Donner aux droits une définition moderne
Dans son important ouvrage L'état des droits de l'homme dans l'après-guerre froide, écrit en 1992, Hardial Bains explique :
« Les êtres humains ne sont pas des êtres sociaux seulement du fait qu'ils pourvoient à leur existence socialement; ils se démarquent de l'animalité sur tous les autres plans. Cette démarcation de la vie animale – cette soustraction aux caprices de la nature – impose une nouvelle condition vitale à tous les humains : la condition de l'être. [...] Cette condition de l'être exige [...] que les êtres humains aient voix au chapitre quant à la production et la reproduction de la vie réelle. Cette exigence qui naît du procès de socialisation conduit à une socialisation encore plus poussée. [...] La condition de l'être exige que tout soit jugé en fonction de l'actualisation des droits de l'homme dans la mesure où le permettent les conditions. »
« Le droit est fondamentalement un fait de la civilisation
humaine [et] qu'il faut constamment rappeler aux pouvoirs en
place qu'étant êtres humains nous devons être traités comme il
sied à des êtres humains », écrit Hardial Bains. Il
explique :
« S'empoignent alors l'acte d'être, l'autorité, qui refuse de s'acquitter de son devoir, et l'acte d'être, la condition, qui exige du peuple qu'il accomplisse son devoir. [...] En ce sens, l'acte d'être de la condition prévaut sur les formalités et les abstractions dont se servent les autorités pour se justifier et faire violence au droit de conscience. [...] Ou bien l'autorité change les conditions, c'est-à-dire assume sa part de responsabilités par rapport au droit de conscience, ou bien les conditions continueront de se détériorer au point où le peuple sera appelé à mettre un terme à l'autorité. [...] [Les peuples] font leur devoir en réclamant leurs droits partant de l'acte d'être dans une condition précise; ils veulent s'élever au-dessus de cette condition. »
La violation des droits humains se fait aujourd'hui en affirmant le droit d'être d'une autorité face à l'anarchie et à la violence ainsi qu'à la menace à la sécurité de cette autorité. C'est pour dissimuler que l'autorité est devenue l'anarchie et la violence assumant la forme d'un État qui « ne cesse jamais de prétendre être exempt de tout blâme et d'affirmer agir pour le bien-être de l'humanité entière. Mais l'acte d'être, l'existence même de l'anarchie et de la violence, réfute cette prétention. [...] s'il [le gouvernement] s'acquittait de son devoir, le peuple se rangerait sûrement de son côté, et l'anarchie et la violence ne domineraient pas. Il en est ainsi parce que le peuple ne désire pas du tout l'anarchie et la violence, puisque c'est lui qui est toujours appelé à en faire les frais. [...] Lorsqu'un gouvernement prétend combattre l'anarchie et la violence en recourant à la force, en déclenchant un assaut général contre la population et en imposant l'humiliation, il n'est pas impossible que le gouvernement en question ait lui-même initié l'anarchie et la violence. »
Les peuples du monde font leur devoir « lorsqu'ils exigent leurs droits en raison de leurs conditions de vie ». Ils s'efforcent de mettre un terme aux conditions qui violent les droits fondamentaux des personnes, leur droit à la conscience, leur droit d'être. Hardial Bains écrit :
« Les peuples cherchent à abolir les conditions qui engendrent ces violations des droits de l'homme. Ils veulent défendre leur droit de conscience et s'en servir pour améliorer leur condition d'être. [...] c'est l'autorité qui devient la cible du mécontentement et ce sont les conditions qui demandent à être changées et il y a de plus en plus de gens qui répondent à l'appel des conditions [...] La forme variera tout en reflétant à chaque étape le processus contradictoire qui met en opposition les prétentions de l'autorité et les exigences des conditions. [...] C'est l'acte d'être qui domine. L'acte d'être des conditions surpasse toutes les prétentions de l'autorité. »
La lutte aujourd'hui pour les droits humains est la lutte pour l'émergence de la personnalité démocratique moderne qui défend les principes démocratiques comme un acte d'être. Ceux qui assument leurs responsabilités envers eux-mêmes et envers la société obligent l'autorité à changer les conditions. Une autorité qui refuse de faire son devoir envers le peuple et la société, une autorité qui refuse de se soumettre à la nécessité de changement, sera renversée par la force même de l'histoire, par le besoin d'éliminer tous les obstacles sur la voie du progrès.
Ceux dont l'autorité n'est pas au diapason avec les besoins de l'époque seront davantage préoccupés par les signes extérieurs et les symboles de l'autorité que par le devoir qu'ils ont envers les peuples et leurs sociétés. « En privant le peuple du droit de conscience, l'autorité se transforme en culte et les conditions sont considérées comme définitives et inaltérables, écrit Hardial Bains. De l'existence en pratique, dans la réalité, du droit de conscience, dépend la survie d'un peuple. Ce problème est la préoccupation centrale de notre époque, au même titre que les problèmes ayant trait à la nature de l'État, à la forme de son organisation et au système économique. [...] Les droits ne peuvent trouver leur application que dans la solution des problèmes auxquels fait face une société moderne, qu'ils s'agissent de problèmes reliés au bien-être économique du peuple, ou à la paix et à l'harmonie entre les peuples au sein d'une nation ou entre nations, ou aux affaires spirituelles et sociales. Les droits trouveront leur réalisation lorsque l'autorité changera les conditions en faveur du peuple et le peuple s'acquittera de son devoir en obligeant l'autorité à changer les conditions. Or, pour ce faire il faut le droit de conscience. Cette lutte est donc le pivot du progrès et du renouvellement du monde. »
(L'état des droits de l'homme dans l'après-guerre froide – Un examen théorique et politique, Hardial Bains, 1992)
Cet article est paru dans
Volume 53 Numéro 28 - Décembre 2023
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