Le rapport de recherche de la Commission Deschênes souligne le prix élevé de l'anticommunisme
Manifestation en 1997 contre la présence de criminels de guerre
nazis au Canada. En 1997, le gouvernement du Canada a reconnu
avoir admis 2000 membres de la 14e division Waffen-SS
ukrainienne, la division Galicie.
L'ovation du 22 septembre pour le collaborateur nazi ukrainien Yaroslav Hunka au Parlement est le produit de plus d'un siècle d'anticommunisme persistant, remâché et maintenant enraciné dans l'élite dirigeante du Canada. Les impérialistes anglo-américains ont été à la tête du développement de cette conception du monde depuis l'époque de la Grande Révolution socialiste d'Octobre et de la montée du mouvement communiste et ouvrier au Canada. Elle se fonde en partie sur l'affirmation quasi-biblique que l'opposition à la propriété privée est un péché et, à ce titre, elle défend l'ordre constitutionnel du Canada non seulement sur le plan politique, mais aussi en termes de valeurs canadiennes.
Cette conception du monde a été délibérément transmise d'un Parlement à l'autre, au point où elle est devenue une politique officielle incontestée au sein de toutes les institutions de l'État. Cela confère à tous ceux qui entrent en fonction une profonde ignorance, car on leur apprend à ne jamais remettre en question la politique qu'ils jurent de défendre. Cela exerce également une pression sur l'ensemble de la société à un moment où l'accaparement des affaires politiques par les pouvoirs de police pose des dangers de plus en plus grands pour les droits du peuple.
C'est pourquoi les élites dirigeantes cherchent des excuses lorsqu'elles sont prises en train d'ovationner des gens comme Yaroslav Hunka au Parlement. Il est difficile de voir comment ceux qui l'ont ovationné, à deux reprises, vont réussir à se justifier quand c'est toute leur conception du monde qui est anticommuniste. Leur refus de moderniser le système politique du Canada les mène à trouver des prétextes pour justifier l'expansion du gouvernement des pouvoirs de police et à poursuivre la répression et la persécution de ceux qui veulent affirmer les droits du peuple, qui s'opposent à la guerre et à l'agression, qui veulent se donner un pouvoir politique et ainsi de suite. Depuis au moins 2016, avec le soutien de tous les partis cartellisés, le gouvernement a préparé le terrain pour faire passer toutes les causes du peuple comme une subversion par une influence étrangère dans les affaires politiques du Canada.
Malgré cela, l'ovation accordée à Yaroslav Hunka a relancé la demande d'éliminer les monuments commémoratifs au Canada qui glorifient des collaborateurs nazis et des criminels de guerre. De plus, différentes organisations ont exigé que le gouvernement rende compte de l'étendue de l'asile donné aux collaborateurs nazis au Canada après la Deuxième Guerre mondiale, notamment en rendant public le rapport complet de la Commission Deschênes de 1986 (officiellement appelée Commission d'enquête sur les criminels de guerre au Canada). Le ministre de l'Immigration, Marc Miller, a tenté d'enlever l'initiative à ces organisations en demandant un rapport « moins caviardé ». Le 27 septembre, il a déclaré que des représentants du gouvernement envisageaient de déclassifier certaines parties du rapport de la commission Deschênes afin de le rendre public sous une forme « moins caviardée ». Il a dit : « Le Canada a une histoire très sombre avec les nazis au Canada. [...] Il y a eu un moment dans notre histoire où il était plus facile d'entrer au Canada en tant que nazi qu'en tant que juif. Je pense que c'est une histoire que nous devons réconcilier. » Il a dit avoir lu deux fois le rapport public de 256 pages de la Commission Deschênes depuis l'ovation du 22 septembre, ajoutant que, ne sachant pas ce que contiennent les documents classifiés du rapport, il ne peut pas encore dire s'il est favorable à leur publication intégrale, mais que le gouvernement « pourrait réexaminer la question [la publication des documents] ».
La Commission Deschênes a été créée en février 1985 « pour enquêter sur la question des criminels de guerre présumés au Canada ». Elle comprenait deux parties, la partie I destinée à être publiée et la partie II « destinée à rester confidentielle », comme l'a dit le commissaire lors de sa présentation au gouvernement en décembre 1986.
L'un des documents connexes qui ont été rendus publics à la suite d'une demande en vertu de la Loi sur l'accès à l'information est un document de recherche produit par Alti Rodal en septembre 1986. Il s'agit d'un rapport de 617 pages lourdement caviardé intitulé Nazi War Criminals in Canada : The Historical and Policy Setting from the 1940's to the Present (Les criminels de guerre nazis au Canada : contexte historique et politique des années 1940 à nos jours). Sa lecture est instructive, car elle permet d'évaluer la conception du monde et l'intention anticommunistes qui ont présidé à l'enquête du gouvernement du Canada et de comprendre pourquoi les résultats obtenus ont permis à la grande majorité des nazis et des collaborateurs nazis qui ont cherché refuge au Canada de s'en tirer à bon compte.
Alti Rodal écrit que l'objectif de son étude était de « fournir un compte rendu précis et relativement détaillé, à partir des archives, des politiques du gouvernement en matière d'immigration, de personnes déplacées/réfugiées et de criminels de guerre, ainsi que du cadre et de l'évolution de ces politiques depuis la Deuxième Guerre mondiale, afin de permettre une meilleure compréhension de la situation actuelle en ce qui concerne les criminels de guerre ». Elle affirme : « Le dossier historique est essentiel à la compréhension et, dans une certaine mesure, à la catharsis. » La création de la Commission Deschênes, dit-elle, « a offert une occasion, qui ne se répétera probablement pas, d'aborder certaines des questions importantes d'une période formatrice de l'histoire du Canada, une période qui vient de s'écouler mais qui continue à jeter une ombre sur la génération actuelle et les générations futures ».
Plus de 35 ans plus tard, de nombreux Canadiens ajouteraient que l'ombre dont parlait Alti Rodal, qui continue de planer « sur la génération actuelle et les générations futures », loin de s'éclaircir, devient plus sombre et plus inquiétante que jamais.
À première vue, un aspect particulièrement accablant de la recherche d'Alti Rodal est la façon dont elle démonte les tentatives du premier ministre Justin Trudeau, de la vice-première ministre Chrystia Freeland et d'une foule d'autres personnes de faire croire que toute cette histoire est une concoction des Russes. C'est le cas, même si différentes personnalités qui demandaient l'admission des collaborateurs nazis ont affirmé à l'époque que l'Union soviétique qualifiait injustement ces collaborateurs de criminels de guerre potentiels.
Dans cette optique, le rapport Rodal souligne l'intégration des apologistes et collaborateurs nazis dans les institutions et organisations canadiennes mises en place pour gérer l'immigration au Canada des personnes déplacées après la Deuxième Guerre mondiale, ainsi que le rôle primordial joué par l'anticommunisme dans les manoeuvres pour faire entrer des collaborateurs nazis au Canada.
Le rôle joué par Alfred Valdmanis en est un exemple. Avant de venir au Canada en 1949, Valdmanis a été l'assistant spécial du président de la Reichsbank, Hjalmar Schact, et est devenu ministre des Finances de la Lettonie sous le gouvernement pronazi d'Ulmanis, où il a aidé à déporter des juifs dans des camps de concentration et à former la Waffen SS lettone commandée par les nazis pour lutter contre l'Union soviétique. Alfred Valdmanis s'est établi au Canada en 1949 et est devenu conseiller du ministère canadien de l'Immigration, à quel titre il a demandé que 20 000 membres de la Waffen SS soient admis au Canada. En 1950, il est devenu directeur général du développement économique de Terre-Neuve, où il a négocié un certain nombre de projets économiques avec des monopoles allemands qui avaient soutenu les nazis, comme Krupp et Hoechst. En 1951, il a été accusé d'être un criminel de guerre, mais il a nié les accusations et n'a jamais été arrêté ou jugé pour crimes de guerre.
Le rapport Rodal comprend une section intitulée « L'histoire de Valdmanis » qui raconte comment « dans une longue présentation à la commission sénatoriale permanente [sur l'immigration] en avril 1949, Valdmanis [...] a plaidé en faveur de l'immigration au Canada de Baltes anticommunistes, et en particulier des membres baltes de la Waffen-SS, qui ont été réhabilités et libérés en décembre 1945 et janvier 1946, parce que, explique-t-elle, ils n'avaient rien à voir avec la SS ».
Il s'agit d'extraits des audiences sénatoriales du 27 avril 1949 au cours desquelles Alfred Valdmanis a plaidé en faveur de l'admission de collaborateurs nazis. Il a commencé par une brève biographie : « Je suis letton et toujours citoyen de ce pays [...] Mon ancien poste en Lettonie était celui de membre du gouvernement de ce pays. J'ai occupé mon poste au gouvernement jusqu'à ce que la Russie soviétique prenne le contrôle des pays baltes et j'ai fait partie des prisonniers russes. Bien sûr, la première chose que ce pays a faite après avoir écrasé les pays baltes a été d'emprisonner l'ancien gouvernement. » Il poursuit : « Les plus jeunes du gouvernement ont été détenus pour un procès spécial. Comme vous vous en souvenez, lorsque la guerre russo-allemande a éclaté, les Allemands ont conquis les pays baltes. La population de la Lettonie et de la Lituanie s'est levée en huit ou neuf jours pour faire face à la situation, puis les Allemands ont pris le pouvoir. Les Allemands ont libéré ceux que les Russes avaient fait prisonniers politiques, dont il se trouve que je faisais partie. »
Le sénateur Turgeon a demandé : « Vous avez été libérés par les Allemands pendant leur occupation ? »
Le Dr Valdmanis a répondu : « Oui. C'est en juillet 1941 que j'ai été libéré par les Allemands quand ils ont pris le contrôle de la Lettonie et de tous les pays baltes. Nous pensions que la libération signifiait une véritable restauration de l'indépendance et de la liberté. En fait, lorsque le maréchal Von Kuchler, le commandant allemand du front de l'Est, a fait sa proclamation, nous avons compris qu'il agissait au nom d'Hitler. Il a annoncé que l'armée allemande venait en libératrice. À cause de cette annonce, la population des pays baltes s'est soulevée contre les Russes. C'est un fait que certains groupes de réfugiés baltes sont qualifiés à tort de 'SS baltes'. À mon avis, ces personnes seraient les meilleurs immigrants pour un pays comme le Canada. »
Alfred Valdmanis poursuit en disant qu'il a besoin d'expliquer aux sénateurs « la situation dans les pays baltes ». « Vous m'excuserez d'utiliser cette expression, mais de 97 à 99 personnes sur 100 ont dit que si le diable revenait de l'enfer pour chasser les Russes, il serait le bienvenu. Ainsi, en juin 1941, un homme s'est levé et a ordonné à son armée d'envahir la Russie soviétique, cet homme était Hitler. Ses armées sont accueillies dans les pays baltes comme des libérateurs, en particulier après que le maréchal Von Kuchler a annoncé qu'elles étaient une armée libératrice. »
Alfred Valdmanis explique aux sénateurs que la population s'est rapidement rendu compte que « les Allemands ne les avaient pas réellement libérés et ne leur avaient pas rendu leur liberté. [...] Nous étions entre les Russes et les Allemands. »
Alti Rodal dit dans son rapport que « l'intérêt pour [l'histoire de Valdmanis] dans ce rapport concerne le rôle important qu'il a joué dans la réinstallation des réfugiés/personnes déplacées à la fois avec l'Organisation internationale pour les réfugiés en Europe et plus tard à Ottawa, ainsi que l'impact qu'il aurait eu sur la perception du public canadien des personnes déplacées/réfugiés ».
Par la suite, Alfred Valdmanis a déclaré aux sénateurs : « En 1945, après l'effondrement de l'Allemagne, j'ai rejoint pendant une courte période le personnel du maréchal [britannique] Montgomery et j'ai travaillé sur des questions concernant les prisonniers de guerre. Ce travail m'intéressait particulièrement, car parmi ces prisonniers de guerre aux mains des Anglais se trouvaient quelque 20 000 jeunes gens baltes, les soi-disant Waffen SS baltes.
« Lorsque cette question a été résolue, le chef d'état-major du maréchal Montgomery a reconnu que ces hommes n'avaient pas été des SS et n'avaient rien à voir avec les SS, et en janvier 1946, ils ont été libérés des camps de prisonniers de guerre allemands et sont devenus de véritables réfugiés et personnes déplacées. J'ai ensuite rejoint l'état-major du général Eisenhower, puis celui du général McNarny et, enfin, celui du général Clay, par l'intermédiaire du maréchal Alexander [...] Plus tard, je suis passé au quartier général américain et j'ai été rattaché à la division des affaires civiles du quartier général du commandement européen des forces américaines, en tant que conseiller pour les questions relatives aux réfugiés et aux personnes déplacées. En septembre 1947, à l'instigation de l'armée américaine, je me suis rendu à Genève pour devenir un cadre supérieur de l'Organisation internationale des réfugiés. »
Parlant de la réglementation canadienne concernant l'admission des SS Waffen telle qu'elle existait à l'époque, le sénateur Wood a demandé à Alfred Valdmanis : « Nous ne les admettons pas ici ? »
Dr Valdmanis : « Non, vous ne les admettez pas. »
Sénateur Wood : « Vous essayez de nous vendre l'idée que nous devrions les admettre, est-ce votre idée ? »
Dr Valdmanis : « Oui, je crois que ces gens sont ceux que vous voulez du point de vue de la politique d'immigration canadienne. Ils sont presque tous célibataires, jeunes et physiquement forts. Ils sont fortement anticommunistes, d'autant plus qu'ils ne peuvent pas retourner dans leur pays parce qu'ils ont combattu les Russes et qu'ils savent comment ceux-ci les traiteraient. [...] Honorables sénateurs, si je peux parler au nom de ces réfugiés et personnes déplacées, je tiens à dire qu'un grand nombre d'entre eux feraient d'excellents citoyens dans votre pays. »
Alti Rodal écrit que Valdmanis était « une cause célèbre » et son profil « gardait les immigrants d'Europe de l'Est sous les yeux du public ». Son rapport parle de l'opposition à Alfred Valdmanis à l'époque : « La presse ethnique polonaise procommuniste a répondu à la présentation de Valdmanis devant le comité sénatorial avec un article affirmant qu'en tant qu'ancien conseiller du président de la Banque d'Allemagne en temps de guerre, Alfred Valdmanis était infecté par le nazisme. »
Alti Rodal écrit que « le comité sénatorial a entendu deux groupes de voix opposées en ce qui concerne les personnes déplacées ukrainiennes. Les porte-paroles ukrainiens et polonais pro-soviétiques ont réitéré la position soviétique selon laquelle les personnes déplacées en Allemagne étaient soit des criminels de guerre ou des collaborateurs, soit des personnes libres de retourner dans leur pays d'origine. Ils critiquent la politique canadienne de préférence ethnique, qui substitue l'immigration de personnes d'une certaine origine religieuse ou politique à une politique d'immigration générale fondée sur les besoins et les perspectives du Canada. 'Nous estimons que ce type d''immigration sélective' est contraire aux traditions démocratiques du Canada et que, dans la mesure où il sert à masquer l'arrivée au Canada des vestiges pronazis en Europe, il est subversif et présente des dangers pour la démocratie et la sécurité du Canada.' »
Voici quelques-unes des conclusions tirées par Alti Rodal dans le résumé de ses recherches :
« Des considérations liées à la guerre froide ont conditionné l'approche des Alliés occidentaux dans les années qui ont suivi la guerre en ce qui concerne les collaborateurs nazis des pays d'Europe de l'Est. En conséquence, nombre d'entre eux ont pu échapper au contrôle et/ou à l'arrestation, soit en raison de l'absence de documentation et d'informations à leur sujet, soit parce que, en tant qu'anticommunistes, ils suscitaient la sympathie de l'Occident.
« Comme aux États-Unis et en Grande-Bretagne, la passion avec laquelle ces personnes professaient un sentiment anticommuniste a été un élément déterminant de la politique et des attitudes, en particulier dans les années 1950, à l'égard des collaborateurs nazis originaires de pays qui, après la guerre, étaient dirigés par des régimes communistes.
« Les anciens collaborateurs nazis qui ont créé au Canada des organisations ou des filiales d'anciens combattants [...] semblent avoir conservé une version atténuée des éléments fascistes et racistes qui caractérisaient leurs idéologies et leurs actions pendant les années de guerre. À l'occasion, ces éléments se manifestent dans les publications en langue étrangère de ces organisations. Dans l'atmosphère canadienne, cependant, leur présentation est généralement celle d'un anticommunisme borné. »
Le travail effectué a permis d'exposer à quel point la lie du nazisme d'après la Deuxième Guerre mondiale a été introduite au Canada et comment elle a servi de soutien à l'intégration du Canada dans l'appareil de guerre de l'OTAN et, à cet égard, les liens mis en évidence montrent que cet anticommunisme est au coeur de nombreux dangers auxquels sont confrontés les Canadiennes et les Canadiens. Le Parti marxiste-léniniste du Canada invite toute personne intéressée à se joindre à participer à ce projet.
Cet article est paru dans
Volume 53 Numéro 24 - Novembre 2023
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