Vigile du troisième anniversaire

Se souvenir de Joyce Echaquan



Le 28 septembre a marqué le troisième anniversaire de la mort de Joyce Echaquan décédée dans un hôpital de Joliette, au Québec, en partie à la suite des remarques racistes ayant entraîné un manque de soins médicaux. Joyce était de la communauté Atikamekw de Manawan

Des actions ont été organisées à travers le Québec pour commémorer sa mort, notamment par sa communauté à Manawan, ainsi qu'à Québec, Trois-Rivières et Montréal, entre autres.

L'action de Montréal a pris la forme d'une vigile organisée par le Collectif Soignons la justice sociale en collaboration avec le Bureau du principe de Joyce, à la Place du Canada. Plus d'une centaine de personnes y ont participé.

La Dr Nazila Bettache, chercheuse clinique et membre du Collectif, était la modératrice de la soirée. Elle a souligné que Joyce « a laissé un souvenir. Son geste, son legs ont inspiré des mouvements pour l'égalité dans les soins de santé autochtones, pour la sécurisation culturelle, le Principe de Joyce[1], et ont mobilisé des personnes, des institutions, des communautés entières, et sa voix continue de résonner en nous ». En tant que prestataires de soins de santé au sein du collectif, a-t-elle ajouté, « nous estimons qu'il est de notre devoir et de notre responsabilité d'agir chaque jour pour dénoncer le racisme dans les soins de santé ».

Leilani Shaw, Mohawk de Kahnawake et directrice générale par intérim du Réseau de la communauté autochtone à Montréal a présenté le travail de son organisation, qui « englobe divers aspects du bien-être autochtone », en mettant l'accent sur la sécurité de l'accès aux services de santé.

Une étude menée par son organisation en 2012 sur les besoins en matière de santé des populations autochtones urbaines, a-t-elle expliqué, « a révélé des résultats stressants mais non surprenants », notamment que « les membres des communautés autochtones sont confrontés à une discrimination fondée sur leur origine, leur classe sociale et leur langue lorsqu'ils cherchent à obtenir des services de santé ». Cette situation, a-t-elle ajouté, « empêche de nombreuses personnes d'obtenir les soins dont elles ont désespérément besoin ». Les soins de santé mentale et la toxicomanie sont des préoccupations majeures », tout comme le « manque de sensibilité culturelle », de nombreuses personnes aspirant « à des services de guérison traditionnels », que les barrières rendent inaccessibles.

Son organisation a entrepris une deuxième étude récente, « un plan communautaire très complet » axé sur « la sécurité, le bien-être et l'appartenance » des peuples autochtones « à travers le prisme [de] la jeunesse autochtone et avec elle ». « Trouver un foyer et un sentiment d'appartenance dans ce paysage urbain est vital pour notre bien-être et notre survie. Nous devons nous sentir chez nous non seulement sur cette terre, mais aussi au sein des institutions qui devraient répondre à nos besoins fondamentaux. C'est pourquoi Joyce est si importante . »

Leilani Shaw ajoute que la détermination de Joyce « a conduit à des appels à la sensibilité culturelle, à des changements de politique, à une représentation accrue des autochtones et à la responsabilisation au sein du système de santé ».

En 2020, le réseau « est devenu un partenaire et un président du Cercle consultatif de la santé autochtone de Montréal, où nous préconisons des changements dans le système » « pour commencer à transformer le système qui a historiquement nui à notre peuple ». Ses priorités sont de « continuer à développer de nouvelles pratiques en matière de soins de santé holistiques et culturellement sécuritaires, de traitement de la toxicomanie et de logement social ».

Mathieu Robertson, un Atikamekw et un « navigateur » de Médecins du monde qui travaille dans la rue avec les sans-abri, a déclaré qu'il est souvent appelé à marcher dans les couloirs des hôpitaux et à voir les traumatismes de près. Il a ajouté qu'il avait été « très touché » par l'histoire de Joyce, qui « a mis en lumière la nécessité pour les autochtones de participer aux soins ».

Le travail de navigation, a-t-il expliqué, « consiste à accompagner les sans-abri autochtones dans les soins de santé, en veillant à ce qu'ils reçoivent des soins sécuritaires », ce qui, a-t-il souligné, « va bien au-delà de la simple profession médicale » et « commence par l'accompagnement, en même temps que les soins. C'est un ensemble que nous essayons de prendre en compte ». Il s'est dit privilégié de travailler avec des organisations autochtones partenaires « qui oeuvrent pour la communauté, pour les personnes les plus vulnérables », aux côtés « d'alliés au sein du système. Sans eux, notre travail serait beaucoup plus difficile ».

Lucie-Catherine Ouimet, infirmière praticienne en soins primaires de Mitchikanibikok Inik [Première nation algonquine du lac Barrière, aujourd'hui appelée Rapid Lake], a expliqué qu'elle travaillait avec Médecins du monde et le Native Friendship Centre, toute l'équipe de navigateurs autochtones, la clinique mobile ainsi que de nombreux autres collaborateurs et organisations. Cette collaboration, a-t-elle expliqué, « crée un environnement sûr et moins stressant, beaucoup plus adapté [...] à la réalité de nos frères et soeurs qui vivent dans la rue ».

« Ce que j'essaie de faire en tant que professionnelle de la santé, c'est d'intégrer nos connaissances traditionnelles, notre héritage ancestral qui est tout aussi valable.

« Bien qu'il y ait encore du chemin à parcourir, il y a un élan que nous devons essayer de ne pas arrêter et je pense qu'il est essentiel de reconnaître qu'il y a d'autres façons d'envisager la santé, à travers ses aspects émotionnels, spirituels, physiques et cognitifs. »

Note

1. « Le Principe de Joyce vise à garantir à tous les Autochtones un droit d'accès équitable, sans aucune discrimination, à tous les services sociaux et de santé, ainsi que le droit de jouir du meilleur état possible de santé physique, mentale, émotionnelle et spirituelle.


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Volume 53 Numéro 8 - Octobre 2023

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