26 mars 2015
La guerre américano-saoudienne contre le Yémen
Le 7 janvier 2023, des rassemblements ont eu lieu partout au Yémen contre l'agression américano-saoudienne sous la bannière « le siège est la guerre ».
L'Arabie saoudite, l'Égypte, le Maroc, la Jordanie, le Soudan, le Koweït, les Émirats arabes unis, le Qatar et Bahreïn ont commencé à bombarder le Yémen le 26 mars 2015, après avoir reçu l'autorisation des États-Unis. Un soulèvement avait eu lieu dans ce pays, le plus pauvre de la région, mené par le groupe rebelle houthis. Fin janvier 2015, le président Abdrabbo Mansour Hadi, soutenu par les États-Unis et l'Arabie saoudite, a été contraint de démissionner en raison du soulèvement et des manifestations de masse contre sa politique. Les forces de résistance du peuple yéménite, connues sous le nom de mouvement Ansrallah, ont établi un Comité révolutionnaire suprême pour assumer la présidence. Mansour Hadi s'est retiré à Aden un mois plus tard et a retiré sa démission.
L'opération américano-saoudienne a commencé par le déploiement de 100 avions de chasse, tandis que 150 000 soldats se tenaient prêts à envahir la ville. Dans un discours télévisé, le chef des Houthis, Abdel-Malek al-Houthi, a qualifié l'opération menée par l'Arabie saoudite d'« agression méprisable ».
« Qu'attendent-ils de nous, que nous capitulions, que nous annoncions notre défaite comme des lâches ?, a demandé le chef des rebelles. Absolument pas. Ce n'est pas ainsi que pense l'honorable peuple yéménite. Nous allons nous battre. L'ensemble des 24 millions de Yéménites feront front uni contre cette agression méprisable. Le Yémen sera le tombeau de toute armée qui nous envahira. »
Le 27 mars 2015, le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement du Canada affirmait dans une déclaration de Rob Nicholson, alors ministre des Affaires étrangères, que « le Canada appuie l'intervention militaire menée par l'Arabie saoudite et ses partenaires du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ainsi que par d'autres pays, en vue de défendre les frontières de l'Arabie saoudite et de protéger le gouvernement reconnu du Yémen à la demande du président du Yémen ».
Le gouvernement canadien a rejeté la responsabilité sur les Houthis et leurs partisans au Yémen : « Le Canada exhorte les Houthis à mettre fin immédiatement à leurs actions militaires provocatrices, et encourage fermement toutes les parties à retourner à la table de négociations, a dit le ministre Nicholson. Le Canada est solidaire du peuple yéménite en ces temps difficiles et incertains. »
Soutien du Canada aux crimes commis par l'Arabie saoudite au Yémen
Manifestation au Yémen le 7 janvier 2023
Le Canada est pleinement complice des crimes commis par l'Arabie saoudite au Yémen.
Depuis le début de la guerre, le Canada a expédié des milliards de dollars d'armes à l'Arabie saoudite. Un rapport de mai 2022 d'Affaires mondiales Canada informe que le Canada a exporté pour plus de 1,7 milliard de dollars d'armement à l'Arabie saoudite en 2021, une augmentation par rapport à 1,3 milliard de dollars en 2020, rapporte Middle East Eye. Il poursuit en informant que « le rapport marque la dixième année au cours de laquelle l'Arabie saoudite a été le deuxième plus grand acheteur d'équipement militaire du Canada ». L'aide humanitaire que le Canada fournit au Yémen est dérisoire comparée à ces montants et à ce dont le peuple yéménite a réellement besoin en raison de la guerre qui lui est livrée.
À la suite d'une querelle diplomatique avec l'Arabie saoudite, le Canada a mis en place un moratoire sur les ventes d'armes à ce pays. Cependant, « le moratoire sur les ventes d'armes au royaume a pris fin en avril 2020 [...] Cette mesure faisait suite à un examen par le gouvernement canadien des ventes d'armes au royaume, qui a conclu qu'il n'y avait 'aucun risque substantiel' que ces transferts de biens militaires soient "utilisés pour commettre ou faciliter des violations du droit international des droits de l'homme, du droit international humanitaire ou de la violence fondée sur le genre. »
Dans un rapport publié en 2021 par Amnesty International Canada et Project Ploughshares, on peut lire : « Il existe des preuves convaincantes que des armes exportées du Canada vers l'Arabie saoudite, notamment des véhicules blindés légers et des fusils de précision, ont été détournées pour être utilisées dans la guerre au Yémen. » Les Canadiens et les Québécois dénoncent depuis longtemps les ventes d'armes du Canada à l'Arabie saoudite.
Le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) décrit la situation actuelle au Yémen comme « une des plus grandes crises humanitaires au monde ». Il informe :
« En 2023, 21,6 millions de personnes auront besoin d'une forme d'aide humanitaire, alors que 80 % de la population du pays peine à accéder à la nourriture, à l'eau potable et à des services de santé adéquats. De multiples situations d'urgence ont frappé le pays : un conflit violent, un blocus économique, l'effondrement de la monnaie, des catastrophes naturelles et la pandémie de COVID-19. » L'UNPF note également l'impact plus important de tous ces problèmes sur les femmes.
Par ailleurs, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés indique que « près de six millions de Yéménites ont été déplacés depuis le début de la crise, dont 4,3 millions de personnes déplacées à l'intérieur du Yémen ».
Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a estimé en 2021 que le nombre de décès dus à la guerre atteindrait 377 000 à la fin de l'année. Près de 60 % de ces décès sont dus à des effets indirects tels que le manque d'eau potable, la faim et les maladies, tandis que les 150 000 décès restants sont directement causés par les combats.
Les conditions à l'origine de ces centaines de milliers de morts sont désastreuses. La guerre au Yémen tue chaque jour 80 nouveau-nés. Environ 39 % des bébés sont prématurés, ce qui représente une augmentation significative par rapport à la période précédant le début de la guerre. L'utilisation d'armes interdites a été citée comme l'une des raisons de cette tendance.
Les centres médicaux du Yémen ont besoin de quelque 2 000 incubateurs. Le blocus imposé au Yémen par l'Arabie saoudite a aggravé la pénurie de matériel médical nécessaire au peuple yéménite. Les cas de paludisme ont doublé, passant de 513 000 en 2015 à 1 100 000 en 2019. Au cours de cette période, le paludisme et la dengue ont coûté la vie à plus de 260 000 Yéménites.
En septembre 2022, la chaîne de télévision yéménite al-Masirah a rapporté que le ministère de la Santé publique et de la Population avait confirmé que le blocus imposé par l'Arabie saoudite avait fait augmenter les cas de malnutrition aiguë à plus de 632 000 enfants de moins de cinq ans et à 1,5 million de femmes enceintes et allaitantes. « Le siège et les bombardements intenses avec des armes interdites ont provoqué un taux élevé d'anomalies congénitales et de fausses couches, avec une moyenne de 350 000 fausses couches et 12 000 malformations », a indiqué le ministère. Selon lui, le siège a entraîné une augmentation de 8 % des naissances prématurées par rapport à la situation qui prévalait avant la guerre.
Le blocus a également augmenté de 50 % le nombre de patients atteints de cancer. Le nombre de cas enregistrés au cours de l'année 2021 s'élève à 46 204.
La plupart des personnes tuées par les effets indirects de la guerre sont de « jeunes enfants particulièrement vulnérables à la sous-alimentation et à la malnutrition ».
Le ministère a également indiqué que la guerre menée par l'Arabie saoudite avait détruit 162 établissements de santé en totalité ou 375 en partie et les avait mis hors d'état de fonctionner.
Bien qu'il se pose en défenseur des droits humains et des droits des femmes, le Canada est resté silencieux sur les crimes commis contre les Yéménites. En outre, le Canada, comme d'autres, porte la responsabilité des crimes terribles commis contre le peuple yéménite dans cette guerre pour les milliards en armes qu'il a fournies à l'Arabie saoudite pour mener cette guerre. Tel est le contenu réel de ce que le gouvernement canadien veut dire lorsqu'en mars 2015, il s'est dit « solidaire du peuple yéménite en ces temps difficiles et incertains ».
Malgré la complicité du Canada, les conditions de la fin de la
guerre américano-saoudienne au Yémen sont en train de se mettre
en place à l'heure actuelle. Des progrès significatifs auraient
été réalisés lors de pourparlers directs entre l'Arabie saoudite
et les Houthis en janvier. Parallèlement, l'Iran et l'Arabie
saoudite sont parvenus à un accord à Pékin le 10 mars pour
rétablir des liens diplomatiques, au cours de pourparlers
facilités par la Chine. Les rebelles houthis recevraient le
soutien de l'Iran, et cet accord contribuerait donc également
aux négociations visant à mettre fin à la guerre.
Cet article est paru dans
Volume 53 Numéro 2 - Mars 2023
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