Conférence de Munich sur la sécurité du 17 au 19 février

Réunion de fauteurs de guerre, fauteurs de conflits et faiseurs d'illusions

- Hilary LeBlanc -


Manifestation contre la guerre devant la Conférence de Munich sur la sécurité 2023

Quelque 30 000 personnes se sont rassemblées à l'extérieur de la 59e Conférence de Munich sur la sécurité (CMS), tenue à Munich du 17 au 19 février, pour exprimer une opposition militante à la guerre par procuration des États-Unis/OTAN en Ukraine. Les manifestants ont exigé une paix négociée, le démantèlement de l'OTAN et la levée des sanctions contre la Russie. Ils ont également dénoncé l'augmentation des dépenses en armement alors que les programmes sociaux sont laissés à l'abandon et sous-financés.

Tout comme les peuples du monde sont très préoccupés par les dangers que pose la guerre par procuration des États-Unis/OTAN, qui pourrait dégénérer en une guerre de plus grande ampleur, ou par l'utilisation d'armes chimiques, biologiques et même nucléaires, les Allemands sont très préoccupés par les changements apportés récemment à leur Constitution qui permettent à nouveau à l'armée allemande de fouler le sol d'autres nations européennes. La réalisation de la paix n'était cependant pas un souci des participants à la Conférence de Munich. En tant que pays hôte, l'Allemagne a pris part à des discussions sur des thèmes tels que « La responsabilité internationale de l'Allemagne revisitée » et « L'Allemagne dans le monde ». Son souci est d'affirmer une fois de plus la domination de l'Allemagne au sein de l'Europe et, de ce promontoire, contester la domination des États-Unis en Europe. En plus d'aller à l'encontre du verdict des peuples du monde contre le fléau de la guerre à l'issue des première et deuxième guerres mondiales, ces discussions ont montré qu'il n'y a pas d'unité au sein de l'OTAN. La France aussi a ses ambitions et cherche un règlement négocié parce que les sanctions contre la Russie paralysent son économie, tandis que la Grande-Bretagne et le Canada sont alignés sur les États-Unis.

« Expansion de l'OTAN vers l'Est : promesse rompue »

Une quarantaine de chefs d'État et de gouvernement ont assisté à la CMS, dont les présidents français Emmanuel Macron, le président polonais Andrzej Duda et le chancelier allemand Olaf Scholz. Étaient également présents 90 ministres de différents pays. L'Ukraine était représentée par son ministre des Affaires étrangères Dmytro Kuleba. Il y avait aussi le secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, et la vice-présidente des États-Unis, Kamala Harris. L'ancien ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, actuel président de la Commission de la politique étrangère du Parti communiste de la République populaire de Chine, était également présent. Les gouvernements de la Russie et de l'Iran n'ont pas été invités. (Rappelons que c'est à ce forum en 2007 que le président russe Vladimir Poutine avait dénoncé l'expansion de l'OTAN vers l'est et « l'hyper usage quasi incontrôlé de la force dans les relations internationales » par le gouvernement américain.) Les hôtes ont plutôt invité des représentants de l'opposition dans ces deux pays, comme l'oligarque russe Mikhaïl Khodorkovsky. L'événement était présidé par Christoph Heusgen, ancien conseiller en politique étrangère de la chancelière Angela Merkel (2005-2017).

Ce qui a notamment caractérisé la CMS de cette année est l'ampleur de la désinformation officielle pour priver les peuples d'une conception du monde sur la base de laquelle mettre fin au conflit en Ukraine et progresser dans l'établissement de relations entre les pays, grands et petits, de manière à faire avancer la cause de la paix, de la liberté et de la démocratie. Des représentants de divers pays de ce qu'on appelle le « Sud global » ont été invités pour les persuader de se joindre à la coalition États-Unis/OTAN contre la Russie et la Chine. La CMS prétend « respecter le ressentiment légitime de nombreux pays du 'Sud' envers l'ordre existant ».

Le niveau d'irrationalité est visible dans la déclaration officielle qui dit que le monde est divisé entre les démocraties libérales anglo-américaines et les autocraties et que tout doit être fait pour persuader la majorité des pays du monde de se ranger du côté des démocraties libérales et non des autocraties. À cet égard, on oppose les pays dits de démocratie libérale qui défendent les droits humains à ceux qui, dit-on, font passer la souveraineté nationale avant les droits humains. Si l'on se fie aux balivernes racontées par la vice-présidente des États-Unis Kamala Harris et d'autres, comme la ministre des Affaires étrangères du Canada Mélanie Joly et le secrétaire d'État américain Antony Blinken, les institutions établies par les États-Unis après la Deuxième Guerre mondiale ne sont pas en crise et seraient même victorieuses, malgré toutes les preuves du contraire. Ces institutions et le soi-disant ordre international fondé sur des règles que les impérialistes anglo-américains ont imposé au monde sont fondés sur l'idéologie anticommuniste de la guerre froide et ont pour seul but de saper le droit international tel qu'il est consacré par les Nations unies, sa Charte et ses conventions, tout cela afin d'établir l'hégémonie des États-Unis dans le monde entier.

L'origine de la conscience et du changement social pour les êtres humains et les peuples est la vie elle-même. Ce sont les sociétés et la nature qui appellent à rompre avec l'indifférence, qui éveillent les peuples pour qu'ils s'affranchissent des discours qui n'apportent pas de solutions qui leur soient favorables. Les dirigeants des États-Unis, du Canada, de la Grande-Bretagne, des vieilles puissances européennes et des forces réactionnaires posent les questions d'une manière détachée de la vie parce qu'ils espèrent un retour à l'Europe et à l'Asie prérévolutionnaires, à l'Asie, à l'Afrique, à l'Amérique latine et aux Caraïbes d'avant l'indépendance. Ils sont eux-mêmes devenus prisonniers de constructions mentales et de catégories qui n'ont aucun rapport avec la direction que prennent les sociétés et l'humanité elle-même. Quand ils divisent ainsi le monde entre démocraties libérales et autocraties, quand ils personnalisent la politique pour démoniser les uns et exalter les autres et proclament que tous les pays doivent se ranger du côté des seconds contre les premiers, ils nient que les institutions démocratiques libérales sont en crise et que l'ordre international qu'elles ont imposé depuis la Deuxième Guerre mondiale est aujourd'hui rejeté.

Aujourd'hui, les problèmes mêmes de la société et de la nature et la crise des relations internationales révèlent qu'il n'y a pas de place pour les relations que les États-Unis et les pays de l'OTAN imposent à leurs peuples et au reste du monde. En se limitant à leur interprétation irrationnelle de leurs actions et de celles des autres, ils finissent non seulement par vouloir détruire tout ce qu'ils ne peuvent pas contrôler, mais par s'attaquer à eux-mêmes.

La guerre en Ukraine a été déclenchée par les États-Unis et leur alliance militaire agressive, l'OTAN, avec la participation du Canada, et elle a inspiré ceux qui rêvent de restaurer les anciennes forces tsaristes en Ukraine et en Russie et les relations de propriété qui existaient avant la révolution russe de 1917. Ces forces avaient rejoint les nazis pendant la Deuxième Guerre mondiale au nom de la liberté. Aujourd'hui, elles partagent l'objectif des États-Unis d'écraser la Russie. Ce n'est pas un objectif que les Canadiens ou les peuples du monde peuvent faire leur, et encore moins les peuples de Russie ou les gens d'origine russe.

Les États-Unis ont subi des échecs répétés dans leurs tentatives d'unir leur bureaucratie et d'éviter la guerre civile en menant une guerre d'agression après l'autre au cours des 30 dernières années, depuis la fin de la guerre froide. L'effondrement de l'Union soviétique et des démocraties populaires en Europe de l'Est n'a pas donné les résultats que les États-Unis souhaitaient, à savoir que tous les pays les accepteraient en tant que nation indispensable pouvant dominer le monde en toute impunité. L'approche adoptée à la CMS, fondée sur la vengeance, les représailles et l'escalade contre la Russie, est complètement en crise. Elle rappelle que la folie, c'est faire la même chose encore et encore et s'attendre à des résultats différents chaque fois.

La CMS n'apportera pas la sécurité parce qu'elle ne répond aux préoccupations de sécurité d'aucun pays, et surtout pas de l'Ukraine ou de la Russie. Elle a rejeté d'entrée de jeu l'option d'un règlement négocié, bien que plusieurs pays membres fassent pression dans ce sens d'une manière ou d'une autre.

Plusieurs pays ont utilisé la conférence pour justifier une augmentation des dépenses militaires. Tout cela se fait au nom des idéaux les plus élevés : la paix, les droits humains et la démocratie, et, pour justifier les sanctions contre la Russie, on parle d'« écologisation de l'économie ».

En tant que porte-parole de l'OTAN, la CMS se prépare également à provoquer des conflits avec la Chine. Par exemple, la table ronde sur le thème : « Un autre changement d'époque : maintenir l'équilibre des puissances en Indopacifique » a réuni la ministre canadienne des Affaires étrangères Mélanie Joly, le ministre sud-coréen des Affaires étrangères Park Jin, le ministre japonais des Affaires étrangères Hayashi Yoshimasa et le ministre britannique des Affaires étrangères James Cleverly. Le Canada a annoncé sa « stratégie indopacifique » en novembre 2022, avec une approche ouvertement hostile à la Chine. Pendant ce temps, les États-Unis multiplient les provocations ouvertes à Taïwan et dans ses environs et tentent d'inciter la Corée du sud et le Japon à établir avec eux un bloc de type OTAN en Asie de l'Est.

Rien de tout cela ne correspond à la réalité : les démocraties libérales sont en crise, ne fonctionnent plus et ne peuvent résoudre aucun des problèmes auxquels leur société et le monde sont confrontés aujourd'hui. Les tentatives des pays de l'OTAN et d'autres pays de soutenir le régime réactionnaire en Ukraine en déversant des milliards de dollars d'armes et en bloquant les négociations pour résoudre le conflit que les États-Unis et l'OTAN ont déclenché avec la Russie en sont une preuve de plus.

Des appels à accroître les livraisons d'armes à l'Ukraine

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a pris la parole par téléconférence lors de la journée d'ouverture de la conférence. Il a dépeint la situation comme si l'Ukraine était David face à Goliath. « David, c'est maintenant nous tous, c'est le monde libre tout entier, a-t-il dit. David, c'est tous ceux qui ont senti qu'il n'y avait pas d'autre voie que de vaincre Goliath, qui est venu pour nous détruire. [...] Nous n'avons pas encore la fronde de David d'Israël. Mais je crois que ce n'est que temporaire. » Il parle comme si l'Ukraine n'était pas sous l'emprise de néonazis qui font loi et l'ordre et que le conflit n'était pas entre d'une part États-Unis et l'OTAN et de l'autre la Russie, les premiers utilisant l'Ukraine comme une arme contre l'autre. Il a demandé que davantage d'armes soient envoyées en Ukraine immédiatement : « Nous avons besoin de vitesse. Vitesse pour conclure nos accords, vitesse des livraisons pour renforcer notre combat, vitesse des décisions pour limiter le potentiel russe. Il n'y a pas d'alternative à la vitesse. »

Les délires de Zelensky sont de plus en plus perçus comme des cris de détresse. « Il n'y a pas d'alternative à la victoire ukrainienne. Il n'y a pas d'alternative à l'adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne. Il n'y a pas d'alternative à l'adhésion de l'Ukraine à l'OTAN. Il n'y a pas d'alternative à notre unité », a-t-il répété aux conférenciers. L'objectif plus large devrait être de « libérer l'Europe » et de « libérer du potentiel agressif de la Russie chaque institution internationale et chaque sphère de l'économie mondiale », a-t-il ajouté.

Pour faire bonne mesure, il en a également profité pour créer l'alarme au sujet de l'Iran en disant que ce pays représente une menace nucléaire pour la région.

Le chancelier allemand Olaf Scholz a pour sa part déclaré que les pays capables d'envoyer des chars de combat en Ukraine devraient « le faire maintenant ». C'est « une responsabilité qu'un pays de la taille, de la situation géographique et de la puissance économique de l'Allemagne doit assumer dans des moments comme celui-ci », a-t-il ajouté.

M. Scholz a déclaré que l'Allemagne adhérerait « en permanence » à l'objectif de l'OTAN de consacrer 2 % de son PIB à la défense, objectif qu'elle n'a pas encore atteint, malgré l'établissement d'un fonds spécial de 100 milliards d'euros pour les investissements militaires. L'Allemagne doit stimuler son industrie de la défense et passer à « une production permanente des armes les plus importantes que nous utilisons », a ajouté le représentant allemand.

Olaf Scholz a déclaré que les alliés de l'Ukraine disposant de chars Leopard 2 modernes de fabrication allemande devraient se joindre à l'Allemagne et les livrer à l'Ukraine, admettant que son gouvernement profitait de la Conférence de Munich pour « mener une campagne intensive en ce sens ».

Le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, s'adressant aux journalistes à Munich plus tôt dans la journée, a déclaré : « Il doit être clair pour tout le monde : il ne sera pas possible de remplir les tâches qui nous attendent avec à peine 2 %. »

Le chancelier Olaf Scholz a également déclaré que l'Allemagne « fera tout ce qui est en son pouvoir pour faciliter cette décision pour nos partenaires », proposant de fournir un soutien logistique et une formation aux soldats ukrainiens pour les chars. « Je considère cela comme un exemple du type de leadership que chacun est en droit d'attendre de l'Allemagne – et je le propose expressément à nos amis et partenaires. » Plusieurs informations parues récemment indiquent toutefois que certains alliés, comme la Finlande, traînent les pieds pour ce qui est des dons de chars, tandis que d'autres, comme le Portugal, n'en envoient pas autant que l'Allemagne l'espérait.

Le président français Emmanuel Macron a également soutenu l'appel à envoyer plus d'armes à l'Ukraine. « Nous devons collectivement être crédibles », a-t-il déclaré. Selon lui, « c'est le seul moyen de faire retourner [la Russie] à la table des discussions de manière acceptable et de construire une paix durable, c'est-à-dire au moment et dans des conditions qui seront choisies par les Ukrainiens. »

La vice-présidente des États-Unis Kamala Harris a déclaré le même jour, dans une entrevue accordée à MSCNBC, que les États-Unis « font tout en leur pouvoir pour renforcer la position de l'Ukraine sur le champ de bataille. De sorte que si et quand il y a des négociations, l'Ukraine sera dans la position la plus forte dans une négociation. »

Résumé du Rapport de Munich sur la sécurité 2023

Le résumé du rapport sur la sécurité de Munich 2023 met l'accent sur :

1. La crise ukrainienne : « Un ordre international libéral repensé, fondé sur des règles, est nécessaire pour renforcer la résilience démocratique à une époque de concurrence systémique féroce avec les régimes autocratiques. Mais pour rendre cette vision plus attrayante auprès de la communauté internationale au sens large et l'aider à remporter l'épreuve de force pour le futur ordre international, les démocraties doivent également tenir compte des critiques et des préoccupations légitimes de la communauté internationale au sens large. »

2. Les droits de l'homme : « Les droits de l'homme (chapitre 2) ont constitué un point majeur dans la compétition systémique croissante. La Chine, soutenue par la Russie, est à l'avant-garde d'un mouvement de repli autoritaire plus large contre les droits de l'homme internationaux et les mécanismes mis en place pour les protéger. La vision que poursuit Pékin, s'inquiètent les observateurs occidentaux, n'est rien de moins que de créer un monde sûr pour l'autocratie. La Chine cherche notamment à faire en sorte que les droits collectifs, tels que définis et défendus par l'État, priment sur les libertés civiles et politiques individuelles. Mais le désaccord sur les droits de l'homme est également évident au sein des États démocratiques du monde et entre eux. Certainement influencées par l'expérience du colonialisme et de l'impérialisme occidentaux, de nombreuses démocraties non occidentales se montrent plus soucieuses de souveraineté et de non-ingérence que leurs homologues occidentales, et sont donc réticentes à soutenir une action vigoureuse au nom des droits de l'homme. »

3. « Les infrastructures mondiales (chapitre 3) sont de même devenues un terrain important de la compétition géopolitique. Les camps démocratique et autocratique rivalisent ouvertement pour imprégner les infrastructures physiques et numériques de leurs visions de la gouvernance. »

4. « La coopération au développement (chapitre 4) n'a pas non plus été épargnée par la concurrence systémique. La santé et la sécurité alimentaire ainsi que le financement pour le climat sont devenus des domaines politiques clés où se jouent les récits concurrents d'un ordre de développement souhaitable. »

5. Énergie : « Le nouvel ordre énergétique (chapitre 5) reflète de plus en plus des considérations géopolitiques plutôt que la logique du marché. Le révisionnisme autocratique de la Russie et sa militarisation des exportations de combustibles fossiles ont fait de la dépendance énergétique vis-à-vis des grandes puissances autocratiques une préoccupation majeure pour les démocraties libérales occidentales. Elles doivent maintenant veiller à ce que leurs efforts pour se sevrer du pétrole et du gaz russes n'augmentent pas simultanément leur dépendance à l'égard d'autres autocraties, notamment la Chine (pour les matières premières essentielles) et le Qatar (pour le gaz). »

6. Menace nucléaire : « Les autocraties révisionnistes présentent divers défis pour l'ordre nucléaire et la stabilité stratégique (chapitre 6). Plus important encore, les menaces russes d'utiliser des armes nucléaires dans la guerre contre l'Ukraine ont suscité des inquiétudes dans le monde entier. La Chine a considérablement investi dans des capacités nucléaires supplémentaires sans accroître la transparence. Enfin, la Corée du Nord et l'Iran posent leurs propres défis à l'ordre nucléaire. Compte tenu de la détérioration de l'environnement de sécurité, les puissances nucléaires démocratiques ont réaffirmé leur engagement en faveur de la dissuasion nucléaire, tandis que les perspectives d'initiatives de maîtrise des armements se sont assombries. »


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Volume 53 Numéro 1 - Février 2023

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