Notes historiques sur les organisations «nationalistes» en Ukraine occidentale
Après la victoire de la Grande Révolution d'Octobre, les
forces contre-révolutionnaires d'Ukraine occidentale se sont
jointes aux forces de l'impérialisme et de la réaction dans leur
combat contre le Nouveau. L'Ukraine occidentale faisait partie
de l'Empire austro-hongrois. De 1917 jusqu'à l'effondrement de
l'Union soviétique, les « nationalistes ukrainiens » basés
en Ukraine occidentale et, plus tard, à partir de leurs bases en
Europe, au Canada et aux États-Unis, ont agressivement combattu
la Révolution d'Octobre et oeuvré au démembrement de l'Union
soviétique. Ces forces ont occupé Kiev et se sont déclarées «
gouvernement suprême », ou Rada, de la République nationale
ukrainienne. Le 25 décembre 1917, le congrès panukrainien de
l'Ukraine soviétique a déclaré la Rada illégale. Après d'autres
tentatives de courte durée pour établir son gouvernement en
Galicie (Ukraine occidentale), la Galicie orientale fut placée
sous le contrôle militaire de la Pologne par le Conseil suprême
des quatre puissances. La guerre polono-ukrainienne s'ensuivit
en juillet 1919.
Guerre civile en Union soviétique et Rada ukrainienne
La guerre civile soviétique fut une guerre des ouvriers et des paysans des nations de l'Union soviétique contre les ennemis intérieurs et extérieurs du pouvoir soviétique. Après la Grande Révolution d'Octobre, des troupes de Grande-Bretagne, de France, du Japon et des États-Unis débarquèrent en Union soviétique sans déclarer la guerre. L'Allemagne avait signé un traité de paix avec la Russie et, bien qu'elle ne participa pas ouvertement à cette intervention, elle signa un « traité » avec la Rada ukrainienne et fit entrer des troupes allemandes en Ukraine, en Géorgie et en Azerbaïdjan. La défaite de l'Allemagne en 1918 marquait le début d'une nouvelle période au cours de laquelle la nouvelle Union soviétique pouvait désormais mener ouvertement une lutte militaire et politique pour libérer l'Estonie, la Lituanie, la Lettonie, la Biélorussie, l'Ukraine et la Transcaucasie du joug de l'impérialisme allemand.
En 1920, la Pologne et le directoire ukrainien dirigé par Simon
Petliura signent un traité d'alliance contre l'Union soviétique.
Petliura accepte d'abandonner ses prétentions à la Volhynie et à
la Galicie orientale pour combiner les forces contre l'Union
soviétique. C'est la catastrophe pour les forces réactionnaires
et l'armée polonaise qui sont repoussée aux portes de Varsovie
par l'Armée rouge.
La noblesse polonaise attaque l'Union soviétique; campagne du général Wrangel; échec du plan polonais; déroute de Wrangel; fin de l'intervention
Dans le Précis d'histoire du Parti communiste d'Union soviétique (bolchévik), on lit à propos des événements de 1920 :
« Malgré l'écrasement de Koltchak et de Dénikine, et bien que le pays des Soviets étendît de plus en plus ses dimensions en libérant des blancs et des envahisseurs le territoire du Nord, le Turkestan, la Sibérie, le Don, l'Ukraine, etc.; bien que l'Entente eût été obligée de lever le blocus de la Russie, les États de l'Entente se refusaient néanmoins à accepter l'idée que le pouvoir des Soviets s'était montré imbattable et qu'il demeurait victorieux. Aussi décidèrent-ils de tenter une nouvelle intervention contre lui. Cette fois, les envahisseurs vont utiliser d'une part Pilsudski, nationaliste contre-révolutionnaire bourgeois, chef effectif de l'État polonais, et d'autre part le général Wrangel, qui avait rassemblé en Crimée les débris de l'armée de Dénikine et de là, menaçait le bassin du Donetz, l'Ukraine.
« Selon le mot de Lénine, la Pologne des hobereaux et Wrangel étaient comme les deux mains de l'impérialisme international, qui tentaient d'étrangler le pays des Soviets.
« Les polonais avaient leur plan : s'emparer de l'Ukraine soviétique rive-droite du Dniepr, s'emparer de la Biélorussie soviétique, rétablir dans ces régions le pouvoir des hobereaux polonais, étendre les limites de l'État polonais 'd'une mer à l'autre', de Dantzig à Odessa, et pour le concours que leur prêtait Wrangel, aider celui-ci à battre l'Armée rouge et à rétablir dans la Russie soviétique le pouvoir des grands propriétaires fonciers et des capitalistes.
« Ce plan fût approuvé par les États de l'Entente[1]. »
En avril, la Pologne envahit l'Ukraine soviétique et s'empara de Kiev. La contre-offensive de l'Armée rouge permit de reprendre Kiev et les seigneurs de la guerre polonais furent chassés d'Ukraine et de Biélorussie. « En riposte à l'attaque de l'armée polonaise, les armées rouges du front sud atteignirent dans leur élan les portes de Lvov en Galicie, tandis que l'armée du front ouest approchait de Varsovie. L'armée des hobereaux polonais allait être battue à plate couture[2]. »
Malgré cela, les actions et les ordres catastrophiques de Léon Trotski conduisent au retrait des troupes soviétiques. Si la noblesse polonaise est contrainte d'abandonner ses prétentions à l'Ukraine à l'ouest du Dniepr et à la Biélorussie, la Pologne conserve la Galicie et une partie de la Biélorussie par le traité de Riga signé le 20 octobre 1920.
C'est à cette époque que s'établissent les liens entre les services de renseignements allemands, le parti nazi et les « nationalistes » ukrainiens, lorsque Jary, le second du colonel Andrij Melnyk et plus tard agent de liaison à Berlin pour la faction OUN-Bandera, entre en contact avec des nazis de premier plan, dont Alfred Rosenberg et Herman Göring. (Alfred Rosenberg, condamné à Nuremberg et pendu comme criminel de guerre, était un important idéologue nazi qui a servi comme ministre du Reich pour les territoires allemands occupés. Göring, également condamné à mort par pendaison en tant que criminel de guerre à Nuremberg, était le commandant de la Luftwaffe et le successeur désigné d'Hitler.)
En 1922 commence une campagne terroriste contre la Pologne (la
Deuxième République). L'armée et les services de renseignement
allemands forment les membres des forces nationalistes
ukrainiennes à l'espionnage avant leur recrutement dans l'armée
polonaise. L'Allemagne continue d'offrir une formation
militaire, avec une école d'officiers à Gdansk qui a diplômé 110
membres actifs de l'Organisation militaire ukrainienne (UVO).
Chronologie de l'Association des nationalistes ukrainiens
En 1928, les organisations fascistes ukrainiennes font leur apparition en Italie, en Tchécoslovaquie, en Allemagne et en Galicie. L'Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) est fondée à Vienne en 1929 par la fusion de l'UVO et de plusieurs associations d'étudiants nationalistes – le Groupe de la jeunesse nationale ukrainienne, la Ligue des nationalistes ukrainiens et l'Union de la jeunesse nationaliste ukrainienne. L'UVO devient la branche militaire de l'OUN.
Dans l'entre-deux-guerres, l'OUN se livre à des attentats terroristes, notamment l'assassinat de personnalités politiques, de fonctionnaires de l'État et d'adversaires au sein de la population ukrainienne. Elle commet aussi des actes de sabotage. Des fonctionnaires du gouvernement et de l'État polonais ainsi que l'attaché du consulat soviétique à Lvv figurent parmi les personnes assassinées. En 1934, ses principaux militants sont arrêtés, notamment Stepan Bandera, chef de l'exécutif territorial d'Ukraine occidentale. Sa condamnation à mort a été commuée en prison à vie et Bandera et d'autres dirigeants sont restés en prison jusqu'au début de la Deuxième Guerre mondiale. Ils sont libérés lorsque l'Allemagne envahit la Pologne en 1939.
Andrij Melnyk devient le chef de l'OUN lors de son deuxième
congrès convoqué à Rome en 1939 sous la protection de Mussolini.
Entre 1939 et 1941, les factions de l'OUN se font littéralement
la guerre pour le pouvoir et se divisent en deux groupes :
l'OUN-M, dirigée par Andrij Melnyk, et l'OUN-B, dirigée par
Stepan Bandera. En 1940, les deux factions rencontrent Hans
Frank (un nazi de haut rang qui sera condamné à mort aux procès
de Nuremberg) et jurent fidélité au Troisième Reich.
L'OUN sous l'occupation allemande
L'OUN participe activement aux préparatifs de guerre contre l'Union soviétique et est utilisée par les services de renseignements militaires allemands. À la suite du pacte de non-agression germano-soviétique, les Allemands accueillent l'OUN au sein du gouvernement général sous occupation allemande, puis commencent à les recruter comme saboteurs, interprètes et policiers, établissant à cette fin un camp d'entraînement près de Cracovie. Au printemps 1941, la Wehrmacht établit également deux bataillons ukrainiens avec l'accord des bandéristes, l'un sous le nom de code « Nightingale » (Nachtigall) et l'autre sous le nom de code « Roland ».
L'OUN se charge d'accueillir les forces d'occupation allemandes à Lviv, qu'elle salue comme des « libérateurs », et exécute les premiers pogroms contre les Juifs en Ukraine occidentale. Les dirigeants de l'OUN ont l'idée grandiose de devenir les dirigeants d'une Ukraine unie comprenant l'Ukraine soviétique et l'Ukraine occidentale, qu'ils conçoivent comme faisant partie du nouvel ordre fasciste en Europe. À cette fin, le lendemain de l'invasion allemande de l'Union soviétique, l'OUN-Bandera déclare un État ukrainien indépendant à Lviv. L'« Ukraine indépendante » de l'OUN devait être un territoire ethniquement purifié, où tous les habitants non ukrainiens devaient être soit chassés, soit tués. Ils adopteront le slogan : « Vive l'Ukraine indépendante sans Juifs, Polonais et Allemands; les Polonais derrière le fleuve San, les Allemands à Berlin et les Juifs à la potence. »
L'Allemagne nazie ne s'intéresse pas à l'État ukrainien indépendant proclamé par l'OUN. Dans ce choc de deux objectifs fascistes, la mégalomanie des dirigeants de l'OUN ne peut être tolérée. Pour l'Allemagne nazie, l'Ukraine occidentale n'est pas seulement une source de produits agricoles, de matières premières et de main-d'oeuvre servile, mais aussi un « lebensraum » (espace vital) dans une « Grande Allemagne », et des colons allemands sont envoyés pour coloniser la Volynie.
Toutes les factions de l'OUN considèrent que la victoire du
fascisme est nécessaire à l'établissement de l'État ukrainien.
Cependant, tout en continuant à jurer allégeance à Hitler, elles
maintiennent leurs revendications d'un État ukrainien
indépendant. Pour leur impertinence, Stepan Bandera et d'autres
dirigeants de l'OUN sont assignés à résidence, puis envoyés à
Zellenbau, une section du camp de concentration de Sachsenhausen
où sont emprisonnées des personnalités politiques, dont le
chancelier d'Autriche. D'autres dirigeants sont emprisonnés et
leurs forces placées sous le commandement direct des Allemands,
tandis que les dirigeants sont gardés en réserve jusqu'à ce que
l'on ait à nouveau besoin d'eux. Le besoin se présente après
Stalingrad, lorsque le vent de la guerre tourne. Pendant la
période d'emprisonnement des dirigeants de l'OUN, les forces de
l'OUN ont été organisées en unités de police et en formations
militaires sous le commandement direct des Allemands. À aucun
moment de leur détention les dirigeants de l'OUN ont-ils demandé
à leurs partisans de cesser de servir l'Allemagne nazie. Mykola
Lebed, qui a échappé à l'arrestation, devient le chef de facto
de l'OUN-B et, en 1942, il forme l'Armée insurrectionnelle
ukrainienne (UPA).
Crimes de guerre de l'OUN
Rien qu'en juillet-août 1941, l'OUN participe à l'assassinat de plus de 13 000 Juifs en Volynie, dans le nord-ouest de l'Ukraine, qui est alors une province polonaise. Le génocide des Juifs de Volynie est une opération des SS, mais la principale force d'exécution est constituée de policiers ukrainiens au service des nazis. On estime à 150 000 le nombre de Juifs tués en 1942. Au final, plus de 98 % des citoyens juifs de Volynie ont péri.
L'OUN fournit des gardes pour les camps de concentration et les ghettos et, après 1943, des membres des auxiliaires de la SS. Trawniki, un camp de travail SS, est établi comme centre de formation pour les gardes des camps de concentration. Ils constituent également la principale force de garde dans d'autres camps tels que Sobibor, Treblinka, Belzec, Trawniki et d'autres.
En 1941, l'OUN conclut un accord avec la Wehrmacht pour créer des légions ukrainiennes et deux régiments de l'OUN-B, Nachtigal et Roland, sont mis sur pied; ils sont ensuite dissous et rejoignent les rangs de l'UPA. L'OUN-B et l'OUN-M forment et entraînent des groupes dont la tâche est de suivre les traces de l'armée allemande dans l'invasion de l'Union soviétique. Il s'agit de collaborateurs dont le rôle est de mettre en place les administrations locales, les milices et la police auxiliaire, d'organiser les cellules de l'OUN, de tenter de recruter de nouveaux membres et de « combattre les juifs et les communistes ». Le groupe de Bandera est également autorisé à mener des activités politiques en Ukraine occidentale. L'Allemagne recrute également les nationalistes ukrainiens dans ses forces armées et ses organisations paramilitaires.
L'UPA, créée en 1943, et l'unité SS qui lui est étroitement associée, la SS Galizien, dont la création a été approuvée par l'OUN-M, jouent un rôle tout à fait insignifiant en tant qu'armée régulière. L'OUN/UPA et le SS Galizien participent chacun à une bataille contre l'Armée rouge et, à chaque fois, leurs forces sont décimées. Selon Heinrich Himmler, chef de la SS, la Waffen SS Galizien comptait environ 25 000 Ukrainiens en 1944. Ils n'ont affronté l'Armée rouge qu'une seule fois, à Brody, dans l'ouest de l'Ukraine, du 13 au 22 juillet 1944. Au cours de cette bataille, la force combinée germano-ukrainienne est décimée. Les survivants sont réorganisés et rejoints par de nouveaux volontaires, tandis que d'autres désertent et rejoignent l'UPA.
Les SS Galizien et l'UPA étaient étroitement liés. Wasyl Veryha, ancien membre et historien du SS Galizien, qui a vécu à Toronto jusqu'à sa mort en 2008, a déclaré : « Tout en rappelant les faits assez bien connus selon lesquels le personnel formé dans la division [SS Galizien] était devenu l'épine dorsale de l'UPA, il convient de mentionner que le commandement de l'UPA envoyait également des groupes de son personnel à la division pour y recevoir une véritable formation militaire[3]. »
Le rôle principal joué par l'UPA n'était pas d'engager l'Armée rouge, mais d'assassiner et de commettre le génocide contre des populations civiles. Il s'agit notamment d'actes visant à tuer ou à éliminer l'ensemble de la population polonaise et juive d'Ukraine occidentale, ainsi que du meurtre d'Ukrainiens qui avaient rejoint les partisans pour combattre les nazis, et d'attaques contre les partisans de l'Ukraine soviétique. Les témoignages des survivants et les documents provenant de nombreuses sources, y compris les archives allemandes et polonaises, les sources d'archives sur l'Holocauste et les dossiers de l'OUN, indiquent que parmi les raisons de l'exécution de personnes de nationalité ukrainienne par l'OUN/UPA figuraient l'appartenance, passée ou présente, au parti communiste, l'adhésion aux partisans, le refus de participer aux massacres, le refus de rejoindre l'OUN/UPA, l'assistance aux Polonais, les « mariages mixtes » et le refus de tuer des femmes et des enfants polonais.
De nombreux documents de la Wehrmacht et de l'Abwehr relatant
les réunions avec les représentants de l'UPA notent que
l'Allemagne a exigé à plusieurs reprises que l'OUN fasse preuve
d'une loyauté totale à l'égard des intérêts allemands. L'OUN a
joué un rôle très important dans le génocide de la population
juive, dans la lutte contre les partisans, dans les punitions
collectives infligées à des villages entiers qui aidaient les
partisans, etc. Mais le génocide en masse des villageois
polonais et la destruction des villages, dont on avait besoin
pour le travail forcé ou pour fournir leur quota de produits
agricoles, ont été considérés comme contre-productifs. Il s'agit
là d'un point d'achoppement pour l'UPA, qui s'oppose à toute
limitation de son programme d'épuration ethnique et de génocide.
L'avancée des forces soviétiques
Les raids des partisans soviétiques contre les forces nazies en Ukraine occidentale commencent dès 1942. Après Stalingrad, davantage de partisans soviétiques ukrainiens s'installent en Volynie. La semaine suivant la victoire de Stalingrad, le 2 février 1943, le mouvement des partisans ukrainiens ordonne de nouvelles opérations en Volynie. Le vent tourne. C'est à ce moment crucial, alors que l'énorme sacrifice des peuples soviétiques fait reculer l'armée allemande, que l'OUN-B annonce la formation de l'UPA.
Les forces placées sous l'influence ou la direction de l'OUN sont l'épine dorsale de l'occupation allemande. L'ensemble de l'administration civile à Rivne, siège de la Commission du Reich pour l'Ukraine, ne compte que 252 personnes et les Ukrainiens dirigés par l'OUN jouent un rôle crucial dans l'administration et l'assujettissement de l'Ukraine occidentale pour le compte de l'Allemagne nazie.
Lorsque la défaite allemande apparaît inévitable, comme des rats quittant un navire en perdition, l'OUN-B lance l'appel à déserter les unités de police allemandes et à rejoindre l'UPA nouvellement formée. C'est à cette époque qu'elle s'engage dans quelques escarmouches avec des unités allemandes en retraite pour s'emparer d'armes, actions qui, selon elle, prouveront plus tard que l'OUN a « combattu à la fois les nazis et l'Armée rouge ». L'OUN cherche désespérément à empêcher les Ukrainiens de rejoindre les rangs des partisans soviétiques. L'OUN a établi sa domination de la population ukrainienne en Ukraine occidentale non pas grâce au soutien populaire, mais en tant que collaborateur de l'occupant. Elle a recours à la terreur contre la population ukrainienne et son autorité sur la population n'est en rien assurée. Il est également possible qu'elle se soit engagée dans certaines de ces escarmouches mineures pour tenter de convaincre la population qu'elle « combattait les nazis ». L'OUN/UPA a joué un double jeu, diffusant parfois de la propagande anti-allemande pour tenter de gagner en crédibilité auprès des paysans tout en continuant à prêter allégeance à Hitler et au nouvel ordre fasciste en Europe.
L'UPA met alors à profit l'expérience qu'elle a acquise dans l'organisation d'exécutions de masse et la déchaîne contre la population polonaise. Le chef de l'OUN, Mykola Lebed, propose d'expulser tous les non-Ukrainiens de l'ensemble du territoire de la Volynie. Fin avril 1943, un sommet de l'OUN remplace Lebed par Roman Shukhevych, et un commandement central est établi pour toutes les forces de l'UPA sous la direction de Shukhevych, avec environ 40 000 hommes. L'assaut contre les citoyens polonais de Volynie commence bientôt. Les forces de l'OUN/UPA en tuent au moins 50 000 et obligent les autres à fuir. Les soldats de l'UPA encerclent les colonies et les villages, brûlent les maisons, tirent sur ceux qui tentent de s'échapper ou les forcent à rentrer à l'intérieur pour y être brûlés vifs.
Polonais victimes d'un massacre commis par l'Armée
insurrectionnelle ukrainienne dans le village de Lipniki, Wolyn
(Volhynie), 1943
Les unités de partisans mènent une lutte héroïque contre l'UPA. Ces unités de partisans comprennent des partisans ukrainiens, polonais et juifs, y compris des survivants juifs de la destruction des ghettos qui avaient été hébergés par des paysans à la campagne ou avaient survécu dans les bois.
Le 27 juillet 1944, l'armée soviétique libère Lvov. Malgré les désertions de la SS Galizien et la formation de l'UPA, la coopération avec l'Allemagne se poursuit. En septembre 1944, l'UPA demande et reçoit des nazis des armes, des fournitures et du matériel radio. Elle utilise ces armes et ces fournitures pour tendre des embuscades aux officiers et aux soldats de l'Armée rouge et pour continuer à assassiner en masse les Polonais et les antifascistes de toutes les nationalités, y compris les Ukrainiens. L'OUN/UPA fera par la suite des déclarations fantastiques sur le nombre énorme de soldats de l'Armée rouge qui ont dû être déployés pour venir à bout de ces embuscades, mais il semble qu'il s'agissait d'histoires destinées à impressionner les États-Unis et à améliorer les conditions de vente de ses services à un nouveau maître.
L'Allemagne libère finalement tous les dirigeants de l'OUN des
camps de concentration à l'automne 1944 afin d'aider l'effort de
guerre allemand qui se détériore rapidement. À ce moment-là,
toute la Pologne orientale est libérée par l'Armée rouge. Le SS
Galizien est envoyé en Tchécoslovaquie pour combattre les
partisans, puis en Yougoslavie.
L'OUN/UPA après la défaite du fascisme
Des membres de la Waffen SS Galizien sont transférés en Angleterre, 1947. |
La victoire sur le fascisme devenant imminente, tous les principaux dirigeants nationalistes sont convoqués à Berlin dans les derniers jours du Troisième Reich. Les SS Galizien se rendent aux Britanniques et sont emprisonnés en Italie. En 1947, on leur permet, en tant qu'entité, d'immigrer en Grande-Bretagne et, plus tard, au Canada. Un grand nombre de membres de l'OUN-UPA immigrent également au Canada et aux États-Unis.
La campagne de terreur organisée par l'OUN/UPA ne s'arrête pas
là. Leur campagne de nettoyage ethnique, d'incendie de villages,
de massacre de Polonais et d'attaques terroristes contre des
fonctionnaires, des membres des forces armées, des membres de
divers partis politiques et de sabotage industriel se poursuivit
de 1945 à 1947, désormais soutenus par les États-Unis comme un
élément crucial de leur plan de guerre contre l'Union
soviétique.
Notes sur la conception du monde fasciste de l'OUN/UPA
Deuxième congrès de l'OUN-B, avril 1941, extrait des archives de l'OUN :
« Les Juifs d'URSS constituent le soutien le plus fidèle du régime bolchevique au pouvoir dans l'avant-garde de l'impérialisme moscovite en Ukraine. Le gouvernement moscovite-bolchevique exploite les sentiments antijuifs des masses ukrainiennes pour détourner leur attention de la véritable cause de leur malheur et pour les canaliser, dans les moments de frustration, dans des pogroms contre les Juifs. L'OUN combat les Juifs en tant qu'auxiliaires du régime moscovite-bolchevique et rend simultanément les masses conscientes du fait que l'ennemi principal est Moscou[4]. »
D'après les archives allemandes (rapports des Einsatzgruppen, 16 juillet 1941), note signée par le groupe OUN-B :
« Vive l'Ukraine indépendante sans Juifs, Polonais et Allemands; les Polonais derrière le fleuve San, les Allemands à Berlin et les Juifs à la potence[5]. »
Objet : Collaboration de l'OUN/UPA avec l'Allemagne nazie, extrait des archives allemandes de Ridna Zemlia – une publication de l'OUN-M de Lvov, 16 juillet 1944 :
« La guerre durera jusqu'à ce que les Allemands soient victorieux avec toute l'Europe, jusqu'à ce que les forces obscures périssent, jusqu'à ce que le bolchevisme et l'impérialisme anglo-américain s'effondrent. [...] L'ennemi ne brisera pas l'esprit de l'Allemagne et de l'Europe ! [...] Nous, Ukrainiens, devons suivre l'exemple de la nation allemande, de sa détermination spirituelle à survivre jusqu'à la dernière bataille, jusqu'à la dernière victoire. Finies les hésitations, finis les doutes, finie la résignation ! Seul le dévouement total à la tâche à accomplir mènera à la victoire totale[6]. »
Extrait du journal de l'amiral Wilhelm Canaris (chef du service de renseignement militaire allemand, l'Abwehr) :
« Je devrais faire les préparatifs appropriés avec les Ukrainiens pour que, si cette alternative (l'incorporation de la Galicie en tant qu'État nominalement indépendant sous le Troisième Reich) devenait réalité, l'organisation Melnyk (OUN) puisse produire un soulèvement qui viserait à l'anéantissement des Juifs et des Polonais[7]. »
Rapport de terrain des territoires de l'Est à Gerhard von Mende, directeur du département des affaires dans les territoires occupés de l'Est, ministère du Troisième Reich, 2 novembre 1944 :
« Dans l'intérêt de la réalisation de ses objectifs, l'UPA – à partir de 1944 – a lancé une initiative pour lier ses plans aux unités locales de la Wehrmacht. En même temps, des ordres ont été donnés à ses unités pour qu'elles soutiennent les activités de la Wehrmacht et qu'elles cessent d'attaquer les soldats allemands individuels ou les petites unités de l'armée dans le but d'obtenir des armes à feu ou d'autres fournitures. La préparation adéquate du terrain au sein de la population ukrainienne et l'élimination des obstacles politiques à sa coopération militaire avec les Allemands ont abouti à un type unique de coopération générale entre l'UPA et la Wehrmacht en août 1944.
« En ce qui concerne l'étendue et les moyens de cette coopération, de sérieuses divergences sont apparues entre la direction de l'OUN et celle de l'UPA, car les diverses nécessités militaires découlant des batailles avec l'Armée rouge ne correspondaient pas toujours à la politique de l'OUN. Cette organisation s'est tenue à l'écart et il lui importe beaucoup que sa coopération militaire avec l'Allemagne, et en particulier avec la Wehrmacht, ne soit pas révélée au grand jour.
« Tout comme ses relations avec les Allemands, les relations de l'UPA avec les Polonais et les petites nationalités de l'Union soviétique sont restées sous l'influence des concepts politiques de l'OUN. Une guerre mondiale d'extermination a été déclarée contre les Polonais en raison des tensions séculaires entre ces deux nations. En ce qui concerne les autres nationalités de l'Union soviétique, une politique de coalition a été entreprise sur la base d'une guerre mutuelle de libération à mener contre l'Union soviétique, ou plutôt la Russie, qui a trouvé son expression également dans la phase d'organisation (en incorporant des unités individuelles de ces nationalités dans l'UPA). [...]
« L'UPA menait ses activités à trois niveaux : a) anti-allemand; b) anti-polonais; c) antisoviétique.
« Sous le cri de guerre de la 'vengeance' pour la politique
polonaise d'extermination dans les années 1918-39 et l'attitude
hostile sous l'occupation soviétique, puis allemande, l'OUN-UPA
a entamé une campagne d'anéantissement des Polonais, qui a
libéré tous les instincts associés à la vengeance découlant
d'animosités séculaires et dont l'objectif était la destruction
physique totale de tout ce qui était polonais sur ce territoire.
Quelle que soit la raison invoquée pour justifier cette guerre
('les Polonais sont les agents de destruction soviétiques', 'les
Polonais dressent les Allemands contre les Ukrainiens', etc.),
on ne peut nier que l'objectif de l'OUN-UPA était de nettoyer le
territoire ukrainien de tout ce qui était polonais, ou du moins
de détruire ce que les Polonais avaient réalisé sur ce
territoire dans les années 1918-39. Le canevas de la carte des
nationalités, et en premier lieu en Volynie, est appelé à
changer fondamentalement à la suite de cette guerre[8]. »
Notes sur les dirigeants de l'OUN/UPA
Andrij Melnyk
Leader de l'OUN-M, Melnyk soutenait ouvertement le fascisme. En 1939 il écrivait : « Aujourd'hui [...] à nos côtés se trouvent d'autres nations – l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, le Japon – dont les victoires visent l'anéantissement final de l'ennemi commun. Dans cette bataille, la tâche principale revient à l'Ukraine. La conclusion rapide de cette bataille dépend de la force et de la ténacité de la nation ukrainienne[9]. »
Après la guerre, Melnyk s'enfuit à l'Ouest et vit au Luxembourg, en Allemagne de l'Ouest et au Canada. Il reste politiquement actif et dirige un certain nombre d'organisations d'émigrés ukrainiens. Il meurt à Clervaux, au Luxembourg, à l'âge de 73 ans en 1964.
Stepan Bandera
Stepan Bandera était un membre éminent de l'Organisation des nationalistes ukrainiens et, plus tard, le chef de la faction Bandera de l'OUN (OUN-B). Il a été arrêté par les autorités polonaises en 1934 et condamné à mort pour son rôle dans l'assassinat du ministre polonais de l'Intérieur, mais sa peine de mort a été commuée en prison à vie. Il est libéré par les nazis après la chute de la Pologne. Arrêté pour avoir refusé d'annuler la proclamation d'indépendance de l'Ukraine publiée au lendemain du début de l'invasion allemande de l'Union soviétique, il séjourne au camp de concentration de Sachsenhausen de juillet 1941 à septembre 1944. La mort de ses deux frères à Auschwitz est souvent citée par les nationalistes ukrainiens comme la preuve qu'ils ont « combattu les nazis ». En fait, les frères ont été tués par des gardes polonais, probablement en représailles de la campagne de nettoyage ethnique menée par l'OUN contre les citoyens polonais de Volynie.
Il devient chef de l'OUN à l'étranger en 1947 (bien que des divisions entre factions continuent de remettre en cause son leadership).
Élu membre de la direction de l'OUN en 1945 et chef en 1947, Bandera s'en tient résolument aux principes de ce que ses partisans appellent le « nationalisme intégral », c'est-à-dire le fascisme sous un autre nom. En mai 1953, il est élu chef des sections de l'OUN à l'étranger.
Bandera est mort en Allemagne (de l'Ouest) en 1959, apparemment victime d'un gaz cyanuré, attribué par l'Allemagne de l'Ouest au KGB. Ses descendants, dont son petit-fils, vivent au Canada et poursuivent une campagne permanente pour le défendre et nier toute accusation de crimes de guerre. Son petit-fils a également participé activement à la « révolution orange ».
Dmytro Dontsov
Dontsov était un idéologue fasciste qui a exercé une influence majeure sur l'idéologie adoptée par l'OUN. Il a publié Natsionalizm en 1926. Adepte de Mussolini, il propose une conception fasciste de la nation ukrainienne. « Le deuxième fondement de l'idée d'une nation saine devrait être l'aspiration à la guerre, la conscience de sa nécessité sans laquelle les actes héroïques sont impossibles, de même qu'une vie intensive ou la foi en elle ou le triomphe de toute nouvelle idée qui cherche à changer la face du monde[10]. »
Dontsov quitte l'Ukraine en 1939. Il émigre aux États-Unis en 1947, puis au Canada en 1948, où il enseigne la littérature ukrainienne à l'Université de Montréal. Au Canada, il continue d'écrire pour la presse ukrainienne émigrée, principalement celle de la faction Bandera de l'Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN). Il meurt à Montréal en 1973 à l'âge de 90 ans.
L'Encyclopédie de l'Ukraine : « Les écrits de Dontsov sont marqués par une argumentation passionnée et un style dynamique. Il citait assez librement ses adversaires idéologiques. Dontsov a changé plusieurs fois de vision du monde : il a embrassé le socialisme, puis y a renoncé; il a rejeté la religion, puis a prôné une église militante. Toute son oeuvre est clairement dirigée contre la Russie et contre l'idée d'une fédération de l'Ukraine avec la Russie. En défendant inconditionnellement l'idée de l'indépendance ukrainienne, Dontsov a attaqué l'impérialisme russe sous toutes ses formes et a contribué de manière décisive à l'affaiblissement du russophilisme et à l'influence des idées communistes en Ukraine occidentale dans les années 1920. Il a souligné que l'Ukraine était organiquement liée à l'Occident et a fermement condamné les tendances des Ukrainiens des XIXe et XXe siècles qui ont affaibli ce lien. Profondément influencé par la débâcle de la lutte ukrainienne pour l'indépendance (1917-20), dont il blâme les dirigeants, il idéalise les traditions cosaques et insiste de plus en plus sur l'importance du traditionalisme et d'une caste dirigeante, ainsi que sur la nécessité du militantisme et de l'activisme chez les jeunes générations. Son idéologie repose sur les principes du volontarisme et de l'idéalisme : la volonté irrationnelle est, selon lui, la principale force dans la vie de l'individu et de la société. Dontsov pense que les idées ont joué un rôle de plus en plus important dans l'histoire; il dénonce donc le marxisme et le matérialisme historique, ce qui lui vaut les attaques acerbes des camps socialistes et surtout communistes. Grâce à son style brillant et à ses talents d'orateur, les idées de Dontsov ont eu un impact considérable sur l'esprit de nombreux jeunes Ukrainiens de Galicie dans les années 1930. Le nationalisme et l'idéalisme deviennent une idéologie dominante. Les thèses de Dontsov ont constitué dans une large mesure la base de l'activité révolutionnaire clandestine de l'Organisation des nationalistes ukrainiens dans les années 1930. Son idéologie (le dontsovisme) est combattue par les cercles démocratiques et catholiques ukrainiens, qui condamnent son éthique antidémocratique et élitiste et sa justification amorale (dans son système de monisme volontariste et panthéiste) de toute action bénéficiant à la primauté de la nation. Plus que n'importe lequel de ses contemporains, Dontsov était une figure à la fois adulée et vilipendée[11]. »
Mykola Lebed
Mykola Lebed était un membre éminent de l'OUN-B et de l'UPA. Il a été emprisonné par le gouvernement polonais en 1936 pour son rôle dans l'assassinat du ministre polonais de l'Intérieur. À la suite de l'attaque allemande, il a été libéré ou s'est évadé en 1939. Il a réussi à échapper à l'arrestation et est devenu le dirigeant de facto de l'OUN, les autres dirigeants étant en prison. Lebed s'est rendu à Rome et sous la protection du Vatican en 1945 avec un trésor de noms et de contacts d'antisoviétiques tant en Ukraine occidentale que dans les camps de personnes déplacées, l'attrait qu'il a utilisé pour vendre ses services à l'impérialisme américain. Lebed est passé clandestinement de Rome à Munich en décembre 1947. Il est mort à Pittsburgh à l'âge de 89 ans en 1998.
Notes
1. Précis d'histoire du Parti communiste d'Union soviétique (bolchevik)
3. Tadeusz Piotrowski, Poland's Holocaust : ethnic strife, collaboration with occupying forces and genocide in the Second Republic, 1918-1947, 1998, p. 227
4. Tadeusz Piotrowski, Genocide and Reçue in Wolyn, 2000, p. 177
7. Alexander Dallin, German Rule in Russia, 1941-1945 : A Study of Occupation Policies, 2e édition, (Londres : MacMillan, 1981), page 115
8. Piotrowski, op. cit. annexe C, extraits de documents, p. 213-14
9. Genocide and Reçue in Wolyn, p. 214
11. « Dmyto Dontsov », Encyclopédie de l'Ukraine
(Centre de ressources Hardial Bains)
Cet article est paru dans
Volume 53 Numéro 7 - Septembre 2023
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