L'Assemblée générale adopte une résolution de trêve humanitaire
Israël intensifie ses frappes sur Gaza le 27 octobre, alors que
l'ONU adopte
une résolution de trêve humanitaire.
Dans l'après-midi du 27 octobre, l'Assemblée générale de l'ONU, après une session d'urgence de deux jours, a adopté une résolution appelant à « une trêve humanitaire immédiate, durable et soutenue » et exige qu'Israël permette « la livraison immédiate, continue, suffisante et sans entrave » de biens et services essentiels à la population de la bande de Gaza assiégée. Elle appelle aussi à respecter le droit humanitaire international et à la « libération immédiate et inconditionnelle » de tous les civils détenus en captivité. La résolution a été adoptée à 120 voix pour, 14 contre et 45 abstentions, dont le Canada. De tels votes à l'Assemblée générale ne sont pas contraignants mais sont d'une grande autorité morale.
L'ambassadeur d'Israël Gilad Erdan a répondu en attaquant farouchement la décision de l'Assemblée générale, déclarant que le 27 octobre était « un jour d'infamie » et proclamant que l'ONU n'avait plus « une once de légitimité ». Il a poussé l'audace en accusant l'ONU de défendre « la décapitation de bébés », reprenant les mensonges au sujet d'actes dont il a été prouvé que la résistance palestinienne n'est pas responsable.
Avant l'adoption de la résolution, l'ambassadeur du Canada à l'ONU a présenté un amendement, appuyé par les États-Unis, visant à inclure une référence à « l'attaque terroriste du 7 octobre » et le Hamas. Il n'a pas obtenu la majorité des deux tiers des votes des États membres, recevant 88 votes pour, 55 contre et 23 abstentions[1].
ONU Info rapporte : « Dans un puissant discours rejetant l'explication du Canada, l'ambassadeur du Pakistan Munir Akram a dit que si le Canada voulait être équitable dans son amendement il accepterait de nommer Israël autant que le Hamas. Ne nommer aucune partie demeurait le meilleur choix, a-t-il dit, comme le fait la résolution de la Jordanie. 'Israël devrait aussi être nommé, pour être juste et équitable, a-t-il dit. Nous savons tous qui est l'instigateur. C'est le résultat de 50 ans d'occupation par Israël et la tuerie de Palestiniens en toute impunité. Israël ne veut pas faire face à la vérité et à la justice. L'occupation par Israël est le péché originel, et non pas ce qui est arrivé le 7 octobre'. »
La session d'urgence de l'Assemblée générale a été convoquée dans le cadre du mandat « Unis pour la paix », qui habilite l'Assemblée à agir lorsque le Conseil de sécurité est dans l'impasse sur une question cruciale de paix et de sécurité internationales. Le président d'assemblée Dennis Francis a appelé à un cessez-le-feu humanitaire immédiat et inconditionnel et l'ouverture de couloirs d'aide pour sauver des vies. Il a souligné que la plus grande priorité des membres du collectif de l'ONU est de « protéger et de sauver les vies civiles. [...] Toutes les parties à ce conflit doivent respecter le droit international humanitaire et créer immédiatement les conditions nécessaires pour permettre l'ouverture d'un couloir humanitaire vers la bande de Gaza. » Il a salué le travail du personnel de l'ONU à Gaza et a présenté ses condoléances aux familles des membres du personnel de l'UNRWA tués depuis le début de la crise, et dont le nombre était de 57 au 27 octobre.
Une douzaine de représentants parmi les 110 devant prendre la parole sont intervenus le jeudi 26 octobre et d'autres sont intervenus le vendredi. Riyad Mansour, Observateur permanent de l'État de Palestine, a pris la parole en premier avec un puissant appel à arrêter le massacre et à « sauver ceux qui peuvent être sauvés ».
Lorsque le représentant israélien Gilad Erdan est intervenu, il a prétendu que le siège génocidaire de Gaza par Israël et sa guerre contre le Hamas sont justifiés parce qu'il s'agit d'empêcher qu'une telle « dépravation et de telles atrocités [parlant ici de l'opération Déluge al-Aqsa des forces de la résistance palestinienne] ne se reproduisent plus jamais ». Ce qui est arrivé depuis le 7 octobre « n'a rien à voir » avec les Palestiniens, le conflit arabo-israélien ou la question palestinienne, a-t-il dit. Selon lui, c'est une guerre de la « démocratie d'Israël respectueuse de la loi contre les Nazis d'aujourd'hui ». Il a montré des scènes sur sa tablette qu'il disait être la preuve des décapitations, tentant de légitimer l'objectif d'Israël, qui est de « complètement éradiquer les capacités du Hamas et nous prendrons tous les moyens à notre disposition pour y arriver ».
Riyad Mansour lui a répliqué : « Vous parlez ainsi alors
que des familles sont tuées, des hôpitaux sont fermés, des
quartiers sont détruits, des gens fuient d'un endroit à un autre
sans pouvoir trouver un refuge sécuritaire ». Parlant des
centaines de Palestiniens tués tous les jours, il a dit que rien
ne pouvait justifier ces crimes de guerre et ces crimes contre
l'humanité. « Pourquoi ne voyez-vous pas l'urgence de mettre fin
aux tueries ? », a-t-il demandé. « Vous nous faites
reculer de 80 ans en tentant de justifier ce qu'Israël fait
présentement. » La réponse à la mort d'Israéliens et de
Palestiniens n'est pas de tuer à nouveau, a-t-il poursuivi,
demandant aux pays membres de l'ONU de défendre les principes de
l'ONU et de préserver les générations futures du fléau de la
guerre. « Votez pour arrêter ce massacre, votez pour arrêter
cette folie, a-t-il imploré. Optez pour la justice, non pour la
vengeance. Optez pour la paix, et non pour de nouvelles guerres.
Votez pour mettre fin à près de trois semaines du pire exemple
de la politique de deux poids, deux mesures que nous n'avons
jamais vue depuis des décennies. Ne manquez pas cette occasion.
Des vies en dépendent. De grâce, sauvez des vies, sauvez des
vies, sauvez des vies. »
Le représentant de la Mauritanie, s'exprimant au nom de l'Organisation de la coopération islamique, a dit que l'absence de consensus moral, juridique ou politique n'a fait qu'encourager la puissance occupante à poursuivre en toute impunité sa politique illégale de colonisation et d'annexion. Il a évoqué le blocus imposé par Israël depuis des années, les déplacements forcés de civils palestiniens, le nettoyage ethnique systématique, les actes de terrorisme organisés et la profanation de lieux saints, notamment la mosquée Al-Aqsa de Jérusalem. Il a ajouté qu'Israël persiste à nier la violation du droit inaliénable d'un peuple à l'autodétermination et à l'indépendance. Il faut mettre fin à cette situation inacceptable, a-t-il conclu.
Le ministre iranien des Affaires étrangères a déclaré que depuis trois semaines, la communauté internationale est témoin du « crime de guerre et du génocide commis par le régime d'occupation israélien à Gaza et en Cisjordanie de la Palestine ». Il a ajouté que les États-Unis et plusieurs pays européens s'étaient rangés du côté d'Israël et avaient qualifié le mouvement de libération palestinien de « terroristes ». Il a ajouté : « C'est malheureusement l'état de notre monde aujourd'hui. C'est là où en est le Conseil de sécurité, qui était censé essayer d'établir la paix et la sécurité dans le monde. » Il a appelé les États-Unis à oeuvrer pour la paix et la sécurité et non pour la guerre contre des personnes, des femmes et des enfants : « Au lieu d'envoyer des roquettes, des chars et des bombes, qui seront utilisés contre Gaza, les États-Unis devraient cesser de soutenir le génocide à Gaza et en Palestine. » Il a également lancé un avertissement aux États-Unis et à Israël. « Je dis franchement aux hommes d'État américains qui gèrent actuellement le génocide en Palestine que nous ne sommes pas favorables à l'expansion de la guerre dans la région, mais je préviens que si le génocide à Gaza se poursuit, ils ne seront pas épargnés par ce feu. »
Le vice-premier ministre jordanien, s'exprimant au nom du Groupe arabe, a déclaré : « Nous devons défendre la paix, nos valeurs humaines et la Charte des Nations unies ». « L'histoire nous jugera. Dites non à la guerre. Dites non aux massacres. Dénoncez les crimes de guerre. Alors que les massacres se poursuivent, le gouvernement israélien compte des membres de cabinet qui appellent à 'effacer les Palestiniens de la surface de la Terre'. Israël fait de Gaza un enfer sur terre. Le traumatisme hantera les générations à venir. » Israël doit défendre des valeurs, a-t-il dit. « Le droit à l'autodéfense n'est pas un droit à l'impunité; Israël ne peut rester au-dessus de la loi. Que les armes se taisent et que la volonté de vivre et de laisser vivre l'emporte. Rétablissons la foi dans le processus de paix, seul moyen de mettre un terme à ce conflit une fois pour toutes. »
Le représentant jordanien a dit au sujet de la résolution rédigée par la Jordanie au nom du Groupe arabe : « Votez en sa faveur, prenez position. Poussons un cri collectif, un cri contre une nouvelle effusion de sang. Unissons-nous pour la paix. Prenons position pour la paix, prenons position pour la vie, soyons clairs, soyons fermes. ». Il a demandé un moment de silence pour tous les civils et les innocents qui ont péri au cours de cette guerre.
Joaquin Alberto Pérez Ayestaran, ambassadeur et représentant permanent adjoint du Venezuela, qui s'est également exprimé au nom du Groupe d'amis pour la défense de la Charte des Nations unies, a été le premier à prendre la parole le deuxième jour. Il a appelé à l'arrêt de la « rhétorique incendiaire », à un cessez-le-feu immédiat et à l'arrêt de toutes les hostilités dirigées contre les civils et les infrastructures civiles, y compris les hôpitaux, les centres de réfugiés et les entrepôts de nourriture.
Sergio França Danese, représentant permanent du Brésil et président du Conseil de sécurité pour le mois d'octobre, s'est félicité de la tenue de cette session d'urgence après que le Conseil de sécurité n'ait pu adopter aucun des quatre projets de résolution sur la crise. Il a approuvé la résolution de la Jordanie, la jugeant « solidement ancrée » dans le droit humanitaire international et les droits humains et « fondamentalement attachée à l'impératif humanitaire ».
La Turquie, qui a corédigé la résolution jordanienne, a déclaré que la paix ne sera pas possible tant que continueront d'être niées les aspirations des Palestiniens à la liberté, à la dignité et à la création d'un État.
L'Arabie saoudite a déclaré qu'en plus de créer une catastrophe humanitaire, les massacres et les destructions dans la bande de Gaza ont des conséquences et des répercussions désastreuses pour la sécurité de la région et du monde. « Nous avons clairement condamné le fait que des civils soient pris pour cible par quelque partie que ce soit, nous avons appelé à un cessez-le-feu, à l'arrêt de l'effusion de sang, à la levée immédiate du siège, à la libération des otages et à la fourniture d'une aide humanitaire et d'un soutien aux personnes touchées », a-t-il dit. « Nous avons également condamné les tentatives de déplacement forcé et les politiques de punition collective à l'encontre de la population de Gaza, y compris la tactique d'affamer des civils en tant qu'arme de guerre. »
« Trop c'est trop ! », a déclaré le représentant permanent de l'Égypte Oussama Mahmoud Abdelkhalek. Le silence sur les droits fondamentaux des Palestiniens sous le feu de l'ennemi à Gaza « n'est plus une option ». Il a dit que la même norme doit s'appliquer à tous, y compris aux Palestiniens, et qu'il ne fallait pas qu'il y ait deux poids deux mesures. « Nous ne pouvons plus supporter ce qui arrive aux Palestiniens », a-t-il ajouté. Il a dénoncé la politique consistant à assiéger et à affamer les civils de la bande de Gaza, affirmant que la privation d'eau n'a « pas sa place au XXIe siècle. Ces pratiques rappellent celles du Moyen-Âge. » Il a appelé l'Assemblée à exiger que l'aide soit acheminée à Gaza « sans aucune condition », ajoutant que dans le cas échéant, cela signifierait « une condamnation à mort pour la population de Gaza ». Le déplacement des habitants de Gaza, pour la troisième fois dans l'histoire, doit être « catégoriquement rejeté », a-t-il ajouté.
Le représentant permanent du Qatar auprès des Nations unies a exprimé « notre rejet sans équivoque du siège imposé par Israël, la puissance occupante », qui prive 2,3 millions de personnes, dont la moitié sont des enfants, de leurs besoins essentiels.
L'Union européenne est prête à contribuer à la reprise du processus politique sur la base d'une solution à deux États et soutient la tenue d'une conférence de paix internationale dès que possible, a déclaré son porte-parole.
Brian Wallace, représentant permanent de la Jamaïque, qui s'est exprimé au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), a dit que « si nous ne mettons pas immédiatement fin au conflit, celui-ci pourrait dégénérer en une guerre régionale de plus grande ampleur ». Il s'est inquiété des implications pour la stabilité internationale, avec des conséquences dévastatrices, en particulier pour les petits États insulaires vulnérables tels que ceux de la CARICOM, qui « luttent déjà pour surmonter des défis à multiples facettes ». Il a ajouté : « Reconnaissons une fois pour toutes la futilité absolue de la guerre, de la violence et de la terreur. »
Résultats du vote à l'Assemblée générale de l'ONU sur la
résolution relative à la trêve humanitaire (cliquez pour
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Note
1. Représenté par l'ambassadeur Bob Rae, le Canada a tenté d'amender la résolution jordanienne de manière à nier le droit à la résistance d'un peuple occupé et à accréditer la thèse israélienne selon laquelle le conflit actuel a été déclenché par un acte de terrorisme et non par la brutalité du projet sioniste génocidaire qui a débuté en 1948 avec la création d'Israël et la dépossession du peuple palestinien. Bob Rae a dit que le Canada ne pouvait pas appuyer le texte actuel et que l'Assemblée ne pouvait pas se prononcer sans reconnaître les événements du 7 octobre comme des « attaques terroristes ». Si l'amendement proposé n'est pas adopté, l'Assemblée n'aura pas reconnu l'une des pires attaques terroristes au monde et « nous devrons tous vivre avec cet échec alors que la tragédie continue de se dérouler », a-t-il dit.
Cet article est paru dans
Volume 53 Numéro 15 - Octobre 2023
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