Un coup d'oeil sur le financement du monument anticommuniste
Le monument anticommuniste devait initialement coûter 1,5 million de dollars et être financé par l'organisation privée Tribute to Liberty (Hommage à la liberté). Cependant, les Canadiens n'ont pas soutenu ce projet et la campagne de collecte de fonds a été un échec cuisant. « Le groupe à l'origine d'un monument controversé dédié aux victimes du communisme n'a pas atteint son objectif de collecte de fonds au printemps dernier », rapportait CBC News le 23 décembre 2015.
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« Selon des documents obtenus grâce à la loi sur l'accès à l'information, Tribute to Liberty, les promoteurs du monument aux victimes du communisme, s'est engagé à recueillir 1,26 million de dollars pour sa part du projet de 5,5 millions de dollars dans un accord avec le ministère du Patrimoine canadien.
« Mais à la date limite d'avril 2015 fixée dans cet accord, le groupe a indiqué à un comité directeur qu'il n'avait recueilli que 900 000 dollars.
« 'Nous sommes déçus de constater qu'à ce jour seuls quatre des huit donateurs ayant promis 100 000 dollars chacun ont honoré leur engagement', écrit la trésorière du groupe, Alide Forstmanis, dans un courriel du 22 avril adressé à Lorraine Pierce-Hull, coordinatrice des commémorations et de l'art public au ministère du Patrimoine canadien. »
Le monument a reçu des lettres de soutien du premier ministre Justin Trudeau, de l'ancien premier ministre Stephen Harper, de l'ancienne cheffe du Parti vert Elizabeth May, de l'ancien chef du NPD Tom Mulcair et de l'ancien ministre fédéral de la Justice Irwin Cotler.
Autres lettres de soutien à Tribute to Liberty de (de haut en
bas, de gauche à droite) : Irwin Cotler, Elizabeth May, Stephen
Harper, Thomas Mulcair, Jason Kenney, Wladyslaw Lizon (cliquer
pour agrandir)
Le fait est que cinq ans après le début du projet, en 2013, le gouvernement Harper s'est engagé à y contribuer 1,5 million de dollars, puis 1,5 million de dollars supplémentaires en 2014, pour un total de 3 millions de dollars.
« À la fin de 2014, le budget du projet avait atteint 5,5 millions de dollars, avec une part des contribuables de 4,3 millions de dollars », rapportait CBC News en 2021. En 2022, un porte-parole de la Commission de la capitale nationale (CCN) a déclaré que le coût total estimé du monument était passé à 7,5 millions de dollars. La ministre des Finances d'alors Chrystia Freeland a alloué 4 millions de dollars supplémentaires à Patrimoine canadien dans le budget 2021 « pour soutenir l'achèvement du monument aux victimes du communisme »[1], ce qui signifie que 6 millions des 7,5 millions de dollars ont été contribués par le gouvernement fédéral, tandis que le président de Tribute to Liberty, Ludwik Klimkowski, a déclaré à l'époque que Tribute to Liberty continuerait à solliciter des dons pour le projet. La page web de Patrimoine canadien indique aujourd'hui que la collecte de fonds est terminée.
Le site web de Tribute to Liberty indique qu'il recherche toujours des dons de 1 000 dollars en échange d'une commémoration officielle sur le mur lui-même et sur le site web. Un lien sur le site de l'association intitulé « Faites un don aujourd'hui » mène à PayPal et à un don automatique de 1 000 dollars.
Mais Alide Forstmanis, trésorière de Tribute to Liberty, a déclaré que les dons pour le mur n'étaient plus acceptés et que l'organisation n'acceptait plus que des dons de 200 dollars pour les briques virtuelles.
Ludwik Klimkowski a écrit dans un courriel que la collecte de fonds de Tribute to Liberty était terminée à la fin de l'année 2017 et que tous les fonds nécessaires avaient été transmis à la CCN, qui supervise la construction du monument. Un porte-parole de la CCN a indiqué que Tribute to Liberty avait envoyé 1 million de dollars en 2017 et 500 000 dollars supplémentaires en 2018, et qu'il n'avait pas transféré de fonds supplémentaires.
En plus d'au moins 6 millions de dollars du gouvernement canadien, le monument a reçu un financement substantiel de sources anticommunistes virulentes au pays et à l'étranger. Tribute to Liberty indique que le gouvernement hongrois a versé 121 000 dollars, tandis que les gouvernements de Lettonie, de Croatie, de République tchèque, d'Estonie, de Géorgie, de Taïwan et de Lituanie ont chacun donné entre 25 000 et 50 000 dollars. Quatre familles ont fait cinq dons de 100 000 dollars ou plus. L'ancien premier ministre Stephen Harper a acheté plusieurs briques commémoratives, tout comme l'ancien premier ministre de l'Alberta Jason Kenney, qui a défendu le projet lorsqu'il faisait partie du cabinet de Stephen Harper. La sénatrice Linda Frum figure sur la page des donateurs du monument en tant que donatrice de longue date, ayant engagé plus de 100 000 dollars. Linda Frum et son mari, Howard Sokolowski, ont recueilli 400 000 dollars lors d'une collecte de fonds organisée chez eux. Des organisations qu'on sait qu'elles ont été fondées par des collaborateurs nazis et des criminels de guerre et/ou qui font l'apologie de collaborateurs nazis et de criminels de guerre, se sont également engagées à verser des sommes considérables. Il s'agit notamment de la Latvian Relief Society of Canada, du Congrès des Ukrainiens canadiens (50 000 à 100 000 dollars), de la Fédération nationale lettone du Canada, du bureau national, de la Ligue des Ukrainiens du Canada, du Comité général des Croates unis du Canada et d'autres organisations croates, ainsi que de nombreuses autres organisations.
Le Comité général des Croates unis du Canada a dédié sa contribution à Ante Paveli, le décrivant comme un « docteur en droit ». En tant que chef du parti fasciste Usta ha, Paveli a dirigé le régime fantoche nazi dans la Croatie occupée de l'ex-Yougoslavie, où 32 000 Juifs, 25 000 Roms et 330 000 Serbes ont été assassinés par le régime, tués dans des camps de concentration, des villages rasés, des pogroms et des massacres. La même organisation a acheté une brique dédiée à un haut fonctionnaire de l'Oustacha, Mile Budak, qu'elle a simplement identifié comme un « poète ».
« Les références à Mile Budak et à Ante Paveli ont été retirées du site Web de Tribute to Liberty », écrit CBC News dans un reportage de juillet 2023. « On ne sait pas si les dons ont été restitués; lorsqu'on lui a posé la question, Ludwik Klimkowski, président de Tribute to Liberty, a dit qu'il serait 'prématuré' de commenter. Un autre responsable de l'Oustacha, Ivan Or ani, figure toujours sur le site », ajoute CBC News.
L'Ordre des chevaliers de Vitéz a acheté cinq briques. Parmi les membres de cet ordre figuraient des membres de haut rang du gouvernement fantoche nazi établi en Hongrie à la fin de la guerre, qui a expulsé quelque 437 000 Juifs hongrois. « Il s'agit de la plus grande et la plus expéditive des opérations de déportation de l'Holocauste », selon Laszlo Karsai, professeur d'histoire à l'Université de Szeged, en Hongrie. « Plusieurs dizaines de milliers de membres du Vitéz ont reçu de grandes terres [de] propriétés juives », a-t-il expliqué à CBC News.
La section d'Edmonton de la Ligue des Ukrainiens du Canada a acheté cinq briques virtuelles en l'honneur de Roman Shukhevych. Ce dernier a dirigé l'Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA) pendant la Deuxième Guerre mondiale et a été responsable de la mort de dizaines de milliers de Bélarusses, de Juifs, de Polonais et d'Ukrainiens. Le Congrès des Ukrainiens canadiens, qui a comme organisation membre la Fraternité des vétérans de la première division ukrainienne (Waffen-SS Galicie), a également apporté sa contribution. Il en va de même pour Paul Grod, ancien président du Congrès des Ukrainiens canadiens, qui a accompagné Justin Trudeau et son prédécesseur, le premier ministre conservateur Stephen Harper, lors de leurs voyages en Ukraine, et qui a ouvertement célébré la Waffen-SS Galicie[2].
Orest Steciw, directeur général de la Ligue des Canadiens d'origine ukrainienne, a dit à CBC News que son organisation avait bien parrainé des briques pour le monument, mais qu'il ne pouvait pas nommer les personnes à qui elles étaient dédiées parce qu'il n'était pas directeur général à l'époque.
En 2021, Patrimoine canadien a réagi à l'exposition de dons au nom de collaborateurs nazis et d'auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité en annonçant qu'il examinerait la liste finale des noms figurant sur le monument en consultation avec Tribute to Liberty. Bien que les donateurs soient répertoriés (certains sont anonymes), il n'y a plus de liste des personnes au nom desquelles les dons sont faits sur le site web de Tribute to Liberty.
« Si le Canada commémore Ante Paveli ou Roman Shukhevych, il peut jeter à la poubelle son bilan en matière de droits humains », a déclaré Efraim Zuroff, directeur du Centre Simon Wiesenthal à Jérusalem.
Efraim Zuroff s'est dit alarmé par les efforts déployés pour présenter les collaborateurs nazis de la guerre comme des patriotes anticommunistes.
« Depuis le début de leur indépendance renouvelée, après l'éclatement de l'Union soviétique, presque tous les gouvernements d'Europe de l'Est – et les éléments nationalistes des communautés de la diaspora – ont promu le canard de l'équivalence entre les crimes du Troisième Reich et ceux du communisme, dans le cadre d'un effort plus large pour déformer l'histoire de l'Holocauste et de la Deuxième Guerre mondiale », a-t-il déclaré.
Notes
1. « Victims of communism memorial received donations honouring fascists, Nazi collaborators, according to website », Taylor C. Noakes, CBC News, 23 juillet 2021
2. « Le gouvernement Trudeau est en collusion avec des collaborateurs nazis pour construire le monument anticommuniste », Louis Lang, pccml.ca, 24 juillet 2021
Cet article est paru dans
Volume 53 Numéro 18 - Novembre 2023
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