'égalité dans la transition, sur la voie, l'égalité de l'appartenance à la voie, l'égalité de saisir les ouvertures que crée le choc entre l'Autorité et les Conditions pour faire naître le Nouveau en réglant les comptes avec la vieille conscience de la société. Les définitions modernes offrent une ouverture pour le Nouveau qui harmonise les intérêts individuels et collectifs et les intérêts individuels et collectifs avec l'intérêt général de la société tel qu'identifié par les forces qui font naître le Nouveau. Cette ouverture existe ici et maintenant, aujourd'hui, et c'est une ouverture que l'histoire appelle les peuples à saisir pour résoudre les problèmes en leur faveur et conjurer les catastrophes auxquelles président les riches et les puissants.
Pour ce qui est de définir le peuple, la catégorie concerne les êtres humains (individus et collectifs) qui changent leurs circonstances. En d'autres termes, le peuple est l'agent du changement des circonstances. Un peuple est historiquement constitué et existe dans un temps et un espace déterminés, dans des conditions déterminées et avec des relations humaines déterminées. Les êtres humains ne sont pas des choses. Ils existent dans des relations, des relations sociales et, plus largement, dans des relations humaines. Nous sommes fidèles non pas à une cause en soi, mais à l'ensemble des relations humaines et à ce qu'elles révèlent, à savoir la nécessité que les peuples se donnent les moyens de renverser la situation en leur faveur. C'est la voie du progrès aujourd'hui.
En plaidant pour des définitions modernes, les êtres humains d'aujourd'hui se demandent comment démêler les intérêts individuels, collectifs et généraux – ceux de la société et de l'humanité. Ils affirment que les intérêts proviennent de la société, de l'ensemble des rapports humains, et que ces rapports devraient définir les constitutions qui créent les États-nations modernes. Aujourd'hui, dans de nombreux pays, les dirigeants affirment que l'État et les constitutions adoptées par ceux qui ont constitué la société à leur image dans le passé, définissent la société, la citoyenneté, qui est légitime et qui ne l'est pas. Cependant, ceux qui cherchent à humaniser l'environnement social et naturel sur une base moderne disent que la société est la base de l'État, et non que l'État est la base de la société. Une définition moderne reconnaît également que les individus ne sont pas des personnes abstraites, dotées d'un seul cerveau, d'une conscience individuelle dans laquelle chacun est cupide ou altruiste ou toute autre caractéristique considérée comme bonne ou mauvaise, et qui se débrouillent seules sur cette base. Les individus existent en tant qu'individus et en tant que collectifs. Chaque personne porte en elle des intérêts individuels, collectifs et généraux.
L'origine du mot intérêt est interesse, qui signifie « être entre, être parmi », êtres sociaux. L'ensemble des relations humaines est la base de l'intérêt. L'intérêt individuel est défini par cet ensemble de relations, tout comme l'intérêt collectif. Il est d'un ordre supérieur à la « personne » telle que définie couramment et qui, pour former un collectif, s'additionne. Et par cette opération irrationnelle, elle finit par écarter les rapports dans lesquels les êtres humains entrent indépendamment de leur volonté.
Une constitution démocratique établit les règles à suivre. On dit que c'est le pouvoir par le peuple, mais pour pouvoir juger de cette constitution il faut d'abord déterminer si elle convient au peuple et établir les critères qui permettent d'en décider. Aujourd'hui, des gens comme Joe Biden, Justin Trudeau et d'autres, tant à la gauche qu'à la droite officielles, parlent de la démocratie en rapport à l'autoritarisme, à l'autocratie, au totalitarisme ou au fascisme, etc. Ils ne donnent pas d'arguments permettant de déterminer si les règles, les définitions ou les constitutions et les institutions démocratiques libérales qu'ils prétendent défendre conviennent au peuple.
Une définition moderne reconnaît que, pour établir une démocratie qui convient au peuple, le moyen de résoudre les conflits est de mettre les intérêts individuels et collectifs sur un pied d'égalité, et non pas les uns au-dessus des autres. Les mettre sur un pied d'égalité signifie qu'il y a une équivalence. Les mettre sur un pied d'égalité permet d'harmoniser les intérêts de tous les individus et collectifs, et des uns et des autres, avec les intérêts généraux de la société et de l'humanité. Ce qu'il faut, c'est établir le moyen d'harmoniser les intérêts en utilisant l'ensemble des relations humaines comme point de référence, comme source de ces intérêts. Aller à la rencontre des intérêts en jeu, les identifier, les harmoniser est au coeur de la démarche pour donner à la démocratie une définition moderne.
Pour les représentants de la classe dirigeante qui occupent des positions usurpées par le contrôle du pouvoir et des privilèges, comme Joe Biden ou Justin Trudeau, la catégorie selon laquelle ce sont les êtres humains qui changent les circonstances, le peuple est la force du changement, est à rejeter. Les intérêts du peuple sont également rejetés comme catégorie. C'est pourquoi les différentes forces en présence parlent de la « spirale de la mort » de la démocratie américaine et affirment toutes, d'une manière ou d'une autre, que « la démocratie est actuellement menacée et, depuis 15 ans, elle est en déclin », comme l'a dit Joe Biden lors de son Sommet pour la démocratie.
De toute évidence, les vastes mouvements de masse aux États-Unis en faveur de l'égalité et des droits et contre le gouvernement raciste et les morts aux mains de la police ne sont pas considérés comme faisant partie de l'essor d'une démocratie populaire. Il en va de même pour les mouvements d'autres pays et de nations entières qui luttent pour leur droit d'exister. La résistance large et croissante des peuples autochtones, des immigrants et des réfugiés, des autres travailleurs et des agriculteurs, n'est pas non plus considérée comme faisant partie de la bataille de la démocratie, une bataille menée par les peuples pour améliorer la qualité et la structure de la démocratie afin qu'elle soit à leur avantage.
La question que se posent des millions de personnes dans le monde lorsqu'il s'agit de démocratie est : « qui décide ? » pour tout ce qui concerne la paix, la guerre, l'économie, la politique et la culture. Les tentatives de poser la question, d'y répondre ou de discuter de ces sujets sont constamment bloquées. C'est à cela que les peuples ont affaire dans leur mouvement de résistance aux mesures antidémocratiques, qui constitue la lutte pour la démocratie, laquelle fait aujourd'hui partie intégrante de la bataille de la démocratie elle-même, pour répondre à l'appel de l'histoire à aller de l'avant et à mettre l'autorité en conformité avec ce que les conditions exigent et suscitent.
La Constitution américaine et la démocratie qu'elle consacre ne sont en aucun égard un modèle de démocratie en ces temps modernes. La classe dirigeante du Canada l'utilise comme point de référence dans tout ce qu'elle fait, mais cela ne la sauvera pas de son destin de classe superflue, pas plus que cela ne sauvera la classe dirigeante américaine. L'expression « du peuple, par le peuple et pour le peuple » est utilisée par les forces impérialistes et réactionnaires américaines pour bloquer l'avancée de la démocratie, la création de structures, d'institutions et de constitutions qui prévoient l'égalité et la responsabilité et affirment que le peuple est le décideur et qu'aucune force n'existe au-dessus de lui.
Le concept « renouveau démocratique » qu'invoque maintenant Joe Biden ne mène nulle part. Il s'apparente davantage au renouvellement d'un abonnement à un magazine, une continuation. Il s'agit de préserver et d'étendre ce qui existe déjà. Biden et ses courtisans ont adopté le langage des forces qui luttent pour investir le peuple du pouvoir pour saboter la naissance du Nouveau contre l'Ancien, qui donne lieu à des définitions modernes, comme l'exigent les conditions actuelles.
Les définitions modernes de la démocratie reconnaissent la nécessité de mettre sur un pied d'égalité les intérêts individuels et collectifs et de les mettre en relation avec les intérêts généraux de la société et de l'humanité, de telle sorte que ces multiples intérêts soient harmonisés, soient démêlés de manière à ce que chacun y trouve son profit. C'est ce travail constant et continu pour des définitions modernes, qui inclut la discussion sur les besoins de la démocratie aujourd'hui, qui contribue à faire avancer la bataille de la démocratie. Les nombreuses batailles que les peuples mènent pour le contrôle des décisions qui affectent leur vie, pour leur droit de faire des réclamations à la société en plaçant leurs droits au premier plan, reflètent l'urgente nécessité de cette avancée – pour façonner une démocratie où le peuple, la grande majorité de ceux qui ont fait progresser les forces productives au-delà de tout ce qui avait été conçu auparavant, a le pouvoir de gouverner et de décider.
(Centre d'études idéologiques, juillet 2021. Paru dans LML mensuel du 9 janvier 2022.)
Le communisme et les droits humains
Hardial Bains s'adresse au Séminaire international sur le
communisme et les droits
humains à Toronto le 27 mars 1995.
Aujourd'hui, un des domaines les plus importantes où la lutte idéologique a éclaté est celui des droits humains.
La définition moderne des droits humains stipule que tous les êtres humains ont des droits de par leur humanité. Ce fait n'est généralement pas reconnu. Au contraire, les forces réactionnaires de divers pays définissent et circonscrivent les droits de diverses manières. Elles crient sur tous les toits qu'elles sont les plus grands défenseurs des droits humains et que les pays qui affirment leur indépendance et soutiennent leur droit d'être sont autoritaires et violent les droits humains.
On laisse même entendre que le communisme est l'ennemi des droits humains par son caractère inhérent. Le communisme et les droits humains, selon ces critiques, sont comme l'huile et l'eau : les deux ne se mélangent pas.
Est-ce vrai que le communisme viole les droits humains et que le communisme et les droits humains sont des ennemis naturels ? Bien sûr que non. Le communisme est la condition de l'émancipation complète de la classe ouvrière, une condition de l'émancipation de l'humanité tout entière. Comment se peut-il que le communisme, qui est la condition de l'émancipation complète de la classe ouvrière, puisse violer les droits humains ?
Le communisme, dans son expression moderne, présente la collectivité des droits comme la condition fondamentale de la défense de tous les droits, qu'ils soient inaliénables et appartiennent à tous du fait que tous sont des êtres humains ou qu'ils leur appartiennent en raison des conditions concrètes objectives. Si, en tant que nation ou pays au sens collectif, tous ne jouissent pas de la collectivité de leurs droits, comment peuvent-ils jouir des autres droits ? Les États-Unis attaquent la collectivité des droits de Cuba en criant leur indignation sur l'absence de droits humains dans ce pays. La Chine, la Russie, la Syrie, l'Iran, la République populaire démocratique de Corée, le Venezuela, le Nicaragua et d'autres sont menacés pour les mêmes raisons.
Selon le Larousse, « collectif » signifie : « 1. Qui concerne un ensemble de personnes, qui est le fait d'un groupe. 2. Ling. Nom qui exprime une idée de groupe, comme foule, troupe, rangée, etc. » Et « collectivité » signifie : « 1. Groupe d'individus habitant un même pays, une même agglomération, ou simplement ayant des intérêts communs. Les communes et les départements. Collectivités publiques, nom générique recouvrant l'État, les collectivités locales, les établissements publics. Collectivisme : système économique visant à la mise en commun des moyens de production. »
La collectivité des droits, comme « collectivité du sol » ou « collectivité de la richesse sociale » ou une « autorité politique omnipotente et centralisée », est quelque chose qui existe et doit appartenir à tous. Quelles qualités doit avoir une personne pour avoir droit à la collectivité des droits ? Le fait d'être un être humain est la seule qualité. C'est la définition la plus large qu'on puisse lui donner puisque cela comprend tous les êtres humains sans exception en raison de leur humanité. Non seulement le communisme reconnaît-il ces droits en pratique, comme allant de soi, mais il lutte pour cette définition quelles que soient les conditions et les circonstances. Peut-on dire alors que le communisme et les droits humains se repoussent mutuellement ?
La bourgeoisie donne une définition extrêmement étriquée des droits humains. Selon les fondateurs des États-Unis, ces droits appartiennent à l'« aristocratie naturelle », c'est-à-dire à ceux qui excellent sur le marché capitaliste. Éliminer le marché capitaliste par la socialisation des moyens de production est considéré par la bourgeoisie comme une « atteinte aux droits humains ». C'est pourquoi elle prêche et exige, notamment par la force des armes, que tous les pays du monde adoptent le système capitaliste et gardent « leurs portes ouvertes » aux grandes puissances pour qu'elles viennent y faire ce qu'elles veulent.
Les communistes mettent au premier plan la collectivité des droits pour la simple raison qu'il est nécessaire d'harmoniser les droits de l'individu avec l'intérêt général du collectif et les droits de l'individu et du collectif avec le bien-être général de la société. Les droits individuels ou collectifs ou le bien-être général de la société ne signifient rien si l'on ne défend pas d'abord la collectivité des droits. Comment la bourgeoisie peut-elle prétendre défendre les droits humains si elle exige la négation de la collectivité des droits ?
Les communistes luttent par principe pour la création d'un corps politique fondé sur la collectivité des droits. Ils considèrent la collectivité des droits comme une garantie que les droits de l'individu et du collectif et l'intérêt général de la société soient respectés. Seule la collectivité des droits permet de coordonner et de subordonner tous les droits à l'ouverture de la voie au progrès de la société.
Aujourd'hui, il est important de participer à la discussion sur le communisme et les droits humains.
(LML, 10 décembre 2022)
75e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme
Les droits inaliénables que tous possèdent du fait qu'ils sont humains
La Journée internationale des droits de l'homme est commémorée le 10 décembre de chaque année, à la date de l'adoption par l'Assemblée générale des Nations unies de la Déclaration universelle des droits de l'homme au Palais de Chaillot à Paris en 1948, il y a soixante-quinze ans. La déclaration a été adoptée avec huit abstentions et sans opposition par plus de 50 États. Il est dit que les différents modes de vie et de fonctionnement de ces 50 États « reflétaient le caractère universel du texte ».
Selon le préambule, la Déclaration, avec ses 30 articles, devait représenter « l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes de la société, ayant cette Déclaration constamment à l'esprit, s'efforcent, par l'enseignement et l'éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d'en assurer, par des mesures progressives d'ordre national et international, la reconnaissance et l'application universelles et effectives, tant parmi les populations des États membres eux-mêmes que parmi celles des territoires placés sous leur juridiction »[1].
La session de l'Assemblée générale de l'ONU du 10 décembre 1948,
à Paris, adopte la Déclaration universelle des droits de
l'homme.
À l'occasion du 70e anniversaire de la Déclaration, l'ONU l'a décrite comme « un document fondateur qui a proclamé les droits inaliénables de chaque individu en tant qu'être humain, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation » et qui « établit l'égalité en dignité et en valeur de tous les êtres humains ».
Lorsqu'elle a été adoptée, la Déclaration s'accompagnait d'une résolution de l'Assemblée générale affirmant que son adoption était « un acte historique destiné à consolider la paix mondiale par la contribution des Nations unies à la libération des individus de l'oppression et des contraintes injustifiées auxquelles ils sont trop souvent assujettis ».
La résolution appelait à ce que la Déclaration soit propagée « parmi les peuples dans le monde » et que les gouvernements se servent de tous les moyens à leur disposition pour la publiciser solennellement et faire en sorte qu'elle soit disséminée, exhibée, lue et expliquée principalement dans les écoles et dans d'autres lieux d'éducation sans distinction fondée sur le statut politique des pays ou des territoires, que le secrétaire général la fasse disséminer et à cette fin qu'elle soit publiée et distribuée non seulement dans les langues officielles mais, par le biais de tous les moyens à sa disposition, dans toutes les langues possibles, et que les agences spécialisées et les ONG fassent tout ce qu'elles peuvent pour soumettre cette déclaration à l'attention de leurs membres.
Pour cette raison, la Déclaration universelle des droits de l'homme est un des documents les plus traduits au monde, disponible en plus de 500 langues.
La Déclaration est de nature non contraignante. Il revient aux pays membres de l'ONU qui y adhèrent d'harmoniser leurs lois et les principes de la Déclaration pour que celle-ci ait un caractère juridique.
Finalement, une autre résolution appelait le Conseil économique et social de l'Assemblée générale à demander à la Commission sur les droits de l'homme de continuer de donner priorité à son travail pour la préparation d'un projet de convention sur les Droits de l'homme et les mesures pour sa mise en oeuvre – les prochains pas vers la création du Projet de loi international sur les droits de l'homme qui comprendrait la Déclaration ainsi qu'une convention contraignante et des mesures pour sa mise en oeuvre.
Les délibérations sur les conventions devant accompagner la Déclaration
Les négociations se sont poursuivies pendant pas moins de 18 ans, en plein coeur de la Guerre froide et pendant une recrudescence des guerres anticoloniales et des luttes de libération nationale, y compris celles de la Corée, de Cuba, du Vietnam et de plusieurs pays africains. Les différends sont restés vifs sur essentiellement les mêmes questions que durant la rédaction de la Déclaration. C'est ainsi qu'il a été décidé de préparer deux projets de convention distincts – un qui traiterait de droits civils et politiques et l'autre de droits économiques, sociaux et culturels – et les deux devaient contenir le plus d'articles similaires que possible pour leur mise en oeuvre et être soumis à la ratification simultanément.
On s'était éventuellement mis d'accord sur le fait que chaque convention comprendrait un article sur le droit des peuples à l'autodétermination, ce qui n'était pas compris dans la Déclaration de 1948 malgré les meilleurs efforts de la Yougoslavie, qui avait proposé un article en ce sens, et de d'autres pays qui avaient tenté de l'inclure. L'article tel que proposé était :
« Les États signataires de cette convention, y compris ceux qui sont responsables de l'administration de territoires non autonomes et des territoires sous tutelle, feront la promotion de la réalisation du droit à l'autodétermination et respecteront ce droit, en conformité avec les articles de la Charte des Nations unies. »
Les projets de la convention internationale sur les droits économiques, sociales et culturelles et la Convention sur les droits civils et politiques ont été soumis à l'Assemblée générale en 1954 mais n'ont été adoptés qu'en 1966, douze ans plus tard. L'article 1 de la Convention affirme que le droit à l'autodétermination est universel et appelle tous les États à faire la promotion de la réalisation de ce droit et de le respecter. L'article affirme que tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes et que 'en vertu de ce droit, « ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel ». Ce n'est qu'après un autre dix ans qu'un nombre suffisant d'États membres de l'ONU (35) y ont adhéré pour que les conventions soient enfin appliquées[2].
Aujourd'hui l'ONU compte 193 pays membres, dont 171 ont adhéré à la Convention internationale sur les droits économiques, sociaux et culturels. Quatre autres pays ont signé, mais n'ont pas entériné la Convention.
On dit qu'ensemble la Déclaration universelle des droits de l'homme et des deux conventions sont les textes fondamentaux à la base du système international contemporain de droits humains, et les droits contenus dans la Déclaration et dans les deux Conventions sont davantage précisés dans des documents juridiques tels la Convention internationale contre la torture, la Convention internationale sur l'élimination de toutes formes de discrimination raciale, dans laquelle il est déclaré que la dissémination d'idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale est sanctionnée par la loi, la Convention sur l'élimination de toute forme de discrimination contre les femmes, dont les mesures visent à éliminer la discrimination contre les femmes dans la vie politique et publique, dans le domaine de l'éducation et de l'emploi, de la santé, du mariage et de la famille, et la Convention sur les droits de l'enfant, qui énonce les garanties liées aux droits humains de l'enfant.
Notes
1. Aujourd'hui, sept traités majeurs ont été ajoutés à la Déclaration universelle des droits de l'homme :
1. La Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (adoptée en 1965)
2. La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (adoptée en 1979)
3. La Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (adoptée en 1984)
4. La Convention relative aux droits de l'enfant (adoptée en 1989)
5. La Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (adoptée en 1990)
6. La Convention relative aux droits des personnes handicapées (adoptée en 2006)
7. La Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (adoptée en 2006)
2. Pour lire le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, cliquez ici. Pour voir la Convention internationale sur les droits civils et politiques, cliquez ici.
(Archives du LML)
Perspectives divergentes sur les droits humains durant l'élaboration de la déclaration universelle
La Conférence de San Francisco de 1945 a débouché sur la création de l'Organisation des Nations unies et l'adoption de sa Charte née des cendres de la Deuxième Guerre mondiale. On espérait que cela allait « préserver les générations futures du fléau de la guerre, [...] proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites, à créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international, à favoriser le progrès social et instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande ». À cette conférence, une « Déclaration des droits essentiels de l'homme » fut proposée.
La Commission préparatoire des Nations unies qui s'est réunie immédiatement après la Conférence de San Francisco a recommandé au Conseil économique et social de créer une commission pour la promotion des droits de l'homme. La Commission des droits de l'homme, convoquée pour la première fois le 27 janvier 1947 à Lake Success, à New York, était composée de représentants de dix-huit États membres de l'ONU : Australie, Belgique, Biélorussie, Chili, Égypte, États-Unis, France, Inde, Iran, Liban, Panama, Philippines, Royaume-Uni, Ukraine, Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS), Uruguay et Yougoslavie. Le délégué libanais, Charles Malik, en était le rapporteur et John Humphrey, professeur canadien de droit international et directeur de la Division des droits de l'homme du Secrétariat de l'ONU, en était le secrétaire. Eleanor Roosevelt, veuve du président américain Frank Delano Roosevelt, et déléguée de son pays à l'ONU, a été élue présidente de la Commission.
Trois groupes distincts ont été formés pour travailler simultanément à la rédaction d'une déclaration et d'une convention (un document qui, contrairement à la déclaration, deviendrait juridiquement contraignant pour les nations qui la ratifieraient) et à la définition des moyens pour sa mise en oeuvre.
Un comité composé de huit personnes provenant d'Australie, du Chili, de Chine, de la France, du Liban, des États-Unis, de l'URSS et du Royaume-Uni, a été chargé de rédiger la déclaration. Il s'est réuni pendant deux ans. Lorsque la commission a achevé ses travaux en juin 1948, le texte adopté a été envoyé au Comité social, culturel et humanitaire de l'Assemblée générale, communément appelé la Troisième commission, pour examen. Lors de ses réunions entre le 28 septembre et le 9 décembre 1948, auxquelles tous les États membres des Nations unies avaient le droit de participer, la Troisième commission a soumis la Déclaration à un examen approfondi, article par article, avec plus de mille votes sur différents amendements et propositions. Comme cela avait déjà été le cas au sein du comité de rédaction, des divergences marquées apparaissaient entre d'une part les républiques de l'Union soviétique et les démocraties populaires nouvellement formées, et d'autre part les États-Unis et les anciennes puissances coloniales de l'Europe et ceux qui sont sous leur influence.
Ceux qui se considéraient comme faisant partie du bloc « occidental » avaient tendance à accorder peu d'importance aux droits économiques et sociaux et aux droits collectifs en général, affirmant que les États n'étaient pas tenus de garantir ces droits. Au lieu de cela, ils se sont concentrés sur les droits et libertés individuels, souvent conçus comme une protection contre l'État. Les pays socialistes considéraient que l'État était tenu de créer les conditions nécessaires à la pleine jouissance des droits sociaux, économiques et culturels ainsi que des droits civils et politiques. Eleanor Roosevelt a commenté l'un des nombreux amendements proposés par la délégation soviétique qu'elle disait ne pas pouvoir appuyer, car cela entraînerait un changement du caractère de la Déclaration. Il était clair que les États-Unis s'étaient mis en position de dicter que le document ne devait avoir qu'un caractère ambitieux et, comme le révèlent des documents publiés ultérieurement, un outil de propagande à utiliser contre l'Union soviétique, qu'ils cherchaient à décrire comme un transgresseur des droits de l'homme. Tout cela a eu lieu alors que l'OTAN était en train d'être créée.
Les questions litigieuses
Les rapports qu'on retrouve dans l'Annuaire des Nations unies de 1948-1949 (1948-49 UN Yearbook) révèle des questions litigieuses diverses durant la séance plénière et aussi au sein du comité, entre les pays qui cherchaient à protéger et enchâsser les droits humains et ceux qui feignaient de s'y intéresser[1].
Le représentant de la Pologne « croyait que l'application de ces articles traitant du droit d'asile, de la liberté d'opinion et d'expression, et d'accorder la liberté de réunion et d'association devrait être limitée afin que les fascistes ne puissent pas profiter de ces dispositions pour renverser la démocratie. Il a ajouté que l'adoption de la déclaration ne devrait entraîner aucune ingérence dans la juridiction nationale des États souverains. Il a également estimé qu'il y avait plusieurs omissions dans le projet, telles que l'omission du droit des nations d'utiliser leur propre langue et de développer leur propre culture. »
« Le représentant de l'URSS a considéré que le projet de Déclaration n'a pas satisfait aux trois conditions qui étaient ... indispensables pour parachever la Déclaration, à savoir : la garantie des libertés fondamentales pour tous, dans le respect de la souveraineté nationale des États; une garantie que les droits de l'homme puissent être exercés en tenant dûment compte de la situation économique, sociale et nationale particulière de chaque pays; et une définition des devoirs des citoyens envers leur pays, leur peuple et leur État. Il a regretté que le fascisme n'ait été condamné nulle part dans l'ébauche. Il a déclaré que les droits énoncés dans l'ébauche étaient illusoires, car ils ne disposaient pas d'une garantie réelle. »
Le représentant de l'URSS « a estimé que l'article traitant de la liberté de diffusion des idées ne résolvait pas le problème de la liberté d'expression, car il fallait empêcher la diffusion d'idées dangereuses, telles que les idées bellicistes et fascistes. Il a fait valoir que ce même article ne prévoyait pas la libre diffusion d'idées justes et nobles. Pour que la liberté d'expression soit effective, les travailleurs, a-t-il affirmé, doivent avoir les moyens de faire connaître leurs opinions, et pour cela, ils doivent disposer de presses à imprimer et de journaux. Le droit de manifester dans la rue, a-t-il déclaré, doit être garanti. » Cet argument a été rejeté par Eleanor Roosevelt, qui a déclaré que les opinions des propriétaires de journaux se limitaient aux pages éditoriales et pouvaient être facilement discernées. En outre, a-t-elle dit, aux États-Unis c'est le peuple qui contrôlait le gouvernement et la presse, donc il n'y avait pas de problème !
Le représentait soviétique a aussi « déclaré qu'il fallait donc s'assurer que la recherche scientifique ne serait pas utilisée à des fins de guerre, ce qui entraverait évidemment le progrès. Il a attiré l'attention de l'Assemblée sur un défaut de la Déclaration qu'il considérait comme fondamental : l'absence de dispositions garantissant les droits des minorités nationales [y compris la préservation des langues et des cultures autochtones]. Il a également regretté que la Déclaration n'ait pas mentionné les droits souverains des États.
« Il a présenté un projet de résolution (A/785/Rev.2) recommandant à l'Assemblée générale de reporter l'adoption de la Déclaration à sa quatrième session ordinaire. Les représentants de la RSS de Biélorussie, de la Tchécoslovaquie, de la Pologne, de la RSS d'Ukraine et de la Yougoslavie ont appuyé le projet de résolution soviétique.
« Le représentant de la RSS d'Ukraine a déclaré que la Déclaration énonçait une série de droits qui ne pouvaient être exercés compte tenu de la situation actuelle et de la structure économique d'un grand nombre de pays. Plusieurs droits démocratiques élémentaires qui pourraient être réalisés même dans une société capitaliste avaient été délibérément omis. Avant de pouvoir concrétiser le droit au travail, au repos et à l'éducation, il était nécessaire de modifier radicalement le système économique des entreprises privées. Il a déclaré qu'il ne pouvait y avoir de véritable égalité entre hommes que sous un système économique qui garantit à tous des conditions et des chances égales pour le développement de leur propre potentiel, et ce n'est pas l'égalité évoquée dans la Déclaration.
« La Déclaration, a soutenu le représentant de la Tchécoslovaquie, n'était pas imprégnée d'un esprit révolutionnaire; elle n'était ni audacieuse ni moderne. L'abolition de la peine de mort en temps de paix n'a pas été acceptée, ni 'le fascisme' ni 'l'agression' dénoncés publiquement et formellement. La déclaration, a-t-il fait observer, ne tenait aucun compte des aspects pratiques de la question du droit au travail, elle exprimait simplement de nobles idéaux, sans prévoir leur mise en oeuvre dans la vie quotidienne difficile des travailleurs. Il a souligné qu'il est inutile de proclamer le droit aux loisirs, par exemple, si certains hommes n'ont aucun moyen de l'exercer.
« Selon le représentant de la RSS de Biélorussie, la Déclaration n'était qu'une proclamation des droits de l'homme et ne contenait aucune garantie des droits qu'elle proclamait. Le droit à la culture nationale et à la lutte de la démocratie contre le fascisme et le nazisme n'étaient pas mentionnés. »
Les États-Unis, la Grande-Bretagne et le Canada s'opposèrent à cette position de l'URSS et d'autres pays socialistes sur la nécessité d'empêcher la propagation d'idées fascistes et bellicistes, affirmant que cela n'était pas possible car il n'y avait pas de compréhension commune de ce que des termes comme « fascisme » et « système démocratique » impliquent.
« La déclaration ne mentionnait que les libertés et les droits traditionnels de l'ancienne école libérale, a déclaré le représentant de la Pologne. Elle a omis de mentionner que la contrepartie de ces droits était le devoir de l'individu envers ses voisins, sa famille, son groupe et sa nation. Elle ignore complètement le droit de toute personne de s'exprimer dans sa propre langue et de voir à ce que sa culture nationale soit protégée. Il a déclaré que la Déclaration représentait en réalité un pas en arrière par rapport à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen produite pendant la Révolution française, si on la compare au Manifeste communiste qui déclarait cent ans auparavant les droits de l'homme contraignants et nécessaires, et si on les compare aux principes qui avaient inspiré la Révolution d'Octobre.
« Le représentant de la Yougoslavie a estimé que les principes des droits de l'homme énoncés dans la Déclaration étaient en retard sur les progrès sociaux réalisés à l'époque moderne et qu'ils n'accordaient pas une protection juridique et sociale complète à l'homme. Il a estimé que le changement radical des conditions sociales soulignait la nécessité d'élargir les catégories traditionnelles de droits de l'homme – qui comprennent généralement les droits politiques et civils – et de mettre en place un système de droits sociaux, y compris les droits collectifs de certaines communautés. Il considérait la Déclaration comme un instrument de codification internationale plutôt qu'un instrument ouvrant un avenir nouveau et prometteur à l'individu dans le domaine étendu des droits sociaux. »
Le représentant de l'URSS « a déclaré que la Déclaration était dirigée contre la souveraineté nationale et était donc totalement incompatible avec les principes des Nations unies. L'indépendance et le bien-être d'une nation, a-t-il fait valoir, dépendaient du principe de la souveraineté nationale. Ce principe était le seul garant de protection des petits pays contre les rêves expansionnistes d'États plus puissants. Il a présenté un certain nombre d'amendements (A/784) au projet de déclaration proposé par la Troisième Commission. Ces amendements, analogues à ceux présentés à la Troisième Commission – et qui prévoyaient notamment : 1) d'étendre aux populations des territoires non autonomes des dispositions relatives aux droits de l'homme et du citoyen et aux libertés fondamentales énoncées dans la Déclaration; (2) une déclaration selon laquelle toute personne a le droit inaliénable d'exprimer et de diffuser librement des vues démocratiques et de lutter contre le fascisme; (3) une déclaration selon laquelle tout citoyen d'un État doit avoir le droit, entre autres droits, d'exercer des fonctions publiques ou d'occuper des emplois dans les services de l'État; et (4) l'insertion d'un nouvel article déclarant que les lois nationales devraient garantir les droits et libertés énumérés dans le Projet de déclaration – ont été tous rejetés par un vote par appel nominal ».
À l'époque, l'ONU comptait 58 pays. Parmi ces pays six seulement étaient des démocraties populaires dans lesquelles le peuple s'efforçait d'affirmer ses droits humains de manière très concrète, pour la souveraineté nationale contre la domination des puissances étrangères et contre les divisions de classe de l'ancienne société, et qui avaient porté le fardeau de vaincre le nazi-fascisme à un coût énorme. Cependant, des amendements tels que ceux proposés par l'URSS étaient un anathème pour les impérialistes anglo-américains et les pays sur lesquels ils exerçaient une influence, plus nombreux que les démocraties populaires et qui cherchaient à dominer d'autres pays par le biais de relations d'exploitation coloniale.
Les États-Unis ont usé de sophismes pour s'opposer aux problèmes concrets soulevés dans les amendements de l'URSS, en présentant des justifications prétentieuses et intéressées sur le sens de la démocratie et en affirmant que les droits de l'homme n'existent que sur une base individuelle et non collective. Cette condescendance à l'égard de l'URSS apparaît dans le rapport de l'Annuaire des Nations unies comme suit : « Tout en rendant hommage à la délégation de l'URSS pour la ténacité avec laquelle elle a défendu ses convictions, le représentant des États-Unis a fait observer que les gens devraient parfois coopérer loyalement avec la majorité même lorsqu'ils n'étaient pas d'accord avec ses points de vue. »
Dans certains cas, les préoccupations soulevées par l'URSS dans ses amendements ont été écartées pour des raisons purement bureaucratiques : « Le premier amendement soviétique, a déclaré le représentant des États-Unis, traitait de la question des minorités et la Troisième commission avait déjà décidé qu'une étude plus approfondie de cette question était nécessaire et avait recommandé qu'il soit renvoyé à cette fin au Conseil économique et social et à la Commission des droits de l'homme. Selon le représentant des États-Unis, il ressort clairement du deuxième amendement de l'URSS que l'objectif était de garantir les droits de certains groupes, et non les droits individuels qui sont de l'unique ressort de la Déclaration. »
En ce qui concerne la question de la nécessité d'interdire la promulgation de propagande fasciste et nazie, alors, comme c'est le cas aujourd'hui, les Etats-Unis ont utilisé des faux-fuyants au nom de grands idéaux, dissimulant l'espoir anglo-américain pendant la guerre que les nazis vaincraient les Soviétiques, et leur protection et recrutement des nazis après la guerre. Le représentant américain a fait remarquer que « le troisième amendement de l'URSS aurait pour effet de restreindre la liberté d'opinion et d'expression [et permettrait] d'établir des normes permettant à tout État de refuser la liberté d'opinion et d'expression sans violer cet article ».
En ce qui concerne le quatrième amendement de l'URSS qui aurait obligé les signataires à proclamer les obligations de l'État en matière d'affirmation des droits humains, le représentant des États-Unis a semblé suggérer qu'il y avait un motif caché, se plaignant que « la délégation de l'URSS avait tenté d'introduire [ce concept] dans pratiquement tous les articles de la Déclaration. Elle a fait valoir que si cette conception était adoptée, le caractère entier de la Déclaration serait modifié. »
De même, la représentante de l'Inde a transformé la question de s'opposer à la propagande fasciste et nazie en une question de liberté d'expression abstraite et hors contexte qui réfute les préoccupations sérieuses suscitées par une telle propagande réactionnaire et son rôle d'inciter à l'agression et la guerre qui ont entraîné des millions de morts. Elle « a affirmé que le droit d'avoir différentes opinions était un droit sacré et la prérogative de tout peuple véritablement démocratique. Elle a déclaré que l'Inde, à l'instar d'autres pays, n'accepterait jamais de restreindre les droits politiques afin de réaliser des objectifs sociaux, aussi nobles qu'ils pourraient être ». Il va sans dire que la partition de l'Inde n'avait été imposée que l'année précédente, en août 1947, au cours de laquelle le pouvoir colonial britannique avait semé des divisions dans la société sur la base la plus arriérée et communale, avec de grandes tragédies pour le peuple.
De son côté, la Bolivie, un important fournisseur d'étain aux États-Unis durant la Deuxième Guerre mondiale, a repris la ligne réactionnaire de l'endiguement du communisme pendant la guerre froide, en présentant comme une caricature la discussion sur la Déclaration : « d'une part la thèse soutenue par l'URSS, caractérisée par le 'désir de subordonner l'individu à l'État' et, d'autre part, la thèse soutenue par tous les pays démocratiques, qui visait à 'rendre l'individu capable d'organiser un État qui respecterait à son tour les droits de l'individu' ». Se référant aux objections formulées par le représentant de la RSS d'Ukraine, le représentant de la Bolivie a déclaré que les peuples démocratiques rejetaient l'idée que le bonheur de l'humanité devait être subordonné aux intérêts du tout puissant État communiste. » Une telle déformation était bien sûr un refus de reconnaître que le peuple est investi du pouvoir démocratique de décider dans les démocraties populaires, de l'existence de la société de classe exploiteuse et de l'appauvrissement de la paysannerie et des travailleurs dans d'autres pays du monde, y compris l'exploitation des mineurs d'étain et d'autres en Bolivie.
Des divergences sont même apparues lors de la discussion sur l'ordre dans lequel divers droits et libertés figuraient dans le projet final. Le délégué soviétique a déploré le peu d'importance accordée aux droits de l'homme en tant que travailleur et à sa place dans la société, ce qui est démontré par le fait que le rôle de l'être humain en tant que créateur de richesses avait été placé en dernier dans le texte. Le délégué cubain a également fait valoir que, dans un document du XXe siècle, les droits sociaux, qu'il qualifiait de réalisation du XXe siècle, devaient précéder les « droits juridiques » acquis de longue date et repris dans un certain nombre de documents similaires. Roosevelt a rejeté avec désinvolture ces arguments, insistant sur le fait qu'aucun article ne méritait la priorité sur un autre car ils étaient tous d'égale importance.
Le délégué de l'Ukraine a déclaré qu'une véritable égalité des hommes ne pouvait exister que dans un système économique garantissant à tous des conditions et des chances égales de développement de leur propre potentiel, mais il ne s'agissait pas de l'égalité mentionnée dans la Déclaration des droits de l'homme. Il a évoqué « la théorie absurde des puissances coloniales selon laquelle il existait des races supérieures et inférieures », affirmant que cela rappelait la théorie nazie mise en déroute et devait être éliminée, en donnant l'exemple de l'Afrique du Sud, tout en ajoutant qu'elle n'était pas la seule à cet égard.
Enfin, le 7 décembre 1948, la Troisième commission a voté par 29 voix contre zéro et 7 abstentions d'adopter la Déclaration universelle des droits de l'homme et de la transmettre à l'Assemblée générale pour adoption. Les pays suivants se sont abstenus : l'URSS, la République socialiste soviétique d'Ukraine, la République socialiste soviétique de Biélorussie, la Pologne, la Tchécoslovaquie, la Yougoslavie et le Canada[2].
Trois jours plus tard, le texte a été soumis à une session plénière de l'Assemblée générale où il a été adopté et où 48 pays (dont le Canada, cette fois) ont voté pour, aucun contre et huit se sont abstenus (URSS, Biélorussie, Ukraine, Pologne, Arabie saoudite, Tchécoslovaquie, Yougoslavie et Afrique du Sud). Deux pays n'ont pas pris part au vote.
Eleanor Roosevelt a présenté la Déclaration aux membres de l'Assemblée générale : « Nous nous tenons aujourd'hui à l'aube d'un grand événement, tant dans la vie des Nations unies que dans la vie de l'humanité. Cette déclaration pourrait bien devenir la Magna Carta pour tous les hommes partout. »
Notes
1. UN Yearbook 1948-49. Les extraits sont traduits de l'anglais par LML.
2. Ont voté pour : Afghanistan, Argentine, Australie, Belgique, Bolivie, Brésil, Chili, Chine, Cuba, Danemark, République dominicaine, États-Unis d'Amérique, France, Grèce, Haïti, Honduras, Inde, Iran, Liban, Mexique, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Pérou, Philippines, Royaume-Uni, Suède, Syrie, Turquie et Venezuela.
(Archives du LML)
Perspective de la délégation soviétique
sur l'ébauche du Pacte international relatif aux droits de
l'homme
Les discussions sur les droits humains aux Nations unies se sont poursuivies après l'adoption de la Déclaration internationale des droits de l'homme en 1948, plus précisément sur le Pacte international relatif aux droits de l'homme.
Dans les procès-verbaux de l'Assemblée générale des Nations unies du 4 décembre 1950, la délégation de l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) a souligné que « le principal défaut de cette déclaration était son caractère purement formel et juridique, du fait qu'elle se bornait à proclamer certains droits de l'homme dans une forme très générale et incomplète, sans indiquer les moyens de les mettre en oeuvre. Or, c'est précisément la réalisation concrète des droits et libertés fondamentaux de l'homme qui présente un intérêt vital pour des millions de gens. »[1]. La délégation a souligné que l'Ébauche de Pacte international « garde tous les défauts de la déclaration, mais il ne mentionne aucunement des droits extrêmement importants pour des millions de gens tels que le droit au travail, le droit à la sécurité sociale, aux loisirs, à l'éducation et d'autres droits d'ordre social, économique et culturel, tous des droits qui figurent dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, encore que sous une forme déclarative peu satisfaisante et imparfaite ». Il est dit que l'ONU, deux ans après la signature de la Déclaration universelle des droits de l'homme « se trouve plus éloignée que jamais de la solution du problème de la défense et du respect des droits de l'homme ».
La délégation de l'URSS a proposé des modifications et des corrections au projet de pacte visant « à garantir à tout citoyen, sans aucune distinction, la possibilité de participer à la direction de l'État et, par conséquent, à abolir toutes les conditions tenant à la fortune, à l'instruction, ou toutes autres, qui restreignent le droit des citoyens de prendre part aux élections à des organes législatifs et à donner à tous les citoyens la possibilité d'exercer des fonctions publiques ou d'occuper des emplois dans les services de l'État ».
Elle a aussi proposé des changements pour « assurer à chaque peuple, à chaque nation, le droit de disposer d'eux-mêmes dans l'ordre national et de développer leur culture nationale » ainsi que pour « établir l'obligation, pour l'État, d'assurer à tout homme le droit au travail et au libre choix de sa profession, de façon à créer des conditions qui excluent le risque de mourir de faim ou d'épuisement,
« Quatrièmement, à rendre l'instruction accessible à tous, sans distinction aucune, en l'assurant par la gratuité de l'enseignement primaire et l'organisation d'un système de bourses et d'écoles;
« Cinquièmement, à assurer le droit au repos et aux loisirs, par l'établissement d'une limitation légale judicieuse des heures de travail et l'instauration de congés périodiques;
« Sixièmement, à réaliser la sécurité sociale et un régime d'assurances sociales des ouvriers et des employés aux frais de l'État ou des employeurs, conformément à la législation de chaque pays;
« Septièmement, à faire prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir à chacun un logement convenable;
« Huitièmement, à faire respecter strictement les droits des organisations syndicales et à créer des conditions qui permettent à ces organisations d'exercer leur activité sans aucun obstacle;
« Neuvièmement, à établir que les droits proclamés par le pacte ne doivent pas être utilisés au détriment de l'humanité ni, en particulier, pour servir la propagande belliciste, pour susciter la haine entre les peuples, inciter à la discrimination raciale ou diffuser des rumeurs diffamatoires;
« Finalement, à stipuler enfin que l'activité de toutes les organisations de caractère fasciste ou dirigées contre le peuple doit être interdite par la loi sous peine de sanctions. »
La délégation de l'URSS n'avait pas « accepté la proposition tendant à créer, sous prétexte d'aider à la mise en oeuvre du pacte, divers organes internationaux tel qu'un comité des droits de l'homme, etc.; cela constituerait en effet une ingérence dans les affaires intérieure des États et une violation de leur souveraineté car la mise en oeuvre par chaque État des dispositions du pacte relève entièrement de la compétence intérieure des États signataires du pacte et doit tenir compte des particularités économiques, nationales et autres de chaque pays. »
De l'avis de la délégation de l'URSS, « on ne pourrait demander que le pacte reproduise les principes et les dispositions des constitutions des États socialistes tels que l'Union soviétique et les démocraties populaires, pays dans lesquels les droits de l'homme énumérés plus haut sont consacrés par la législation et garantis de façon concrète grâce à un régime socialiste des relations sociales. Il ne faut pas oublier que tout cela a pu se faire dans l'Union soviétique et dans les démocraties populaires parce que l'exploitation de l'homme par l'homme y a été abolie, ce qui a créé une base solide pour le respect universel et la mise en oeuvre des droits de l'homme. »
La délégation a aussi fait valoir :
En énonçant les tâches à assumer par la Commission des droits de l'homme, l'Assemblée générale ne peut pas évidemment ne pas tenir compte des circonstances économiques et sociales particulières aux divers États membres de l'Organisation, lesquelles empêchent nombre d'entre eux de résoudre à l'heure actuelle, d'une manière conséquente et satisfaisante, le problème de la création des conditions de vie vraiment dignes de l'homme. Mais même dans ces conditions, l'Assemblée générale peut, de l'avis de la délégation de l'Union soviétiques, recommander à la Commission des droits de l'homme d'inscrire dans le projet de pacte le minimum de droits que nous avons énumérés et dont la mise en oeuvre intéresse des millions de gens. La chose est d'autant plus indispensable qu'à son défaut, il serait impossible d'affirmer sérieusement que le projet de pacte garantit des droits réels et non point fictifs. »
Note
1. L'Assemblée générale, 5e session, 317e séance plénière, lundi le 4 décembre 1950.
(Archives du LML)
Le rôle peu honorable du Canada
L'abstention du Canada lors du vote de la Troisième commission sur le projet final de Déclaration universelle des droits de l'homme le 7 décembre 1948 en a fait sourciller plus d'un à l'époque. À ce sujet, William A. Schabas écrit dans le McGill Law Journal :
Dans un discours à l'Assemblée générale, le ministre des Affaires étrangères, Lester B. Pearson, a expliqué que le Canada s'était abstenu en raison de préoccupations au niveau fédéral sur le danger de porter atteinte aux compétences provinciales. Même à cette époque, plusieurs, dont John Humphrey, ont trouvé cette histoire difficile à avaler. Par sa recherche dans les documents d'archives maintenant disponibles, l'auteur révèle que l'hésitation canadienne était surtout fondée sur le malaise du cabinet fédéral vis-à-vis des questions de fond enchâssées dans la Déclaration, y compris la liberté de religion et d'association. Les faits portent à croire que la question de la compétence provinciale n'était rien de moins qu'un prétexte défendu par les politiciens fédéraux qui voulaient esquiver leurs engagements internationaux face aux droits internationaux de l'homme. Le gouvernement canadien a induit en erreur l'opinion publique canadienne et internationale en dissimulant son opposition de fond à la Déclaration derrière des arguments procéduraux.
[...]
Malgré l'engagement enthousiaste de Humphrey, le gouvernement canadien vis-à-vis la Déclaration faisait plutôt preuve de scepticisme. En fait, par moment, l'attitude du Canada était des plus hostiles. Pendant le vote sur l'ébauche de la Déclaration à la Troisième commission de l'Assemblée générale, la délégation canadienne, sous la direction et l'instruction personnelles du secrétaire d'État aux Affaires étrangères Lester B. Pearson, s'est désolidarisée de la vaste majorité des membres des Nations unies et a refusé d'appuyer la Déclaration[1].
En mai 1947, alors que les travaux du comité de rédaction allaient bon train, le Canada a établi un Comité conjoint spécial du Sénat et de la Chambre des communes sur les droits de l'homme et les libertés fondamentales dont le mandat était d'examiner les meilleures façons de mettre en oeuvre les obligations enchâssées dans la Déclaration des droits de l'homme de l'ONU. Les conseillers juridiques du ministère des Affaires étrangères et de Humphrey ont souligné devant des parlementaires plutôt sceptiques du comité que la Déclaration ne serait pas un traité sur les droits de l'homme qui serait contraignant pour les pays qui y adhéreraient mais plutôt une résolution de l'Assemblée générale n'ayant aucune conséquence contraignante en vertu du droit international.
Le compte rendu des réunions du comité en 1948 reproduit ou mentionné par Schabas révèle certaines des inquiétudes du Canada face à la Déclaration dans la période menant au vote sur l'ébauche finale. Une de ces préoccupations était que la Déclaration ne faisait pas mention, mais devait le faire, que tous les droits trouvaient leur origine dans Dieu. Une autre était que l'article sur la non-discrimination semblait être incompatible avec l'internement par le Canada des gens d'origine japonaise. À ce sujet, un député de la Colombie-Britannique a répondu qu'il « n'y avait pas eu violation des droits de l'homme dans le traitement des Japonais puisqu'ils avaient été internés non pas pour des questions de « race » mais pour des questions d'« attitudes liées à la loyauté et à la subversion ». Une autre préoccupation était que les clauses sur les droits démocratiques de la Déclaration accorderait aux peuples autochtones le droit de vote alors que les Indiens inscrits étaient interdits de voter au Canada. Le sénateur Gouin a dit que ce n'était pas un problème puisqu'ils « ont le choix d'être des pupilles de l'État et de ne pas voter, ou de voter et d'avoir leur liberté ».
Enfin, le comité parlementaire a dit que, dans l'ensemble, il voyait la Déclaration d'un oeil favorable quoique dans son rapport il demande à la délégation canadienne de ne pas oublier qu'il était généralement opposé aux articles « non nécessaires » et voulait que ce soit officiellement retenu que le nom de Dieu devait être enchâssé dans le premier article.
Le Canada s'abstient de voter pour approuver
l'ébauche finale de la Déclaration
Lorsque la discussion au Troisième comité a traité des articles de la Déclaration touchant aux droits économiques et sociaux, le Canada a déclaré son intention de s'abstenir de voter sous prétexte que ce n'était pas en opposition aux principes promus dans ces articles mais parce que le gouvernement fédéral « n'empiétera pas sur les champs de compétence provinciales, surtout pour ce que est de l'éducation ».
Le Canada a contesté l'inclusion d'un article sur les droits des minorités, sous prétexte qu'au Canada de tels problèmes n'existaient pas. Selon son délégué : « Il a été dit que le problème des minorités pouvait surgir en raison de l'arrivée dans un pays de nouveaux colons issus d'un pays étranger, ou en raison de circonstances défavorables qui pourraient toucher à certains groupes autochtones. Je peux affirmer en toute confiance qu'au Canada le problème de minorités tel que soulevé dans les deux exemples n'existe pas... dans le sens qu'il n'y a pas de mécontentement. »
À mesure que l'heure du vote final sur l'ébauche finale approchait, différents scénarios ont été discutés entre les hauts-fonctionnaires des Affaires étrangères et la délégation à Paris sur comment le Canada pourrait s'y prendre pour retarder le vote pour gagner du temps afin de modifier le document conformément aux goûts du gouvernement. Cependant, le problème qui se posait était comment le faire sans se mettre à dos les États-Unis et la Grande-Bretagne qui avaient hâte d'adopter la Déclaration sans plus tarder, et comment éviter que le Canada soit critiqué pour avoir semblé s'opposer en principe à l'adoption de la Déclaration des droits de l'homme.
Les choses se sont précisées, néanmoins, lorsqu'un message sans équivoque est arrivé du premier ministre Louis St-Laurent qui disait qu'il était particulièrement préoccupé par l'impact potentiel des articles sur la liberté de parole, la liberté d'association, la liberté d'assemblée et le droit à l'emploi dans la fonction publique car ils pourraient servir à mettre pression sur l'État pour qu'il « ne discrimine pas contre les communistes en raison de leurs opinions politiques ainsi que l'article 27 qui obligerait un pays de fournir une éducation supérieure à tous aux frais de l'État si les gens sont dans l'impossibilité de payer pour leur éducation ». La délégation a répondu : « Conformément à vos instructions, la délégation canadienne ne parrainera ni n'appuiera l'adoption rapide de la Déclaration des droits de l'homme dans sa forme actuelle. »
Les échanges se sont poursuivis cependant sur ce que le Canada devait faire alors que Lester Pearson devenait de plus en plus inquiet de comment s'abstenir lors du vote final et comment le fait d'être contre la vaste majorité, y compris les États-Unis et la Grande-Bretagne, pourrait ternir l'image du Canada. Des considérations politiques liées à la vie politique canadienne semblent avoir motivé Pearson à la fin à préconiser l'abstention lors du vote à la Troisième commission de voter en faveur de la Déclaration à l'Assemblée générale.
Le 7 décembre, lorsqu'il était temps de voter sur l'ébauche finale au Troisième comité, le Canada s'est abstenu au même titre que l'URSS, l'Ukraine, la Biélorussie, la Pologne, la Tchécoslovaquie et la Yougoslavie. Schabas écrit qu'après le vote, Pearson, qui était maintenant à Paris pour participer à la prochaine réunion de l'Assemblée générale, avait informé Ottawa que la délégation s'était faite approcher d'urgence par le Royaume-Uni et les États-Unis qui ont expliqué à la délégation canadienne qu'ils étaient prêts à approuver la Déclaration dans sa forme actuelle, en dépit de ses imperfections, en raison de sa valeur en tant qu'instrument de propagande contre le bloc soviétique qui, prétendaient-ils, niait à leurs peuples leurs droits humains. Ils percevaient l'abstention du Canada comme un élément qui mitigerait les objectifs de propagande qu'ils visaient », a dit Pearson. Aussi était-il conscient que c'était un dur coup pour le Canada d'avoir fait bande à part en s'abstenant avec les membres du « bloc soviétique » – même s'il l'avait fait pour des raisons totalement différentes.
Puis, trois jours plus tard, conformément au plan, le Canada a changé son fusil d'épaule et a voté en faveur de la Déclaration à l'Assemblée générale. Dans son discours du 10 décembre à l'Assemblée, Pearson a parlé de certaines hésitations du Canada face à certaines « difficultés et ambiguïtés dans la Déclaration », mais a clairement laissé entendre qu'il n'y avait pas de problèmes graves quant au fond de la Déclaration. Peu convaincu, Schabas dit :
Et pourtant, les documents des Archives nationales révèlent une tout autre histoire. Le premier ministre Louis St-Laurent lui-même avait fait part de ses principales préoccupations au sujet de la liberté d'expression, la liberté d'assemblée, la liberté d'association, et le droit à l'emploi dans la fonction publique, parce qu'ils pourraient être invoqués par les communistes. Des membres anonymes du Cabinet ont aussi soulevé leurs inquiétudes que défendre la liberté de religion pourrait servir à appuyer les Témoins de Jéhovah. Même l'opposition à la reconnaissance des droits économiques et sociaux, qu'on disait n'être pas plus qu'un conflit fédéral-provincial, était clairement plus fondamentale. Le Comité parlementaire avait déjà fait valoir que de telles clauses, qui imposaient des obligations aux États plutôt que d'accorder des droits aux individus, n'avaient pas leur place dans la Déclaration...
[...]
Le gouvernement canadien et le ministère des Affaires étrangères en particulier ont trompé l'opinion publique canadienne et internationale en dissimulant leur opposition de fond à la Déclaration derrière des arguments procéduraux. L'hostilité ouverte envers certains articles de la Déclaration était accompagnée d'une forte dose d'indifférence...
[...]
Il n'existait tout simplement aucune « culture des droits de l'homme » au sein du ministère des Affaires étrangères. On ne peut identifier un seul haut-fonctionnaire parmi les nombreuses personnalités connues qui travaillaient alors pour le ministère – tant Pearson, [Escott] Reid que [George] Ignatieff – qui accordaient une réelle importance à la Déclaration. Aucun d'entre eux n'a même fait mention de la Déclaration dans leurs mémoires. Ils semblaient davantage préoccupés par d'autres enjeux de l'époque, comme le pont aérien de Berlin et la création de l'OTAN.
Note
1. « Canada and the adoption of the Universal Declaration of Human Rights », William A. Shabas, McGill Law Journal, 43 (2) (1998). pp. 403-441. Traduit de l'anglais par LML.
(Archives du LML)
Texte de la Déclaration universelle
des droits de l'homme
Préambule
Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde.
Considérant que la méconnaissance et le mépris des droits de l'homme ont conduit à des actes de barbarie qui révoltent la conscience de l'humanité et que l'avènement d'un monde où les êtres humains seront libres de parler et de croire, libérés de la terreur et de la misère, a été proclamé comme la plus haute aspiration de l'homme.
Considérant qu'il est essentiel que les droits de l'homme soient protégés par un régime de droit pour que l'homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l'oppression.
Considérant qu'il est essentiel d'encourager le développement de relations amicales entre nations.
Considérant que dans la Charte les peuples des Nations Unies ont proclamé à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité des droits des hommes et des femmes, et qu'ils se sont déclarés résolus à favoriser le progrès social et à instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande.
Considérant que les États Membres se sont engagés à assurer, en coopération avec l'Organisation des Nations Unies, le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Considérant qu'une conception commune de ces droits et libertés est de la plus haute importance pour remplir pleinement cet engagement.
L'Assemblée générale proclame la présente Déclaration universelle des droits de l'homme comme l'idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations afin que tous les individus et tous les organes de la société, ayant cette Déclaration constamment à l'esprit, s'efforcent, par l'enseignement et l'éducation, de développer le respect de ces droits et libertés et d'en assurer, par des mesures progressives d'ordre national et international, la reconnaissance et l'application universelles et effectives, tant parmi les populations des États Membres eux-mêmes que parmi celles des territoires placés sous leur juridiction.
Article premier
Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.
Article 2
1. Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.
2. De plus, il ne sera fait aucune distinction fondée sur le statut politique, juridique ou international du pays ou du territoire dont une personne est ressortissante, que ce pays ou territoire soit indépendant, sous tutelle, non autonome ou soumis à une limitation quelconque de souveraineté.
Article 3
Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.
Article 4
Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.
Article 5
Nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Article 6
Chacun a le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique.
Article 7
Tous sont égaux devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection de la loi. Tous ont droit à une protection égale contre toute discrimination qui violerait la présente Déclaration et contre toute provocation à une telle discrimination.
Article 8
Toute personne a droit à un recours effectif devant les juridictions nationales compétentes contre les actes violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la constitution ou par la loi.
Article 9
Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ou exilé.
Article 10
Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.
Article 11
1. Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d'un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées.
2. Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux d'après le droit national ou international. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'acte délictueux a été commis.
Article 12
Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.
Article 13
1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un État.
2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.
Article 14
1. Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l'asile en d'autres pays.
2. Ce droit ne peut être invoqué dans le cas de poursuites réellement fondées sur un crime de droit commun ou sur des agissements contraires aux buts et aux principes des Nations Unies.
Article 15
1. Tout individu a droit à une nationalité.
2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité.
Article 16
1. A partir de l'âge nubile, l'homme et la femme, sans aucune restriction quant à la race, la nationalité ou la religion, ont le droit de se marier et de fonder une famille. Ils ont des droits égaux au regard du mariage, durant le mariage et lors de sa dissolution.
2. Le mariage ne peut être conclu qu'avec le libre et plein consentement des futurs époux.
3. La famille est l'élément naturel et fondamental de la société et a droit à la protection de la société et de l'État.
Article 17
1. Toute personne, aussi bien seule qu'en collectivité, a droit à la propriété.
2. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété.
Article 18
Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites.
Article 19
Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit.
Article 20
1. Toute personne a droit à la liberté de réunion et d'association pacifiques. 2. Nul ne peut être obligé de faire partie d'une association.
Article 21
1. Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement, soit par l'intermédiaire de représentants librement choisis.
2. Toute personne a droit à accéder, dans des conditions d'égalité, aux fonctions publiques de son pays.
3. La volonté du peuple est le fondement de l'autorité des pouvoirs publics; cette volonté doit s'exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote.
Article 22
Toute personne, en tant que membre de la société, a droit à la sécurité sociale; elle est fondée à obtenir la satisfaction des droits économiques, sociaux et culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité, grâce à l'effort national et à la coopération internationale, compte tenu de l'organisation et des ressources de chaque pays.
Article 23
1. Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage.
2. Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal.
3. Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu'à sa famille une existence conforme à la dignité humaine et complétée, s'il y a lieu, par tous autres moyens de protection sociale.
4. Toute personne a le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.
Article 24
Toute personne a droit au repos et aux loisirs et notamment à une limitation raisonnable de la durée du travail et à des congés payés périodiques.
Article 25
1. Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté.
2. La maternité et l'enfance ont droit à une aide et à une assistance spéciales. Tous les enfants, qu'ils soient nés dans le mariage ou hors mariage, jouissent de la même protection sociale.
Article 26
1. Toute personne a droit à l'éducation. L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental. L'enseignement élémentaire est obligatoire. L'enseignement technique et professionnel doit être généralisé; l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite.
2. L'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et tous les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.
3. Les parents ont, par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants.
Article 27
1. Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts et de participer au progrès scientifique et aux bienfaits qui en résultent.
2. Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l'auteur.
Article 28
Toute personne a droit à ce que règne, sur le plan social et sur le plan international, un ordre tel que les droits et libertés énoncés dans la présente Déclaration puissent y trouver plein effet.
Article 29
1. L'individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seule le libre et plein développement de sa personnalité est possible.
2. Dans l'exercice de ses droits et dans la jouissance de ses libertés, chacun n'est soumis qu'aux limitations établies par la loi exclusivement en vue d'assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d'autrui et afin de satisfaire aux justes exigences de la morale, de l'ordre public et du bien-être général dans une société démocratique.
3. Ces droits et libertés ne pourront, en aucun cas, s'exercer contrairement aux buts et aux principes des Nations Unies.
Article 30
Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés.
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