Perspective de la délégation soviétique sur l'ébauche du Pacte international relatif aux droits de l'homme
Les discussions sur les droits humains aux Nations unies se sont poursuivies après l'adoption de la Déclaration internationale des droits de l'homme en 1948, plus précisément sur le Pacte international relatif aux droits de l'homme.
Dans les procès-verbaux de l'Assemblée générale des Nations unies du 4 décembre 1950, la délégation de l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) a souligné que « le principal défaut de cette déclaration était son caractère purement formel et juridique, du fait qu'elle se bornait à proclamer certains droits de l'homme dans une forme très générale et incomplète, sans indiquer les moyens de les mettre en oeuvre. Or, c'est précisément la réalisation concrète des droits et libertés fondamentaux de l'homme qui présente un intérêt vital pour des millions de gens. »[1]. La délégation a souligné que l'Ébauche de Pacte international « garde tous les défauts de la déclaration, mais il ne mentionne aucunement des droits extrêmement importants pour des millions de gens tels que le droit au travail, le droit à la sécurité sociale, aux loisirs, à l'éducation et d'autres droits d'ordre social, économique et culturel, tous des droits qui figurent dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, encore que sous une forme déclarative peu satisfaisante et imparfaite ». Il est dit que l'ONU, deux ans après la signature de la Déclaration universelle des droits de l'homme « se trouve plus éloignée que jamais de la solution du problème de la défense et du respect des droits de l'homme ».
La délégation de l'URSS a proposé des modifications et des corrections au projet de pacte visant « à garantir à tout citoyen, sans aucune distinction, la possibilité de participer à la direction de l'État et, par conséquent, à abolir toutes les conditions tenant à la fortune, à l'instruction, ou toutes autres, qui restreignent le droit des citoyens de prendre part aux élections à des organes législatifs et à donner à tous les citoyens la possibilité d'exercer des fonctions publiques ou d'occuper des emplois dans les services de l'État ».
Elle a aussi proposé des changements pour « assurer à chaque peuple, à chaque nation, le droit de disposer d'eux-mêmes dans l'ordre national et de développer leur culture nationale » ainsi que pour « établir l'obligation, pour l'État, d'assurer à tout homme le droit au travail et au libre choix de sa profession, de façon à créer des conditions qui excluent le risque de mourir de faim ou d'épuisement,
« Quatrièmement, à rendre l'instruction accessible à tous, sans distinction aucune, en l'assurant par la gratuité de l'enseignement primaire et l'organisation d'un système de bourses et d'écoles;
« Cinquièmement, à assurer le droit au repos et aux loisirs, par l'établissement d'une limitation légale judicieuse des heures de travail et l'instauration de congés périodiques;
« Sixièmement, à réaliser la sécurité sociale et un régime d'assurances sociales des ouvriers et des employés aux frais de l'État ou des employeurs, conformément à la législation de chaque pays;
« Septièmement, à faire prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir à chacun un logement convenable;
« Huitièmement, à faire respecter strictement les droits des organisations syndicales et à créer des conditions qui permettent à ces organisations d'exercer leur activité sans aucun obstacle;
« Neuvièmement, à établir que les droits proclamés par le pacte ne doivent pas être utilisés au détriment de l'humanité ni, en particulier, pour servir la propagande belliciste, pour susciter la haine entre les peuples, inciter à la discrimination raciale ou diffuser des rumeurs diffamatoires;
« Finalement, à stipuler enfin que l'activité de toutes les organisations de caractère fasciste ou dirigées contre le peuple doit être interdite par la loi sous peine de sanctions. »
La délégation de l'URSS n'avait pas « accepté la proposition tendant à créer, sous prétexte d'aider à la mise en oeuvre du pacte, divers organes internationaux tel qu'un comité des droits de l'homme, etc.; cela constituerait en effet une ingérence dans les affaires intérieure des États et une violation de leur souveraineté car la mise en oeuvre par chaque État des dispositions du pacte relève entièrement de la compétence intérieure des États signataires du pacte et doit tenir compte des particularités économiques, nationales et autres de chaque pays. »
De l'avis de la délégation de l'URSS, « on ne pourrait demander que le pacte reproduise les principes et les dispositions des constitutions des États socialistes tels que l'Union soviétique et les démocraties populaires, pays dans lesquels les droits de l'homme énumérés plus haut sont consacrés par la législation et garantis de façon concrète grâce à un régime socialiste des relations sociales. Il ne faut pas oublier que tout cela a pu se faire dans l'Union soviétique et dans les démocraties populaires parce que l'exploitation de l'homme par l'homme y a été abolie, ce qui a créé une base solide pour le respect universel et la mise en oeuvre des droits de l'homme. »
La délégation a aussi fait valoir :
En énonçant les tâches à assumer par la Commission des droits de l'homme, l'Assemblée générale ne peut pas évidemment ne pas tenir compte des circonstances économiques et sociales particulières aux divers États membres de l'Organisation, lesquelles empêchent nombre d'entre eux de résoudre à l'heure actuelle, d'une manière conséquente et satisfaisante, le problème de la création des conditions de vie vraiment dignes de l'homme. Mais même dans ces conditions, l'Assemblée générale peut, de l'avis de la délégation de l'Union soviétiques, recommander à la Commission des droits de l'homme d'inscrire dans le projet de pacte le minimum de droits que nous avons énumérés et dont la mise en oeuvre intéresse des millions de gens. La chose est d'autant plus indispensable qu'à son défaut, il serait impossible d'affirmer sérieusement que le projet de pacte garantit des droits réels et non point fictifs. »
Note
1. L'Assemblée générale, 5e session, 317e séance plénière, lundi le 4 décembre 1950.
(Archives du LML)
Cet article est paru dans
Volume 53 Numéro 28 - Décembre 2023
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