Le lobby pro-israélien de Montréal intimide les fonctionnaires
Cet article a été écrit par Bruce Katz, cofondateur de l'organisation montréalaise Palestiniens et Juifs unis (PAJU).
Selon un article paru dans la Montreal Gazette[1], une campagne a été menée par le Centre consultatif des relations juives et israéliennes(CIJA) pour obliger Bochra Manaï, (commissaire à la lutte contre le racisme et la discrimination systémique à la Ville de Montréal) à démissionner pour avoir participé à une manifestation pro-palestinienne où était présent un personnage controversé – l'imam Adil Charkaoui a prononcé une prière appelant à la destruction des personnes impliquées dans l'attaque contre Gaza – et pour avoir exprimé son empathie avec les Palestiniens sur Instagram. Le CIJA a affirmé qu'en tant que commissaire à la lutte contre le racisme, Mme Manaï avait le devoir de rester neutre et n'aurait pas dû faire de commentaires sur la situation à Gaza. Le même article cite Mme Manaï disant qu'elle a participé à des « manifestations à Montréal en soutien à une demande de cessez-le-feu » parce qu'elle est « engagée pour la paix (et) attristée par l'horreur de cette situation ». La déclaration est louable et l'on remarque qu'il n'y a pas eu d'appel au cessez-le-feu de la part du CIJA ou du B'nai Brith. Israël, qu'il ait raison ou qu'il ait tort !
On remarque également qu'aucun des deux organismes susmentionnés n'a commenté l'appel au génocide des Palestiniens de Gaza lancé par Éric Sabbah, de l'hôpital Pierre Boucher de Longueuil, qui a écrit que c'est l'heure du grand nettoyage (un grand nettoyage ethnique) des Palestiniens de Gaza parce qu'il est « impossible de distinguer les bons des mauvais ». Aucune des deux organisations n'a réagi. Pas un mot de la part de l'une ou l'autre organisation concernant le bain de sang qui se déroule à Gaza. Israël, qu'il ait raison ou qu'il ait tort ! Un soutien inconditionnel à Israël, même si cela signifie permettre un génocide en soutenant inconditionnellement la coalition raciste et fasciste de Netanyahou et les colons juifs enragés qui ont perpétré des pogroms contre les Palestiniens dans la Cisjordanie palestinienne occupée, le même type de pogroms perpétrés contre les juifs dans l'expérience européenne au cours des siècles.
En fait, le CIJA et le B'nai Brith utilisent l'accusation d'antisémitisme comme moyen de faire taire l'opposition vocale et les manifestations massives qui ont lieu en soutien aux Palestiniens. La campagne de diffamation contre Bochra Manaï n'est qu'un exemple parmi d'autres. Les actes de vandalisme et d'intimidation contre des juifs et des synagogues sont déplorables et doivent être dénoncés. Il convient toutefois de noter que c'est l'incapacité à différencier l'État d'Israël des juifs en tant que collectivité qui est au coeur de la montée actuelle du sentiment anti-juif.
Le projet sioniste ayant consisté à absorber à la fois le judaïsme et les juifs dans le concept de l'État d'Israël comme l'incarnation du judaïsme, substituant ainsi l'État à Dieu, l'imagination publique associe désormais le sionisme au judaïsme et Israël à l'incarnation de la communauté juive mondiale. Ainsi, la responsabilité des actes odieux perpétrés contre les Palestiniens soumis à la domination coloniale d'Israël retombe sur les épaules collectives des juifs, bien que des milliers, voire des centaines de milliers de juifs critiquent Israël et soient liés à leur culture juive en raison des valeurs humanistes du judaïsme, et non au culte de l'État.
Des milliers de juifs – y compris un certain nombre de juifs en Israël – continuent de participer aux manifestations massives de soutien à Gaza. L'instrument par lequel le lobby pro-israélien promeut cette hasbara (propagande) israélienne est l'utilisation de la fausse notion d'antisémitisme tel que défini par l'IHRA (Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste).
C'est ce qui a accompagné la campagne de diffamation contre Bochra Manaï (qui n'est pas sans rappeler l'odieux salissage de la réputation du regretté Yves Michaud par l'Assemblée nationale du Québec il y a quelques années), puisque le B'nai Brith a « exhorté » la mairesse Valérie Plante à « endosser la définition de l'antisémitisme de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste ». Voilà comment le lobby pro-israélien utilise l'antisémitisme pour réduire au silence et intimider les fonctionnaires et tous ceux qui osent critiquer l'État raciste d'apartheid d'Israël. Il est temps que ces deux organisations soient interpellées publiquement pour ce qui équivaut à une approbation générale des crimes commis par Israël contre les civils palestiniens. Cela commence par le soutien aux fonctionnaires qui ont le courage de s'en tenir aux principes et de condamner Israël pour ce qu'il est : un État d'apartheid raciste.
Malheureusement, dans le cas de Bochra Manaï, la campagne du lobby a été couronnée de succès au point de forcer Mme Manaï à promettre qu'elle ne participerait plus jamais à une manifestation pro-palestinienne. Ce qui n'est pas dit, mais qui est néanmoins compris, c'est que le fait de promettre de ne plus jamais assister à une telle manifestation a pour effet d'impliquer que ceux qui manifestent en faveur des Palestiniens sont tous des « antisémites ». Le « Lobby » devrait se souvenir de ceci : lorsque vous qualifiez d'« antisémites » ceux qui défendent les droits humains et dénoncent les crimes de guerre, vous faites de l'« antisémitisme », tel que vous le définissez, un impératif moral ! Lorsque tout le monde est antisémite, il n'y a plus d'antisémites ! C'est en effet un jeu dangereux.
Note
1. « Anti-racism commissioner promises to stop attending pro-Palestinian rallies, B'nai Brith says », Montreal Gazette, November 29, 2023
Cet article est paru dans
Volume 53 Numéro 32 - Décembre 2023
Lien de l'article:
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