Rassemblement sur la colline du Parlement à l'ouverture de la session d'automne
Des centaines de personnes se sont rassemblées sur la colline du Parlement à Ottawa le lundi 18 septembre, afin de rendre hommage aux femmes, aux filles et aux personnes bispirituelles autochtones assassinées et disparues, et pour exiger que les deux décharges de Winnipeg soient fouillés afin de ramener chez elles les quatre soeurs par l'esprit. Il s'agit de Morgan Harris, Marcedes Myran, Tanya Nepinak et une femme qui n'a pas encore été identifiée et qu'on a appelée Mashkode Bizhiki'ikwe [femme bison].
Cambria, la fille de Morgan Harris, a bien décrit le problème. « C'est un triste constat lorsque nous devons ainsi nous rassembler pour faire entendre nos voix sur une question aussi fondamentale que la dignité humaine », a-t-elle dit.
Cambria et les membres de la famille de Marcedes Myran ainsi que Cathy Merrick, grande cheffe du Manitoba de l'Assemblée des chefs du Manitoba, Kyra Wilson, cheffe de la Première Nation de Long Plain, et d'autres, ont été invitées à rencontrer le ministre des Relations Couronne-Autochtones le 18 septembre. Cambria n'a pas apprécié la rencontre, soulignant qu'en plus d'être retraumatisées, elles ont été informées que d'autres questions sur la faisabilité de la fouille devaient être répondues avant que quoi que ce soit puisse être fait.. Lorsqu'elles ont demandé de quelles questions il s'agissait, le ministre n'a pas répondu.
Le gouvernement du Manitoba refuse de payer pour la fouille, évoquant des questions de sécurité. On a demandé des « études de faisabilité » aux Assemblées et l'Assemblée des chefs du Manitoba en ont fournies. La réponse de Cambria a mis en relief la brutalité du gouvernement qui ne bouge pas sous prétexte de respecter la procédure. Elle a dit : « Nulle part au Canada, aux États-Unis ou ailleurs dans le monde une famille doit-elle fournir une étude de faisabilité pour prouver que leur être cher vaut la peine d'être trouvé. »
« Chaque niveau de gouvernement, pas seulement au provincial, mais au fédéral et au municipal, a un rôle à jouer pour retrouver ces femmes. Les droits issus des traités de ma mère sont bafoués. Elle a besoin d'une sépulture digne, d'une cérémonie convenable. Elle est coincée entre le monde d'ici-bas et le monde des esprits parce qu'elle n'a eu une sépulture digne », a dit Cambria. « Pourquoi tous les niveaux de gouvernements se traînent-ils les pieds, se pointant du doigt parce qu'ils ne peuvent pas trouver le moyen de fouiller les décharges. Nous savons comment, nous avons fait des études de faisabilité, nous avons prouvé que ma mère vaut qu'on la cherche. Si le gouvernement ne veut pas le faire, alors la communauté ira de l'avant et nous retrouverons nos êtres chers », a-t-elle dit.
« Abandonner des femmes autochtones dans une décharge crée un précédent dans le sens que si un de nos membres disparaît, on ne pensera pas une seconde à les retrouver », a dit Cambria. « Cela renforce la normalisation du génocide autochtone. Ce n'est pas un problème purement autochtone, c'est un problème qui concerne tous les Canadiens », a-t-elle conclu.
Cambria ainsi que d'autres membres de la communauté ont monté le campement Morgan en décembre 2022 près de la décharge de Brady pour exiger qu'il soit fouillé. Le 18 septembre, le camp en était à son 274e jour. En juillet, ils ont monté un deuxième campement, le campement Marcedes, près du Musée canadien pour les droits de la personne.
La tante de Morgan Harris, Melissa Robinson, a dit : «
Nous n'accepterons pas qu'on nous dise non, nous allons
continuer de nous battre et de défendre toutes nos femmes
partout sur l'Île de la Tortue. Toutes les décharges seront
fouillées et elles vont toutes revenir à la maison. Même après
leur mort, nous ne pouvons refuser cela à nos femmes. Elles
méritent cette dignité, une sépulture digne. Je ne mourrai pas
en sachant qu'un membre de la famille, ma jeune cousine Morgan,
est couchée dans une décharge. Si c'est nous qui devons faire le
travail, alors nous le ferons. Comme l'a dit ma nièce Cambria,
donnez-nous les pelles, nous irons, nous le ferons, nous les
ramènerons à la maison. »
Chaque oratrice a parlé avec son coeur, soulignant que c'était une question qui concernait tout le corps politique canadien. Pendant qu'elles parlaient, les édifices du parlement se dressaient lugubrement, menaçants même, en arrière-plan. Il était difficile d'imaginer que la première journée de la session d'automne avait lieu à l'intérieur, et qu'une question envers laquelle le gouvernement s'était engagé, les femmes et les filles autochtones assassinées et disparues, n'était pas à l'ordre du jour.
L'automne dernier, tous les partis au parlement auraient pu saisir un moment historique en adoptant une motion voulant que les députés ne prêtent plus allégeance au roi d'Angleterre, le symbole même du racisme colonial britannique et des actes génocidaires contre les nations autochtones. Les libéraux et les conservateurs en particulier ont été les plus véhéments à s'opposer à la motion, disant qu'ils avaient des priorités plus immédiates et que l'ordre constitutionnel était ce qu'il y avait de plus important à préserver. Ils ont catégoriquement refusé de discuter des préoccupations du peuple tout en dissimulant leur complicité à perpétuer un ordre colonial qui permet de telles atrocités où des femmes et des filles sont tuées et jetées dans des décharges.
Les Canadiens de tout horizon exigent que justice soit faite pour les familles des femmes, des filles et des personnes bispirituelles assassinées et disparues.
Cela peut se faire !
Fouillez les décharges !
(Photos : LML, Peace Brigades International, L. Gazan, D. Deby, B. Hendry)
Cet article est paru dans
Volume 53
Numéro 8 - Octobre 2023
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