Création du Comité canadien ukrainien
La Fédération nationale ukrainienne (FNU) a été fondée au Canada en 1932. Elle était organisée comme une branche de la faction Bandera de l'Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN-B) qui opérait en Ukraine occidentale, un territoire alors divisé entre la Pologne et la Roumanie. La FNU n'avait pas pour mission de défendre les intérêts des travailleurs et des agriculteurs de la communauté ukrainienne, qui sont déjà regroupés au sein de la United Labour Farmer Temple Association (ULFTA) et d'autres organisations. Il s'agissait plutôt d'un bras armé d'une organisation organisée sous la protection de l'Allemagne et de l'Italie fasciste et qui allait bientôt prêter serment de fidélité à Hitler. Les activités de la FNU ont suscité des protestations diplomatiques de la part de la Pologne et de l'Union soviétique. La Pologne s'objectait à ce qu'on permette à une organisation qui commet des assassinats et des sabotages de se servir du Canada comme base. L'Union soviétique a fait part de protestations au motif que l'OUN oeuvrait au démembrement de l'Union soviétique.
Les organisations anticommunistes ont pendant des années fait pression sur l'État canadien pour qu'il interdise l'ULFTA et expulse ses membres, afin de pouvoir exercer une influence sans entrave sur la communauté ukrainienne. Le début de la Deuxième Guerre mondiale était l'occasion pour l'État d'intervenir directement en faveur des organisations réactionnaires, qui commençaient aussitôt à affirmer qu'elles avaient le soutien de 80 % de la communauté ukrainienne.
Dans la liste initiale des organisations qui seront déclarées illégales et dont les dirigeants seront arrêtés, figure la FNU, en raison de son soutien à l'Allemagne nazie et à l'Italie fasciste. Son dirigeant, Wladimir Kossar, figure sur la liste des personnes à arrêter et à interner au début de la guerre. Kossar a immigré au Canada en 1927 et a fondé une division de l'Organisation militaire ukrainienne au Canada, qui est devenue la FNU en 1932. Mais au lieu de donner suite à cette recommandation, le gouvernement de Mackenzie King est intervenu pour créer une nouvelle organisation, le Comité canadien ukrainien (CCU), au sein de laquelle devaient s'unir toutes les organisations anticommunistes. Cette nouvelle organisation était apparemment basée sur un arrangement donnant-donnant : participer à l'effort de guerre et, en retour, le gouvernement canadien soutiendrait leur « cause » dans les négociations de paix d'après-guerre.
En novembre 1940, une poignée de membres de la communauté ukrainienne se sont réunis à l'hôtel Fort Garry à Winnipeg, à l'initiative du gouvernement King, et c'est là que le CCU a vu le jour. Wladimir Kossar faisait partie des personnes convoquées à l'hôtel Fort Garry par le gouvernement pour participer, en tant que membre fondateur, à la création du comité par l'État.
Après avoir créé ce comité, le gouvernement canadien s'est retrouvé quelques mois plus tard dans une situation très délicate. Avec l'invasion allemande de l'Union soviétique et l'entrée en guerre de cette dernière, le gouvernement canadien soutenait une organisation vouée au démembrement de l'Union soviétique dans le cadre d'un nouvel ordre fasciste en Europe. En Ukraine occidentale, l'OUN, soutenue par la Fédération nationale ukrainienne, a non seulement prêté allégeance à Hitler, mais a également commis d'innombrables crimes de guerre. Cependant, le gouvernement a continué de soutenir l'organisation qu'il avait créée, tandis que les dirigeants de l'ULFTA sont restés en prison jusqu'en 1942, lorsque la pression en faveur de leur libération est devenue trop forte.
Le CCU a adopté un nouveau langage et le soutien manifeste à un nouvel ordre fasciste en Europe est remplacé par des discours sur la « démocratie » et la « liberté », tandis que le concept de « nations captives » – c'est-à-dire les nations au sein de l'Union soviétique – qui doivent être « libérées » par l'invasion allemande, est repris en bloc des nazis.
La formation du CCU a été cruciale pour la campagne d'après-guerre visant à protéger les criminels de guerre par le biais de la campagne de propagande selon laquelle les « personnes déplacées » ne devaient pas être renvoyées dans leur pays, comme cela avait été convenu à Yalta par Churchill, Roosevelt et Staline. Cette propagande parlait du rassemblement et du rapatriement forcés des Ukrainiens et d'autres personnes, comme si les plus de 5 millions de prisonniers de guerre survivants et les personnes emmenées de force en Allemagne comme travailleurs forcés, en majorité des citoyens soviétiques ou polonais, ne voulaient pas retourner dans leur patrie et retrouver leur famille. Les dirigeants de l'OUN étaient bien sûr prêts à tout pour échapper aux procès et aux sanctions pour leurs crimes de guerre. En 1947, la majorité des personnes encore présentes dans les camps de personnes déplacées étaient originaires d'Ukraine occidentale.
L'OUN était très active à l'intérieur des camps de réfugiés, répandant la terreur, en particulier parmi les habitants de l'Ukraine occidentale, qui avaient été sous domination roumaine et polonaise avant la guerre et qui n'avaient aucune expérience de la vie en Union soviétique.
À la mi-1946, les Britanniques ont unilatéralement cessé de renvoyer les citoyens soviétiques. La propagande sur le rapatriement forcé a servi de couverture pour que les personnes recherchées pour crimes de guerre ne soient pas renvoyées en Pologne et en Union soviétique. Cela a permis à tous les survivants de la Waffen-SS Galicie, la division ukrainienne de la SS militaire, déclarée organisation criminelle à Nuremberg, d'être libérés et emmenés en Grande-Bretagne, d'où nombre d'entre eux ont immigré au Canada. Le biographe de Wladimir Kossar affirme que, sous sa direction à la FNU, de nombreux nouveaux citoyens ont été amenés au Canada après la Deuxième Guerre mondiale.
Cet article est paru dans
Volume 53 Numéro 7 - Septembre 2023
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