Le pacte de sécurité Australie, Royaume-Uni, États-Unis consolide la quête de domination américaine en Asie Pacifique

– Steve Rutchinski –


Manifestation contre l'AUKUS devant le bureau de circonscription du premier ministre australien Anthony Albanese à Sydney, le 24 février 2023

Les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie consolident présentement le pacte de sécurité AUKUS, créé en 2021 pour servir les objectifs États-Unis/OTAN de confrontation avec la Chine au nom du noble idéal d'une soi-disant « région indopacifique libre et ouverte ».

Le secrétaire d'État américain Antony Blinken rapporte que le 13 mars, « le président Biden, le premier ministre britannique Sunak et le premier ministre australien Albanese ont annoncé la voie optimale qui permettra à l'Australie d'acquérir des sous-marins nucléaires munies d'armes conventionnelles (SMC) en vertu du partenariat entre l'Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis (AUKUS). Le partenariat AUKUS est une modernisation des alliances et des partenariats de longue date entre nos pays, guidés par un engagement commun, celui de la prospérité, la sécurité et la stabilité mondiale. Il consolide notre coopération diplomatique, de sécurité et de coopération en réponse aux défis complexes du futur.

« Les avantages du partenariat AUKUS auront des retombées dans toute la région indopacifique, où habite plus de la moitié des peuples du monde et où tournent près des deux-tiers de l'économie mondiale. Il ravive notre force collective en rapprochant nos alliés et partenaires transatlantiques et indopacifiques en appui au système international sur lequel reposent ces objectifs. »

Les « alliances et partenariats de longue date entre nos pays » comprennent le réseau d'espionnage mondial appelé Groupe des Cinq, dirigé par les États-Unis, et divers niveaux d'engagement auprès de l'OTAN. L'AUKUS lui-même a été créé en mettant fin subitement à une entente avec la France qui devait approvisionner l'Australie en nouveaux sous-marins. Le ministre français des Affaires étrangères de l'époque, Jean-Yves Le Drian, a qualifié le nouveau pacte de « coup dans le dos ».

Alors que la France aurait fabriqué des sous-marins diésel-électriques, l'Australie a maintenant accepté d'acquérir des sous-marins nucléaires des États-Unis, qui sont plus difficiles à localiser, au coût de 358 milliards de dollars australiens. Ces sous-marins ont aussi une plus grande portée, sont plus rapides et peuvent contenir plus d'armes. Dans une déclaration de l'ancien premier ministre Scott Morrison et du ministre de la Défense Peter Dutton en 2021, il était nécessaire de « renforcer la capacité et l'interopérabilité conjointes » et d'acquérir « la technologie sous-marine la plus avancée possible pour défendre l'Australie et ses intérêts nationaux ». Autrement dit, c'est le rôle qu'on voudrait voir l'Australie jouer, celui d'appuyer les objectifs hégémoniques des États-Unis dans la région, ce qui requiert un prototype de sous-marin plus létal et plus furtif.

Les pays de l'AUKUS disent que « la modernisation par l'Australie de sa flotte de sous-marins » se fera sur plusieurs décennies avec l'achat de vaisseaux construits aux États-Unis en collaboration avec le Royaume-Uni pour développer et construire de nouveaux sous-marins de classe AUKUS.

Depuis la création d'AUKUS, le peuple australien n'accepte pas que le gouvernement consacre des centaines de milliards de dollars à des fabricants d'armes pour se préparer à une confrontation avec la Chine, aux dépens de la sécurité du peuple et de son mieux-être. Les manifestations n'ont pas cessé depuis la création d'AUKUS, et plus récemment le 14 mars, au lendemain de l'annonce la plus récente.






À Sydney le 14 mars 2023

L'ancien premier ministre de l'Australie dénonce l'AUKUS

L'ancien premier ministre de l'Australie Paul Keating, le 15 mars au National Press Club, a vivement dénoncé l'AUKUS et la servilité du gouvernement du Parti du travail d'Anthony Albanese face aux États-Unis et au Royaume-Uni ainsi que la désinformation visant à propager l'hystérie envers la Chine.

Entre autres, Paul Keating a affirmé : « La complicité du gouvernement d'Albanese avec la Grande-Bretagne et les États-Unis dans la construction tripartite d'un sous-marin nucléaire pour l'Australie dans le cadre de l'AUKUS est en fait la pire décision internationale prise par un gouvernement australien travailliste depuis que l'ancien dirigeant travailliste Billy Hugues a tenté de faire adopter la conscription afin de renforcer les forces armées australiennes lors de la Première Guerre mondiale. »

Il a dit que la souveraineté dont parle le gouvernement australien est vide de sens et qu'en vertu de l'AUKUS l'Australie payera la facture tandis que les sous-marins « resteront toujours le mandat opérationnel des États-Unis, ou maintenant, de la Grande-Bretagne – avec de la technologie appartenant aux gestionnaires américains et dépendante d'eux. En fait, il a acheté une flotte de sous-marins nucléaires qui sera toujours accessoire à la marine américaine – qu'elle soit commandée par un Australien ou pas. »

Paul Keating a décrit la dépendance de l'Australie envers la Grande-Bretagne et le premier ministre britannique Rishi Sunak qui la défend comme étant « vraiment pathétiques », ajoutant que le Royaume-Uni « est à la recherche de dupes » dans le but de créer « une Grande-Bretagne mondiale [...] après que cet imbécile [Boris] Johnson ait détruit leur place en Europe. »

« Nous nous tournons vers Rishi Sunak, bon sens – Rishi Sunak – pour que l'Australie trouve sa sécurité en Asie. C'est vraiment pathétique », a-t-il dit, expliquant plus en détail les diverses façons dont la Grande-Bretagne a laissé tomber les relations militaires et économiques avec l'Australie au cours des décennies. »

Quant à l'efficacité des sous-marins, selon l'évaluation pragmatique de Keating : « Tout sous-marin australien ne pourrait avoir qu'un impact militaire symbolique contre la Chine, surtout muni d'armes conventionnelles. » Ainsi, « on prévoit dépenser près de 368 milliards de dollars pour des sous-marins nucléaires devant mener des opérations contre la Chine dans des conditions périlleuses, alors que cela apporte peu en termes d'avantages militaires à quiconque, ni même aux Américains. »

Pour ce qui est de la Chine, il a dit sans équivoque que la Chine ne menace ni les États-Unis, ni l'Australie.

« La Chine ne peut être une menace orthodoxe pour les États-Unis. Par orthodoxe, je veux dire une menace d'invasion », a dit Keating, qui ajoute :

« Les États-Unis sont protégés par deux vastes océans, avec des voisins amicaux au nord et au sud, le Canada et le Mexique. Et les États-Unis possèdent le plus important arsenal de toute l'histoire de l'humanité. C'est impensable que les Chinois aient l'intention d'attaquer les États-Unis et ils ne pourraient le faire même s'ils le désiraient. Pourquoi donc les États-Unis et leur Congrès insistent-ils tant pour dire que la Chine est une 'menace' ?

« Dans son propre rapport annuel au Congrès à la fin de 2022, le département de la Défense des États-Unis a dit que 'la RPC veut limiter la présence des États-Unis dans la périphérie chinoise'. En d'autres mots, la Chine veut garder les navires de la marine américaine loin de ses côtes. Quel scandale !

« Imaginez comment les États-Unis réagiraient si la marine de haute-mer chinoise allait faire du tourisme le long des côtes de la Californie. Les États-Unis auraient une crise d'apoplexie. »

Par le biais de l'AUKUS, « [l'Australie] est maintenant partie intégrante d'une politique d'endiguement contre la Chine, a-t-il dit. Le gouvernement chinois ne veut pas attaquer personne. Il ne veut pas nous attaquer [...] Nous les approvisionnons en fer, ce qui maintient leur base industrielle, et ils ne peuvent aller le chercher ailleurs qu'ici. Pourquoi nous attaqueraient-ils ? Ils ne veulent pas attaquer les Américains [...] L'enjeu est pourtant simple : les États-Unis veulent maintenir leur hégémonie stratégique en Asie orientale. Voilà de quoi il s'agit. »

Tout comme en Afghanistan et en Irak, si tout tombe à l'eau, a-t-il dit, les États-Unis « ne feront que se retirer et laisser les pots cassés derrière eux. Ils s'en retourneront à San Diego, à 10,000 kilomètres, et nous laisseront nous débrouiller avec les conséquences. »

La réponse de la Chine

Le 14 mars, Wang Wenbin, un porte-parole du ministère des Affaires étrangères de la République populaire de Chine, a répondu à une question de l'Agence France presse sur ce qu'il pensait de l'AUKUS. Il a dit :

« Nous avons répété à maintes reprises que l'établissement du soi-disant partenariat de sécurité entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie pour promouvoir la coopération sur les sous-marins nucléaires et d'autres technologies militaires de pointe est une mentalité typique de la guerre froide. Il ne fera qu'exacerber la course aux armements, saper le régime international de non-prolifération nucléaire et nuire à la paix et à la stabilité régionales. Les pays épris de paix ont exprimé leur vive inquiétude et leur ferme opposition. La dernière déclaration commune publiée par les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie montre que les trois pays, pour leurs propres intérêts géopolitiques, ont totalement ignoré les préoccupations de la communauté internationale et se sont engagés sur une voie erronée et dangereuse.

« La coopération entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie en matière de sous-marins nucléaires implique le transfert de grandes quantités d'uranium hautement enrichi de qualité militaire d'un État doté d'armes nucléaires vers un État non doté d'armes nucléaires, ce qui pose un risque sérieux de prolifération nucléaire et viole le but du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). Les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie ont déclaré qu'ils s'engageaient à établir les normes les plus élevées en matière de non-prolifération nucléaire, ce qui n'est rien d'autre qu'une rhétorique destinée à tromper le monde. En fait, il s'agit d'une man uvre visant à contraindre le secrétariat de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) à conclure des accords d'exemption et de garanties, ce qui portera gravement atteinte à l'autorité de l'organisme. La Chine s'y oppose fermement.

« Nous devons souligner une fois de plus que la coopération en matière de sous-marins nucléaires porte sur l'intégrité, l'efficacité et l'autorité du TNP. Les questions de garanties liées à l'organisme concernent les intérêts de tous les États membres de l'AIEA et doivent être examinées et décidées conjointement par tous les États membres dans le cadre d'un processus intergouvernemental transparent, ouvert et inclusif. En attendant que tous les États membres de l'AIEA parviennent à un consensus, les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie ne doivent pas poursuivre leur coopération dans ce domaine, et le secrétariat de l'AIEA ne doit pas signer des documents avec ces trois pays sur les arrangements en matière de garanties.

« Il faut souligner que l'Asie-Pacifique est la région la plus dynamique et celle qui connaît la croissance la plus rapide au monde. Cela a été réalisé à travers des difficultés et est tout à fait précieux. La Chine exhorte les trois pays à tenir compte de l'appel de la communauté internationale et des pays de la région, à se débarrasser de la mentalité dépassée de la guerre froide et du jeu à somme nulle et de l'esprit géopolitique étroit, à remplir sérieusement leurs obligations internationales et à s'abstenir de faire ce qui porte atteinte à la paix et à la stabilité régionales et mondiales. »

(Avec des informations du département d'État américain, gouvernement australien, Consortium News, Ministère des Affaires étrangères de la RPC. Photos : Sydney Anti-AUKUS Coalition)


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Volume 53 Numéro 5 - Mars 2023

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