Le Canada demande à interdire la liberté d'expression
Une indication que l'État canadien a du mal à imposer son récit
désinformateur au corps politique concernant la guerre par
procuration en Ukraine est qu'il a recours aux pouvoirs de
police pour criminaliser la discussion et la diffusion
d'informations qui ne soutiennent pas la propagande de guerre
des États-Unis et de l'OTAN, pour empêcher les gens de
s'informer, de discuter et de décider eux-mêmes de ce qui sert
leurs intérêts et la paix internationale.
Le Canada fait notamment la promotion de la « Coalition pour la liberté en ligne », qui tente de fournir une base idéologique pour justifier la limitation de la liberté d'expression et d'information. Le 2 mars 2022, Maéva Proteau, directrice du bureau des communications du ministère des Affaires étrangères, a publié une déclaration au nom du Canada en tant que présidente de la Coalition. La déclaration est signée par elle et publiée par Affaires mondiales Canada. Mme Proteau dit que la Coalition comprend « 34 gouvernements unis par la conviction que les mêmes droits de la personne dont les gens bénéficient hors ligne doivent aussi être protégés en ligne ».
Elle prétend que « l'attaque injustifiée et non provoquée de la Fédération de Russie contre l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'État démocratique de l'Ukraine a été précédée d'un déluge constant d'affirmations inventées et d'allégations non fondées diffusées en ligne par la Fédération de Russie ».
« Nous avons depuis assisté à un assaut continu de désinformation orchestré par la Fédération de Russie », affirme-t-elle dans la déclaration.
Aucun élément de preuve n'est avancé pour définir les mots « non provoqué », « injustifiable » ou « attaque ». Ces mots sont tout simplement répétés dans le cadre du narratif États-Unis/OTAN dont le Canada est un défenseur inconditionnel. Notamment, aucun élément n'est avancé non plus pour prouver que la Fédération de la Russie est responsable d'« affirmations inventées et d'allégations non fondées diffusées en ligne ».
Le fait que dans la déclaration les peuples du monde sont qualifiés de « consommateurs » de nouvelles en ligne est une expression de mépris envers le droit des peuples d'être informés sur les questions qui les concernent. Plus encore, la déclaration contient des affirmations à l'emporte-pièce, faisant dire à plusieurs qu'elles reflètent plutôt la propagande des États-Unis/OTAN :
« À un moment sans précédent de l'histoire, où les gens du monde entier se tournent vers Internet pour tisser des liens, apprendre et suivre les nouvelles, la campagne de désinformation coordonnée par la Fédération de Russie a créé des récits faux et trompeurs destinés à corrompre l'environnement de l'information. Cette campagne vise à semer la confusion, à susciter la division et à éroder la confiance dans la démocratie. Au final, elle met des vies en danger. »
Elle élabore ensuite les raisons qui nécessiteraient l'interdiction et la criminalisation de la liberté de parole : « Les campagnes de désinformation parrainées par des États sapent la paix, la prospérité et la liberté individuelle, menaçant de déstabiliser le tissu de notre système international fondé sur des règles.
« Une démocratie forte repose sur l'accès à des sources d'information diverses et fiables, afin que les membres de la société puissent se forger une opinion, demander des comptes aux gouvernements et aux particuliers, et participer au débat public. »
L'assertion de ce sur quoi repose une démocratie forte est déloyale car elle laisse entendre que la coalition défend ces pratiques et ces objectifs, ce qui n'est pas le cas. Elle n'encourage pas la discussion ou la propagation d'information qui permet aux membres de la société de « se forger une opinion, demander des comptes aux gouvernements et aux particuliers, et participer au débat public ».
« La Coalition pour la liberté en ligne défend la protection et la promotion des droits de la personne et des libertés fondamentales, en ligne et hors ligne », poursuit la directrice, ajoutant : « Nous sommes aux côtés du peuple ukrainien pour réaffirmer qu'il doit pouvoir participer de manière significative à la société en ligne et hors ligne, à l'abri de pratiques oppressives telles que la désinformation parrainée par l'État. »
Elle entre ensuite dans le vif du sujet : « Nous appelons à la cessation de la mise en oeuvre et du parrainage de campagnes de désinformation, et nous exhortons tous les intervenants à prendre des mesures concrètes pour traiter cette question dans le respect des droits de la personne, de la démocratie et de l'état de droit. »
Et voilà le hic. Qui définit ce que cela veut dire « respecter les droits de la personne, la démocratie et l'état de droit » ?
Nulle part y a-t-il une réflexion en ce sens. On détermine qui sera interdit uniquement en rapport avec ce dont est accusée la Fédération de la Russie sans jamais soulever les agissements des agences de renseignement des États-Unis/OTAN. Elle dit :
« Nous appelons à la cessation de la mise en oeuvre et du parrainage de campagnes de désinformation, et nous exhortons tous les intervenants à prendre des mesures concrètes pour traiter cette question dans le respect des droits de la personne, de la démocratie et de l'état de droit. »
Au nom de la liberté qu'elle embrasse, la directrice fait ensuite les éloges de l'utilisation des médias sociaux sous le contrôle de certains pour interdire les médias sociaux que ceux-ci prétendent propagent de la désinformation. Elle dit :
« Plus que jamais, les plateformes de médias sociaux sont de puissants outils d'information. Elles jouent un rôle clé dans la santé des démocraties et la stabilité mondiale. Les plateformes de médias sociaux jouent un rôle important dans la lutte contre la désinformation; ces derniers jours, nous avons vu des entreprises de ce secteur prendre des décisions sans précédent et influentes pour freiner les tentatives de la Fédération de Russie de désinformer les publics nationaux et internationaux. »
Faisant fi totalement de la question clé à savoir ce qui constitue la liberté d'expression, elle déclare :
« Tout en respectant la liberté d'expression, le Canada demande aux plateformes de travailler avec la Coalition pour la liberté en ligne et de continuer à prendre toutes les mesures possibles pour contrer la désinformation parrainée par l'État, notamment celle propagée par les chaînes Russia Today et Sputnik en ligne. Nous offrons notre collaboration continue pour que cela se fasse dans le respect des droits de la personne et des Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l'homme des Nations unies. »
Elle ajoute : « Ensemble, envoyons un message clair – l'ordre mondial pour lequel nous nous sommes battus avec acharnement est attaqué – la désinformation ne peut être autorisée, que ce soit par les médias d'État, les médias privés ou les plateformes. »
La déclaration est approuvée par 19 pays, en plus du Canada
présumément, soit : l'Allemagne, l'Australie, l'Autriche,
le Danemark, l'Estonie, la Finlande, l'Irlande, l'Italie, la
Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, la Nouvelle-Zélande, la
Norvège, la Pologne, la Suède, la République Tchèque, le
Royaume-Uni et les États-Unis.
Rien n'explique pourquoi, si la coalition était composée de 34
pays à l'époque (en 2023, elle comptait 36 membres), les autres
pays ne figurent pas sur la liste des signataires. En
particulier, les 20 pays qui soutiennent la coalition sont soit
membres de l'OTAN, de l'Union européenne ou du réseau
d'espionnage mondial appelé Groupe des cinq dirigé par les
États-Unis. La plupart des autres pays membres de la coalition
se trouvent en Asie, en Afrique et en Amérique latine.
Cet article est paru dans
Volume 53 Numéro 1 - Février 2023
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