Les demandes de retrait des monuments à la gloire de collaborateurs nazis se multiplient

Le monument à la gloire de la 14e division Waffen-SS au cimetière St. Michael's d'Edmonton a été peint à la bombe en 2021. De plus en plus de voix s'élèvent pour réclamer le retrait de ces monuments.

Il y a plus de six ans, en octobre 2017, l'ambassade de Russie publiait sur son compte Twitter : « Il y a des monuments aux collaborateurs nazis au Canada et personne ne fait rien à ce sujet. » Immédiatement, différents journaux ont déclaré que ce tweet était un exemple de l'utilisation de la désinformation par la Russie pour s'ingérer dans les affaires politiques du Canada. Par exemple, un article du National Post du 25 octobre 2017 au sujet du tweet russe disait : « Certains experts accusent l'ambassade de Russie de semer intentionnellement la discorde et la division, dans le cadre d'une stratégie plus large visant à perturber le processus politique dans les démocraties occidentales. »

Lubomyr Luciuk, professeur au Collège militaire royal du Canada, avait déclaré au National Post : « Nous avons un pays étranger dont les diplomates officiels s'immiscent dans la vie du Canada en essayant de provoquer des dissensions ethniques. » Il a jouté que « tout cela est basé sur des fausses nouvelles ou de la mésinformation, de la désinformation qui a pour but de causer des problèmes. Ce sont des idioties répétées dans des vestiaires, ce sont des murmures, ce n'est pas crédible et pourtant il y a manifestement un intérêt. »

Mais les faits sont têtus. Les Canadiennes et les Canadiens n'ont jamais soutenu ces monuments à la gloire de nazis et de leurs collaborateurs. Comme le gouvernement fédéral s'obstinait à financer un monument à Ottawa glorifiant ces personnes au nom de l'honneur du Canada en tant que terre de refuge pour les victimes du communisme, ils ont tiré leurs propres conclusions. Les demandes d'enlever les monuments nazis ont rapidement commencé à prendre de l'ampleur. En novembre 2019, par exemple, Alberta Jewish News citait Paula Kirman, réalisatrice et journaliste d'Edmonton, qui donnait son avis sur le monument érigé à la mémoire de Roman Shukhevych au Centre de la jeunesse ukrainienne (UYC) de sa ville. « Je n'ai appris l'existence de la statue qu'il y a deux ans, a déclaré Kirman. En tant que résidente juive d'Edmonton, c'est très déconcertant et, idéalement, je pense qu'elle devrait être enlevée. » « À tout le moins, [l'UYC devrait] reconnaître publiquement que Shukhevych était un collaborateur nazi qui a pris part à un génocide, et apposer une plaque expliquant son rôle dans l'Holocauste afin que toute personne qui la voit apprenne la vérité », a-t-elle ajouté.

En juin-juillet 2020, le monument aux collaborateurs nazis d'Oakville a fait parler de lui lorsque les mots « monument de guerre nazi » ont été peints dessus. Le monument, situé au cimetière de St. Volodomyr, rend hommage à l'Organisation des nationalistes ukrainiens, dans la 14e division de grenadiers volontaires de la Waffen-SS (la division Galicie), la même division à laquelle appartenait Yaroslav Hunka.


À gauche : Le mémorial aux collaborateurs nazis de la 1ère division ukrainienne
de l'Armée nationale ukrainienne dans le cimetière ukrainien de St. Volodymyr à Oakville, Ontario, est peint à la bombe, 13 octobre 2023. À droite : Le mémorial a déjà été peint avec les mots « monument de guerre nazi » en juillet 2020.

Particulièrement controversé, l'incident a été qualifié de « crime haineux » par la police régionale de Halton, qui a finalement dû se rétracter face au tollé général. Dans un communiqué daté du 17 juillet 2020, la police a déclaré : « Les informations initiales recueillies par les enquêteurs indiquaient que les graffitis pouvaient être motivés par la haine et viser le groupe identifiable des Ukrainiens en général, ou les membres ukrainiens de ce centre culturel. À aucun moment, [nous] n'avons considéré que le groupe identifiable visé par le graffiti était nazi. Nous regrettons tout préjudice causé par des informations erronées suggérant que le service de police soutient le nazisme de quelque manière que ce soit ». Plus tard, la police s'est sentie obligée de réitérer que les nazis ne sont pas un « groupe identifiable », protégé par la Charte des droits et libertés.

Le 10 août 2020, Insidehalton.com a publié un article intitulé : « 'Disgusted' : Oakville cemetery facing calls to remove what's being called a Nazi monument » (« Dégoutés :. Le cimetière d'Oakville fait face aux appels à enlever ce qui est qualifié de monument aux nazis »). Soulignant que le monument rend hommage à un groupe qui « a combattu avec les Allemands contre l'Union soviétique pendant la Deuxième Guerre mondiale, et qui était composé principalement de volontaires ukrainiens », l'article rapporte que « l'incident [la peinture sur le monument] a provoqué une explosion sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnes se demandaient pourquoi Oakville abrite un monument honorant ceux qui ont combattu avec les nazis. »

Une lettre de protestation adressée par un résident d'Oakville à plusieurs responsables politiques est citée : « Je suis absolument consterné, déçu et franchement dégoûté que non seulement ce monument ait été autorisé à être érigé, mais qu'il soit encore autorisé à rester debout. Cela va à l'encontre de tout ce que le Canada, l'Ontario et Oakville incarnent. Je vous demande instamment de réparer ce tort et de le faire correctement. En autorisant ce monument dans notre communauté, vous dites que le fascisme et l'antisémitisme sont acceptables. »

Des hommes politiques se sont exprimés publiquement pour s'opposer au monument. « Le maire d'Oakville et président du conseil de police de Halton, Rob Burton, a fait une déclaration au sujet du monument, affirmant qu'il l'enlèverait s'il le pouvait. Le maire a déclaré à Insidehalton.com : « Malheureusement, les municipalités n'ont aucun rôle à jouer dans la réglementation du contenu des cimetières privés. »

La députée libérale d'Oakville-Nord-Burlington, Pam Damoff, estime que « le monument rend hommage à ceux qui ont combattu pour les nazis et n'a pas sa place dans la communauté ou dans ce pays. Bien que je comprenne que le gouvernement fédéral ne dispose d'aucun mécanisme juridique pour retirer ce monument, je fais le suivi pour voir si nous avons un recours, a-t-elle affiché sur les réseaux sociaux. J'encourage vivement le cimetière privé à revoir ses politiques et à retirer ce monument. »

La députée provinciale d'Oakville North-Burlington, Effie Triantafilopoulos, s'est également prononcée contre le monument. Elle a fait remarquer que « la loi sur les services funéraires, d'inhumation et de crémation régit les cimetières en Ontario et ne donne pas à la province le pouvoir d'ordonner l'enlèvement des monuments des cimetières privés. »

Le directeur du Congrès ukrainien du Canada, Ihor Michalchyshyn, a déclaré à Insidehalton.com que « les Ukrainiens de la 14e division SS ne se battaient pas tant pour les nazis que contre l'Union soviétique. »

Insidehalton.com a également interrogé un membre du conseil d'administration du cimetière ukrainien de St. Volodymyr, qui a déclaré que bien que le monument se trouve sur la propriété du cimetière, le conseil d'administration n'a « aucun lien avec lui au-delà de cela ». « Le cimetière n'est pas propriétaire du monument, qui a été acheté par des anciens combattants de la division et érigé en 1988. Ces anciens combattants sont tous décédés depuis », a rapporté la publication.

Yaroslav Hunka, l'un des anciens combattants, est en fait toujours en vie, comme le monde entier l'a découvert lors de l'ovation du parlement qui lui a été réservée le 22 septembre. Une fois de plus, les demandes d'enlever les monuments aux collaborateurs nazis dans tout le pays ont été relancées.


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Volume 53 Numéro 24 - Novembre 2023

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